- Docteur OXGrand sage
http://www.lexpress.fr/actualite/journal-d-un-prof-accidentel-1_1285600.html
Il y a encore un mois, quand on me demandait ce que je faisais dans la vie, j'étais bien embarrassé. J'étais jusqu'alors assistant d'éducation (surveillant en français), mais mon contrat s'est terminé et je n'ai pas réussi à trouver de place dans un autre établissement.
Ensuite, tout est allé très vite. Je prends contact avec mon ancienne CPE pour lui dire que je cherche du boulot. Dans mon ancien lycée, justement, il y a quelques heures d'espagnol que personne ne veut faire, alors puisque je faisais des études pour devenir prof, me voilà bombardé à ce poste. Je reste dans le même lycée professionnel, mais je passe de surveillant à prof avant même d'avoir eu le temps de m'en rendre compte, et sans l'avoir demandé ni n'avoir rien fait pour le devenir. Un prof accidentel, en somme.
Au début, évidemment, c'était étrange. "Ah, en fait t'es revenu, je croyais que t'étais plus surveillant ici?", me lançaient les élèves. "Eh bien en fait je suis plus surveillant, je suis prof maintenant..."
Me voilà en l'espace de quelques jours amené à faire ce travail alors que j'ai renoncé à en faire ma vocation en voyant l'évolution calamiteuse de l'Education nationale. Puis si j'ai tout de même 26 ans, je fais jeune. Les élèves le voient, les parents aussi. Comme ce parent d'élève qui a voulu me rencontrer aujourd'hui et qui m'a vraisemblablement pris pour un surveillant (difficile de le blâmer), et était tout surpris que je sois le prof de sa fille. Si seulement je pouvais paraître dix ans plus vieux lorsque je vais travailler...
Notre seule autorité est celle que l'on veut bien nous donner
Face aux élèves, le premier contact est hasardeux, se fait à tâtons, dans le stress, la bouche pâteuse. Je ne le nierai pas, même si j'ai déjà été assistant de langue, même si j'ai été surveillant trois ans, le rôle du prof relève d'un numéro d'équilibriste et de prestidigitateur qu'aucune étude ne peut nous préparer à réussir.
Le prof ne dispose de pratiquement aucune mesure coercitive face aux élèves. Les fameuses heures de colle, à l'efficacité discutable, sont distribuées au compte-gouttes et représentent une charge de travail supplémentaire. Les exclusions de cours restent une solution extrême réservée au cas où un élève rend impossible la tenue du cours malgré de nombreux rappels à l'ordre. Mais si ce sont plusieurs élèves, il n'est bien entendu pas possible d'exclure la moitié de la classe...
La seule mesure vraiment utile et efficace reste finalement de prendre contact avec les parents, mais encore faut-il que ces derniers, parfois pires que leurs rejetons, se montrent coopératifs... Bref, faire croire aux élèves qu'on est le maître alors que notre seule autorité est celle que l'on veut bien nous donner est un exercice compliqué. Une fois la question de la discipline entendue (mais elle ne l'est jamais tout à fait), reste l'autre question, épineuse, de la pédagogie. Car si je me bats pour que mes ados se tiennent à peu près correctement (j'ai dis à peu près), je dois aussi, paraît-il, dans les moments que je réussis à libérer, leur apprendre la langue de Cervantès.
Il faut jongler avec des niveaux d'une grande disparité; ceux qui travaillent, ceux qui bayent aux corneilles, mais aussi ceux dont je découvre la dyslexie (oui parce que bien que l'infirmière du lycée et moi nous connaissions, elle n'a apparemment pas jugé utile de me dire que deux de mes élèves sont dyslexiques, et je ne m'étonnerais pas d'en découvrir un troisième).
Une administration entêtée
Comme dans ce premier lycée il y a très peu d'heures, on m'a également affecté sur un autre lycée professionnel, un tantinet plus difficile. Je me retrouve notamment face à une classe où aucun élève ne semble s'intéresser à autre chose qu'à me déstabiliser, se raconter le week-end, faire des conneries, en dire, ou encore se moquer de l'un des élèves, autiste. Dans une autre, je rencontre un élève sur lesquelles motivations le CPE semble s'interroger: "On se demande s'il est là pour étudier ou réactiver les réseaux de vente de son grand frère..." Évidemment, il ne s'agit pas de vendre des tickets restos de contrebande...
Mais être prof, c'est aussi, j'allais dire surtout, se confronter à une administration entêtée, semblable au Château du roman de Kafka. Elle me dicte vaguement ce que je dois faire, signe mon contrat, paie mes chèques, mais n'a ni nom, ni visage, ni identité. Il y a ce proviseur-adjoint qui me raconte sa vie alors que je lui demande simplement une salle pour faire cours. Il semble vivre dans un autre monde. Heureusement, il y a les collègues...
J'ai voulu devenir prof parce que j'aime apprendre et je voulais transmettre ce goût aux autres. J'ai voulu devenir prof parce que j'ai connu l'échec scolaire et que j'en suis revenu. J'ai voulu devenir prof parce que je voulais pouvoir aider ceux qui, comme moi, pâtissent d'un milieu familial chaotique qui les handicape. J'ai voulu devenir prof parce que je suis révolté par l'injustice de la situation de ceux qui ne peuvent devenir ce qu'ils veulent, non parce qu'ils ne s'en donnent pas les moyens, mais parce qu'ils ne sont pas nés dans la bonne famille. Y arriver, c'est une autre paire de manches
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- CasparProphète
Débuter dans l'enseignement dans le lycée où on était assistant d'éducation n'est pas une très bonne idée on dirait.
Si vous faites trop jeune et qu'on vous confond avec un élève, ne vous inquiétez pas trop, ça passera forcément un jour.
Si vous faites trop jeune et qu'on vous confond avec un élève, ne vous inquiétez pas trop, ça passera forcément un jour.
- CowabungaHabitué du forum
+1Caspar Goodwood a écrit:Débuter dans l'enseignement dans le lycée où on était assistant d'éducation n'est pas une très bonne idée on dirait.
Si vous faites trop jeune et qu'on vous confond avec un élève, ne vous inquiétez pas trop, ça passera forcément un jour.
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"La parole est mon domaine, la parole est mon royaume" Paul Ricoeur
- CasparProphète
Je ne suis pas très gentil envers ce jeune collègue qui a l'air de souffrir un peu mais j'en assez des jérémiades faussement modestes sur le thème "ouh là là qu'est-ce que je fais jeune, on me prend pour un élève c'est affreux", ça te passera mon petit (parole d'un quadragénaire qui a néanmoins su rester superbe )
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