Tribune : "Si le collège doit mieux faire, il n’est pas dans un aussi mauvais état qu’on le dit"

Marie Laetitia a écrit:

Elyas a écrit:
Sincèrement, je pense que balancer qu'enseigner les pratiques langagières qui permettent d'aller au-delà du sens littéral serait une bonne chose et permettrait justement d'avoir une culture littéraire plus riche. Enfin bon, on ne sera pas d'accord dessus. Des tas d'élèves n'en peuvent plus des questionnaires simplistes balancés dans des tas de disciplines et d'autres façons d'aborder des textes et des dossiers documentaires feraient monter le niveau tout en donnant une culture solide aux gamins.

Qu'est-ce que tu veux dire avec cette expression? Ce n'est pas la première fois que je la voie, mais... j'aimerais bien comprendre.

Je me permets de reposer la question car il ne semble pas que tu l'aies vue...

Nadejda a écrit:Ah, tu crois que je tombe dans le mépris ?
J'exprime ma souffrance d'enseignante de français.
Mais bon, je vous laisse entre excellents professeurs convaincus de faire réussir tout le monde...

Tu aurais tort de nous laisser car, si je suis d'accord avec @Elyas sur le fait que la méconnaissance de certains mots supposés évidents ne dit absolument rien sur le travail et l'intelligence d'un élève, tu me parais arriver au coeur de la discussion de ce fil lorsque tu dis :

Nadejda a écrit: ce matin mes 3e étaient en réelle souffrance parce qu'ils devaient lire seuls un texte copieux de Hugo. J'ai eu plusieurs élèves qui m'ont dit : "Madame, vous pouvez lire s'il vous plaît ?", "Quand vous lisez, on comprend, vous ambiancez (sic) le texte, on y est, et vous expliquez"

J'ai de plus en plus de mal avec les "bons " et les "mauvais" élèves, les" fils de César ou fils de rien", ceux qui "en veulent"  ceux qui "n'en veulent pas" et ceux qui nous en veulent. La réaction de tes élèves, leur réelle souffrance et leur demande témoigne d'un moment clé : ils te reconnaissent un pouvoir extraordinaire celui "d'ambiancer" un texte. Le jour où on me dit ça je peux mourir (symboliquement) heureux. Tu ajoutes un sens qu'ils pressentent sans y avoir accès. Et ton pouvoir, notre pouvoir n'est pas tant dans notre capacité à expliciter le sens, ça c'est notre métier, mais à savoir répondre à leur demande.
Refuser, mépriser, moquer, ne pas comprendre la demande c'est les laisser dans une souffrance dont le meilleur remède est le désengagement, la "paresse"," la bêtise" ou la révolte.
Répondre, respecter leurs doutes, leur ignorance même pour leur proposer une reconnaissance par le savoir et le travail, c'est ouvrir un cercle vertueux.
La plupart des élèves "difficiles" ou "en difficulté" sont des élèves pour lesquels parfois très tôt, parfois avant même l'école,  apprendre est une souffrance, et toutes les stratégies sont bonnes pour éviter de souffrir. Nous l'oublions parfois, et nous nous en souvenons quand, cela nous est tous arrivé je pense, nous avons vu un élève fermé, obtus, stupide, hors d'atteinte soudain s'ouvrir à partir d'une de nos remarques, annotations, encouragements, engueulades.
Deux de mes élèves de remédiation fluence de 6e on fait un exercice d'oral aujourd'hui en 5e. C'était 2 gollums de 6e ratatatinés et moches, paralysés l'une par un léger bégaiement l'autre par un p*** d'accent du bled. Aujourd'hui la classe écoutait les enregistrements qu'ils avaient faits de leur texte. Mes gollums, par l'expressivité de leur lecture et la puissance de leur texte sont devenus des elfes.
Je partage la plupart des analyses de ce fil, mais il me semble que nous oublions que le système scolaire (et donc pas nous individuellement)  fabrique des enfants, des élèves qui s'empêchent de comprendre. Certains deviennent des STMG...