La "Loi pour la Recherche" (2020) dite LPR

"Le 14 décembre 2019, s'est tenu à Bagnolet une Assemblée générale nationale de coordination des facs et labos en lutte. Elle a notamment abordé, par le truchement du représentant de l'université Paris I, la question de la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche 2020 (LPPR), qui sera présentée en janvier 2020, sur la base de trois rapports sortis en juin, discutés par les élus des sections CNRS. Le 1er rapport dresse un constat juste sur les problèmes puis explique la philosophie générale de règlement des problèmes en échange de compensation. Le 2e rapport égrène les attaques contre la recherche et l'enseignement puis contre les conditions d'étude des étudiants et de travail de tous les personnes. Les pistes explorées sous Sarkozy et Pécresse sont approfondies comme la création de contrats précaires (CDI chantier), la différenciation entre universités (certaines écoles doctorales pouvant se passer de qualification), les chaires d'excellence (avec des recrutements hors grilles et moins d'obligations de cours - 150 h annuelles au détriment d'autres postes d'enseignants-chercheurs, les postes de 5 ans en tenure track), la modulation de service (calcul en ECTS plutôt qu'en service horaire), la centralisation des moyens à l'ANR pour couper court aux financements pérennes, le désengagement de l'Etat. Le troisième rapport porte sur les relations entre les entreprises et la recherche et ne comporte que peu de propositions concrètes."
http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2019/09/25/lppr-rapports-des-groupes-de-travail/

La tribune publiée par Antoine Petit, PDG du CNRS (Conseil national de la Recherche scientifique) dans le quotidien économique Les Echos à l'occasion du 80e anniversaire de l'institution a particulièrement mis le feu aux poudres en appelant de ses voeux "une loi ambitieuse, inégalitaire - oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l'échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies".  https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/la-recherche-une-arme-pour-les-combats-du-futur-1150759
Sans tarder, une réponse à cette tribune a été publié par Le Monde https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/06/le-darwinisme-social-applique-a-la-recherche-est-une-absurdite_6021868_3232.html  ainsi qu'une lettre ouverte signée par la présidente du Conseil scientifique du CNRS, les présidents des conseils scientifiques des instituts du CNRS, les présidents des sections et commissions interdisciplinaires du CNRS (sauf une) et qui se conclut par ces mots " Le Comité national ne saurait s’associer à la mise en oeuvre d’une politique « darwinienne » (sic) dans l’enseignement supérieur et la recherche en  France"
https://academia.hypotheses.org/6055

Outre la crise institutionnelle très grave que connaît le CNRS puisque l'ensemble de ses composantes désavoue son PDG (et une grève reconduite de ses personnels est en cours), les perspectives dressées par Mme Vidal et M. Macron soulèvent l'indignation dans l'enseignement supérieur et de la recherche et ce, de manière importante.
https://www.neoprofs.org/t126760p25-mobiliser-encore-et-encore#4830377

Il y a aussi la possibilité de fusion des corps et tout ce que cela entraînerait.
A noter ce passage savoureux:

"Contexte : Les salaires des chercheurs et enseignants-chercheurs français sont en décrochage par
rapport aux standards internationaux. Ce différentiel est particulièrement marqué en début de carrière
(le salaire annuel brut d’entrée moyen des chercheurs en France représente, en parité de pouvoir
d’achat, 63% du salaire moyen d’entrée perçu par les chercheurs en Europe et dans les pays de
l’OCDE). La comparaison avec la rémunération des cadres et cadres supérieurs de la fonction
publique française montre le même phénomène de décrochage de rémunération des métiers de la
recherche, principalement sur le volet indemnitaire. La réforme annoncée des retraites renforce
l’urgence du rattrapage indemnitaire."

Je suis quand même plus que dubitative sur la capacité de mobilisation de nombre de collègues.

Il y avait une réponse très classe d'un chercheuse sur les hasards de l'évolution liée au Darwinisme et aux branches "suicidaires" liées à cette notion. Je n'arrive plus à la retrouver.

J'ai entendu M. Petit à un Téléphone sonne il y a un mois à peu près. Je me souviens de ma stupéfaction (il parlait de son fameux darwinisme). Quelqu'un lui a posé la question de la place, dans ce schéma, des SHS. Réponse en substance : ah, mais les SHS prennent de plus en plus d'importance, il faut les défendre, voyez en Chine comme elles sont cruciales pour la dissidence. Rien d'autre, le vide est évocateur...

J'ai entendu, jeudi passé, Frédérique Vidal sur France Culture (La Méthode scientifique) parler de la question des financements et de celle de la revalorisation des salaires (par ex. des MCF).

Ça devrait être disponible en réécoute et podcast ici: https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/la-methode-scientifique-emission-du-jeudi-12-decembre-2019 — mais je ne sais pas si l'empêchement actuel résulte des grèves à Radio France, ou si c'est autre chose.

À mon avis, elle a réussi à franchir le mur du çon sans élan en moins de 30 secondes (ce qui est un exploit). Je résume: revaloriser les salaires, tout le monde le promet depuis des dizaines d'années, mais nous, nous allons faire une loi de programmation, et pour ça, nous avons besoin de fédérer toute la nation, que toute la nation soit d'accord, ce qui est difficile, car, dans la société, il y a des gens qui n'adhèrent pas au raisonnement scientifique…

En gros, dans ma petite tête, j'ai entendu: on ne peut pas augmenter les salaires des MCF et des PU tant qu'il y a des “platistes” et autres irrationalistes… Même Nicolas Martin (je crois), qui présente l'émission, était médusé. Et cerise sur le gâteau, elle a trouvé le moyen de dire qu'on ne l'avait pas comprise. Et l'un des interlocuteurs lui a demandé s'il était vraiment impossible d'augmenter tout de suite les salaires, si elle en avait discuté avec le président Macron et si vraiment, ils craignaient des manifestations dans tous le pays s'ils prenaient cette décision!

J'avoue que je me suis offert le plaisir “régressif”, comme on dit de nos jours, d'éclater de rire!

Un passage du deuxième rapport final, p. 42, sur l'emploi) :

Les auditions ont toutes souligné le handicap pour les activités de recherche que représente le service d’enseignement de 192h dans les premières années de la carrière d’un maître de conférences, malgré l’allègement de 32 heures pendant la première année. Il y a consensus dans le groupe pour abaisser le service des jeunes enseignants-chercheurs nouvellement recrutés d’un tiers de service au minimum pendant trois ans, sous réserve de l’interdiction d’exercer pendant ces trois ans une activité libérale ou de faire des heures complémentaires. Reste à envisager le financement.

Cela m'a un peu fait rire en tant qu'ATER (certes, quand on est ATER, on n'a pas les tâches administratives des MCF à côté, mais on est censé faire 192h aussi, mais pas avec le salaire d'un MCF)...
Il y a une section consacrée au contrat doctoral, mais le contrat d'ATER n'est lui-même évoqué que dans le cadre de la création du contrat post-doctoral, ou alors j'ai mal lu (mais il y a plein d'ATER doctorants).

Vu l'augmentation du nombre de PRAG, de contractuels, de vacataires etc. depuis une quinzaine d'années, je doute que les conditions de travail soient réellement abordées. En tout cas, j'attends de voir.

https://www.liberation.fr/sciences/2019/12/15/recherche-le-darwinisme-de-la-discorde_1769359

Le gouvernement souhaite voter une loi de programmation pluriannuelle de la recherche en 2020. Les déclarations du président de la République et de celui du CNRS faisant la part belle aux «stars» au détriment des «mauvais scientifiques» ne passent pas auprès des chercheurs.

Un papier plus conséquent devrait être publié les prochains jours dans les colonnes de Libération.

La plateforme OpenEdition sera bloquée demain avec le texte suivant : "Le 16 décembre 2019, les personnels d’OpenEdition, infrastructure de recherche publique française, réunis en assemblée générale, ont voté (81 % des votes exprimés) l’inaccessibilité aux plateformes OpenEdition Journals, OpenEdition Books, Calenda et Hypothèses pour une durée de 24 heures à partir du 17 décembre, minuit, heure française. Nous nous associons aux travailleurs et travailleuses des secteurs public et privé en lutte et nous demandons le retrait du projet de loi de réforme des retraites actuellement défendu par le gouvernement français" (source syndicale d'OpenEdition).

Condorcet a écrit:https://www.liberation.fr/sciences/2019/12/15/recherche-le-darwinisme-de-la-discorde_1769359

Le gouvernement souhaite voter une loi de programmation pluriannuelle de la recherche en 2020. Les déclarations du président de la République et de celui du CNRS faisant la part belle aux «stars» au détriment des «mauvais scientifiques» ne passent pas auprès des chercheurs.

Tiens... elle est pour nous celle-là.

Des amis du CNRS m'ont fait passer cette pétition, que j'ai bien évidemment signée :
https://www.petitions.fr/recherche__non_a_une_loi_inegalitaire

A l'heure où les acteurs de la recherche et de l'enseignement supérieur se doivent d'être des parangons de rigueur scientifique pour contrer la montée des nouveaux obscurantismes, l'irruption d'un projet de réorganisation du monde de la recherche fondé sur une adhésion dogmatique à des idées néfastes, qui s'appuient sur des postulats systématiquement contredits par les données, suggère une incompréhension, feinte ou patentée, du métier de chercheur par ceux qui aimeraient le régenter. Ne nous méprenons pas sur la justification pseudo-darwinienne donnée à ce projet, renforcer l'inégalité ne saurait augmenter la productivité académique, mais permettra bel et bien d'appliquer la maxime latine Divide et Impera : diviser pour mieux régner. Et régner sur une recherche publique vidée de ses forces vives n'améliorera certainement pas le rang de la France dans les classements académiques qui servent de bréviaires aux défenseurs de ce projet.

Merci -- j'ai signé collectivement et individuellement.

Itou.

Est-ce que les vacations continueront d’être sous-payées ?

J'ai signé aussi.

Tonio Kröger a écrit:Est-ce que les vacations continueront d’être sous-payées ?

C'est la seule certitude à laquelle nous pouvons nous raccrocher... Il se peut aussi qu'il n'y en ait plus du tout, grâce à l'augmentation des obligations de service de certains.

Tonio Kröger a écrit:Est-ce que les vacations continueront d’être sous-payées ?

À mon avis, elles continueront à être sous-payées tant que les U. auront un budget dans le rouge — ce qui devrait durer “un certain temps”. Aux dernières nouvelles, je rappelle que les “crédits récurrents” des labos, qui étaient auparavant abondés par le ministère, sont désormais passés dans le budget général des établissements (sans augmentation dudit budget, évidemment), d'où pas mal de grincements de dents, puisqu'il faut désormais faire des “péréquations savantes”… Les seuls crédits qui sont plus ou moins “maintenus”, ce sont ceux destinés à l'accueil des étudiants à l'entrée de l'U. — et encore…

Je m’en doutais bien...

Branle-bas de combat chez nous... Il se murmure que l'on pourrait faire la rétention des notes de TD du premier semestre pour protester contre cette future loi.

Ah ben j’ai déjà rendu les miennes
Pas entendu parlé de ça à Grenoble.

https://paris.demosphere.net/rv/76051
Prévue vendredi 20 décembre sans beaucoup de publicité, l'inauguration du campus Condorcet, lequel "regroupe les laboratoires et les séminaires de recherche en sciences humaines et sociales de onze établissements de la région parisienne  [à Aubervilliers (93)] en présence de la ministre de l'ESR, Frédérique Vidal, et de la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse (ancienne ministre de l'ESR sous Sarkozy, à qui l'on doit notamment la LRU) est annulée. Après une visite particulièrement mouvementée à la station F, le 12 décembre, Frédérique Vidal esquive une nouvelle fois la colère grandissante des personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche devant le mépris dans lequel leurs métiers sont tenus.
http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article8568

Une de nos camarades a pu lire le texte suivant : Madame la ministre, nous avons des choses à vous dire. Nous sommes un certain nombre ici à représenter le service public de la recherche, à croire dans le service public. Nous sommes ici dans un lieu emblématique de la destruction du système de financement de la recherche publique et de sa mise au service de l’entreprise. Se rencontrent à ces journées les idéologies moisies de la compétition généralisée et de la start-up nation. Ce gouvernement, comme les précédents, soumet la recherche aux intérêts privés, en distribuant le crédit impôt recherche sans contrôle et en tentant de mettre les facs et les labos au service du patronat. Alors oui, on cherche bien, dans la Start-up Nation : ce qu’on cherche, c’est transformer les fonds publics en profits privés ! Or la recherche appartient à tou·te·s et servent le bien commun, pas les entreprises capitalistes ! De la loi LRU à Parcoursup, c’est partout la même idéologie de la compétition entre étudiant.e.s, entre universités, entre laboratoires, entre chercheur.e.s. Cette logique produit partout, toujours, les discriminations sous toutes leurs formes, notamment de genre, de classe, d’âge ou ethno-raciales. Voilà le fond de la « loi inégalitaire et darwinienne » (dixit Antoine Petit, le PDG du CNRS) que le gouvernement nous prépare ! Voilà ce à quoi nous nous opposons. Nous, disons, nous : « Vive le service public de la recherche, vive l’université ouverte !" La seule réponse de F. Vidal a été de nous tourner le dos et de s’excuser « à tous les chercheurs dans la salle.  »

Donc, le 20 décembre 2019, aura lieu une inauguration populaire du campus Condorcet
https://universiteouverte.org/2019/12/19/inauguration-populaire-condorcet/

Cette inauguration populaire nous donnera l’occasion de discuster des conditions de travail à Condorcet, de nos retraites, de la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR dite aussi « loi inégalitaire et darwinenne»), de la précarité étudiante et de la précarité dans l’ESR auront lieu.
Nous inaugurerons ensuite, par nos propres moyens, le campus Condorcet, en présence de la maire d’Aubervilliers, Meriem Derkaoui, qui soutient notre mouvement de grève

Une action en préalable à la tenue d'un séminaire de la CPU (Conférence des présidents d'université) préparant la nouvelle loi.

https://universiteouverte.org/2019/12/20/inauguration-populaire-du-campus-condorcet/?fbclid=IwAR2_EEsYk_JPdiXOlBMjhQLRRlIJTGUYEU0KHAGeNhTpvc1to5y7Q2X69z4

Vendredi 20 décembre, 200 étudiant·es et membres du personnel de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR), accompagné·es d’élu·es et soutenu·es par les syndicats SNTRS-CGT, FERC Sup, SNCS-FSU, SNESUP-FSU, Sud recherche et Sud éducation 93, se sont rassemblé·es sur le tout nouveau campus Condorcet à Aubervilliers.
Alors que cette journée aurait dû être celle d’une inauguration organisée en catimini, sans informer les membre du personnel et les étudiant·es du site, le climat social a fait fuir la ministre de l’ESR, Frédérique Vidal, et la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse (ancienne ministre de l’ESR sous Sarkozy, à qui l’on doit notamment la LRU). Nous avons donc procédé nous même à l’inauguration populaire et festive du campus Condorcet.

https://academia.hypotheses.org/6294

À l’occasion de la réflexion collective en préparation du projet de Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), l’équipe des Rédacteurs d’Academia est heureuse d’accueillir des femmes et des hommes ITA (personnels ingénieurs, administratifs, techniques) et BIATSS (personnels ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé et des bibliothèques) mobilisés pour leurs métiers. Dans ce blog consacré à l’emploi en sciences humaines et sociales, ces femmes et ces hommes représentent plus de la moitié des effectifs ; pour autant, ces personnels, injustement subalternes, sont peu audibles. Ces corps de l’enseignement supérieur et de la recherche ont pourtant connu d’inquiétantes mutations de leurs niveau et conditions d’emploi, qui pourraient préfigurer l’avenir de l’emploi de recherche et d’enseignement. ITA et BIATSS mobilisés pour leurs métiers inaugurent, avec ce billet, une réflexion pour que vraiment toutes et tous, ensemble, imaginions l’avenir de la recherche et le contenu de la LPPR.

belle tribune dans Le Monde (abonné):
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/23/francois-xavier-fauvelle-monsieur-le-pdg-du-cnrs-savez-vous-ce-que-votre-darwinisme-fait-a-la-recherche_6023835_3232.html

Un : réabondez les crédits récurrents de la recherche en diminuant drastiquement ceux alloués sur projets. L’immense majorité des chercheurs et des chercheuses y retrouveront les modestes moyens dont ils ont besoin pour travailler et, le moment venu au cours de leur carrière, ils déposeront un projet ambitieux nécessitant des moyens plus importants. Les agences de financement ne seront plus dès lors inondées de demandes, évalueront avec sérieux celles soumises et offriront des taux de retour de 40 %, conformes aux moyennes « américaines » qui garantissent qu’un projet excellent soit financé à la première, deuxième ou troisième tentative.

Deux : exigez que soient supprimées toutes les « agences de notation » qui s’ajoutent à nos procédures scientifiques en mobilisant, plusieurs semaines par an, soit en tant qu’évalué, soit en tant qu’évaluateur, tous les acteurs de l’enseignement et de la recherche, au prix d’un invraisemblable gaspillage d’énergie, de temps et d’argent.

Trois : ouvrez des postes, recrutez à tour de bras dans tous les domaines où nous avons besoin de connaissances nouvelles, de connaissances pas forcément « rentables » mais néanmoins utiles pour nous diriger dans le monde et connaître nos prochains, mais aussi de connaissances dont nous n’avons pas encore besoin. Ce dernier conseil permettrait au système français de recherche de se rapprocher un tout petit peu du modèle « américain » ; et c’est un contribuable qui vous parle.