- zigmag17Guide spirituel
Albert Jarl a écrit:Lefteris a écrit:Je serais assez d'accord avec toi -et c'est un des motifs pour lesquels j'ai pris l'EN, outre que ça collait immédiatement à ma formation- si malheureusement tout ce que tu énumères n'arrivait pas à grand pas dans l'EN, métier effectivement préservé naguère.Albert Jarl a écrit:Sous réserve que la situation ne s'aggrave du point de vue des réformes, je n'ai aucun regret. Je pourrais énumérer les points positifs et négatifs mais cela serait fastidieux et surtout subjectif. Ce que j'aime par dessus tout dans ce métier, c'est ma liberté. J'ai vraiment le sentiment d'être mon propre patron, du moins rien ne m'empêche de faire comme si. Considérant que je viens d'un milieu social défavorisé et que j'accepte mal l'autorité, je suis convaincu que ma situation aurait pu être bien pire ailleurs. Si j'avais dû supporter les managers, les N+, les team building, les learning et autres fadaises, je pense qu'à l'heure actuelle je me serais déjà fait lourder, ou j'aurais démissionné pour me reconvertir dans les braquages de banque ou autre commerces illicites
Cette forme d'inertie qui aujourd'hui encore nous préserve vient selon moi de la spécificité de la salle de classe. En dernière instance, aucun prétendu manager n'est suffisamment téméraire pour nous y suivre au delà d'une visite toutes les x années. Ils prendront des mesures, tenteront de faire appliquer des décisions absurdes, mais ils ne mettront jamais les pieds dans l'antre du diable pour vérifier ce qui s'y passe. Tous les jours que dieu fait (sauf les vacances), le prof passe la tête et le corps entier là où personne n'oserait mettre le petit doigt. Les 50 m2 c'est à nous, c'est notre royaume et, comme on le sait, rex imperator in regno suo.
Imperator imperator, c'est vite dit!!! (je parle pour moi: c'est plutôt "dolor" dans certains 50m2 bien pourvus d'apprenants rétifs! )
- LizdarcyFidèle du forum
Je rajouterais bien un bémol : être agrégé aide beaucoup à faire passer la pilule, tant en terme de quantité de travail que de salaire.
Sinon pour ma part, simple certifiée travaillant en collège, je suis bien plus usée que ma sœur administrative dans un autre ministère. Elle pointe, choisit ses horaires, a son mercredi, un très grand nombre de rtt à poser qui fait qu'elle a au moins une semaine de vacances avec ses enfants, un bon CE et des primes. Bref, d'une autre catégorie, nous flirtons au même niveau question salaire.
Est-ce que je regrette? Je n'en sais rien, ce n'était pas une vocation pour ma part. Est-ce que j'ai voulu fuir? Mille fois. Mais à 12 ans de la retraite, clairement le modus vivendi que j'essaie d'adopter me semble être la seule issue possible.
Sinon pour ma part, simple certifiée travaillant en collège, je suis bien plus usée que ma sœur administrative dans un autre ministère. Elle pointe, choisit ses horaires, a son mercredi, un très grand nombre de rtt à poser qui fait qu'elle a au moins une semaine de vacances avec ses enfants, un bon CE et des primes. Bref, d'une autre catégorie, nous flirtons au même niveau question salaire.
Est-ce que je regrette? Je n'en sais rien, ce n'était pas une vocation pour ma part. Est-ce que j'ai voulu fuir? Mille fois. Mais à 12 ans de la retraite, clairement le modus vivendi que j'essaie d'adopter me semble être la seule issue possible.
- dandelionVénérable
En étant certifié, tu as un salaire qui ne te permet pas de vivre confortablement. Agrégé, surtout avec des heures sup', c'est évidemment différent. Par contre, si tu y ajoutes le fait de ne pas choisir où tu habites, et ce sans compensation, plus le faible salaire, plus les conditions de travail pas terribles, cela commence à faire beaucoup.
J'ai travaillé dans des établissements agréables, ou au moins bien gérés, avec des élèves qui essayaient, et cela rendait le métier intéressant. Dans d'autres établissements, j'ai trouvé le métier vraiment éprouvant (les locaux vétustes, le comptage mesquin des photocopies, l'absence de toilettes correctes, ça devient vite usant). J'ai constaté moi aussi une grande dégradation des conditions d'enseignement au fil du temps, à laquelle s'ajoute le mépris dans lequel la société nous tient. Quand je vois que même les enseignants américains ont eu plus de protections face à la Covid que les enseignants français, que dans la plupart des états ils sont vaccinés en priorité, même si eux aussi se font traiter de fainéants et de planqués, je me demande comment on parvient encore à recruter des enseignants en France (ou du personnel hospitalier, parce que les applaudissements, c'est bien gentil, mais ça ne compense pas le mépris et l'exploitation subis au quotidien).
J'ajoute une petite remarque d'une personne qui vieillit: c'est un métier beaucoup plus physique que l'on ne le croit, et les conditions dans certains établissements peuvent devenir franchement pénibles dès lors qu'on n'est plus dans une forme physique époustouflante. Si l'on n'a pas sa classe, il faut marcher parfois de longues distances, porter un sac souvent lourd, aller chercher les élèves dans la cour au collège, et on doit toujours être attentif (ça c'est ce que beaucoup de gens ne réalisent pas, et ça a évolué vraiment négativement, avec des élèves qu'il faut constamment surveiller, ce qui était moins le cas quand j'ai débuté). Je connais des personnes qui ont échoué aux concours d'enseignement il y a une vingtaine d'années et qui aujourd'hui considèrent cela comme une chance. Cela dit, ça reste supérieur au chômage, donc en reconversion, et sans illusions, pourquoi pas.
J'ai travaillé dans des établissements agréables, ou au moins bien gérés, avec des élèves qui essayaient, et cela rendait le métier intéressant. Dans d'autres établissements, j'ai trouvé le métier vraiment éprouvant (les locaux vétustes, le comptage mesquin des photocopies, l'absence de toilettes correctes, ça devient vite usant). J'ai constaté moi aussi une grande dégradation des conditions d'enseignement au fil du temps, à laquelle s'ajoute le mépris dans lequel la société nous tient. Quand je vois que même les enseignants américains ont eu plus de protections face à la Covid que les enseignants français, que dans la plupart des états ils sont vaccinés en priorité, même si eux aussi se font traiter de fainéants et de planqués, je me demande comment on parvient encore à recruter des enseignants en France (ou du personnel hospitalier, parce que les applaudissements, c'est bien gentil, mais ça ne compense pas le mépris et l'exploitation subis au quotidien).
J'ajoute une petite remarque d'une personne qui vieillit: c'est un métier beaucoup plus physique que l'on ne le croit, et les conditions dans certains établissements peuvent devenir franchement pénibles dès lors qu'on n'est plus dans une forme physique époustouflante. Si l'on n'a pas sa classe, il faut marcher parfois de longues distances, porter un sac souvent lourd, aller chercher les élèves dans la cour au collège, et on doit toujours être attentif (ça c'est ce que beaucoup de gens ne réalisent pas, et ça a évolué vraiment négativement, avec des élèves qu'il faut constamment surveiller, ce qui était moins le cas quand j'ai débuté). Je connais des personnes qui ont échoué aux concours d'enseignement il y a une vingtaine d'années et qui aujourd'hui considèrent cela comme une chance. Cela dit, ça reste supérieur au chômage, donc en reconversion, et sans illusions, pourquoi pas.
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
Albert Jarl a écrit:Lefteris a écrit:Je serais assez d'accord avec toi -et c'est un des motifs pour lesquels j'ai pris l'EN, outre que ça collait immédiatement à ma formation- si malheureusement tout ce que tu énumères n'arrivait pas à grand pas dans l'EN, métier effectivement préservé naguère.Albert Jarl a écrit:Sous réserve que la situation ne s'aggrave du point de vue des réformes, je n'ai aucun regret. Je pourrais énumérer les points positifs et négatifs mais cela serait fastidieux et surtout subjectif. Ce que j'aime par dessus tout dans ce métier, c'est ma liberté. J'ai vraiment le sentiment d'être mon propre patron, du moins rien ne m'empêche de faire comme si. Considérant que je viens d'un milieu social défavorisé et que j'accepte mal l'autorité, je suis convaincu que ma situation aurait pu être bien pire ailleurs. Si j'avais dû supporter les managers, les N+, les team building, les learning et autres fadaises, je pense qu'à l'heure actuelle je me serais déjà fait lourder, ou j'aurais démissionné pour me reconvertir dans les braquages de banque ou autre commerces illicites
Cette forme d'inertie qui aujourd'hui encore nous préserve vient selon moi de la spécificité de la salle de classe. En dernière instance, aucun prétendu manager n'est suffisamment téméraire pour nous y suivre au delà d'une visite toutes les x années. Ils prendront des mesures, tenteront de faire appliquer des décisions absurdes, mais ils ne mettront jamais les pieds dans l'antre du diable pour vérifier ce qui s'y passe. Tous les jours que dieu fait (sauf les vacances), le prof passe la tête et le corps entier là où personne n'oserait mettre le petit doigt. Les 50 m2 c'est à nous, c'est notre royaume et, comme on le sait, rex imperator in regno suo.
Il y a d'autres moyens. J'avais lu sur ce forum des choses sur le système australien qui m'avaient fait frémir.
- diegoNiveau 1
Bonjour,
je trouve la question intéressante et me permets d'y ajouter ma modeste contribution ce qui me sert un peu aussi d'introspection, vive neoprofs !!.
Aucun regret pour ma part d'avoir choisi ce métier il y a 30 ans, mais quand même la douloureuse sensation qu'à 10 12 ans de la retraite je risque de vraiment en baver si je ne prends pas du recul sur un métier qui devient un chemin de croix.
Les avantages du métier :
Le temps libre en semaine, les vacances scolaires, enfin tout le temps que l'on peut avoir en dehors de son lieu de travail et de la classe et qui est quand même conséquent quand on le compare à tous les autres métiers.
La sensation d'être son propre patron malgré les tentatives infructueuses des équipes de direction de nous diriger
La liberté pédagogique et les expériences que l'on peut tenter avec les élèves.
Les possibilités de muter en outremer ou à l'étranger (j'ai réalisé une partie de ma carrière en outremer et ça c'est le pied)
Les élèves pour certains qui sont encore motivés par apprendre, mais ils sont de moins en moins nombreux
Les inconvénients :
La déconsidération voire la jalousie par une partie de la population qui ne nous vois que comme des privilégiés
Les relations avec la hiérarchie de moins en moins constructives
Les salaires de misère sauf quand tu es agrégé et que tu vis en outremer, mais ça fait beaucoup de critères pour peu d'élus.
Les relations avec les élèves qui pour la majorité n'ont aucun goût au travail, ne vois aucun intérêt dans l'école mis à part passer le temps et être là par contrainte.
La fatigue nerveuse qu'engendre ce travail de représentation devant la classe.
Conclusion, match nul avec quand même un gros point noir sur les deux derniers aspects.
J'en tire la leçon que pour durer dans ce métier il faut beaucoup de lâcher prise. Le risque dans mon cas est de trop lâcher et de ne plus rien avoir à donner aux jeunes, mais à qui la faute...
je trouve la question intéressante et me permets d'y ajouter ma modeste contribution ce qui me sert un peu aussi d'introspection, vive neoprofs !!.
Aucun regret pour ma part d'avoir choisi ce métier il y a 30 ans, mais quand même la douloureuse sensation qu'à 10 12 ans de la retraite je risque de vraiment en baver si je ne prends pas du recul sur un métier qui devient un chemin de croix.
Les avantages du métier :
Le temps libre en semaine, les vacances scolaires, enfin tout le temps que l'on peut avoir en dehors de son lieu de travail et de la classe et qui est quand même conséquent quand on le compare à tous les autres métiers.
La sensation d'être son propre patron malgré les tentatives infructueuses des équipes de direction de nous diriger
La liberté pédagogique et les expériences que l'on peut tenter avec les élèves.
Les possibilités de muter en outremer ou à l'étranger (j'ai réalisé une partie de ma carrière en outremer et ça c'est le pied)
Les élèves pour certains qui sont encore motivés par apprendre, mais ils sont de moins en moins nombreux
Les inconvénients :
La déconsidération voire la jalousie par une partie de la population qui ne nous vois que comme des privilégiés
Les relations avec la hiérarchie de moins en moins constructives
Les salaires de misère sauf quand tu es agrégé et que tu vis en outremer, mais ça fait beaucoup de critères pour peu d'élus.
Les relations avec les élèves qui pour la majorité n'ont aucun goût au travail, ne vois aucun intérêt dans l'école mis à part passer le temps et être là par contrainte.
La fatigue nerveuse qu'engendre ce travail de représentation devant la classe.
Conclusion, match nul avec quand même un gros point noir sur les deux derniers aspects.
J'en tire la leçon que pour durer dans ce métier il faut beaucoup de lâcher prise. Le risque dans mon cas est de trop lâcher et de ne plus rien avoir à donner aux jeunes, mais à qui la faute...
- limlightNiveau 2
nounours22 a écrit:Tiens quelle coincidence , moi aussi j'étais prof de maths , avec les même symptômes que toi , et j'y suis allé la boule au ventre pendant 25 ans. Et puis un jour ça a fait tilt dans ma tête , je suis parti sur rupture conventionnelle , pour faire quoi , et bien enseigner les maths pardi , des vraies de vraies, a qui , a des élèves qui acceptent de me payer pour en faire.
Résultat : plus de boule au ventre , la liberté totale , plus d'administration , plus de parents critiques ,de locaux vetustes , de bruit et d'élèves pas motivés
Conclusion : fait comme tu veux , mais n'attends pas 25 ans, ca ira pas en s'améliorant à mon humble avis
t'es parti où ? donner des cours particuliers ? (prof de maths stagiaire ici)
- HORAHabitué du forum
Oui, je regrette d'avoir fait des études longues et coûteuses qui m'ont conduite vers cette profession déclassée. Les collègues ont bien décrit les salaires qui suintent le mépris décomplexé, et le phénomène d'usures nerveuse, émotionnelle, physique, qu'engendre assez vite ce métier de représentation, où toute ta personne est engagée, dans le bruit permanent, seul(e) devant des groupes. Comment ne pas y laisser sa santé, c'est ce que je me demande ces temps-ci. Je voudrais arriver à un équilibre tenable : donner mon énergie aux élèves qui jouent le jeu, tout en ne donnant plus rien à mon employeur, qui passe son temps à maltraiter ses agents, tout en n'attendant réellement plus rien que le versement d'un salaire alimentaire.
- nounours22Niveau 5
Je suis parti avec un pecule , environ dans les 65k€ si je compte le chomage , je donne des cours particuliers , je vais tenter l'interim en compta , et je compte faire chauffeur vtc pour rentabiliser mes trajets cours particuliers ( je vais loinbde chez moi
- nounours22Niveau 5
J'ai 55 ans mais selon ma femme plutot 10 ou 3 ans selon les jours
- titritNiveau 8
HORA a écrit:Oui, je regrette d'avoir fait des études longues et coûteuses qui m'ont conduite vers cette profession déclassée. Les collègues ont bien décrit les salaires qui suintent le mépris décomplexé, et le phénomène d'usures nerveuse, émotionnelle, physique, qu'engendre assez vite ce métier de représentation, où toute ta personne est engagée, dans le bruit permanent, seul(e) devant des groupes. Comment ne pas y laisser sa santé, c'est ce que je me demande ces temps-ci. Je voudrais arriver à un équilibre tenable : donner mon énergie aux élèves qui jouent le jeu, tout en ne donnant plus rien à mon employeur, qui passe son temps à maltraiter ses agents, tout en n'attendant réellement plus rien que le versement d'un salaire alimentaire.
Idem pour tout. Et j'y laisse ma santé.
- HORAHabitué du forum
titrit a écrit:HORA a écrit:Oui, je regrette d'avoir fait des études longues et coûteuses qui m'ont conduite vers cette profession déclassée. Les collègues ont bien décrit les salaires qui suintent le mépris décomplexé, et le phénomène d'usures nerveuse, émotionnelle, physique, qu'engendre assez vite ce métier de représentation, où toute ta personne est engagée, dans le bruit permanent, seul(e) devant des groupes. Comment ne pas y laisser sa santé, c'est ce que je me demande ces temps-ci. Je voudrais arriver à un équilibre tenable : donner mon énergie aux élèves qui jouent le jeu, tout en ne donnant plus rien à mon employeur, qui passe son temps à maltraiter ses agents, tout en n'attendant réellement plus rien que le versement d'un salaire alimentaire.[/quot
Idem pour tout. Et j'y laisse ma santé.
@titrit, je comprends. L'équation me paraît impossible à concrétiser en fait. On exerce un métier en contact avec le public, on est plongé sans cesse dans un bain de relations humaines interpersonnelles, on "donne de soi" inévitablement. A cela s'ajoutent les exigences de toute une société à notre égard, de plus en plus similaires à celles d'un maître de maison s'adressant à ses laquais, la crise sanitaire actuelle étant l'apothéose.
Plusieurs néos avaient suggéré que pour ne pas se laisser envahir par les attentes et l'amertume, il fallait essayer de se rappeler ce que nous faisons en tant qu'agents publics : nous délivrons un service à des usagers, libre à eux de s'en saisir ou non. Mais j'ai beau être entièrement d'accord avec cette vision des choses, ben je n'arrive pas à la vivre. Le mépris qu'on me porte en tant qu'enseignante est trop massif, je ne veux plus rien donner dans des conditions pareilles. D'où mon envie de m'en aller loin, très loin. Mais une reconversion ne se fait pas en claquement de doigts. D'où mon envie d'essayer de trouver un équilibre dans le fameux "don de soi". Mais... Bref, je tourne en rond. Tout ça pour dire que je te comprends
- berzekoNiveau 8
Balthazaard a écrit:Bonjour
Ta question est mal posée à mon avis
Est-ce que je regrette? Je n'en sais rien, financièrement sûrement, pour le reste j'avoue que mon cœur balance, je ne me suis jamais rendu malade pour mon métier, je n'ai jamais passé des vacances à "préparer des cours", je n'ai jamais stressé pour quelque délai que ce soit, je n'ai jamais laissé quiconque exercer la moindre pression sur moi, je n'ai jamais cédé à la moindre mode pédagogique, et j'ai plutôt été bien noté (hc avant le 11ème)...du coup je trouve l'avoir bien vécu.
Pour ce que tu demandes...est-ce que je le referais dans la situation actuelle? MILLE FOIS NON, ce métier se dégrade à une vitesse inimaginable, rien ne laisse présager une amélioration dans quelque domaine que ce soit.
Maintenant je pense qu'un prof œuvrait dans le domaine de la culture et que du coup sa perception du monde s'en trouvait élargie, j'apprécie quand je lis quelque chose, et pas seulement dans ma matière, de ne pas être "largué", d'avoir modestement "quelques idées" et de m'apercevoir, quand je cherche à les approfondir, que je n'étais pas totalement à la rue. Je suis intimement persuadé que ceci est lié à l'essence de notre métier, associé au temps libre (en tous cas pour moi) qu'il permet. Pour s'en persuader, il n'y a qu'à lire les interventions dans les différentes rubriques de ce forum. Je ne suis pas convaincu qu'un autre métier (dans le domaine sportif en ce qui me concerne si j'avais choisi) aurait amené cette richesse.
Je ne suis pas en train de dire qu'en dehors des profs il n'y a que de l'inculture, loin de là, mais je pense, que nous étions favorisés. Dans la situation actuelle de l'EN le mot culture devient un gros mot, l'idéal est le prof qui en sait à peine plus que son programme, d'ailleurs pour la culture il y a internet!!
D'accord avec toi on apprend/redécouvre sa matière et d'autres et pour avoir fait d'autres boulots ce n'est pas possible ailleurs.
- IrulanHabitué du forum
Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:Il y a d'autres moyens. J'avais lu sur ce forum des choses sur le système australien qui m'avaient fait frémir.
Je veux bien frémir un peu : les cours sont filmés ?
_________________
Ad augusta per angusta.
- LefterisEsprit sacré
Oui, mais dans cette classe, on est aussi dans la cage aux fauves, à se débrouiller. Et à côté, il y a la pression permanente pour nous emm..der : les projets, les compétences. Le PPCR fait aussi plier pas mal de collègues, qui courent dans tous les sens pour être bien vus (jusqu'à ce qu'ils se prennent la gifle). Faire de la résistance passive, c'est bon pour des gens comme moi, qui sont relativement âgés, qui n'ont jamais rien eu autrement qu'à l'usure (sauf les concours), dont c'est le caractère , et qui en plus méprisent foncièrement ce système. Mais ce n'est pas une position majoritaire, et c'est comme ça que les méthodes managériales s'infiltrent peu à peu. Sans compter les coups de canif -ou de hache bientôt- dans les statuts, donc aucun ministre ne se prive.Albert Jarl a écrit:
Cette forme d'inertie qui aujourd'hui encore nous préserve vient selon moi de la spécificité de la salle de classe. En dernière instance, aucun prétendu manager n'est suffisamment téméraire pour nous y suivre au delà d'une visite toutes les x années. Ils prendront des mesures, tenteront de faire appliquer des décisions absurdes, mais ils ne mettront jamais les pieds dans l'antre du diable pour vérifier ce qui s'y passe. Tous les jours que dieu fait (sauf les vacances), le prof passe la tête et le corps entier là où personne n'oserait mettre le petit doigt. Les 50 m2 c'est à nous, c'est notre royaume et, comme on le sait, rex imperator in regno suo.
Il faut lâcher de vieilles habitudes mentales, c'est assez difficile. Ca se travaille.HORA a écrit:Oui, je regrette d'avoir fait des études longues et coûteuses qui m'ont conduite vers cette profession déclassée. Les collègues ont bien décrit les salaires qui suintent le mépris décomplexé, et le phénomène d'usures nerveuse, émotionnelle, physique, qu'engendre assez vite ce métier de représentation, où toute ta personne est engagée, dans le bruit permanent, seul(e) devant des groupes. Comment ne pas y laisser sa santé, c'est ce que je me demande ces temps-ci. Je voudrais arriver à un équilibre tenable : donner mon énergie aux élèves qui jouent le jeu, tout en ne donnant plus rien à mon employeur, qui passe son temps à maltraiter ses agents, tout en n'attendant réellement plus rien que le versement d'un salaire alimentaire.
Un de mes très proches parents y était il y a encore quatre ans, et là, ça préfigure le rêve de nos zélites : métier totalement déclassé que personne ne veut exercer, moins payé qu'une nounou.C'est un "job", qu'on ne fait que quelques temps, comme pompiste ou serveur, et qui évidemment n'attire pas les meilleurs étudiants (exemple vrai d'un professeur de SVT créationniste). Si l'on reste, on devient une sorte de chef qui fait du "reporting", c'est-à-dire le lien avec le chef, le contrôle des heures des collègues -et les éventuelles autorisations de sortie -consignés dans l'établissement pour remplacer au pied levé. Et ce dans n'importe quelle matière, chaque enseignant devant laisser un classeur avec d travail pour les élèves. On passe des qualifications en quelques semaines, pour être bivalent, trivalent ou plus. Le chef d'établissement décide de tout, il peut imposer des HS dans des proportions excessives... Voilà quelques aspects de ce paradisMara-Jade a écrit:Je veux bien frémir un peu : les cours sont filmés ?
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- TardisNiveau 9
diego a écrit:Bonjour,
je trouve la question intéressante et me permets d'y ajouter ma modeste contribution ce qui me sert un peu aussi d'introspection, vive neoprofs !!.
Aucun regret pour ma part d'avoir choisi ce métier il y a 30 ans, mais quand même la douloureuse sensation qu'à 10 12 ans de la retraite je risque de vraiment en baver si je ne prends pas du recul sur un métier qui devient un chemin de croix.
Les avantages du métier :
Le temps libre en semaine, les vacances scolaires, enfin tout le temps que l'on peut avoir en dehors de son lieu de travail et de la classe et qui est quand même conséquent quand on le compare à tous les autres métiers.
La sensation d'être son propre patron malgré les tentatives infructueuses des équipes de direction de nous diriger
La liberté pédagogique et les expériences que l'on peut tenter avec les élèves.
Les possibilités de muter en outremer ou à l'étranger (j'ai réalisé une partie de ma carrière en outremer et ça c'est le pied)
Les élèves pour certains qui sont encore motivés par apprendre, mais ils sont de moins en moins nombreux
Les inconvénients :
La déconsidération voire la jalousie par une partie de la population qui ne nous vois que comme des privilégiés
Les relations avec la hiérarchie de moins en moins constructives
Les salaires de misère sauf quand tu es agrégé et que tu vis en outremer, mais ça fait beaucoup de critères pour peu d'élus.
Les relations avec les élèves qui pour la majorité n'ont aucun goût au travail, ne vois aucun intérêt dans l'école mis à part passer le temps et être là par contrainte.
La fatigue nerveuse qu'engendre ce travail de représentation devant la classe.
Conclusion, match nul avec quand même un gros point noir sur les deux derniers aspects.
J'en tire la leçon que pour durer dans ce métier il faut beaucoup de lâcher prise. Le risque dans mon cas est de trop lâcher et de ne plus rien avoir à donner aux jeunes, mais à qui la faute...
+1. Excellente synthèse.
- Albert JarlHabitué du forum
Lefteris a écrit:Oui, mais dans cette classe, on est aussi dans la cage aux fauves, à se débrouiller. Et à côté, il y a la pression permanente pour nous emm..der : les projets, les compétences. Le PPCR fait aussi plier pas mal de collègues, qui courent dans tous les sens pour être bien vus (jusqu'à ce qu'ils se prennent la gifle). Faire de la résistance passive, c'est bon pour des gens comme moi, qui sont relativement âgés, qui n'ont jamais rien eu autrement qu'à l'usure (sauf les concours), dont c'est le caractère , et qui en plus méprisent foncièrement ce système. Mais ce n'est pas une position majoritaire, et c'est comme ça que les méthodes managériales s'infiltrent peu à peu. Sans compter les coups de canif -ou de hache bientôt- dans les statuts, donc aucun ministre ne se prive.Albert Jarl a écrit:
Cette forme d'inertie qui aujourd'hui encore nous préserve vient selon moi de la spécificité de la salle de classe. En dernière instance, aucun prétendu manager n'est suffisamment téméraire pour nous y suivre au delà d'une visite toutes les x années. Ils prendront des mesures, tenteront de faire appliquer des décisions absurdes, mais ils ne mettront jamais les pieds dans l'antre du diable pour vérifier ce qui s'y passe. Tous les jours que dieu fait (sauf les vacances), le prof passe la tête et le corps entier là où personne n'oserait mettre le petit doigt. Les 50 m2 c'est à nous, c'est notre royaume et, comme on le sait, rex imperator in regno suo.
Je suis d'accord avec ce que tu dis. C'est pour cela qu'il m'arrive d'être (je le reconnais) un peu méprisant avec mes collègues (y compris sur ce forum). Le fond de l'affaire est que je sais pertinemment que ce système finira par m'atteindre en passant par eux.
_________________
Si vis pacem, para bellum
- Albert JarlHabitué du forum
diego a écrit:
J'en tire la leçon que pour durer dans ce métier il faut beaucoup de lâcher prise. Le risque dans mon cas est de trop lâcher et de ne plus rien avoir à donner aux jeunes, mais à qui la faute...
C'est bien vu, je me reconnais. Sauf que je constate un truc de fou au sujet des élèves. Plus je lâche prise, plus ils aiment ça. A ce jour, certains m'envoient carrément des mails sur l'ENT (covid oblige) pour rattraper les devoirs sur table, me proposer des créneaux pour cela, me montrer des travaux que je n'ai pas demandé, etc.
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- ElaïnaDevin
Disons qu'il faut avoir une certaine capacité à se foutre de tout, et surtout du regard d'autrui (élèves, collègues, chefs, inspecteurs, parents, journalistes divers).
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- ElaïnaDevin
Albert Jarl a écrit:diego a écrit:
J'en tire la leçon que pour durer dans ce métier il faut beaucoup de lâcher prise. Le risque dans mon cas est de trop lâcher et de ne plus rien avoir à donner aux jeunes, mais à qui la faute...
C'est bien vu, je me reconnais. Sauf que je constate un truc de fou au sujet des élèves. Plus je lâche prise, plus ils aiment ça. A ce jour, certains m'envoient carrément des mails sur l'ENT (covid oblige) pour rattraper les devoirs sur table, me proposer des créneaux pour cela, me montrer des travaux que je n'ai pas demandé, etc.
Mais tellement!
Après je dois dire que j'ai sûrement de la chance d'être là où je suis. Les bourgeois, ça va, ça me parle. Les parents qui tentent de t'impressionner à grands coups de "han mais j'ai un ami avocat, il me dira comment vous attaquer, ça ne me coûtera qu'une bouteille de champagne", à quoi je réponds impavide "ha, ben moi c'est mon mari qui me défendra, ça me coûtera même pas le champagne vous voyez", ou les élèves qui tentent "moi madame j'étais en Suisse à Noël, c'est le seul endroit où on peut skier, et vous ?" - "Sur mon île privée aux Seychelles, j'aime pas avoir froid aux pieds". Mais j'aurais été très malheureuse en REP et endroits du genre - je suis d'une grande lâcheté, je le reconnais sans problème.
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- roxanneOracle
Mais entre les deux, il y a tout de même la plupart des établissements comme le mien .
- Albert JarlHabitué du forum
Je suis en banlieue et le lâcher prise fonctionne bien. Sauf sur la discipline évidemment, je suis pas suicidaire.
_________________
Si vis pacem, para bellum
- ElaïnaDevin
roxanne a écrit:Mais entre les deux, il y a tout de même la plupart des établissements comme le mien .
Oui ou comme mon ancien bahut (de banlieue aussi). Où j'étais très bien du reste, et d'où je ne suis partie que pour des raisons d'éloignement. Encore que les ST2S, je ne les regrette pas beaucoup et je suis bien contente d'avoir eu un bahut sans séries techno (enfin ça a son revers de médaille hein : comme les techno sont dans la ville d'à côté, et qu'on n'est pas des monstres au point de les envoyer traverser la Seine pour aller chez les bourges d'en face, ça serait vraiment crocro méchant, on s'en garde des bien gratinés...).
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It took me forty years to realize this. But for guys like us... our lives aren't really our own. There's always someone new to help. Someone we need to protect. These past few years, I fought that fate with all I had. But I'm done fighting. It's time I accept the hand I was dealt. Too many people depend on us. Their dreams depend on us.
Kiryu Kazuma inYakuza 4 Remastered
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- BaldredSage
Donc, à l'adresse des sous prolétaires inconscients masochistes suicidaires qui tenteraient un concours d'enseignement :
une bibliographie de base que chacun pourra compléter :
Manuel des forces spéciales en milieu hostile, Chris MacNab (pour des raisons évidentes)
Oblomov, Gontcharov (pour les adeptes du lâcher prise)
Le village des Damnés, John Wyndham, (comment faire exploser une classe d'enfants télépathes)
Le gone du Chaâba, Azouz Begag ( introduction gentille à la REP+)
Instructions aux domestiques, Jonathan Swift (pour se préparer au rôle d'esclave précepteur)
Sa majesté des mouches, William Golding ( pour ne plus JAMAIS laisser une classe sans surveillance)
American Psycho, Bret Easton Ellis ( pour comprendre la psychologie d'un inspecteur en caméra embarquée)
Le procès, Kafka ( pour préparer le PPCR)
La métamorphose, Kafka ( pour les matins où on ne veut vraiment pas y aller)
La conjuration des imbéciles, John Kennedy Toole ( pour... toutes les circonstances comportant la mention "Education Nationale")
Mendiants et orgueilleux, Albert Cossery ( pour comprendre les profs)
Pour en finir une bonne fois pour toute avec la culture, Woody Allen ( synthèse des BO des trente dernières années...)
Oui-oui à l'école, Enid Blyton ( pour comprendre comment nait une vocation )
Voyage au bout de la nuit, Céline ( pour comprendre comment meurt une vocation)
Le désert des Tartares, Dino Buzzati ( pour comprendre le déroulement de carrière et la retraite)
une bibliographie de base que chacun pourra compléter :
Manuel des forces spéciales en milieu hostile, Chris MacNab (pour des raisons évidentes)
Oblomov, Gontcharov (pour les adeptes du lâcher prise)
Le village des Damnés, John Wyndham, (comment faire exploser une classe d'enfants télépathes)
Le gone du Chaâba, Azouz Begag ( introduction gentille à la REP+)
Instructions aux domestiques, Jonathan Swift (pour se préparer au rôle d'esclave précepteur)
Sa majesté des mouches, William Golding ( pour ne plus JAMAIS laisser une classe sans surveillance)
American Psycho, Bret Easton Ellis ( pour comprendre la psychologie d'un inspecteur en caméra embarquée)
Le procès, Kafka ( pour préparer le PPCR)
La métamorphose, Kafka ( pour les matins où on ne veut vraiment pas y aller)
La conjuration des imbéciles, John Kennedy Toole ( pour... toutes les circonstances comportant la mention "Education Nationale")
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- User20159Esprit éclairé
Baldred a écrit:Donc, à l'adresse des sous prolétaires inconscients masochistes suicidaires qui tenteraient un concours d'enseignement :
une bibliographie de base que chacun pourra compléter :
Manuel des forces spéciales en milieu hostile, Chris MacNab (pour des raisons évidentes)
Oblomov, Gontcharov (pour les adeptes du lâcher prise)
Le village des Damnés, John Wyndham, (comment faire exploser une classe d'enfants télépathes)
Le gone du Chaâba, Azouz Begag ( introduction gentille à la REP+)
Instructions aux domestiques, Jonathan Swift (pour se préparer au rôle d'esclave précepteur)
Sa majesté des mouches, William Golding ( pour ne plus JAMAIS laisser une classe sans surveillance)
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Le procès, Kafka ( pour préparer le PPCR)
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Mendiants et orgueilleux, Albert Cossery ( pour comprendre les profs)
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Oui-oui à l'école, Enid Blyton ( pour comprendre comment nait une vocation )
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J'adore ta liste.
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