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DesolationRow
Empereur

Nicole Belloubet, notre nouvelle (nouvelle) ministre - Page 14 Empty Re: Nicole Belloubet, notre nouvelle (nouvelle) ministre

par DesolationRow Mar 20 Fév - 8:24
Verdurette a écrit:
Elyas a écrit:Ce que j'explique devrait être fait dès le CP (ce qui est d'ailleurs préconisé par tous les rapports de l'OCDE, le truc des recommandations de PIRLS, TIMSS, PISA et cie que personne en France ne lit jamais). Si on faisait ça, tu n'aurais presque plus le problème que tu décris en 6e mais tu aurais à travailler sur des compétences bien plus avancées que les élèves en difficulté ne maîtriseraient alors pas (compétences que tu ne vois même pas chez les élèves moyens actuels).

Cela passe aussi par des programmes plus costauds dès le CP. Notre système n'a pas besoin de rafistolage, c'est un tout holistique qui est nécessaire.

Dans le tout holistique il faudrait prévoir un volet éducatif qui ne se décrète malheureusement pas... Avec maintenant trente ans de recul, et pour avoir travaillé la quasi totalité de ma vie enseignante dans des écoles dites "orphelines" c'est à dire avec des difficultés analogues à celles des REP mais sans les aides qui vont avec, je peux dire que les élèves de familles CSP + que j'ai depuis trois ans ont de moins bons résultats que ceux des élèves CSP-- que j'avais il y a vingt ans. Le rapport au travail, à l'effort, à la contrainte, à la frustration a changé du tout au tout. Or c'est cela qui fait la force de la méthode de Singapour dont on nous rebat les oreilles... Singapour est encore dans l'élan qui suit souvent une prise de conscience sur le niveau d'enseignement.  La France a été dans cet élan après les grandes lois Ferry, ce n'est plus le cas, et il est probable que cela ralentira aussi à Singapour.

Quant à se comparer à la France d'il y a 40 ou 50 ans, ça n'a pas de sens. Beaucoup de postes accessibles avec un faible niveau scolaire ont disparu, on a fait miroiter des diplômes en chocolat qui ont été sources de graves déconvenues (je trouve ça plus malhonnête de dire à un élève en difficulté qu'il va réussir grâce à une L3 en sociologie qui le promet au chômage éternel, que de lui conseiller de choisir une voie qui lui convient dans le pro). et il ne suffit pas de claquer des doigts pour envoyer des élèves dans des écoles professionnalisantes si bonnes soient-elles (honnêtement, je ne connais pas le niveau réel des écoles qu'on ouvre chez EDF nucléaire ou autres) après leur avoir seriné pendant des années que c'était déchoir que d'avoir un travail manuel.  Pourtant un soudeur spécialisé en nucléaire c'est une sacrée compétence (quel que soit l'avis sur le nucléaire, c'est un autre débat).

Et je suis d'accord avec tout cela.
Elyas
Elyas
Esprit sacré

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par Elyas Mar 20 Fév - 8:25
Prezbo a écrit:
fanette a écrit:
Elyas a écrit: les groupes de besoins à objectifs spécifiques en petits groupes sur une durée objectivée courte à moyenne pour les élèves en difficulté (en gros 5-6 élèves sur un délai de 6 à 9 semaines sur une compétence spécifique).

J'ai un problème avec cette notion de groupes de besoins ponctuels, qui seraient plus efficaces que des groupes de niveaux à peu près fixes sur l'année:
Si je prends mes sixièmes en difficultés, ce sont la plupart du temps les mêmes qui ont du mal à lire, sont malhabiles en graphie, doivent compter sur leurs doigts pour calculer 7 + 13, ne comprennent pas les énoncés, ne connaissent pas leurs tables, ne savent pas tracer un segment de 2,3 cm précisément (pas 2 cm, pas 2,5 cm), confondent parallèle et perpendiculaire, ne savent pas se servir d'un compas, ont du mal à fixer leur attention, manquent d'autonomie, etc. Je ne vois pas comment ils ne se retrouveraient pas à chaque fois comme élèves à besoins, quelle que soit la compétence visée...
Les élèves qui n'ont pas pu acquérir les bases du primaire cumulent souvent toutes les difficultés (c'est probablement moins vrai pour le passage au lycée). Ce serait bien hypocrite de laisser croire qu'ils n'ont à travailler que telle ou telle compétence pendant deux mois. Alors quoi ? On les écarte de temps en temps des groupes de besoins pour ne pas les stigmatiser ? Je ne vois pas bien comment faire.


Je partage ta perplexité sur l'efficacité supposée sur ces groupes de besoin spécifique pour une durée brève. Je suis en lycée, donc à un moment oû il est sans doute dans la grande majorité des cas trop tard pour combler les lacunes, mais les élèves en difficulté en seconde n'ont pas de besoin spécifique : ils sont en difficulté sur tout ce qui est mathématiques, en commenceant par les quatre opérations, et souvent sur tout ce qui est extra-mathématiques, graphie incluse. Plus globalement, je ne partage pas cette idée que l'enseignement se réduise à un empilement de besoins spécifiques, ni celle qu'un travail intensif sur un point donnée pendant quelques semaines se traduisent par des progrès sur le long terme. A la limite, seuls les meilleurs bénéficieraient de cette dernière approche dans une logique de préparation pointue.

Avant la réforme Chatel, nous avions en seconde de l'accompagnement individualisé en petit effectifs en maths et en français pour des élèves désignés. Sans doute l'utilisais-je mal, mais je lui trouvais peu d'efficacité, à part pour faire gagner un peu en confiance à des élèves sérieux mais un peu lents ou angoissés.

Je vais sans doute me répéter mais faire ça au lycée, c'est trop tard. Cela doit être fait massivement en primaire et au collège (jusqu'en 6e-5e). Après, c'est trop tard pour les compétences de base. Au lycée, on peut faire un micro-groupe de besoins sur la conceptualisation, la schématisation, la maîtrise des équations différentielles. Là, ça peut fonctionner mais pas sur apprendre à lire un texte ou sur des difficultés fondamentales sur les bases mathématiques.
Zybulka
Zybulka
Habitué du forum

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par Zybulka Mar 20 Fév - 8:26
Pour le coup, si c'est correctement organisé, c'est [edit parce qu'il y a eu un paquet de posts entretemps : je parlais des petits groupes de travail sur une compétence sur quelques semaines] quelque chose que je trouve tout à fait efficace (bon pas miraculeux non plus hein, on part de tellement loin que ça va être difficile à rattraper) : prendre SES propres élèves en remédiation en petit groupe, en dehors du temps de cours, permet de leur faire retravailler certains points soit censés être acquis, soit travaillés en classe mais d'accès trop complexe pour des élèves fragiles. Je trouve ça (en tout cas dans ma pratique) très utile : les élèves sont moins largué·es mais surtout retrouvent de la confiance et de l'appétence pour le travail scolaire, un autre lien se crée (facile à 6 !) qui permet qu'ensuite, les élèves soient plus investi·es aussi quand on est en classe entière.

D'ailleurs nous dans notre bahut c'est ce qu'on a demandé de faire (pour l'instant refusé mais je ne désespère pas que le projet de texte s'assouplisse suffisamment pour que ça finisse par passer, parce que là il y a quand même une fronde inédite) : utiliser ces quelques heures qui nous ont été allouées dans la dotation pour la mise en place des groupes pour faire 1h par semaine en groupes de besoin (sur l'horaire de la discipline), histoire de rester vaguement dans les clous de la réforme annoncée. Donc prendre à part une petite dizaine d'élèves en difficulté pour les faire retravailler tel ou tel point indispensable, et garder une vingtaine d'élèves pour travailler sur des projets plus avancés (genre écriture longue par exemple). Le tout étant de faire accepter que les 2h où on aura ces deux groupes ne soient pas alignées et sans rien en face, pour qu'on puisse garder nos propres élèves (condition pour que ça marche). Mais bon, une fois qu'on a renoncé à aligner toutes les heures de français de toutes les classes, tout parait simple !!
Prezbo
Prezbo
Grand Maître

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par Prezbo Mar 20 Fév - 8:34
Elyas a écrit:
Prezbo a écrit:
fanette a écrit:
Elyas a écrit: les groupes de besoins à objectifs spécifiques en petits groupes sur une durée objectivée courte à moyenne pour les élèves en difficulté (en gros 5-6 élèves sur un délai de 6 à 9 semaines sur une compétence spécifique).

J'ai un problème avec cette notion de groupes de besoins ponctuels, qui seraient plus efficaces que des groupes de niveaux à peu près fixes sur l'année:
Si je prends mes sixièmes en difficultés, ce sont la plupart du temps les mêmes qui ont du mal à lire, sont malhabiles en graphie, doivent compter sur leurs doigts pour calculer 7 + 13, ne comprennent pas les énoncés, ne connaissent pas leurs tables, ne savent pas tracer un segment de 2,3 cm précisément (pas 2 cm, pas 2,5 cm), confondent parallèle et perpendiculaire, ne savent pas se servir d'un compas, ont du mal à fixer leur attention, manquent d'autonomie, etc. Je ne vois pas comment ils ne se retrouveraient pas à chaque fois comme élèves à besoins, quelle que soit la compétence visée...
Les élèves qui n'ont pas pu acquérir les bases du primaire cumulent souvent toutes les difficultés (c'est probablement moins vrai pour le passage au lycée). Ce serait bien hypocrite de laisser croire qu'ils n'ont à travailler que telle ou telle compétence pendant deux mois. Alors quoi ? On les écarte de temps en temps des groupes de besoins pour ne pas les stigmatiser ? Je ne vois pas bien comment faire.


Je partage ta perplexité sur l'efficacité supposée sur ces groupes de besoin spécifique pour une durée brève. Je suis en lycée, donc à un moment oû il est sans doute dans la grande majorité des cas trop tard pour combler les lacunes, mais les élèves en difficulté en seconde n'ont pas de besoin spécifique : ils sont en difficulté sur tout ce qui est mathématiques, en commenceant par les quatre opérations, et souvent sur tout ce qui est extra-mathématiques, graphie incluse. Plus globalement, je ne partage pas cette idée que l'enseignement se réduise à un empilement de besoins spécifiques, ni celle qu'un travail intensif sur un point donnée pendant quelques semaines se traduisent par des progrès sur le long terme. A la limite, seuls les meilleurs bénéficieraient de cette dernière approche dans une logique de préparation pointue.

Avant la réforme Chatel, nous avions en seconde de l'accompagnement individualisé en petit effectifs en maths et en français pour des élèves désignés. Sans doute l'utilisais-je mal, mais je lui trouvais peu d'efficacité, à part pour faire gagner un peu en confiance à des élèves sérieux mais un peu lents ou angoissés.

Je vais sans doute me répéter mais faire ça au lycée, c'est trop tard. Cela doit être fait massivement en primaire et au collège (jusqu'en 6e-5e). Après, c'est trop tard pour les compétences de base. Au lycée, on peut faire un micro-groupe de besoins sur la conceptualisation, la schématisation, la maîtrise des équations différentielles. Là, ça peut fonctionner mais pas sur apprendre à lire un texte ou sur des difficultés fondamentales sur les bases mathématiques.


Le sous-texte de cette explication est que c'est efficace pour des élèves qui ont des difficultés au niveau (à peu près) où ils sont scolarisés, pas pour ceux qui ont des années de lacunes. Certains l'ont dit dans ce fil ou un voisin, il y a hétérogénéité et hétérogénéité. La diversité peut être productive dans un groupe, mais l'échec de la massification en France est d'envoyer massivement des élève se planter dans un enseignement général prolongé dont ils ne maîtrisent pas les attendus.
Amaury
Amaury
Niveau 5

Nicole Belloubet, notre nouvelle (nouvelle) ministre - Page 14 Empty Re: Nicole Belloubet, notre nouvelle (nouvelle) ministre

par Amaury Mar 20 Fév - 8:35
DesolationRow a écrit:
Verdurette a écrit:
Elyas a écrit:Ce que j'explique devrait être fait dès le CP (ce qui est d'ailleurs préconisé par tous les rapports de l'OCDE, le truc des recommandations de PIRLS, TIMSS, PISA et cie que personne en France ne lit jamais). Si on faisait ça, tu n'aurais presque plus le problème que tu décris en 6e mais tu aurais à travailler sur des compétences bien plus avancées que les élèves en difficulté ne maîtriseraient alors pas (compétences que tu ne vois même pas chez les élèves moyens actuels).

Cela passe aussi par des programmes plus costauds dès le CP. Notre système n'a pas besoin de rafistolage, c'est un tout holistique qui est nécessaire.

Dans le tout holistique il faudrait prévoir un volet éducatif qui ne se décrète malheureusement pas... Avec maintenant trente ans de recul, et pour avoir travaillé la quasi totalité de ma vie enseignante dans des écoles dites "orphelines" c'est à dire avec des difficultés analogues à celles des REP mais sans les aides qui vont avec, je peux dire que les élèves de familles CSP + que j'ai depuis trois ans ont de moins bons résultats que ceux des élèves CSP-- que j'avais il y a vingt ans. Le rapport au travail, à l'effort, à la contrainte, à la frustration a changé du tout au tout. Or c'est cela qui fait la force de la méthode de Singapour dont on nous rebat les oreilles... Singapour est encore dans l'élan qui suit souvent une prise de conscience sur le niveau d'enseignement.  La France a été dans cet élan après les grandes lois Ferry, ce n'est plus le cas, et il est probable que cela ralentira aussi à Singapour.

Quant à se comparer à la France d'il y a 40 ou 50 ans, ça n'a pas de sens. Beaucoup de postes accessibles avec un faible niveau scolaire ont disparu, on a fait miroiter des diplômes en chocolat qui ont été sources de graves déconvenues (je trouve ça plus malhonnête de dire à un élève en difficulté qu'il va réussir grâce à une L3 en sociologie qui le promet au chômage éternel, que de lui conseiller de choisir une voie qui lui convient dans le pro). et il ne suffit pas de claquer des doigts pour envoyer des élèves dans des écoles professionnalisantes si bonnes soient-elles (honnêtement, je ne connais pas le niveau réel des écoles qu'on ouvre chez EDF nucléaire ou autres) après leur avoir seriné pendant des années que c'était déchoir que d'avoir un travail manuel.  Pourtant un soudeur spécialisé en nucléaire c'est une sacrée compétence (quel que soit l'avis sur le nucléaire, c'est un autre débat).

Je n'y crois pas du tout à cette histoire de tout holistique Razz, le nom est rigolo mais ça n'a aucun sens.
Je n'enseigne ni dans le primaire ni dans le secondaire, mais de ce que je vois à la fac, je peux affirmer avec un haut degré de certitude que le problème qu'ont beaucoup, beaucoup d'étudiants (dont une solide proportion arrive dans le supérieur complètement inculte et avec de grosses difficultés pour écrire un français syntaxiquement cohérent) n'est pas d'ordre pédagogique - c'est qu'ils ne fichent rien, que la moindre idée de fournir un effort pour apprendre leur paraît vraiment fantaisiste. On se berce d'illusions en prétendant qu'ils ne savent pas travailler et apprendre - en général, ils ne veulent seulement pas fournir d'efforts. On peut s'amuser à créer des tas de dispositifs pédagogiques innovants, le problème est éducatif, et il remonte très, très haut dans leur cursus - je ne crois pas que les PE ou les enseignants de collège aient une grande responsabilité là-dedans : les enfants vivent dans une société qui leur répète que l'effort, c'est vraiment trop dur, et avec des parents qui n'ont pas le courage de leur dire que ben si, en fait, faut travailler.
Je ne sais pas si cela fait des étudiants en question des victimes ou des coupables - personnellement, je crois assez au libre arbitre et au mérite, donc je penche naturellement vers la seconde solution. Mais j'ai peut-être tort.

Je perçois le problème exactement de la même manière.
Prezbo
Prezbo
Grand Maître

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par Prezbo Mar 20 Fév - 8:55
epekeina.tes.ousias a écrit:
Verdurette a écrit:(je trouve ça plus malhonnête de dire à un élève en difficulté qu'il va réussir grâce à une L3 en sociologie qui le promet au chômage éternel, que de lui conseiller de choisir une voie qui lui convient dans le pro)

Je doute fort que qui que ce soit dise une chose pareille — c'est peut-être autre chose. Les élèves passent par une Terminale et par un Bac, puis par ParcourSup : et là, ils font des vœux. Qu'ils obtiennent, même s'il s'agit du Xème des 10 vœux, et s'il s'agit de “socio” — ou n'obtiennent pas : et dans ce second cas, ils doivent se rabattre sur une filière où il reste de la place, par ex. “socio”.
Le principal problème, c'est que l'on ne peut pas refuser à des bacheliers l'inscription en fac, et qu'ils sont nombreux pour qui il n'y a pas d'alternative à cette inscription. Quant à l'élève en difficulté qui se trouve en socio, il fera probablement partie des 60% de taux d'échec en L1-L3 (car c'est un fait qui subsiste : il y a de la “sélection” et elle est extrêmement brutale).


Et histoire de continuer à remettre en cause les clichés, s'il n'est pas trop regardant et dans un bassin d'emploi dynamique, il ne finira pas au "chômage éternel" : il finira peut-être par trouver un job dévalué par rapport à son niveau d'étude (avec la frustration qui va avec) mais pour lequel les employeurs préféreront employer un ancien bac G en se disant qu'il est plus adaptable, maîtrise mieux les codes du marché du travail, est plus à l'aise avec un ordinateur...Des anciens bac généraux ras des fesses/échec en premier cycle à la fac, j'en ai retrouvé équipiers dans la restauration rapide, agents de caisse, conseillers clientèle, préparateurs de commande, agents de piste à l'aéroport...Dont certains, s'ils étaient dégourdis, finissaient plus ou moins par dégoter une formation professionnelle et un emploi stable


Dernière édition par Prezbo le Mar 20 Fév - 9:16, édité 1 fois
epekeina.tes.ousias
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par epekeina.tes.ousias Mar 20 Fév - 8:57
DesolationRow a écrit:Je n'y crois pas du tout à cette histoire de tout holistique Razz, le nom est rigolo mais ça n'a aucun sens.
Je n'enseigne ni dans le primaire ni dans le secondaire, mais de ce que je vois à la fac, je peux affirmer avec un haut degré de certitude que le problème qu'ont beaucoup, beaucoup d'étudiants (dont une solide proportion arrive dans le supérieur complètement inculte et avec de grosses difficultés pour écrire un français syntaxiquement cohérent) n'est pas d'ordre pédagogique - c'est qu'ils ne fichent rien, que la moindre idée de fournir un effort pour apprendre leur paraît vraiment fantaisiste. On se berce d'illusions en prétendant qu'ils ne savent pas travailler et apprendre - en général, ils ne veulent seulement pas fournir d'efforts. On peut s'amuser à créer des tas de dispositifs pédagogiques innovants, le problème est éducatif, et il remonte très, très haut dans leur cursus - je ne crois pas que les PE ou les enseignants de collège aient une grande responsabilité là-dedans : les enfants vivent dans une société qui leur répète que l'effort, c'est vraiment trop dur, et avec des parents qui n'ont pas le courage de leur dire que ben si, en fait, faut travailler.
Je ne sais pas si cela fait des étudiants en question des victimes ou des coupables - personnellement, je crois assez au libre arbitre et au mérite, donc je penche naturellement vers la seconde solution. Mais j'ai peut-être tort.

Je perçois le problème exactement de la même manière.[/quote]

Je serais certainement bien plus prudent que vous. J'ai essentiellement les survivants de L1-L3 — dont certains ont des lacunes graves (surtout pour devenir PE). Je dis bien : “certains”, ou plutôt “certaines”, car ce n'est ni le fait majoritaire ni un grand nombre. Dans le grand nombre, cela ne se traduit que par des erreurs parfois troublantes, mais répétées et comme habituelles. Mais ces lacunes n'étaient pas aussi franches et massives, dans cette minorité, il y a 20 ans ou même il y a encore 10 ou 12 ans.

Pour ce que j'en sais, pour en avoir discuté avec elles, ce n'est pas un “manque d'effort”, une “absence de travail”. Certaines viennent de familles qui les ont élevées en leur donnant le respect du travail. C'est autre chose. Pour ne parler que d'un point particulier, comme me le disait l'une d'entre elle, à propos de l'orthographe courante : ça rentre, c'est vrai, mais ça ne reste pas.

Si l'on se souvient de l'inflation des photocopies (il y a 20 ans, je militais pour les interdire dans le primaire), il y a peut-être là une clef : on copie de moins en moins de sorte que l'orthographe est de moins en moins incorporée (au sens littérale du terme). Et il y a quelque chose comme ça aussi dans la partie du “par cœur” (on continue à apprendre par cœur, mais on mobilise de plus en plus rarement). Pour aller vite, cela fait des étudiantes qui sont “bonnes à l'oral” (voire plus) et “misérables à l'écrit” (car elles en souffrent, évidemment). À mon avis, ce sont des erreurs acquises à force d'être répétées sans jamais avoir été corrigées (et c'est la même chose, dans certains cas, en maths pour des calculs simples si on ôte la calculette : même moi, dont la nullité en maths est définitive, absolue et infinie, je suis étonné).

Autrement dit, je pense que ce n'est pas une forme de “paresse”, de refus de l'“effort”, ou je ne sais quelle déficience morale — qu'elle soit inculquée par la société ou les familles — qui est à l'origine de cela : c'est une manière générale de travailler et de se comporter qui a été incorporée comme une manière de penser, de sentir et d'agir (d'où l'impression, pas totalement fausse, que cela vient de la société) ; et comme cela s'est incorporé au fil de nombreuses années, l'individu ne peut que très difficilement s'en débarrasser (comme un accent que l'on traîne avant de le “perdre”, mais qui reste, j'en sais quelque chose). Ce n'est pas vraiment un “choix” ou quelque chose de “volontaire” chez l'individu (et s'il le revendique, c'est après coup, parce qu'il n'a pas le choix).

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Si tu vales valeo. Wink
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par DesolationRow Mar 20 Fév - 9:03
epekeina.tes.ousias a écrit:
DesolationRow a écrit:Je n'y crois pas du tout à cette histoire de tout holistique Razz, le nom est rigolo mais ça n'a aucun sens.
Je n'enseigne ni dans le primaire ni dans le secondaire, mais de ce que je vois à la fac, je peux affirmer avec un haut degré de certitude que le problème qu'ont beaucoup, beaucoup d'étudiants (dont une solide proportion arrive dans le supérieur complètement inculte et avec de grosses difficultés pour écrire un français syntaxiquement cohérent) n'est pas d'ordre pédagogique - c'est qu'ils ne fichent rien, que la moindre idée de fournir un effort pour apprendre leur paraît vraiment fantaisiste. On se berce d'illusions en prétendant qu'ils ne savent pas travailler et apprendre - en général, ils ne veulent seulement pas fournir d'efforts. On peut s'amuser à créer des tas de dispositifs pédagogiques innovants, le problème est éducatif, et il remonte très, très haut dans leur cursus - je ne crois pas que les PE ou les enseignants de collège aient une grande responsabilité là-dedans : les enfants vivent dans une société qui leur répète que l'effort, c'est vraiment trop dur, et avec des parents qui n'ont pas le courage de leur dire que ben si, en fait, faut travailler.
Je ne sais pas si cela fait des étudiants en question des victimes ou des coupables - personnellement, je crois assez au libre arbitre et au mérite, donc je penche naturellement vers la seconde solution. Mais j'ai peut-être tort.


Je serais certainement bien plus prudent que vous. J'ai essentiellement les survivants de L1-L3 — dont certains ont des lacunes graves (surtout pour devenir PE). Je dis bien : “certains”, ou plutôt “certaines”, car ce n'est ni le fait majoritaire ni un grand nombre. Dans le grand nombre, cela ne se traduit que par des erreurs parfois troublantes, mais répétées et comme habituelles. Mais ces lacunes n'étaient pas aussi franches et massives, dans cette minorité, il y a 20 ans ou même il y a encore 10 ou 12 ans.

Pour ce que j'en sais, pour en avoir discuté avec elles, ce n'est pas un “manque d'effort”, une “absence de travail”. Certaines viennent de familles qui les ont élevées en leur donnant le respect du travail. C'est autre chose. Pour ne parler que d'un point particulier, comme me le disait l'une d'entre elle, à propos de l'orthographe courante : ça rentre, c'est vrai, mais ça ne reste pas.

Si l'on se souvient de l'inflation des photocopies (il y a 20 ans, je militais pour les interdire dans le primaire), il y a peut-être là une clef : on copie de moins en moins de sorte que l'orthographe est de moins en moins incorporée (au sens littérale du terme). Et il y a quelque chose comme ça aussi dans la partie du “par cœur” (on continue à apprendre par cœur, mais on mobilise de plus en plus rarement). Pour aller vite, cela fait des étudiantes qui sont “bonnes à l'oral” (voire plus) et “misérables à l'écrit” (car elles en souffrent, évidemment). À mon avis, ce sont des erreurs acquises à force d'être répétées sans jamais avoir été corrigées (et c'est la même chose, dans certains cas, en maths pour des calculs simples si on ôte la calculette : même moi, dont la nullité en maths est définitive, absolue et infinie, je suis étonné).

Autrement dit, je pense que ce n'est pas une forme de “paresse”, de refus de l'“effort”, ou je ne sais quelle déficience morale — qu'elle soit inculquée par la société ou les familles — qui est à l'origine de cela : c'est une manière générale de travailler et de se comporter qui a été incorporée comme une manière de penser, de sentir et d'agir (d'où l'impression, pas totalement fausse, que cela vient de la société) ; et comme cela s'est incorporé au fil de nombreuses années, l'individu ne peut que très difficilement s'en débarrasser (comme un accent que l'on traîne avant de le “perdre”, mais qui reste, j'en sais quelque chose). Ce n'est pas vraiment un “choix” ou quelque chose de “volontaire” chez l'individu (et s'il le revendique, c'est après coup, parce qu'il n'a pas le choix).


Je ne suis pas absolument sidéré que tu sois plus nuancé et modéré que moi Wink
Baldred
Baldred
Sage

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par Baldred Mar 20 Fév - 9:36
Amaury a écrit:
DesolationRow a écrit:
Verdurette a écrit:
Elyas a écrit:Ce que j'explique devrait être fait dès le CP (ce qui est d'ailleurs préconisé par tous les rapports de l'OCDE, le truc des recommandations de PIRLS, TIMSS, PISA et cie que personne en France ne lit jamais). Si on faisait ça, tu n'aurais presque plus le problème que tu décris en 6e mais tu aurais à travailler sur des compétences bien plus avancées que les élèves en difficulté ne maîtriseraient alors pas (compétences que tu ne vois même pas chez les élèves moyens actuels).

Cela passe aussi par des programmes plus costauds dès le CP. Notre système n'a pas besoin de rafistolage, c'est un tout holistique qui est nécessaire.

Dans le tout holistique il faudrait prévoir un volet éducatif qui ne se décrète malheureusement pas... Avec maintenant trente ans de recul, et pour avoir travaillé la quasi totalité de ma vie enseignante dans des écoles dites "orphelines" c'est à dire avec des difficultés analogues à celles des REP mais sans les aides qui vont avec, je peux dire que les élèves de familles CSP + que j'ai depuis trois ans ont de moins bons résultats que ceux des élèves CSP-- que j'avais il y a vingt ans. Le rapport au travail, à l'effort, à la contrainte, à la frustration a changé du tout au tout. Or c'est cela qui fait la force de la méthode de Singapour dont on nous rebat les oreilles... Singapour est encore dans l'élan qui suit souvent une prise de conscience sur le niveau d'enseignement.  La France a été dans cet élan après les grandes lois Ferry, ce n'est plus le cas, et il est probable que cela ralentira aussi à Singapour.

Quant à se comparer à la France d'il y a 40 ou 50 ans, ça n'a pas de sens. Beaucoup de postes accessibles avec un faible niveau scolaire ont disparu, on a fait miroiter des diplômes en chocolat qui ont été sources de graves déconvenues (je trouve ça plus malhonnête de dire à un élève en difficulté qu'il va réussir grâce à une L3 en sociologie qui le promet au chômage éternel, que de lui conseiller de choisir une voie qui lui convient dans le pro). et il ne suffit pas de claquer des doigts pour envoyer des élèves dans des écoles professionnalisantes si bonnes soient-elles (honnêtement, je ne connais pas le niveau réel des écoles qu'on ouvre chez EDF nucléaire ou autres) après leur avoir seriné pendant des années que c'était déchoir que d'avoir un travail manuel.  Pourtant un soudeur spécialisé en nucléaire c'est une sacrée compétence (quel que soit l'avis sur le nucléaire, c'est un autre débat).

Je n'y crois pas du tout à cette histoire de tout holistique Razz, le nom est rigolo mais ça n'a aucun sens.
Je n'enseigne ni dans le primaire ni dans le secondaire, mais de ce que je vois à la fac, je peux affirmer avec un haut degré de certitude que le problème qu'ont beaucoup, beaucoup d'étudiants (dont une solide proportion arrive dans le supérieur complètement inculte et avec de grosses difficultés pour écrire un français syntaxiquement cohérent) n'est pas d'ordre pédagogique - c'est qu'ils ne fichent rien, que la moindre idée de fournir un effort pour apprendre leur paraît vraiment fantaisiste. On se berce d'illusions en prétendant qu'ils ne savent pas travailler et apprendre - en général, ils ne veulent seulement pas fournir d'efforts. On peut s'amuser à créer des tas de dispositifs pédagogiques innovants, le problème est éducatif, et il remonte très, très haut dans leur cursus - je ne crois pas que les PE ou les enseignants de collège aient une grande responsabilité là-dedans : les enfants vivent dans une société qui leur répète que l'effort, c'est vraiment trop dur, et avec des parents qui n'ont pas le courage de leur dire que ben si, en fait, faut travailler.
Je ne sais pas si cela fait des étudiants en question des victimes ou des coupables - personnellement, je crois assez au libre arbitre et au mérite, donc je penche naturellement vers la seconde solution. Mais j'ai peut-être tort.

Je perçois le problème exactement de la même manière.

Et moi pas du tout...
Je vois mal à quel moment la société dit que l'effort est "trop dur". Le message constant dit au contraire qu'il n'y en n'aura pas pour tout le monde et que dans un certain nombre de cas l'effort personnel n'aura que peu d'influence face aux déterminismes. A quoi bon se lancer dans une course qu'on pense perdre, à quoi sert l'effort sans une récompense qui ne viendra pas, ou plus ? Et pour tout ceux qui se lancent quand même combien se retrouvent dans des formations par défaut ? Oui, on peut se retrouver maintenant en fac par défaut et cette "déscolarisation interne"  observé en collège puis en lycée a normalement gagné le supérieur.
La réponse disons " de droite" pour faire plaisir à DR : " Je crois au libre arbitre et au mérite"  est bien faible pour soutenir le propos décliniste de la "perte du goût de l'effort" dans une société qui serait trop permissive alors qu'elle est devenue hyper compétitive et sélective. Je m'étonne d'un raisonnement aussi caricatural chez un prof du supérieur qui constate des effets sans remonter bien loin dans les causes.  AOC aussi croit sûrement au libre arbitre et au mérite, mais c'est mieux dans une classe non mixte de l'enseignement élitiste privé contournant Parcoursup.
La "culpabilité" finale des étudiants me paraît également bien paresseuse par rapport à la culpabilité du système éducatif qui les a conduit là.
DesolationRow
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Nicole Belloubet, notre nouvelle (nouvelle) ministre - Page 14 Empty Re: Nicole Belloubet, notre nouvelle (nouvelle) ministre

par DesolationRow Mar 20 Fév - 10:02
Baldred a écrit:
Amaury a écrit:
DesolationRow a écrit:
Verdurette a écrit:

Dans le tout holistique il faudrait prévoir un volet éducatif qui ne se décrète malheureusement pas... Avec maintenant trente ans de recul, et pour avoir travaillé la quasi totalité de ma vie enseignante dans des écoles dites "orphelines" c'est à dire avec des difficultés analogues à celles des REP mais sans les aides qui vont avec, je peux dire que les élèves de familles CSP + que j'ai depuis trois ans ont de moins bons résultats que ceux des élèves CSP-- que j'avais il y a vingt ans. Le rapport au travail, à l'effort, à la contrainte, à la frustration a changé du tout au tout. Or c'est cela qui fait la force de la méthode de Singapour dont on nous rebat les oreilles... Singapour est encore dans l'élan qui suit souvent une prise de conscience sur le niveau d'enseignement.  La France a été dans cet élan après les grandes lois Ferry, ce n'est plus le cas, et il est probable que cela ralentira aussi à Singapour.

Quant à se comparer à la France d'il y a 40 ou 50 ans, ça n'a pas de sens. Beaucoup de postes accessibles avec un faible niveau scolaire ont disparu, on a fait miroiter des diplômes en chocolat qui ont été sources de graves déconvenues (je trouve ça plus malhonnête de dire à un élève en difficulté qu'il va réussir grâce à une L3 en sociologie qui le promet au chômage éternel, que de lui conseiller de choisir une voie qui lui convient dans le pro). et il ne suffit pas de claquer des doigts pour envoyer des élèves dans des écoles professionnalisantes si bonnes soient-elles (honnêtement, je ne connais pas le niveau réel des écoles qu'on ouvre chez EDF nucléaire ou autres) après leur avoir seriné pendant des années que c'était déchoir que d'avoir un travail manuel.  Pourtant un soudeur spécialisé en nucléaire c'est une sacrée compétence (quel que soit l'avis sur le nucléaire, c'est un autre débat).

Je n'y crois pas du tout à cette histoire de tout holistique Razz, le nom est rigolo mais ça n'a aucun sens.
Je n'enseigne ni dans le primaire ni dans le secondaire, mais de ce que je vois à la fac, je peux affirmer avec un haut degré de certitude que le problème qu'ont beaucoup, beaucoup d'étudiants (dont une solide proportion arrive dans le supérieur complètement inculte et avec de grosses difficultés pour écrire un français syntaxiquement cohérent) n'est pas d'ordre pédagogique - c'est qu'ils ne fichent rien, que la moindre idée de fournir un effort pour apprendre leur paraît vraiment fantaisiste. On se berce d'illusions en prétendant qu'ils ne savent pas travailler et apprendre - en général, ils ne veulent seulement pas fournir d'efforts. On peut s'amuser à créer des tas de dispositifs pédagogiques innovants, le problème est éducatif, et il remonte très, très haut dans leur cursus - je ne crois pas que les PE ou les enseignants de collège aient une grande responsabilité là-dedans : les enfants vivent dans une société qui leur répète que l'effort, c'est vraiment trop dur, et avec des parents qui n'ont pas le courage de leur dire que ben si, en fait, faut travailler.
Je ne sais pas si cela fait des étudiants en question des victimes ou des coupables - personnellement, je crois assez au libre arbitre et au mérite, donc je penche naturellement vers la seconde solution. Mais j'ai peut-être tort.

Je perçois le problème exactement de la même manière.

Et moi pas du tout...
Je vois mal à quel moment la société dit que l'effort est "trop dur". Le message constant dit au contraire qu'il n'y en n'aura pas pour tout le monde et que dans un certain nombre de cas l'effort personnel n'aura que peu d'influence face aux déterminismes. A quoi bon se lancer dans une course qu'on pense perdre, à quoi sert l'effort sans une récompense qui ne viendra pas, ou plus ? Et pour tout ceux qui se lancent quand même combien se retrouvent dans des formations par défaut ? Oui, on peut se retrouver maintenant en fac par défaut et cette "déscolarisation interne"  observé en collège puis en lycée a normalement gagné le supérieur.
La réponse disons " de droite" pour faire plaisir à DR : " Je crois au libre arbitre et au mérite"  est bien faible pour soutenir le propos décliniste de la "perte du goût de l'effort" dans une société qui serait trop permissive alors qu'elle est devenue hyper compétitive et sélective. Je m'étonne d'un raisonnement aussi caricatural chez un prof du supérieur qui constate des effets sans remonter bien loin dans les causes.  AOC aussi croit sûrement au libre arbitre et au mérite, mais c'est mieux dans une classe non mixte de l'enseignement élitiste privé contournant Parcoursup.
La "culpabilité" finale des étudiants me paraît également bien paresseuse par rapport à la culpabilité du système éducatif qui les a conduit là.

J'aimerais assez répondre de manière sarcastique, mais de manière exceptionnelle je ne vais pas le faire, parce que je vois ce que tu veux dire (comme ce qu'ETO a écrit plus haut), et que je te donne, dans une certaine mesure, raison, et veux bien reconnaître qu'il y a un système éducatif qui dysfonctionne, des mécanismes sociaux qui enferment dans des déterminismes, etc.

Mais ce que je vois, c'est aussi des étudiants qui ont la chance d'étudier quasi-gratuitement dans des universités où un enseignement de qualité leur est dispensé, et qui n'en fichent pas une rame. Je ne parle pas de trucs complexes qui exigent des mécanismes de mémorisation dont on les a privé depuis leur prime enfance, mais de choses simples - la plus basique étant que quand on leur dit de lire un livre, ils ne le lisent pas. J'ai bien conscience d'être de droite, je sais que croire au libre arbitre et au mérite c'est un truc pour ministre éduqué à Stanislas, mais le déterminisme social a bon dos quand, à vingt ans, quand on te dit qu'il faut lire des livres pour faire des études de lettres, eh bien tu trouves ça trop dur de le faire parce que c'est moins marrant que de jouer à Candy Crush. J'ai un amphi, cette année, d'une centaine d'étudiants de L1 en LM sur une oeuvre au programme. Ils sont sympas, pas idiots, viennent en cours, répondent aux questions que je leur pose. L'expérience m'enseigne toutefois qu'à la fin du semestre, sur cent, il y en aura au mieux la moitié (je suis généreux) qui aura lu l'oeuvre au programme in extenso. Dans une société hyper compétitive et sélective, on les foutrait dehors et on leur dirait d'aller chercher du travail (bon, y en a pas, mais c'est un autre sujet). Dans la société qui est la nôtre, même si je ne leur mets pas la moyenne, ils valideront quand même leur année en compensant les UE.

Notre système est coupable, d'accord ; mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'à vingt ans, on a un libre arbitre fonctionnel qui devrait délicatement susurrer à l'oreille qu'il faut faire des efforts pour réussir.
Emmalice
Emmalice
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par Emmalice Mar 20 Fév - 10:16
A une époque lointaine, on ne pouvait pas compenser les UV à la fac. Il fallait la moyenne partout pour valider...
lilith888
lilith888
Grand sage

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par lilith888 Mar 20 Fév - 10:24
DesolationRow a écrit:
Mais ce que je vois, c'est aussi des étudiants qui ont la chance d'étudier quasi-gratuitement dans des universités où un enseignement de qualité leur est dispensé, et qui n'en fichent pas une rame. Je ne parle pas de trucs complexes qui exigent des mécanismes de mémorisation dont on les a privé depuis leur prime enfance, mais de choses simples - la plus basique étant que quand on leur dit de lire un livre, ils ne le lisent pas. J'ai bien conscience d'être de droite, je sais que croire au libre arbitre et au mérite c'est un truc pour ministre éduqué à Stanislas, mais le déterminisme social a bon dos quand, à vingt ans, quand on te dit qu'il faut lire des livres pour faire des études de lettres, eh bien tu trouves ça trop dur de le faire parce que c'est moins marrant que de jouer à Candy Crush. J'ai un amphi, cette année, d'une centaine d'étudiants de L1 en LM sur une oeuvre au programme. Ils sont sympas, pas idiots, viennent en cours, répondent aux questions que je leur pose. L'expérience m'enseigne toutefois qu'à la fin du semestre, sur cent, il y en aura au mieux la moitié (je suis généreux) qui aura lu l'oeuvre au programme in extenso. Dans une société hyper compétitive et sélective, on les foutrait dehors et on leur dirait d'aller chercher du travail (bon, y en a pas, mais c'est un autre sujet). Dans la société qui est la nôtre, même si je ne leur mets pas la moyenne, ils valideront quand même leur année en compensant les UE.

Notre système est coupable, d'accord ; mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'à vingt ans, on a un libre arbitre fonctionnel qui devrait délicatement susurrer à l'oreille qu'il faut faire des efforts pour réussir.

J'ai enseigné il y a une dizaine d'années la méthodo littéraire en L1 et je vois que les choses n'ont guère évolué depuis... Effectivement, la base, c'est déjà de lire le livre qu'on est censé étudier ensuite.
Baldred
Baldred
Sage

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par Baldred Mar 20 Fév - 10:28
DesolationRow a écrit:
Baldred a écrit:
Amaury a écrit:
DesolationRow a écrit:

Je n'y crois pas du tout à cette histoire de tout holistique Razz, le nom est rigolo mais ça n'a aucun sens.
Je n'enseigne ni dans le primaire ni dans le secondaire, mais de ce que je vois à la fac, je peux affirmer avec un haut degré de certitude que le problème qu'ont beaucoup, beaucoup d'étudiants (dont une solide proportion arrive dans le supérieur complètement inculte et avec de grosses difficultés pour écrire un français syntaxiquement cohérent) n'est pas d'ordre pédagogique - c'est qu'ils ne fichent rien, que la moindre idée de fournir un effort pour apprendre leur paraît vraiment fantaisiste. On se berce d'illusions en prétendant qu'ils ne savent pas travailler et apprendre - en général, ils ne veulent seulement pas fournir d'efforts. On peut s'amuser à créer des tas de dispositifs pédagogiques innovants, le problème est éducatif, et il remonte très, très haut dans leur cursus - je ne crois pas que les PE ou les enseignants de collège aient une grande responsabilité là-dedans : les enfants vivent dans une société qui leur répète que l'effort, c'est vraiment trop dur, et avec des parents qui n'ont pas le courage de leur dire que ben si, en fait, faut travailler.
Je ne sais pas si cela fait des étudiants en question des victimes ou des coupables - personnellement, je crois assez au libre arbitre et au mérite, donc je penche naturellement vers la seconde solution. Mais j'ai peut-être tort.

Je perçois le problème exactement de la même manière.

Et moi pas du tout...
Je vois mal à quel moment la société dit que l'effort est "trop dur". Le message constant dit au contraire qu'il n'y en n'aura pas pour tout le monde et que dans un certain nombre de cas l'effort personnel n'aura que peu d'influence face aux déterminismes. A quoi bon se lancer dans une course qu'on pense perdre, à quoi sert l'effort sans une récompense qui ne viendra pas, ou plus ? Et pour tout ceux qui se lancent quand même combien se retrouvent dans des formations par défaut ? Oui, on peut se retrouver maintenant en fac par défaut et cette "déscolarisation interne"  observé en collège puis en lycée a normalement gagné le supérieur.
La réponse disons " de droite" pour faire plaisir à DR : " Je crois au libre arbitre et au mérite"  est bien faible pour soutenir le propos décliniste de la "perte du goût de l'effort" dans une société qui serait trop permissive alors qu'elle est devenue hyper compétitive et sélective. Je m'étonne d'un raisonnement aussi caricatural chez un prof du supérieur qui constate des effets sans remonter bien loin dans les causes.  AOC aussi croit sûrement au libre arbitre et au mérite, mais c'est mieux dans une classe non mixte de l'enseignement élitiste privé contournant Parcoursup.
La "culpabilité" finale des étudiants me paraît également bien paresseuse par rapport à la culpabilité du système éducatif qui les a conduit là.

J'aimerais assez répondre de manière sarcastique, mais de manière exceptionnelle je ne vais pas le faire, parce que je vois ce que tu veux dire (comme ce qu'ETO a écrit plus haut), et que je te donne, dans une certaine mesure, raison, et veux bien reconnaître qu'il y a un système éducatif qui dysfonctionne, des mécanismes sociaux qui enferment dans des déterminismes, etc.

Mais ce que je vois, c'est aussi des étudiants qui ont la chance d'étudier quasi-gratuitement dans des universités où un enseignement de qualité leur est dispensé, et qui n'en fichent pas une rame. Je ne parle pas de trucs complexes qui exigent des mécanismes de mémorisation dont on les a privé depuis leur prime enfance, mais de choses simples - la plus basique étant que quand on leur dit de lire un livre, ils ne le lisent pas. J'ai bien conscience d'être de droite, je sais que croire au libre arbitre et au mérite c'est un truc pour ministre éduqué à Stanislas, mais le déterminisme social a bon dos quand, à vingt ans, quand on te dit qu'il faut lire des livres pour faire des études de lettres, eh bien tu trouves ça trop dur de le faire parce que c'est moins marrant que de jouer à Candy Crush. J'ai un amphi, cette année, d'une centaine d'étudiants de L1 en LM sur une oeuvre au programme. Ils sont sympas, pas idiots, viennent en cours, répondent aux questions que je leur pose. L'expérience m'enseigne toutefois qu'à la fin du semestre, sur cent, il y en aura au mieux la moitié (je suis généreux) qui aura lu l'oeuvre au programme in extenso. Dans une société hyper compétitive et sélective, on les foutrait dehors et on leur dirait d'aller chercher du travail (bon, y en a pas, mais c'est un autre sujet). Dans la société qui est la nôtre, même si je ne leur mets pas la moyenne, ils valideront quand même leur année en compensant les UE.

Notre système est coupable, d'accord ; mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'à vingt ans, on a un libre arbitre fonctionnel qui devrait délicatement susurrer à l'oreille qu'il faut faire des efforts pour réussir.

Les déterminismes sociaux ne protègent pas des branleurs.
J'ai terminé la fac il y a plus de 30 ans, à Jussieu, dont le département de Lettres n'était pas vraiment sélectif. De la première année de Deug au passage de la maîtrise, sans parler du DEA, l'évaporation était déjà énorme sans doute comparable à celle que tu évoques, et le problème de la sélection déjà posé. Celle de la raison pour commencer des études de Lettres aussi.
La question du libre arbitre est en effet plus intéressante que le crédo libéral : "je crois à la responsabilité individuelle au libre arbitre et au mérite". La question est de savoir ce que j'ai fait de ce que j'ai eu, ou pas. La question du mérite est un piège sans fin.
J'ai été un de ces branleurs, dans des proportions difficiles à imaginer, je ne chercherai pas les excuses dans les déterminismes sociaux, ni dans mon livre arbitre à 20 ans.
Il faudrait donc chercher ailleurs, mais pas dans le babillage métaphysico-théologo-cosmolo-nigologique de @Amaury.


Dernière édition par Baldred le Mar 20 Fév - 10:56, édité 2 fois (Raison : Erreur de lecture des balises, pardon @Amaury le propos est de Dr, tu ne fais qu'être d'accord.)
DesolationRow
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par DesolationRow Mar 20 Fév - 10:29
Baldred a écrit:
DesolationRow a écrit:
Baldred a écrit:
Amaury a écrit:

Je perçois le problème exactement de la même manière.

Et moi pas du tout...
Je vois mal à quel moment la société dit que l'effort est "trop dur". Le message constant dit au contraire qu'il n'y en n'aura pas pour tout le monde et que dans un certain nombre de cas l'effort personnel n'aura que peu d'influence face aux déterminismes. A quoi bon se lancer dans une course qu'on pense perdre, à quoi sert l'effort sans une récompense qui ne viendra pas, ou plus ? Et pour tout ceux qui se lancent quand même combien se retrouvent dans des formations par défaut ? Oui, on peut se retrouver maintenant en fac par défaut et cette "déscolarisation interne"  observé en collège puis en lycée a normalement gagné le supérieur.
La réponse disons " de droite" pour faire plaisir à DR : " Je crois au libre arbitre et au mérite"  est bien faible pour soutenir le propos décliniste de la "perte du goût de l'effort" dans une société qui serait trop permissive alors qu'elle est devenue hyper compétitive et sélective. Je m'étonne d'un raisonnement aussi caricatural chez un prof du supérieur qui constate des effets sans remonter bien loin dans les causes.  AOC aussi croit sûrement au libre arbitre et au mérite, mais c'est mieux dans une classe non mixte de l'enseignement élitiste privé contournant Parcoursup.
La "culpabilité" finale des étudiants me paraît également bien paresseuse par rapport à la culpabilité du système éducatif qui les a conduit là.

J'aimerais assez répondre de manière sarcastique, mais de manière exceptionnelle je ne vais pas le faire, parce que je vois ce que tu veux dire (comme ce qu'ETO a écrit plus haut), et que je te donne, dans une certaine mesure, raison, et veux bien reconnaître qu'il y a un système éducatif qui dysfonctionne, des mécanismes sociaux qui enferment dans des déterminismes, etc.

Mais ce que je vois, c'est aussi des étudiants qui ont la chance d'étudier quasi-gratuitement dans des universités où un enseignement de qualité leur est dispensé, et qui n'en fichent pas une rame. Je ne parle pas de trucs complexes qui exigent des mécanismes de mémorisation dont on les a privé depuis leur prime enfance, mais de choses simples - la plus basique étant que quand on leur dit de lire un livre, ils ne le lisent pas. J'ai bien conscience d'être de droite, je sais que croire au libre arbitre et au mérite c'est un truc pour ministre éduqué à Stanislas, mais le déterminisme social a bon dos quand, à vingt ans, quand on te dit qu'il faut lire des livres pour faire des études de lettres, eh bien tu trouves ça trop dur de le faire parce que c'est moins marrant que de jouer à Candy Crush. J'ai un amphi, cette année, d'une centaine d'étudiants de L1 en LM sur une oeuvre au programme. Ils sont sympas, pas idiots, viennent en cours, répondent aux questions que je leur pose. L'expérience m'enseigne toutefois qu'à la fin du semestre, sur cent, il y en aura au mieux la moitié (je suis généreux) qui aura lu l'oeuvre au programme in extenso. Dans une société hyper compétitive et sélective, on les foutrait dehors et on leur dirait d'aller chercher du travail (bon, y en a pas, mais c'est un autre sujet). Dans la société qui est la nôtre, même si je ne leur mets pas la moyenne, ils valideront quand même leur année en compensant les UE.

Notre système est coupable, d'accord ; mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'à vingt ans, on a un libre arbitre fonctionnel qui devrait délicatement susurrer à l'oreille qu'il faut faire des efforts pour réussir.

Les déterminismes sociaux ne protègent pas des branleurs.
J'ai terminé la fac il y a plus de 30 ans, à Jussieu, dont le département de Lettres n'était pas vraiment sélectif. De la première année de Deug au passage de la maîtrise, sans parler du DEA, l'évaporation était déjà énorme sans doute comparable à celle que tu évoques, et le problème de la sélection déjà posé. Celle de la raison pour commencer des études de Lettres aussi.
La question du libre arbitre est en effet plus intéressante que le crédo libéral : "je crois à la responsabilité individuelle au libre arbitre et au mérite". La question est de savoir ce que j'ai fais de ce que j'ai eu, ou pas. La question du mérite est un piège sans fin.
J'ai été un de ces branleurs, dans des proportions difficiles à imaginer, je ne chercherai pas les excuses dans les déterminismes sociaux, ni dans mon livre arbitre à 20 ans.
Il faudrait donc chercher ailleurs, mais pas dans le babillage métaphysico-théologo-cosmolo-nigologique de @Amaury.

Mais toi, c'est parce qu'à Stanislas ils ne t'avaient pas appris la saine discipline.
Baldred
Baldred
Sage

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par Baldred Mar 20 Fév - 10:36
DesolationRow a écrit:
Baldred a écrit:
DesolationRow a écrit:
Baldred a écrit:

Et moi pas du tout...
Je vois mal à quel moment la société dit que l'effort est "trop dur". Le message constant dit au contraire qu'il n'y en n'aura pas pour tout le monde et que dans un certain nombre de cas l'effort personnel n'aura que peu d'influence face aux déterminismes. A quoi bon se lancer dans une course qu'on pense perdre, à quoi sert l'effort sans une récompense qui ne viendra pas, ou plus ? Et pour tout ceux qui se lancent quand même combien se retrouvent dans des formations par défaut ? Oui, on peut se retrouver maintenant en fac par défaut et cette "déscolarisation interne"  observé en collège puis en lycée a normalement gagné le supérieur.
La réponse disons " de droite" pour faire plaisir à DR : " Je crois au libre arbitre et au mérite"  est bien faible pour soutenir le propos décliniste de la "perte du goût de l'effort" dans une société qui serait trop permissive alors qu'elle est devenue hyper compétitive et sélective. Je m'étonne d'un raisonnement aussi caricatural chez un prof du supérieur qui constate des effets sans remonter bien loin dans les causes.  AOC aussi croit sûrement au libre arbitre et au mérite, mais c'est mieux dans une classe non mixte de l'enseignement élitiste privé contournant Parcoursup.
La "culpabilité" finale des étudiants me paraît également bien paresseuse par rapport à la culpabilité du système éducatif qui les a conduit là.

J'aimerais assez répondre de manière sarcastique, mais de manière exceptionnelle je ne vais pas le faire, parce que je vois ce que tu veux dire (comme ce qu'ETO a écrit plus haut), et que je te donne, dans une certaine mesure, raison, et veux bien reconnaître qu'il y a un système éducatif qui dysfonctionne, des mécanismes sociaux qui enferment dans des déterminismes, etc.

Mais ce que je vois, c'est aussi des étudiants qui ont la chance d'étudier quasi-gratuitement dans des universités où un enseignement de qualité leur est dispensé, et qui n'en fichent pas une rame. Je ne parle pas de trucs complexes qui exigent des mécanismes de mémorisation dont on les a privé depuis leur prime enfance, mais de choses simples - la plus basique étant que quand on leur dit de lire un livre, ils ne le lisent pas. J'ai bien conscience d'être de droite, je sais que croire au libre arbitre et au mérite c'est un truc pour ministre éduqué à Stanislas, mais le déterminisme social a bon dos quand, à vingt ans, quand on te dit qu'il faut lire des livres pour faire des études de lettres, eh bien tu trouves ça trop dur de le faire parce que c'est moins marrant que de jouer à Candy Crush. J'ai un amphi, cette année, d'une centaine d'étudiants de L1 en LM sur une oeuvre au programme. Ils sont sympas, pas idiots, viennent en cours, répondent aux questions que je leur pose. L'expérience m'enseigne toutefois qu'à la fin du semestre, sur cent, il y en aura au mieux la moitié (je suis généreux) qui aura lu l'oeuvre au programme in extenso. Dans une société hyper compétitive et sélective, on les foutrait dehors et on leur dirait d'aller chercher du travail (bon, y en a pas, mais c'est un autre sujet). Dans la société qui est la nôtre, même si je ne leur mets pas la moyenne, ils valideront quand même leur année en compensant les UE.

Notre système est coupable, d'accord ; mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'à vingt ans, on a un libre arbitre fonctionnel qui devrait délicatement susurrer à l'oreille qu'il faut faire des efforts pour réussir.

Les déterminismes sociaux ne protègent pas des branleurs.
J'ai terminé la fac il y a plus de 30 ans, à Jussieu, dont le département de Lettres n'était pas vraiment sélectif. De la première année de Deug au passage de la maîtrise, sans parler du DEA, l'évaporation était déjà énorme sans doute comparable à celle que tu évoques, et le problème de la sélection déjà posé. Celle de la raison pour commencer des études de Lettres aussi.
La question du libre arbitre est en effet plus intéressante que le crédo libéral : "je crois à la responsabilité individuelle au libre arbitre et au mérite". La question est de savoir ce que j'ai fais de ce que j'ai eu, ou pas. La question du mérite est un piège sans fin.
J'ai été un de ces branleurs, dans des proportions difficiles à imaginer, je ne chercherai pas les excuses dans les déterminismes sociaux, ni dans mon livre arbitre à 20 ans.
Il faudrait donc chercher ailleurs, mais pas dans le babillage métaphysico-théologo-cosmolo-nigologique de @Amaury.

Mais toi, c'est parce qu'à Stanislas ils ne t'avaient pas appris la saine discipline.
(Oh pardon  @Amaury, erreur de balise, le babillage est de DR, non le tien.)

Disons plutôt qu'ils me l'ont inculquée si bien que j'ai passé le reste de ma vie à fuir.


Dernière édition par Baldred le Mar 20 Fév - 10:54, édité 1 fois (Raison : orth...)
DesolationRow
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par DesolationRow Mar 20 Fév - 10:41
Ne t'inquiète pas, j'avais bien pris le babillage pour moi Razz
dandelion
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Nicole Belloubet, notre nouvelle (nouvelle) ministre - Page 14 Empty Re: Nicole Belloubet, notre nouvelle (nouvelle) ministre

par dandelion Mar 20 Fév - 10:43
L’important avec les branleurs c’est l’érection du mur. S’il y a un mérite aux groupes de niveau et au redoublement, c’est qu’ils font peur et forcent les élèves et les familles qui le peuvent à se mettre au travail.
Il faut quand même reconnaître qu’aujourd’hui il est difficile pour un parent qui a mon âge d’évaluer le niveau de son enfant puisque la notation a radicalement changé. Tout dans le système nous fait croire que ‘ça va’ jusqu’à ce qu’on se prenne le mur dans la figure.
Je constate que mes troisièmes et mes terminales, voyant soudain le mur se dresser devant leur nez, essayent de remonter la pente. Mais parfois ce n’est pas la taille de l’effort qui compte, c’est le timing.
Bien sûr on peut obtenir tout cela en remettant des notes qui notent et en trouvant une solution pour ne pas envoyer des enfants qui ne savent pas lire en CE2 et des enfants qui ne savent pas écrire en lycée général (ce qui peut se faire sans groupes de niveau et sans redoublement, mais pas sans mur).
Baldred
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Sage

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par Baldred Mar 20 Fév - 10:47
[quote="dandelion"]L’important avec les branleurs c’est l’érection du mur. S’il y a un mérite aux groupes de niveau et au redoublement, c’est qu’ils font peur et forcent les élèves et les familles qui le peuvent à se mettre au travail.
Il faut quand même reconnaître qu’aujourd’hui il est difficile pour un parent qui a mon âge d’évaluer le niveau de son enfant puisque la notation a radicalement changé. Tout dans le système nous fait croire que ‘ça va’ jusqu’à ce qu’on se prenne le mur dans la figure.
Je constate que mes troisièmes et mes terminales, voyant soudain le mur se dresser devant leur nez, essayent de remonter la pente. Mais parfois ce n’est pas la taille de l’effort qui compte, c’est le timing.
Bien sûr on peut obtenir tout cela en remettant des notes qui notent et en trouvant une solution pour ne pas envoyer des enfants qui ne savent pas lire en CE2 et des enfants qui ne savent pas écrire en lycée général (ce qui peut se faire sans groupes de niveau et sans redoublement, mais pas sans mur).[/quote]

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Jenny
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Médiateur

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par Jenny Mar 20 Fév - 10:47
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Emmalice
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Niveau 4

Nicole Belloubet, notre nouvelle (nouvelle) ministre - Page 14 Empty Re: Nicole Belloubet, notre nouvelle (nouvelle) ministre

par Emmalice Mar 20 Fév - 11:44
c'est tellement vrai et bien dit !!! Nicole Belloubet, notre nouvelle (nouvelle) ministre - Page 14 3284587592
epekeina.tes.ousias
epekeina.tes.ousias
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par epekeina.tes.ousias Mar 20 Fév - 11:53
DesolationRow a écrit:L'expérience m'enseigne toutefois qu'à la fin du semestre, sur cent, il y en aura au mieux la moitié (je suis généreux) qui aura lu l'oeuvre au programme in extenso. […] Dans la société qui est la nôtre, même si je ne leur mets pas la moyenne, ils valideront quand même leur année en compensant les UE.

Je ne réagis qu'à cette partie de ton propos — mais non pas pour t'en faire un procès.
Sur la seconde phrase, c'est même plus mystérieux que cela. Les “CEVU/CFVU” (quelle que soit la manière dont on en pond les acronymes) ont la possibilité de décréter qu'il existera des “notes plancher” : en-dessous d'une certaine note, il n'y a pas de “rattrapage” et l'on n'a pas l'UE (c'est comme ça, là où je suis, même si l'un des ajouts récents et qu'on la repasse, à l'année +1 en plus des autres UE). Il me semble que la bonne question serait de savoir pourquoi le contraire se pratique, au moins parfois, peut-être souvent (je ne sais pas lequel des deux est le plus probable, même si j'incline vers la seconde hypothèse). Je connais au moins une fac (pas la mienne) dans laquelle : n'importe quelle UE dans un semestre compense n'importe quelle UE, dans laquelle n'importe quelle UE du semestre d'après mais dans la même année compense n'importe quelle UE du semestre d'avant, dans laquelle (en plus du rattrapage au sens strict) il y a possibilité d'une “seconde chance” (on échoue à une UE : on peut la repasser sur une seule épreuve — en général orale !), et dans laquelle (pas systématiquement, certes), on peut passer dans l'année +1 avec une UE “non validée” (=ratée), à condition de suivre quelques heures de cours “en plus” dans l'année +1 qui “rétro-valident” l'UE en question… Le mieux étant, d'ailleurs, qu'il arrive pourtant que les étudiants abandonnent et/ou échouent et que le taux général d'échec n'a pas spécialement changé… Par curiosité, j'ai discuté avec les collègues concernés (d'un département “disciplinaire”, et non d'un très vilain-mauvais-nul Inspé) pour savoir ce qu'ils en pensent : en gros, ça les ennuient, mais ils trouvent que c'est mieux…

Sur la première phrase, j'ai aussi un doute (qui n'est pas forcément un désaccord). N'étant pas matière d'enseignement en primaire et vu le cursus dans lequel j'enseigne, je ne vois pas l'utilité d'un “examen final” sur le modèle “dissertation”. Une note de lecture sur choix imposé dans une biblio et en contrôle continu me semble moins absurde. Je constate deux choses, en plus du fait d'avoir pas mal de “bonnes copies” : d'une part, la bonne volonté ne manque pas (à de rares exceptions près, qui ne me font ni chaud ni froid) ; de l'autre, certaines “lisent de travers”. Tantôt par ex., elles utilisent une “méthode” consistant à citer des passages (parfois assez bien choisis), mais font un contresens radical (une affirmation lue comme une négation) et ne parviennent pas à différencier ni l'idée centrale, ni les thèses et de leurs arguments (on a une sorte de puzzle avec les morceaux, mais pas emboîtés), ou emploient des “méthodes” à côté de la plaque (par ex. en commentant le “champ sémantique” de Condorcet sans jamais aborder le fond), etc. Et non, elles ne manquent pas de “sérieux”, ne se “fichent” pas du monde ou autre défaut du même ordre (l'explication par l'absence de quelque chose étant du reste peu éclairante : puisque l'on voit bien qu'il manque le résultat, c'est plutôt une tautologie). C'est plutôt que leur démarche est “méthodologisée” au point d'affaiblir ou de supprimer l'usage du bon sens, comme si la forme était seule en cause — le tout accompagné d'une très forte demande d'une “méthode” qui serait nécessaire parce qu'“on ne sait pas ce qu'il faut faire” (sous-entendu “pour réussir”). Ce n'est pas tant qu'elles “ne savent pas lire” : c'est qu'elles ont appris à se reposer sur des “méthodes” pour ainsi dire mécaniques, et à le faire sérieusement et sans distance. Bref, il se pourrait qu'elles aient appris à ne pas pouvoir comprendre le texte qu'elles lisent (ce qui ne les empêchent pas d'être capables de suivre un cours où on leur explique telle ou telle œuvre, de le comprendre et de le retenir — sans pouvoir le réemployer : elles comprennent dans le moment, mais cela reste dans ce moment).

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par Cleroli Mar 20 Fév - 11:56
Emmalice a écrit:A une époque lointaine, on ne pouvait pas compenser les UV à la fac. Il fallait la moyenne partout pour valider...
Je ne sais pas où tu places cette "époque lointaine" mais  à la fin des années 80, on pouvait aussi passer à minima, ce qui n'est pas mieux. A contrario, l'une de mes filles n'a pas de système de compensation entre UV, ni de passage à minima (fac dentaire de Lyon).
Emmalice
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par Emmalice Mar 20 Fév - 12:04
Cleroli a écrit:
Emmalice a écrit:A une époque lointaine, on ne pouvait pas compenser les UV à la fac. Il fallait la moyenne partout pour valider...
Je ne sais pas où tu places cette "époque lointaine" mais  à la fin des années 80, on pouvait passer à minima, ce qui n'est pas mieux. A contrario, l'une de mes filles n'a pas de système de compensation entre UV (fac dentaire de Lyon).

Début 90.
En lettres classiques, il fallait au minimum 10/20 partout pour valider. Mais un 8/20 en latin ou en français, compensé par un 12/20 en grec... ça ne passait pas. Il fallait repasser l'UV en dessous de la moyenne. Ce n'est pas pareil du tout. Impossible de faire l'impasse sur une matière.
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par Patience et raison Mar 20 Fév - 12:21
C'était le cas au moins jusqu'en 2008 dans certains IEP. Il fallait avoir 10 dans toutes les matières, sans compensation. Et au rattrapage, les notes était plafonnées à 12 (donc on était sûr de perdre la mention).

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« Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » — Henri Lacordaire
« Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu'une oreille distraite » — Rapport du Conseil d'État de 1991, De la sécurité juridique.

"Alors n’oubliez pas : si vous voulez vraiment être productifs, apprenez à travailler avec des outils qui font gagner du temps au lieu de tout refaire à la main. Mais si votre passion, c’est de ne surtout pas utiliser de livres déjà complets, et de réécrire votre propre truc à chaque fois parce que « Je préfère utiliser mes propres outils et je n’arrive pas à utiliser ceux des autres« , alors félicitations :
Vous êtes bons pour rejoindre l’Éducation Nationale française."  Odieux ***.
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par epekeina.tes.ousias Mar 20 Fév - 12:22
J'ai jadis passé une licence dans laquelle on choisissait soit contrôle continu soit contrôle terminal : il fallait un minimum de 10 pour avoir le droit de passer l'oral (obligatoire), une moyenne minimale de 10 pour avoir l'UE, et toutes les UE pour réussir sa licence. Soit 5 UE dont deux obligatoires, un couple d'UE liées selon la spécialité choisie, une UE “d'approfondissement” au choix dans un menu. À l'écrit on avait le choix entre dissertation et commentaire ; à l'oral également (à part que la dissertation s'appelait “leçon” : bref, cela préparait aussi aux concours). En DEUG, il y avait deux UE avec 8 au minimum à l'écrit pour passer l'oral, et 10 au minimum pour les avoir, et une UE de logique (la seule que j'avais passée, ayant eu le reste par équivalences) sans oral où il fallait avoir au moins 12 pour passer.

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par DesolationRow Mar 20 Fév - 12:25
Bon, j'ai eu ma L3 il y a presque vingt ans avec un 08 en linguistique/ancien français Razz j'étais bien content que la compensation existe à l'époque, n'ayant pas mis un pied en cours de tout le semestre Very Happy
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