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Elaïna
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par Elaïna Dim 12 Déc 2021 - 19:22
Iphigénie a écrit:
L’école comme ascenseur social c’est la génération d’après guerre années 50-60: celle où les trois quarts des enfants de paysans sont devenus fonctionnaires, beaucoup instituteurs grâce aux écoles normales. )

Sauf erreur de ma part, il me semble bien me souvenir qu'à la fin des années 50 on arrivait péniblement à 50 % d'adolescents scolarisés au collège et que ça ne commence à bouger qu'avec une loi de 1959...
Et oui mon père, né en 1955, a connu des types au service militaire qui écrivaient à leur copine "geth em" (cinquante ans après, il en est encore marqué).
Iphigénie
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par Iphigénie Dim 12 Déc 2021 - 19:39
Ah oui il n’y a jamais eu de réussite totale de l’école bien sûr mais je parle du primaire parce que là tous y étaient. Après il est possible que c’était un milieu privilégié ( école de centre ville) -privilège dont alors on ne se rendait pas compte- mais je parle aussi de l’arrière pays très reculé, montagnard de toutes petites exploitations paysannes dont sont issus dans cette même période énormément d’instituteurs et de professeurs .Je pense que ça a été pour l’école  des années de parenthèses assez positives et ça n’a pas duré . Le collège c’était aussi autre chose: la génération de ton père c’était le lycée tout de suite en sixième,  ou les collèges ( c’était un autre nom je ne me souviens plus) ou l’apprentissage: la sélection était rude

Le problème constate par ton père au service militaire aujourd’hui on le retrouve avec des élèves qui ont le bac c’est ça qui questionne ( oui,un élève de mon lycée de première S était revenu de sa journée à l’armée avec l’indication qu’il était illettré : pas glorieux pour nous- enfin je ne l’avais pas personnellement comme élève hein Wink …)
Leclochard
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par Leclochard Dim 12 Déc 2021 - 19:43
Elaïna a écrit:
Leclochard a écrit:
La différence entre ce que j’ai connu et ce que connaissant les enfants d’aujourd’hui, c’est qu’eux passent globalement beaucoup de temps sur les écrans car ils sont omniprésents. On regardait la Tv dans les années 80, mais c’était le mercredi après-midi. En dehors de cet horaire, pas de dessins animés. J’ai souvenir de MacGyver qui passait le samedi. Sinon rien à voir d’intéressant. .

Je ne sais pas si c'était tellement le problème. Je me rappelle notamment un été où je jouais avec une petite voisine chez ma grand-mère. J'avais été frappée de l'omniprésence de la télé à l'époque. La petite regardait la télé en continu, téléfilms à l'eau de rose, séries pour adultes comme ados (genre Hélène et les garçons etc), jeux télé, DA s'il y avait, publicités...

Ce n’était pas un problème car il n’est pas dit que cette petite la regardait vraiment, souvent c’est un bruit de fond. Maintenant, les jeunes consultent vraiment l’écran de leur smartphone (au point de ne rien faire d’autre ou d’oublier leur environnement). Ils sont vraiment accro. Ta voisine était-elle accro à la télé ? Je doute. On est plus dans une mauvaise habitude.
Le souci avec la TV, c’est quand tu l’as dans ta chambre. Tu rajoutes une console et c’est un facteur qui augmente considérablement le risque d’échouer.

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Quelqu'un s'assoit à l'ombre aujourd'hui parce que quelqu'un d'autre a planté un arbre il y a longtemps. (W.B)
Leclochard
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par Leclochard Dim 12 Déc 2021 - 19:48
Elaïna a écrit:
A Tuin a écrit:Comme tu dis, on lisait. Et on jouait dehors. On ne faisait pas du téléphone toute la journée....

On ne faisait pas du téléphone, peut-être, quant à lire, heu... Je me rappelle en CM2 une camarade qui me disait souvent : "tu lis ? mais... pourquoi ?". Et elle était loin d'être la seule à ne jamais ouvrir un livre...

Moi par exemple. Avant le collège, je ne lisais pas guère. Je faisais autre chose (collection d’insectes, de minéraux, sorties et jeux..) Si le fait de lire en soi assurait la réussite, ça se saurait. J’ai de grands lecteurs qui ont des résultats moyens, voire mauvais: en fait, ils  ne lisent pas ce qui est « payant » d’un point de vue scolaire. Un Zola vaut tout Harry Potter. Et c’est sans parler des fans de mangas…Maîtresse j'peux commencer ? ou le stakhanovisme scolaire - Page 7 437980826

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par Iphigénie Dim 12 Déc 2021 - 19:55
Bon je trouve que moi aussi je perds bcp de temps avec mon téléphone: ces technologies sont addictives. Allez je coupe Very Happy
Jafar
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par Jafar Dim 12 Déc 2021 - 20:04
Zetitcheur a écrit:Quand j'observe mes étudiants, j'ai l'impression qu'ils sont blasés, comme s'ils avaient un trop-plein de stimulation. Avec les collègues on se prend souvent la tête pour trouver non seulement des sujets qui les 'accrochent' mais aussi des activités variées et stimulantes. Souvent on culpabilise quand un cours n'a pas très bien marché (en gros : ils n'ont pas été réactifs), on a le sentiment que ce qu'on leur propose en cours est bien fade à côté de tout ce à quoi ils ont accès à l'extérieur. Assez parlant : en début d'année je leur demande d'écrire une liste de thèmes qu'il leur plairait d'aborder, et l'un d'entre eux m'a un jour écrit 'Surprise me' (mine de rien çà met une grosse pression). Et dès qu'il y a un Kahoot dans l'air, leur excitation est à son comble... . J'ai aussi l'impression de tout le temps rappeler les mêmes choses (sur la grammaire anglaise, le vocabulaire) - dès qu'ils se mettent à parler ou écrire ils replongent, comme s'ils n'arrivaient pas à transposer çà dans la pratique.
Si je compare à ma génération, à l'époque on n'avait pas cette gratification immédiate de beaucoup de nos envies : on attendait la sortie du prochain vinyl convoité en mettant des sous de côté ; idem pour les films, qui mettaient des siècles à passer du grand au petit écran... Pour jouer aux jeux vidéos il fallait aller à l'arcade avec des sous. Et nos séries : on n'avait pas le choix du jour ni de l'heure, si on ratait un épisode, c'était fichu !
Aujourd'hui, c'est comme si çà tombait tout cuit, dans bien des domaines !
Est-ce que çà peut avoir un impact sur leurs apprentissages ?

Pour apporter ma petite expérience, en commençant à enseigner, bien qu'ayant à peine une dizaine d'année de plus que mes lycéens, j'ai vécu le choc générationnel. Il y a peut-être une évolution de fond sur la composition des familles et l'attention parentale consacrée à la progéniture, l'exigence (ou la non-exigence) du système éducatif, mais je pense que le fléau du smartphone est à considérer aussi sérieusement.

Pour moi on ne peut pas parler des "écrans" au sens large, le smartphone c'est autre chose que la télé quand même... c'est des relations sociales virtuelles (éventuellement toxiques) en continu du réveil au coucher, la possibilité de "zapper" à l'infini entre jeux et applications de toutes sortes, une explosion du "marché de l'attention" dans tous les réseaux sociaux et applications, l'hyper-stimulation personnalisée menant à plus de temps passé par les utilisateurs, donc à plus de recettes publicitaires, et la possibilité d'avoir une réponse simple (voire simplette) à n'importe quelle question en causant juste à son téléphone...

Je crois que nos ados actuels ne connaissent plus l'ennui, ne connaissent plus l'effort et ne connaissent plus la curiosité :|
dandelion
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par dandelion Dim 12 Déc 2021 - 22:10
La différence entre l’école de maintenant et celle de mon enfance (fin des années 70/début des années 80)? On écrivait quasiment tout, car il n’y avait pas de photocopieurs. Tout était rédigé. Toutes les fautes étaient corrigées. Dans mon école, on faisait beaucoup de devoirs à la maison, une rédaction par semaine en cm1 et cm2, on alignait les opérations, on conjuguait des verbes à n’en plus finir (j’ai un très mauvais souvenir de mon année de ce2, avec une institutrice revêche qui nous faisait conjuguer et analyser sans fin). Le calcul mental c’était sur l’ardoise que nous levions pour montrer le résultat. Et nous avions peur de redoubler. Ce qui n’empêchait pas de faire des projets et des activités: nous allions dans la colline observer la nature (et ma colline était encore un peu celle de Pagnol), organisions de grands spectacles de fin d’année, fabriquions des objets. Pour ce qui est de la lecture, je ne crois pas que nous ayons été si nombreux à être d’avides lecteurs. Nous regardions aussi la télévision (j’ai beaucoup regardé la télévision adolescente). Ce qui a beaucoup changé aussi, c’est qu’un devoir sale et mal écrit n’était pas accepté, ce qui obligeait à faire attention. Par contre, c’est vrai, nous jouions en bande dès cinq ou six ans et prenions toutes sortes de risques. Peut-être que cette liberté et cette prise de risque nous permettaient d’être plus attentifs à l’école?
pseudo-intello
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par pseudo-intello Dim 12 Déc 2021 - 22:38
Flo44 a écrit:Tout à fait d'accord avec Elaïana, il ne faut pas idéaliser le passé.
Cependant, je pense que la grande différence entre ces enfants livrés à eux-mêmes et les enfants d'aujourd'hui est l'autonomie qu'ils étaient obligés d'acquérir rapidement. Soit par le travail (aux champs, travail domestique, etc...) soit par le fait qu'ils devaient s'occuper tout seuls. Ça n'en faisait pas des enfants ou ados scolaires ou intellectuels, mais certainement bien plus débrouillards, et capables de prendre des décisions (bonnes ou mauvaise, mais sans cette béquille constante des adultes).
Quand ils étaient 3-4 à garder les vaches dans les prés à 7 ans, ils n'allaient pas demander toutes les 3 minutes à leurs parents quoi faire...

Bien sûr. Les livres et les jouets étaient rares, et les aprents avaient autre chose à faire ou ne se préoccupaient guère de l'école.

MAIS, entre :
- les filles qui apprenaient à tricoter (quand tu tricotes, t'as intérêt à t'appliquer sinon c'et moche, ne pas oublier un mouvement sinon ça foire, bien compter tes points sinon t'as un pull en trapèze
- ceux qui apprenaient avec papa le métier de papa dans l'artisanat (tu ne fais pas les choses à moitié, tu t'appliques, tu ne foires pas ton dosage ou ton calcul sinon tu perds ta clientèle)
- ceux qui, tout simplement, aidaient au ménage (oui, c'est un peu relou, mais finalement, si tu t'y mets une bonne fois pour toute et en t'appliquant, t'as plus vite fini et t'es pas grondé)
- ceux qui ont joué dehors et développé tout une culture des plates et des animaux
- ceux dont les parents étaient ouvriers et qui, dès leur très jeune âge, ont dû se préparer et aller tout seul à l'école. Un copain (plus âge) m'a dit que dès que sa sœur avait 6 ans et lui 5, ils étaient par la force des choses autonomes en l'absence de leurs parents (aux 3/8), et que de ce fait, fréquemment, la grande sœur devait, donc à 6 ans, surveiller l'heure, veiller à ce que son frère ne fasse pas de bêtises et doit prêt à l'heure, ne pas oublier de fermer la maison à clé.

... ces mômes ont presque tous acquis un grand nombre de savoirs (certes domestiques, mais ça fait un peut de connaissances), une rigueur, un sens de l'effort, de la méthode, de l'autonomie et, bien souvent, du raisonnement... si on remonte un peu, Lili des Bellons ne sait pas écrire trois mots sans fautes, mais il a acquis des tas de savoirs sur les bestiaux la vie en colline, sait croiser ses connaissances pour agir de manière futée, est très autonome, et on se souvient que dans sa lettre bourrée de faute à la syntaxe défaillante, il trouve tout de même le tact de placer des mensonges adroits pour apaiser le chagrin de Marcel.

Et non, je ne regrette pas l’enfance de ma grand-mère, et j'aimerais d'ailleurs qu'on arrêt l'amalgame entre "les enfants d'aujourd'hui ont ceci de plus ou de moins qu'avant" et "c'était mieux avant", parce que ce sont deux débats différents.

Quant eu niveau scolaire, effectivement, il y a toujours eu de mômes en échec, il y a eu une mentalité guerre des boutons (dont l'action se situe au XIXe, donc l'école vient d'être obligatoire, c'est pas encore bien entré dans les mœurs, on ne peut pas comparer avec le début du XXe siècle, encore moins avec les 30 glorieuses), certes. Mais enfin, les lacunes dans les compétences scolaires de bases n'étaient ni aussi répandues, ni aussi vives que celles des élèves que j'ai face à moi, et pour les exceptions à la geth em, ne pas oublier que les dyslexies et autres handicaps n'étaient ni diagnostiqués, ni prises en charge (les déficiences cognitives non plus).

Ma grand-mère qui a fait deux ans d’école française fait des fautes, mais mois qu'un de mes collégiens lambda. Mon grand-père qui n'allait à l'école qu'un jour sur deux car il devait partager es pompes avec sa sœur en faisait aussi, quoique pas beaucoup, alors que justement, il n'allait à l'école qu'un jour sur deux, et école primaire seulement, bien sûr.

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par Elaïna Lun 13 Déc 2021 - 0:02
La guerre des boutons c'est le début du XXe siècle il me semble. La tension entre "calotins" et libre penseurs qui est évoquée incline à inscrire l'action autour de la loi de 1905, et du reste Pergaud a enseigné dans le Doubs en 1902 (de mémoire). 
Certes les lois Ferry sont récentes mais la loi Guizot non...

Pour prendre un autre exemple plus récent, dans Le petit Nicolas, il y a la figure de Clotaire qui est un exemple intéressant de gamin largué très tôt... (Et qui à vue de nez me semble un exemple intéressant de gamin qui doit avoir un gros trouble de l'apprentissage). 

Bref peu importe. Personnellement j'ai peine à croire que "ça s'aggrave", par contre je crois fermement que l'éducation nationale n'a jamais vraiment lutté contre les inégalités socio culturelles, mis à part, peut-être, à un moment très court dans l'après guerre, au moment des Trente glorieuses et de l'enthousiasme de la République sociale née du CNR.

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It took me forty years to realize this. But for guys like us... our lives aren't really our own. There's always someone new to help. Someone we need to protect. These past few years, I fought that fate with all I had. But I'm done fighting. It's time I accept the hand I was dealt. Too many people depend on us. Their dreams depend on us.

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par dandelion Lun 13 Déc 2021 - 1:10
Mes parents n’ont que le bac, et je suis agrégée. Les parents de mon mari sont réfugiés, et enfant il vivait dans un deux pièces avec toilettes sur le palier (et pas de salle de bain). Il a fait une grande école (dans les dix premières à l’époque). Je ne suis pas sûre que ce serait encore possible aujourd’hui. Je pense qu’il y avait une vraie ‘foi’ en l’école, chez beaucoup de maîtres et chez une partie de la population. Il y avait aussi une volonté de se former chez les syndicats pour pouvoir se battre à armes égales contre les patrons (aujourd’hui encore, les syndicalistes acquièrent des connaissances juridiques). Mais, bien sûr, on triait, donc ceux qui auraient été paysans faute d’options devenaient ingénieurs ou enseignants, les autres restaient paysans. Quand j’étais au collège, on orientait encore en fin de cinquième.
En dehors d’une certaine disparition de la lutte des classes, je crois tout de même qu’une des raisons des problèmes vient de la maternelle voire avant. On parle beaucoup du cp, mais si un enfant n’a pas de vocabulaire, la lecture est difficile. De même, si on ne fait pas de manipulation, et que l’on apprend les chiffres comme une récitation, les chiffres deviennent des mots dépourvus de réalité. Les écrans ont certainement une influence de ce point de vue, mais aussi une certaine déliquescence du langage à tous les niveaux: les politiciens, les journalistes, ne parlent plus guère une langue précise et riche, et surtout, comme on choisit ce que l’on regarde ou lit, plus personne n’est obligé de les écouter. Si un enfant ne possède que quelques mots à l’entrée de la maternelle, et fait peu de phrases, il y a déjà un risque qu’il prenne l’école en grippe.
RogerMartin
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par RogerMartin Lun 13 Déc 2021 - 1:13
Moi aussi j'ai des diplômes plus élevés que ceux de mes parents, mais il y a aussi de plus en plus de diplômés.

Elaïna a écrit:La guerre des boutons c'est le début du XXe siècle il me semble. La tension entre "calotins" et libre penseurs qui est évoquée incline à inscrire l'action autour de la loi de 1905, et du reste Pergaud a enseigné dans le Doubs en 1902 (de mémoire). 
Certes les lois Ferry sont récentes mais la loi Guizot non...

Pour prendre un autre exemple plus récent, dans Le petit Nicolas, il y a la figure de Clotaire qui est un exemple intéressant de gamin largué très tôt... (Et qui à vue de nez me semble un exemple intéressant de gamin qui doit avoir un gros trouble de l'apprentissage). 

Bref peu importe. Personnellement j'ai peine à croire que "ça s'aggrave", par contre je crois fermement que l'éducation nationale n'a jamais vraiment lutté contre les inégalités socio culturelles, mis à part, peut-être, à un moment très court dans l'après guerre, au moment des Trente glorieuses et de l'enthousiasme de la République sociale née du CNR.
Non, les enjeux n'étaient pas les mêmes et je n'idéalise pas du tout cette période. À cette époque, il était juste indolore pour l'éducation nationale de laisser (toujours autant ?) d'élèves sur le bord du chemin, précisément parce qu'il suffisait de sortir de chez soi pour trouver un travail, et de traverser la rue (?) pour en changer. L'école est devenue obligatoire jusqu'à 16 ans en 1967 ; à l'époque 3/4 des enfants arrêtaient l'école à 14 ans pour travailler, principalement des enfants d'ouvriers et d'agriculteurs. Il n'y avait que 400 000 étudiants.
En ce moment, on est en train de glisser gentiment du bac pour tous au bac+3/+5 pour tous, et il y a un paquet de 16-23/25 ans à qui cela ne convient pas du tout d'être vissé sur une chaise en classe. Je n'ai pas de solution, hein, mais les problèmes causés par cette situation nous occupe une grande partie du temps sur le forum et IRL.
Je suis d'accord avec toi sur le fait que l'école voudrait lutter contre les inégalités socio-culturelles, mais que cela n'a jamais vraiment fonctionné, sauf à bénéficier à quelques individus exceptionnels dans les cohortes.

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par Rendash Lun 13 Déc 2021 - 1:29
Elaïna a écrit:La guerre des boutons c'est le début du XXe siècle il me semble. La tension entre "calotins" et libre penseurs qui est évoquée incline à inscrire l'action autour de la loi de 1905, et du reste Pergaud a enseigné dans le Doubs en 1902 (de mémoire). 

C'est ça : toute fin XIXe siècle, en fait.

« Les plumes grincèrent sur le papier pour la date qu’on mettait. Lundi... 189...
Éphémérides : commencement de la guerre avec les Prussiens. Bataille de Forbach !
– Dis, Tintin, demanda Guignard, je vois pas bien, est-ce que c’est Forbach ou Morbach ? »

Razz

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"Ce serait un bien bel homme s’il n’était pas laid ; il est grand, bâti en Hercule, mais a un teint africain ; des yeux vifs, pleins d’esprit à la vérité, mais qui annoncent toujours la susceptibilité, l’inquiétude ou la rancune, lui donnent un peu l’air féroce, plus facile à être mis en colère qu’en gaieté. Il rit peu, mais il fait rire. [...] Il est sensible et reconnaissant ; mais pour peu qu’on lui déplaise, il est méchant, hargneux et détestable."
Verdurette
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par Verdurette Lun 13 Déc 2021 - 5:19
dandelion a écrit:Je crois tout de même qu’une des raisons des problèmes vient de la maternelle voire avant. On parle beaucoup du cp, mais si un enfant n’a pas de vocabulaire, la lecture est difficile. De même, si on ne fait pas de manipulation, et que l’on apprend les chiffres comme une récitation, les chiffres deviennent des mots dépourvus de réalité. Les écrans ont certainement une influence de ce point de vue, mais aussi une certaine déliquescence du langage à tous les niveaux: les politiciens, les journalistes, ne parlent plus guère une langue précise et riche, et surtout, comme on choisit ce que l’on regarde ou lit, plus personne n’est obligé de les écouter. Si un enfant ne possède que quelques mots à l’entrée de la maternelle, et fait peu de phrases, il y a déjà un risque qu’il prenne l’école en grippe.

Les "salles d'asile", ancêtres de la maternelle, ont vu le jour en ville pour accueillir les jeunes enfants d'ouvriers dont les deux parents allaient à l'usine, tandis que la maternelle a tardé à s'installer à la campagne, où les enfants étaient souvent gardés par leurs grands-parents qui habitaient soit la même maison,soit à proximité.

Il y a plus d'un siècle que Pauline Kergomard a développé le concept d'école maternelle, précisément pour apprendre à parler, apprendre par le jeu, "préparer le terrain" et surtout pas faire du pré-apprentissage.  Elle a précédé Maria Montessori pour insister sur l'évolution naturelle de l'enfant, demander des jouets et du mobilier à la taille de l'enfant.

Pauline Kergomard a écrit:
"Les enfants doivent apprendre à observer, à écouter, à parler. On veillera aussi à ce que l'enfant ne prenne aucune mauvaise habitude qui, une fois contractée, se révélera très difficile à redresser. "

et
« Pour contenter les parents, dit-elle, non seulement on surchauffe les enfants pendant les heures de classe, mais de plus, ils emportent un devoir à faire chez eux le soir.
Oui ! Un devoir du soir à des enfants de six ou sept ans, qui devraient être au lit à la nuit tombante ! Un devoir du soir !
Et dans quelles conditions aggravantes ! Tout le monde connaît les installations des ménages d'ouvriers : la place est exiguë, la table et les chaises sont à hauteur d'homme et non à hauteur d'enfant, l'éclairage est défectueux. L'enfant non surveillé ou mal surveillé prend des attitudes funestes, il se gâte la vue, il dort sur son cahier.
De sorte que cette chose insensée : faire travailler un enfant le soir devient une chose coupable. »


https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1992_num_54_1_1818

Quand on gave l'enfant de pré-lecture, où il prend l'habitude de deviner des étiquettes, de pré-écriture et non de graphisme, où il reproduit les lettres comme des dessins en tenant son crayon n'importe comment, quand on prétend lui faire faire de la numération et des problèmes,  des "arts visuels" au lieu de le laisser dessiner librement,  faire des fiches à n'en plus finir au lieu patouiller, faire de la pâte à modeler, on obtient exactement le contraire de ce qu'on veut, à savoir préparer efficacement l'enfant au CP.

Maintenant on a des programmes (!!!) en maternelle, des cahiers de réussite, on passe son temps à évaluer l'enfant, prendre des photos et cocher des cases, et on n'a plus de temps pour les enfants eux-mêmes.

Et je ne pense pas que Catherine Huby qui a écrit "Pour une école maternelle du XXIème siècle" me contredira. Pauline Kergomard doit se retourner dans sa tombe.

On peut rattraper des études insuffisantes (même si c'est difficile). En revanche, on ne peut pas rattraper son enfance, et entre cette maternelle pas assez maternelle et l'entrée dans la pré-adolescence et le monde du paraître dès le CE2, on obtient des jeunes qui n'ont pas eu d'enfance et ne résolvent toujours pas à en sortir, à l'âge lycée, alors même que c'est trop tard. C'est beau le progrès.
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par Zetitcheur Lun 13 Déc 2021 - 6:29
dandelion a écrit:Mes parents n’ont que le bac, et je suis agrégée. Les parents de mon mari sont réfugiés, et enfant il vivait dans un deux pièces avec toilettes sur le palier (et pas de salle de bain). Il a fait une grande école (dans les dix premières à l’époque). Je ne suis pas sûre que ce serait encore possible aujourd’hui. Je pense qu’il y avait une vraie ‘foi’ en l’école, chez beaucoup de maîtres et chez une partie de la population. Il y avait aussi une volonté de se former chez les syndicats pour pouvoir se battre à armes égales contre les patrons (aujourd’hui encore, les syndicalistes acquièrent des connaissances juridiques). Mais, bien sûr, on triait, donc ceux qui auraient été paysans faute d’options devenaient ingénieurs ou enseignants, les autres restaient paysans. Quand j’étais au collège, on orientait encore en fin de cinquième.
En dehors d’une certaine disparition de la lutte des classes, je crois tout de même qu’une des raisons des problèmes vient de la maternelle voire avant. On parle beaucoup du cp, mais si un enfant n’a pas de vocabulaire, la lecture est difficile. De même, si on ne fait pas de manipulation, et que l’on apprend les chiffres comme une récitation, les chiffres deviennent des mots dépourvus de réalité. Les écrans ont certainement une influence de ce point de vue, mais aussi une certaine déliquescence du langage à tous les niveaux: les politiciens, les journalistes, ne parlent plus guère une langue précise et riche, et surtout, comme on choisit ce que l’on regarde ou lit, plus personne n’est obligé de les écouter. Si un enfant ne possède que quelques mots à l’entrée de la maternelle, et fait peu de phrases, il y a déjà un risque qu’il prenne l’école en grippe.
Je me retrouve beaucoup dans ce que tu décris là ! Dans ma famille l’école a vraiment été un ascenseur social, ma mère ayant arrêté avant le collège pour travailler aux champs, et mon père n’ayant pas été au lycée. Et ils étaient  incollables en orthographe et en calcul et nous ont élevés dans la vénération de l’école et la soif d’apprendre. Cet amour de l’instruction, vue comme une chance, ce respect pour l’école, existent-ils encore ?
lene75
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par lene75 Lun 13 Déc 2021 - 6:59
Dans ma famille, sur 3 générations, le niveau de diplôme a considérablement augmenté, mais pas le niveau social. Avec mon agrégation et mes 8 ans d'études postbac, je fais le même métier que ma mère qui n'avait « que » le bac (à l'époque c'était déjà beaucoup). Mon père était également cadre de la fonction publique avec seulement le bac. Pour lui, oui, il y a eu une grosse ascension sociale par l'école, moi, par rapport à lui, je suis plutôt déclassée. Et ma grand-mère maternelle occupait un poste équivalent avec le brevet des collèges et en n'ayant commencé l'école qu'à 6 ans, donc avec moins de 10 ans de scolarité en tout, contre 23 pour moi. Est-ce qu'en dehors du niveau social je suis plus cultivée qu'elle ? Peut-être un peu, mais pas significativement : l'école lui avait donné les bases pour se cultiver seule.

De l'autre côté, c'est pareil. Mes BP n'ont le bac ni l'un ni l'autre, mon BP n'a même aucun diplôme, il a commencé à travailler très tôt. Mon mari a fait une grande école parmi les plus prestigieuses et les plus difficiles, reçu dans les premiers. Notre niveau de vie est à peu près le même que celui de mes BP, légèrement inférieur, peut-être.
Celadon
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par Celadon Lun 13 Déc 2021 - 7:25
Cet amour de l’instruction, vue comme une chance, ce respect pour l’école, existent-ils encore ?
Il faudrait retourner la question...
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Maîtresse j'peux commencer ? ou le stakhanovisme scolaire - Page 7 Empty Re: Maîtresse j'peux commencer ? ou le stakhanovisme scolaire

par albertine123 Lun 13 Déc 2021 - 7:29
J'adhère à tous les propos de Roger Martin.

Il y a encore peu de temps, jusqu'à la génération de mes parents, seuls les (très) bons élèves étaient invités à poursuivre leurs études au-delà de 14 ans. Les autres arrêtaient le jour de leur 14e anniversaire parfois, et travaillaient dès le lendemain, occupant des postes qu'on ne confierait même pas à des gens de 18 ans aujourd'hui (multiples exemples dans ma famille).

Je pense aussi qu'à cette époque toujours, l'enseignement reposait essentiellement sur ce qu'on appelle les fondamentaux aujourd'hui.
Ma grand-mère, née il y a plus de 100 ans, avait obtenu son certificat d'études à 11 ans. Elle était étonnée de ce que j'apprenais en CM2 ou 6e. Elle n'avait quasi jamais fait de SVT, ou de sciences, ou de géographie "internationale", connaissait "juste" la liste de toutes les préfectures et sous-préfectures. En revanche, l'orthographe et la graphie étaient impeccables, et elle savait parfaitement calculer de tête, tout comme ma mère. Je ne les ai jamais vues sortir une calculette. (Pas comme l'agent immobilier de 30 ans rencontré il y'a quelques années qui a sorti la sienne pour faire 120-90. Euh 30 je lui fais. Ouha vous êtes bonne en calcul ! Bref.) Qui trop embrasse mal étreint ?

Par ailleurs, rappelons-nous le capital culturel de Bourdieu, je rejoins là encore les propos de Roger Martin.
Et on sait aujourd'hui que le bain de langage auquel est exposé le bébé et tout petit enfant joue un rôle déterminant dans la construction de son lexique (on trouve notamment sur Cairn une étude sur la primo socialisation langagière de la 1ere année et son rôle primordial sur la lecture, l'écriture, mais il y a pléthore d'études sociologiques sur le sujet). Un bébé dont la mère a fait peu d'études est exposé à un nombre de mots 3 à 4 fois moindre par rapport à celui dont la mère a fait des études supérieures. Or, la compréhension des consignes, des enseignements et situations scolaires nécessite justement du vocabulaire étendu. C'est pourquoi on nous rabâche depuis des décennies que l'école ne fait que creuser les inégalités, et non les combler (ou alors bien souvent par le fameux nivellement par le bas). En maternelle et en PS les enfants sont entraînés dans un bain de vocabulaire permanent (comptines, contes, livres etc), ce sont déjà les enfants de parents diplômés qui arrivent dès la rentrée avec le plus gros bagage lexical, et qui tirent le plus profit des enseignements durant l'année. Donc non, sauf pour quelques cas (on en a tous en tête), la majorité du temps l'école ne permettra pas de lutter contre les inégalités socio-culturelles et ne permettra pas à tous les élèves de sortir avec le niveau requis.
Lady Oscar
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par Lady Oscar Lun 13 Déc 2021 - 9:02
Verdurette a écrit:
On peut rattraper des études insuffisantes (même si c'est difficile). En revanche, on ne peut pas rattraper son enfance, et entre cette maternelle pas assez maternelle et l'entrée dans la pré-adolescence et le monde du paraître dès le CE2, on obtient des jeunes qui n'ont pas eu d'enfance et ne résolvent toujours pas à en sortir, à l'âge lycée, alors même que c'est trop tard. C'est beau le progrès.

Je suis tellement d'accord avec ça, j'étais tellement en colère de ce qu'on attendait des enfants quand les deux miens étaient en maternelle!
Iphigénie
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par Iphigénie Lun 13 Déc 2021 - 9:09
+10
Au niveau du langage, il arrive même que la maternelle aujourd’hui fasse régresser certains enfants d’ailleurs, qui se mettent à faire des fautes qu’ils ne faisaient pas….
Ajonc35
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par Ajonc35 Lun 13 Déc 2021 - 9:12
Zetitcheur a écrit:
dandelion a écrit:Mes parents n’ont que le bac, et je suis agrégée. Les parents de mon mari sont réfugiés, et enfant il vivait dans un deux pièces avec toilettes sur le palier (et pas de salle de bain). Il a fait une grande école (dans les dix premières à l’époque). Je ne suis pas sûre que ce serait encore possible aujourd’hui. Je pense qu’il y avait une vraie ‘foi’ en l’école, chez beaucoup de maîtres et chez une partie de la population. Il y avait aussi une volonté de se former chez les syndicats pour pouvoir se battre à armes égales contre les patrons (aujourd’hui encore, les syndicalistes acquièrent des connaissances juridiques). Mais, bien sûr, on triait, donc ceux qui auraient été paysans faute d’options devenaient ingénieurs ou enseignants, les autres restaient paysans. Quand j’étais au collège, on orientait encore en fin de cinquième.
En dehors d’une certaine disparition de la lutte des classes, je crois tout de même qu’une des raisons des problèmes vient de la maternelle voire avant. On parle beaucoup du cp, mais si un enfant n’a pas de vocabulaire, la lecture est difficile. De même, si on ne fait pas de manipulation, et que l’on apprend les chiffres comme une récitation, les chiffres deviennent des mots dépourvus de réalité. Les écrans ont certainement une influence de ce point de vue, mais aussi une certaine déliquescence du langage à tous les niveaux: les politiciens, les journalistes, ne parlent plus guère une langue précise et riche, et surtout, comme on choisit ce que l’on regarde ou lit, plus personne n’est obligé de les écouter. Si un enfant ne possède que quelques mots à l’entrée de la maternelle, et fait peu de phrases, il y a déjà un risque qu’il prenne l’école en grippe.
Je me retrouve beaucoup dans ce que tu décris là ! Dans ma famille l’école a vraiment été un ascenseur social, ma mère ayant arrêté avant le collège pour travailler aux champs, et mon père n’ayant  pas été au lycée. Et ils étaient  incollables en orthographe et en calcul et nous ont élevés dans la vénération de l’école et la soif d’apprendre. Cet amour de l’instruction, vue comme une chance, ce respect pour l’école, existent-ils encore ?

Tout pareil. Surtout pour ma mère qui voulait absolument que je prenne l'ascenseur.  Parmi tous mes cousins et cousines, mes copines de la classe rurale, les jeunes de ma petite commune, j'ai été la première bachelière ( à l'époque seuls 30% l'étaient). Bretonne et fille d'agriculteurs, 2 étiquettes pas très glamour au siècle dernier 🤣).
Mes parents avaient leur certificat d'études, ma mère a suivi ensuite une école ménagère.  Mon père a poursuivi un peu mais l'amour de la terre a été plus fort. Il faut se rappeler que les études étaient payantes ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ( du moins jusqu'au bac, après il faut se loger, se transporter, etc)
Dans ma BF, bien plus modeste, ils ont aussi bien réussis bien que leurs études aient été modestes. Je prends comme exemple une BS, un simple Bep en poche est entrée par la petite porte au ministère de la justice, après un début de carrière dans le privé, puis devenue greffière, la où aujourd'hui il faut un bac + 4. Elle a remercié mille fois un enseignement solide y compris professionnel.


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Iphigénie
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par Iphigénie Lun 13 Déc 2021 - 9:18
Études payantes mais école normale dès 16 ans(la troisième) avec prise en charge totale des frais d’internat: d’où ce que je disais plus haut.
Et possibilité de convertir en ipes pour ceux qui visaient le professorat: ça change pas mal la donne. Et un tarif d’université et de concours qui n’a aucun rapport avec aujourd’hui.
Dans ce domaine comme dans les autres ce sont les conditions économiques qui changent la donne et pas les méthodes pédagogiques ou les discours exaltés sur la mixité , du moins pour l’essentiel. Il serait temps qu’on s’en aperçoive .
Pour qu’il y ait dans la société une envie d’école il faut que l’école apporte un privilège: aujourd’hui l’argumentaire c’est de dire que c’est pour éviter le chômage( et c’est de moins en moins vrai en plus: d’autant qu’on a l’argumentaire inverse: comme l’école Niel qui infuse l’idée que l’école formate des incapables…) . Mais si tu as un doctorat ou tu émigres ou tu te retrouves caissière ou prof: ça donne pas très envie.
Je crois que ce qui manque d’abord à nos élèves c’est la confiance et l’enthousiasme et ça c’est pas l’école c’est tout le reste de la société qui ne le leur donne pas
Leclochard
Leclochard
Empereur

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par Leclochard Lun 13 Déc 2021 - 12:24
RogerMartin a écrit:Moi aussi j'ai des diplômes plus élevés que ceux de mes parents, mais il y a aussi de plus en plus de diplômés.

Elaïna a écrit:La guerre des boutons c'est le début du XXe siècle il me semble. La tension entre "calotins" et libre penseurs qui est évoquée incline à inscrire l'action autour de la loi de 1905, et du reste Pergaud a enseigné dans le Doubs en 1902 (de mémoire). 
Certes les lois Ferry sont récentes mais la loi Guizot non...

Pour prendre un autre exemple plus récent, dans Le petit Nicolas, il y a la figure de Clotaire qui est un exemple intéressant de gamin largué très tôt... (Et qui à vue de nez me semble un exemple intéressant de gamin qui doit avoir un gros trouble de l'apprentissage). 

Bref peu importe. Personnellement j'ai peine à croire que "ça s'aggrave", par contre je crois fermement que l'éducation nationale n'a jamais vraiment lutté contre les inégalités socio culturelles, mis à part, peut-être, à un moment très court dans l'après guerre, au moment des Trente glorieuses et de l'enthousiasme de la République sociale née du CNR.
Non, les enjeux n'étaient pas les mêmes et je n'idéalise pas du tout cette période. À cette époque, il était juste indolore pour l'éducation nationale de laisser (toujours autant ?) d'élèves sur le bord du chemin, précisément parce qu'il suffisait de sortir de chez soi pour trouver un travail, et de traverser la rue (?) pour en changer. L'école est devenue obligatoire jusqu'à 16 ans en 1967 ; à l'époque 3/4 des enfants arrêtaient l'école à 14 ans pour travailler, principalement des enfants d'ouvriers et d'agriculteurs. Il n'y avait que 400 000 étudiants.
En ce moment, on est en train de glisser gentiment du bac pour tous au bac+3/+5 pour tous, et il y a un paquet de 16-23/25 ans à qui cela ne convient pas du tout d'être vissé sur une chaise en classe. Je n'ai pas de solution, hein, mais les problèmes causés par cette situation nous occupe une grande partie du temps sur le forum et IRL.
Je suis d'accord avec toi sur le fait que l'école voudrait lutter contre les inégalités socio-culturelles, mais que cela n'a jamais vraiment fonctionné, sauf à bénéficier à quelques individus exceptionnels dans les cohortes.

Tout à fait d’accord.
. Les conditions économiques et sociales ont radicalement changé. Une super croissance et une pénurie de main d’œuvre rendait possible la montée sociale des enfants de classe populaire.
C’est fini depuis longtemps. A cause du taux élevé de chômage, de la concurrence internationale, de  la délocalisation des emplois d’abord ouvriers, puis intellectuels, de la natalité encore soutenue, de la banalisation des titres universitaires etc… il est à diplôme égal plus compliqué d’accéder à un poste élevé et bien rémunéré. Il y a des exceptions encore (secteur médical, en partie le droit ou l’artisanat) mais clairement le diplôme ne protège plus du chômage et ne garantit plus comme en 1960 une élévation sociale. Il faut l’avoir mais ne pas se faire d’illusion. D’où la frustration : on est plus diplômé que ses parents. Mais cela ne veut pas dire qu’on s’en sort mieux, qu’on vit mieux (surtout avec de l’immobilier hors de prix): voir le témoignage éclairant de Lene sur sa condition par rapport à celle de ses parents et beaux-parents.

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Quelqu'un s'assoit à l'ombre aujourd'hui parce que quelqu'un d'autre a planté un arbre il y a longtemps. (W.B)
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