- ParménideNeoprof expérimenté
PauvreYorick a écrit:
S'accorder sur ce qui est juste, c'est reconnaître implicitement qu'il n'y a qu'une seule voie juste. Si tel est le cas, la raison, a priori, devrait l'emporter. Or ce qui est juste dépend de la morale et celle-là, quand elle existe, est propre à chacun, selon sa culture, sa construction personnelle, sa civilisation. En introduisant "peut-on", le sujet présuppose qu'il est impossible de s'accorder sur ce qui est juste, c'est-à-dire ce qui est la bonne chose à faire du point de vue de la morale. "S'accorder", toutefois, ne veut pas nécessairement dire partager la même opinion mais plutôt reconnaître la justesse de la chose. Or, il est crucial de savoir si ce qui est juste relève bien du jugement personnel ou de l'évidence collective. La morale est-elle universelle ?
On pourrait baptiser ce type d'exercice « invitation au massacre » [/quote]
Je dois me mettre dans la peau du correcteur, c'est ça?
L'élève commet certainement l'erreur de faire une référence directe au libellé : "le sujet présuppose..."
Mais surtout on a l'impression qu'avec le problème posé à la fin, c'est comme s'il sortait du sujet au moment d'y entrer.
- AspasieNiveau 10
[Rappel du libellé : "Peut-on s'accorder sur ce qui est juste ?"]
S'accorder sur ce qui est juste, c'est reconnaître implicitement qu'il n'y a qu'une seule voie juste. Si tel est le cas, la raison, a priori, devrait l'emporter. Or ce qui est juste dépend de la morale et celle-là, quand elle existe, est propre à chacun, selon sa culture, sa construction personnelle, sa civilisation. En introduisant "peut-on", le sujet présuppose qu'il est impossible de s'accorder sur ce qui est juste, c'est-à-dire ce qui est la bonne chose à faire du point de vue de la morale. "S'accorder", toutefois, ne veut pas nécessairement dire partager la même opinion mais plutôt reconnaître la justesse de la chose. Or, il est crucial de savoir si ce qui est juste relève bien du jugement personnel ou de l'évidence collective. La morale est-elle universelle ?
S'accorder sur ce qui est juste, c'est reconnaître implicitement qu'il n'y a qu'une seule voie juste. Si tel est le cas, la raison, a priori, devrait l'emporter. Or ce qui est juste dépend de la morale et celle-là, quand elle existe, est propre à chacun, selon sa culture, sa construction personnelle, sa civilisation. En introduisant "peut-on", le sujet présuppose qu'il est impossible de s'accorder sur ce qui est juste, c'est-à-dire ce qui est la bonne chose à faire du point de vue de la morale. "S'accorder", toutefois, ne veut pas nécessairement dire partager la même opinion mais plutôt reconnaître la justesse de la chose. Or, il est crucial de savoir si ce qui est juste relève bien du jugement personnel ou de l'évidence collective. La morale est-elle universelle ?
Bof... est-ce vraiment un souci ça ? Stylistiquement discutable éventuellement mais cela n'entame pas le fond de la réflexion... et puis chercher les présupposés du sujet, c'est plutôt bien.L'élève commet certainement l'erreur de faire une référence directe au libellé : "le sujet présuppose..."
Ah ça oui en revanche. La question c'est pourquoi ? A quoi est-ce dû à la lecture de ce qui précède dans le paragraphe ?Mais surtout on a l'impression qu'avec le problème posé à la fin, c'est comme s'il sortait du sujet au moment d'y entrer.
- ParménideNeoprof expérimenté
Or ce qui est juste dépend de la morale et celle-là, quand elle existe, est propre à chacun, selon sa culture, sa construction personnelle, sa civilisation.
C'est assez simpliste ça je trouve
En introduisant "peut-on", le sujet présuppose qu'il est impossible de s'accorder sur ce qui est juste, c'est-à-dire ce qui est la bonne chose à faire du point de vue de la morale.
Et ça , ça me semble carrément faux.
C'est assez simpliste ça je trouve
En introduisant "peut-on", le sujet présuppose qu'il est impossible de s'accorder sur ce qui est juste, c'est-à-dire ce qui est la bonne chose à faire du point de vue de la morale.
Et ça , ça me semble carrément faux.
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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
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https://www.babelio.com/monprofil.php
- supersosoSage
Allez j'essaie de jouer, moi aussi. Et je suis rouillée depuis plus longemps que toi Parménide :lol:
Un p'tit peu d'indulgence, "siou plait", je ne me suis pas relue
- ébauche de jeu de massacre : je finirai plus tard car ma fille me trouve trop longue : le trampoline m'appelle :lol: !:
- Bon alors première chose : je trouve l'exercice difficile et je n'ai pas beaucoup de temps donc je fais au mieux...
Alors le premier implicite trouvé dans le sujet me semble erroné : "il n'y a qu'une seule voie juste". Le présupposé du sujet est plutôt qu'il y a "quelque chose de juste", ceci étant probablement une piste à creuser. Par ailleurs, il me semble que si on demande la possibilité d'un accord, on laisse implicitement la possibilité d'un désaccord : si l'auteur de cette problématisation déduit tout de suite une seule voie juste il va passer complètement à côté du problème.
Le raisonnement erroné continue : puisqu'il est parti sur l'idée d'une seule voie, il part du principe qu'on est dans le domaine de la raison. J'interprète ainsi son raisonnement : s'il n'y a qu'une seule voie du juste, la connaître est forcément l'emprunter (là encore, rien d'évident). Mais là il passe du juste à la morale (pourquoi ce changement de terme ?) et le fait que pour lui cette dernière est forcément particulière, relative à une civilisation, au temps, etc. En gros, quand j'arrive ici, je me dis qu'il se fait avoir par des associations d'idées qui si elles étaient interrogées pourrait l'aider à trouver des problèmes, mais qui en les posant comme évidentes l'amène à perdre de vue le sujet même.
Son interprétation du "peut-on", là encore opère un glissement. Que l'accord soit loin d'être évident est bien posé par le sujet. En déduire que le sujet présuppose l'impossibilité d'un accord sur ce qui est juste, non. Or là, il nous définit clairement ce qui est juste : "la bonne chose à faire du point de vue de la morale". D'ailleurs si on part sur ce principe, vu qu'on demande un accord sur la bonne chose à faire
Là où il y avait des bonnes pistes : l'idée (implicite avec la raison) qu'il pourrait y avoir une connaissance de ce qui est juste (est-ce que cet accord pourrait être d'ordre épistémologique ?). Ou ce qui est juste est-il du ressort de la pratique (la chose à faire), auquel cas, l'accord porterait plus sur un jugement a posteriori, il me semble.
Un p'tit peu d'indulgence, "siou plait", je ne me suis pas relue
- AspasieNiveau 10
Il faudrait que tu justifies tes jugements Parménide. En quoi l'un est-il simpliste et pourquoi surtout. Et idem pour la seconde remarque : que trouves-tu carrément faux là-dedans et pourquoi ?Parménide a écrit:Or ce qui est juste dépend de la morale et celle-là, quand elle existe, est propre à chacun, selon sa culture, sa construction personnelle, sa civilisation.
C'est assez simpliste ça je trouve
En introduisant "peut-on", le sujet présuppose qu'il est impossible de s'accorder sur ce qui est juste, c'est-à-dire ce qui est la bonne chose à faire du point de vue de la morale.
Et ça , ça me semble carrément faux.
Puis une fois l'erreur identifiée, demandes-toi aussi pourquoi la personne qui a rédigé cela a fait cette erreur. De quelle manière aurait-elle pu l'éviter (c'est de cette manière que les "procédés" de problématisation apparaîtront) ?
- AspasieNiveau 10
@Supersoso :
Ce que tu écris me semble très juste. (c'est la perspective du Trampoline ça... ça donne des ailes )
Ce que tu écris me semble très juste. (c'est la perspective du Trampoline ça... ça donne des ailes )
- ParménideNeoprof expérimenté
Aspasie a écrit:Il faudrait que tu justifies tes jugements Parménide. En quoi l'un est-il simpliste et pourquoi surtout. Et idem pour la seconde remarque : que trouves-tu carrément faux là-dedans et pourquoi ?Parménide a écrit:Or ce qui est juste dépend de la morale et celle-là, quand elle existe, est propre à chacun, selon sa culture, sa construction personnelle, sa civilisation.
C'est assez simpliste ça je trouve
En introduisant "peut-on", le sujet présuppose qu'il est impossible de s'accorder sur ce qui est juste, c'est-à-dire ce qui est la bonne chose à faire du point de vue de la morale.
Et ça , ça me semble carrément faux.
Puis une fois l'erreur identifiée, demandes-toi aussi pourquoi la personne qui a rédigé cela a fait cette erreur. De quelle manière aurait-elle pu l'éviter (c'est de cette manière que les "procédés" de problématisation apparaîtront) ?
Ce qui est juste dépend de la morale : s'il y a un juste en soi, la morale ne serait plutôt qu'une conséquence, non une cause.
Une morale propre à chacun : il y a là un relativisme qui est censé créer débat. Par définition la morale prétend à l'universalité.
Et le sujet ne présuppose pas vraiment une impossibilité. Plutôt la mise en question d'une impossibilité.
C'est vrai que c'est un travail intéressant de repérer les erreurs, mais faut quand même avoir une certaine expérience. Il est clair qu'on ne peut pas corriger de dissertations quand on a du mal à en faire. D'ailleurs, une fois reçu à un concours de philo, sait on d'un coup comme par magie corriger des travaux écrits? Pas sur...
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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
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- AspasieNiveau 10
En effet.Parménide a écrit:
Ce qui est juste dépend de la morale : s'il y a un juste en soi, la morale ne serait plutôt qu'une conséquence, non une cause.
Une morale propre à chacun : il y a là un relativisme qui est censé créer débat. Par définition la morale prétend à l'universalité.
Et le sujet ne présuppose pas vraiment une impossibilité. Plutôt la mise en question d'une impossibilité.
Et d'où viennent alors ces erreurs que fait le rédacteur ? Comment pourrait-il les éviter ?
Pas par magie loin de là... c'est bien pour cela que souvent, le premier paquet de copies demande un temps infini pour être corrigé ; cela s'améliore avec le temps. C'est aussi pour cela qu'une expérience d'enseignement peut être intéressante en vue des concours, même si elle est chronophage.C'est vrai que c'est un travail intéressant de repérer les erreurs, mais faut quand même avoir une certaine expérience. Il est clair qu'on ne peut pas corriger de dissertations quand on a du mal à en faire. D'ailleurs, une fois reçu à un concours de philo, sait on d'un coup comme par magie corriger des travaux écrits? Pas sur...
Je crois qu'on tatonne tous nécessairement ; on insiste sur ceci plutôt que cela, et plus on n'insiste plus sur ceci mais finalement plutôt sur autre chose. Et puis on s'aguerrit. Mais il faut être vigilant pour ne pas non plus se scléroser... De toute façon, la correction vise un travail singulier avec des difficultés singulières, à partir de quoi, il n'y a pas, là non plus de "technique" garantie, mais plutôt une exigence d'attention et de précision, d'intention aussi (mais bon, il faut être lucide, on n'y est pas toujours et quand les paquets s'accumulent...).
Alors oui, il faut une certaine expérience pour repérer les erreurs, mais le repérage des erreurs donne aussi de l'expérience... à condition, comme l'a rappelé PauvreYorick plus haut, de rester vigilant et d'appliquer aussi à ses propres productions le même regard critique (ce qui n'est pas facile non plus mais doit faire partie des exigences que l'on a par rapport à soi-même).
- ParménideNeoprof expérimenté
Aspasie et PauvreYorick :
J'ai reçu aujourd'hui la méthode Choulet-Folscheid-Wunenberger. Il y a dedans pas mal d'informations sur la problématisation qui vont m'ouvrir les yeux je pense.
Je comprends maintenant pourquoi dans mes dissertations je me retrouve avec des parties et un développement complètement lacunaires. La problématisation ou le sens des problèmes c'est l'alpha et l'oméga en philo, on ne peut rien faire sans et tout part de cette mise en question initiale. Tout en découle.
Particulièrement à Yorick : j'ai compris que tu étais hostile à la notion de "problématique", au profit de celle de "problème". Je tiens assez en ce qui me concerne à conserver la notion de "problématique" dans la mesure où celle ci est constituée d'un ensemble hiérarchisé de problèmes s'articulant entre eux selon un ordre logique (lecture de Tinland oblige). En d'autres termes, la problématique du sujet et de la dissertation n'est autre qu'un ensemble de problèmes s'enchainant de façon cohérente. Cela dit ça ne crée aucune confusion dans mon esprit si je dois considérer selon ta vision "problème" comme synonyme de "problématique".
Désolé de revenir sur des choses qui ont déjà été abordées mais c'est vraiment important :
Il me semble vraiment que si j'ai bloqué sur le sujet de l'autre jour, ce n'est pas forcément réductible à un problème de pure méthode. Parce que un sujet sur lequel je m'en sortirai mieux sera forcément un sujet sur lequel j'aurai plus de connaissances. Mais quand je dis connaissances il ne s'agit pas de connaissances au sens étroitement référentiel du terme qui serviraient à illustrer le propos philosophique (par exemple tel passage précis de la Raison dans l'histoire de Hegel...), mais de connaissances générales qui permettent d'alimenter la pensée elle même, faire des déductions etc... (je pense notamment aux oppositions binaires telles qu'on les rencontre dans les lexiques, les encyclopédies de philo, ou encore les ouvrages thématiques : conscience directe et conscience seconde, expression et communication, contingence et nécessité...)
Il est logique de penser qu'on a plus de chance de mieux s'en sortir sur un sujet sur lequel on dispose de connaissances. Et c'est particulièrement ce qui m'est arrivé à cette fameuse dissertation de l'ENS : "Peut on dire que seuls les humains travaillent?" "Le travail" était au programme. Ce simple fait m'a permis je pense d'être plus efficace et de mobiliser un matériau qui a été essentiel dans ma capacité à problématiser, ce qui n'a bien évidemment pas lieu dans ma réflexion sur l'histoire.
Par conséquent je le redis : je redoute vraiment que chaque sujet de dissertation ne s'avère très dépendant de connaissances philosophiques. Il me semble qu'on ne peut pas réussir à disserter sur l'histoire si on ne connait pas un certain nombre de paramètres conceptuels relatifs à cette notion.
Attention : je ne dis pas que les connaissances vont remplacer la méthode, très loin de là. Mais c'est juste que sans une quantité suffisante de matériau il est impossible de mettre en forme quoi que ce soit.
J'ai reçu aujourd'hui la méthode Choulet-Folscheid-Wunenberger. Il y a dedans pas mal d'informations sur la problématisation qui vont m'ouvrir les yeux je pense.
Je comprends maintenant pourquoi dans mes dissertations je me retrouve avec des parties et un développement complètement lacunaires. La problématisation ou le sens des problèmes c'est l'alpha et l'oméga en philo, on ne peut rien faire sans et tout part de cette mise en question initiale. Tout en découle.
Particulièrement à Yorick : j'ai compris que tu étais hostile à la notion de "problématique", au profit de celle de "problème". Je tiens assez en ce qui me concerne à conserver la notion de "problématique" dans la mesure où celle ci est constituée d'un ensemble hiérarchisé de problèmes s'articulant entre eux selon un ordre logique (lecture de Tinland oblige). En d'autres termes, la problématique du sujet et de la dissertation n'est autre qu'un ensemble de problèmes s'enchainant de façon cohérente. Cela dit ça ne crée aucune confusion dans mon esprit si je dois considérer selon ta vision "problème" comme synonyme de "problématique".
Désolé de revenir sur des choses qui ont déjà été abordées mais c'est vraiment important :
Il me semble vraiment que si j'ai bloqué sur le sujet de l'autre jour, ce n'est pas forcément réductible à un problème de pure méthode. Parce que un sujet sur lequel je m'en sortirai mieux sera forcément un sujet sur lequel j'aurai plus de connaissances. Mais quand je dis connaissances il ne s'agit pas de connaissances au sens étroitement référentiel du terme qui serviraient à illustrer le propos philosophique (par exemple tel passage précis de la Raison dans l'histoire de Hegel...), mais de connaissances générales qui permettent d'alimenter la pensée elle même, faire des déductions etc... (je pense notamment aux oppositions binaires telles qu'on les rencontre dans les lexiques, les encyclopédies de philo, ou encore les ouvrages thématiques : conscience directe et conscience seconde, expression et communication, contingence et nécessité...)
Il est logique de penser qu'on a plus de chance de mieux s'en sortir sur un sujet sur lequel on dispose de connaissances. Et c'est particulièrement ce qui m'est arrivé à cette fameuse dissertation de l'ENS : "Peut on dire que seuls les humains travaillent?" "Le travail" était au programme. Ce simple fait m'a permis je pense d'être plus efficace et de mobiliser un matériau qui a été essentiel dans ma capacité à problématiser, ce qui n'a bien évidemment pas lieu dans ma réflexion sur l'histoire.
Par conséquent je le redis : je redoute vraiment que chaque sujet de dissertation ne s'avère très dépendant de connaissances philosophiques. Il me semble qu'on ne peut pas réussir à disserter sur l'histoire si on ne connait pas un certain nombre de paramètres conceptuels relatifs à cette notion.
Attention : je ne dis pas que les connaissances vont remplacer la méthode, très loin de là. Mais c'est juste que sans une quantité suffisante de matériau il est impossible de mettre en forme quoi que ce soit.
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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
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- User17706Bon génie
Non non ! il est beaucoup plus facile de corriger des dissertations que d'en faire, et c'est la raison pour laquelle c'est un bon exercice que de se demander ce qui ne va pas ici. Tu nous refais le coup de la nage, là !Parménide a écrit:C'est vrai que c'est un travail intéressant de repérer les erreurs, mais faut quand même avoir une certaine expérience. Il est clair qu'on ne peut pas corriger de dissertations quand on a du mal à en faire. D'ailleurs, une fois reçu à un concours de philo, sait on d'un coup comme par magie corriger des travaux écrits? Pas sûr...
Bon, je trouve que vous manquez carrément de méchanceté. C'est un anonyme, on peut s'acharner dessus
[Rappel du libellé : "Peut-on s'accorder sur ce qui est juste ?"]
S'accorder sur ce qui est juste, c'est reconnaître implicitement qu'il n'y a qu'une seule voie juste. Si tel est le cas, la raison, a priori, devrait l'emporter. Or ce qui est juste dépend de la morale et celle-là, quand elle existe, est propre à chacun, selon sa culture, sa construction personnelle, sa civilisation. En introduisant "peut-on", le sujet présuppose qu'il est impossible de s'accorder sur ce qui est juste, c'est-à-dire ce qui est la bonne chose à faire du point de vue de la morale. "S'accorder", toutefois, ne veut pas nécessairement dire partager la même opinion mais plutôt reconnaître la justesse de la chose. Or, il est crucial de savoir si ce qui est juste relève bien du jugement personnel ou de l'évidence collective. La morale est-elle universelle ?
Oui, quand même. On pourrait éventuellement n'y voir qu'une clause de style, mais ça trahit tout un état d'esprit. Moi, en tout cas, j'y suis sensible et je suis impitoyable avec ça. D'autant que c'est facile à éviter. Mais si on suppose que ce n'est pas une introduction mais une causerie sur le sujet, ce n'est pas grave. Si c'est une introduction en revanche, je trouve que ça l'est.Aspasie a écrit:Bof... est-ce vraiment un souci ça ?Parménide a écrit:L'élève commet certainement l'erreur de faire une référence directe au libellé : "le sujet présuppose..."
Absolument. Le plus évident dans ce « début de problématisation » proposé par on ne sait qui pour attirer les élèves, c'est la splendeur du hors-sujet. Considérons le « début » comme complet, même si c'est artificiel. On peut supposer que si un jury avait souhaité inviter les candidats à se demander si la morale est universelle, il n'aurait probablement rien eu de plus à faire que de proposer le sujet « la morale est-elle universelle ? ». Diagnostic : hors-sujet par noyade dans une Grande Question (les majuscules étant bien sûr ironiques).Parménide a écrit:Mais surtout on a l'impression qu'avec le problème posé à la fin, c'est comme s'il sortait du sujet au moment d'y entrer.
Sûrement, mais le diagnostic demande à être développé : « simpliste » ne nous dit pas grand'chose. Je vois dans le passage cité au minimum quatre affirmations dont une implicite, et un grave problème de cohérence entre au moins deux d'entre elles.Parménide a écrit:C'est assez simpliste ça je trouveOr ce qui est juste dépend de la morale et celle-là, quand elle existe, est propre à chacun, selon sa culture, sa construction personnelle, sa civilisation.
C'est effectivement carrément faux, mais encore une fois, qu'est-ce qui est faux dans ces deux affirmations ? la première (l'affirmation suivant laquelle le sujet présuppose l'impossibilité d'un accord) ou la seconde, implicite (c'est-à-dire l'explicitation de « ce qui est juste » en « ce qui est la bonne chose à faire du point de vue de la morale ») ? Ou les deux ?Parménide a écrit:Et ça , ça me semble carrément faux.En introduisant "peut-on", le sujet présuppose qu'il est impossible de s'accorder sur ce qui est juste, c'est-à-dire ce qui est la bonne chose à faire du point de vue de la morale.
Bon, la première est fausse effectivement, le sujet ne présuppose ni que c'est possible ni que c'est impossible, mais en revanche il présuppose bien que ça n'est pas évident ni facile (autrement dit le sujet présuppose que ça peut poser problème, pardi).
Sur ce deuxième point, la remarque de supersoso {« il passe du juste à la morale (pourquoi ce changement de terme ?) »} me paraît pouvoir être durcie de la sorte : le fait de remplacer un mot (« ce qui est juste ») par un autre (« ce qui est moral ») en perdant en spécificité (c'est toujours mauvais, ça), c'est juste un artifice qui a deux effets : se donner l'impression qu'on dit quelque chose (alors qu'au mieux on se répète, au pire on délaie), d'une part, et d'autre part participer à la noyade dans la Grande Question (du coup on s'aperçoit qu'on ne se répétait pas, on délayait : bah oui, la Morale c'est encore plus Grand que la Justice).
Il faut lier les deux pour formuler le reproche qu'on peut faire à ce passage, à mon sens. En écrivant « ce qui est juste dépend de la morale et celle-là, quand elle existe, est propre à chacun, selon sa culture, sa construction personnelle, sa civilisation », l'auteur de ces lignes n'admet une dépendance de « ce qui est juste » vis-à-vis de « la morale » que {1} dans la mesure où et {2} dans l'intention de soutenir que ladite morale « est propre à chacun ». Mais ça, c'est une thèse. Lourde. Inévidente voire farfelue. Et potentiellement contradictoire dans le détail (parle-t-on d'une relativité « culturelle » ou individuelle ? peut-on avoir les deux en même temps ?).Parménide a écrit: Ce qui est juste dépend de la morale : s'il y a un juste en soi, la morale ne serait plutôt qu'une conséquence, non une cause.
Une morale propre à chacun : il y a là un relativisme qui est censé créer débat. Par définition la morale prétend à l'universalité.
Donc il y a faute parce qu'il y a thèse implicite : on n'est pas censé déjà adhérer à la thèse inévidente du relativisme moral pour être en capacité de voir qu'il y a un problème (or c'est le cas ici : on demande au lecteur d'accepter que « le juste dépend » d'une morale dont on se rend compte après qu'elle est propre à chacun : pourquoi diable accepterait-on, sans argument aucun, un présupposé aussi massif ?!). Un problème réel est supposé relativement indépendant d'un choix philosophique particulier, surtout un choix bizarroïde (ici le relativisme). Et ce qui suit, dans la problématisation indiquée, semble finir par faire, de ce présupposé apparent de la problématisation, la problématique : c'est peu cohérent, on ne sait pas où ça va, ça se réfugie dans le vague, bref c'est de la bouillie.
Ça mériterait d'être élaboré, ça. On peut comprendre plein de choses très différentes là-dessous. Mais justement, peut-être que c'est aussi bien de faire un petit détour d'abord. Que dites-vous des deux explicitations ci-dessous ?supersoso a écrit:Le présupposé du sujet est plutôt qu'il y a "quelque chose de juste"
- S'accorder sur ce qui est juste, c'est reconnaître implicitement qu'il n'y a qu'une seule voie juste.
- "S'accorder", toutefois, ne veut pas nécessairement dire partager la même opinion mais plutôt reconnaître la justesse de la chose.
- supersosoSage
Bon déjà elles peuvent sembler contradictoires au premier abord mais finalement pas tant que ça.
1. La déduction qu'il fait est tout simplement fausse. L'idée de "voie juste" laisse à penser qu'il se situe uniquement sur le plan de l'action ou de la norme de l'action (ce qui le fait glisser après sur la morale, d'ailleurs). Or il laisse de côté l'accord qui pourrait se construire, enfin plutôt qui pourrait construire son objet.
2. Là, tu as une contradiction apparente avec le 1 puisqu'il n'y a pas partage de l'opinion. Sauf que reconnaître "la justesse" de la chose, c'est encore éluder ce qui pose problème. Parce que cette "justesse" n'est pas moins équivoque que juste. Et puis pour reconnaître, il faut déjà la connaître cette justesse, qui est là plus comme une sorte de caractère inhérent à la chose qui la ferait participer au juste. Dans ce cas, soit on connait la justesse, et la question de l'accord ne se pose même pas - de même que les soi-disant opinions non partagées d'ailleurs. Soit cette connaissance même pose problème. Mais alors justement quels vont être les conditions de possibilités d'un accord.
Ce qui m'interpelle c'est qu'à aucun moment n'est questionné "ce qui est juste". Est-ce un objet, un comportement, une idée, une norme ? Est-ce un jugement porté sur quelque chose ? Ça n'est en aucun cas une notion simple. Or là, il en parle comme si tout le monde savait de quoi il retourne. Il me semble que c'est un écueil dans lequel on tombe facilement quand on compose (enfin, pour ma part ). Un concept tellement large ou flou qu'on élude la difficulté en faisant fluctuer son sens mais pas explicitement. Du coup si on ne sait pas de quoi on parle, on dérive vite sur autre chose.
Bon mon message est probablement décousu car écrit par petit bout (pas toujours facile de trouver les conditions pour réfléchir) et je suis un peu trop HS pour y réfléchir à nouveau. Allez c'est au tour de Parménide de répondre
1. La déduction qu'il fait est tout simplement fausse. L'idée de "voie juste" laisse à penser qu'il se situe uniquement sur le plan de l'action ou de la norme de l'action (ce qui le fait glisser après sur la morale, d'ailleurs). Or il laisse de côté l'accord qui pourrait se construire, enfin plutôt qui pourrait construire son objet.
2. Là, tu as une contradiction apparente avec le 1 puisqu'il n'y a pas partage de l'opinion. Sauf que reconnaître "la justesse" de la chose, c'est encore éluder ce qui pose problème. Parce que cette "justesse" n'est pas moins équivoque que juste. Et puis pour reconnaître, il faut déjà la connaître cette justesse, qui est là plus comme une sorte de caractère inhérent à la chose qui la ferait participer au juste. Dans ce cas, soit on connait la justesse, et la question de l'accord ne se pose même pas - de même que les soi-disant opinions non partagées d'ailleurs. Soit cette connaissance même pose problème. Mais alors justement quels vont être les conditions de possibilités d'un accord.
Ce qui m'interpelle c'est qu'à aucun moment n'est questionné "ce qui est juste". Est-ce un objet, un comportement, une idée, une norme ? Est-ce un jugement porté sur quelque chose ? Ça n'est en aucun cas une notion simple. Or là, il en parle comme si tout le monde savait de quoi il retourne. Il me semble que c'est un écueil dans lequel on tombe facilement quand on compose (enfin, pour ma part ). Un concept tellement large ou flou qu'on élude la difficulté en faisant fluctuer son sens mais pas explicitement. Du coup si on ne sait pas de quoi on parle, on dérive vite sur autre chose.
Bon mon message est probablement décousu car écrit par petit bout (pas toujours facile de trouver les conditions pour réfléchir) et je suis un peu trop HS pour y réfléchir à nouveau. Allez c'est au tour de Parménide de répondre
- User5899Demi-dieu
Oh mon dieu, Gourinat is back !!PauvreYorick a écrit:On peut supposer que si un jury avait souhaité inviter les candidats à se demander si la morale est universelle, il n'aurait probablement rien eu de plus à faire que de proposer le sujet « la morale est-elle universelle ? ». Diagnostic : [i]hors-sujet par noyade dans une Grande Question
- User17706Bon génie
Ça vous rappelle Gourinat ? en quoi ? (Je suis curieux.)
- User5899Demi-dieu
La phrase citée. Au mot près, avec la "noyade dans la grande question". Il adorait montrer - gentiment, d'ailleurs, et sans morgue - comment une belle dissertation de dix pages sortait du sujet au milieu de la troisième ligne.PauvreYorick a écrit:Ça vous rappelle Gourinat ? en quoi ? (Je suis curieux.)
- User17706Bon génie
Ah diantre, me voilà tout humilié, j'en étais raisonnablement content de cette formulation.
- User5899Demi-dieu
MeuhPauvreYorick a écrit:Ah diantre, me voilà tout humilié, j'en étais raisonnablement content de cette formulation.
La transmission est-elle incompatible avec la philosophie ?
- User17706Bon génie
Bon, au boulot !
Une des premières choses à faire en effet, donner un contenu à « ce qui est juste ». Pas mal de réalités très différentes peuvent venir remplir la place de ce « ce ».
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Sur un sujet comme celui-là,
Si le sujet présuppose quelque chose, ici, c'est bien que l'accord sur ce qui est juste (le partage d'un bien, un châtiment, des lois, des institutions... liste non close) n'est pas une évidence. Le fait empirique du désaccord entre les hommes sur ce genre de questions est suffisamment commun et partagé pour fournir le terrain immédiat et obvie de l'interrogation. Donc, partir très tôt en quête d'exemples de désaccord sur ce qui est juste (et de techniques utilisées pour résoudre ces désaccords), si possible des exemples qui fassent varier le sens que prend le terme d'« accord » (cf. le point 2 ci-dessus) et/ou qui fassent intervenir des rôles distincts (cf. le point 1).
Oui, mais je suppose qu'il y a une idée derrière la tête de celui (celle) qui formule cette critique (juste, en effet).supersoso a écrit:Bon déjà elles peuvent sembler contradictoires au premier abord mais finalement pas tant que ça.
1. Or il laisse de côté l'accord qui pourrait se construire, enfin plutôt qui pourrait construire son objet.
Je me demande si ce n'est pas un peu compliquer les choses, pour essayer d'ôter la contradiction. Parce que bon, j'ai bien du mal à trouver ce que veut vraiment dire le 2 : « s'accorder » ne serait pas « partager une opinion » mais « reconnaître la justesse de la chose » (quelle chose ?). Si Pierre et Paul reconnaissent tous deux la justesse d'une chose (mettons une opinion qui dit « ça, c'est juste »), ils partagent une opinion (sur la « justesse de la chose » justement), non ?supersoso a écrit: 2. Là, tu as une contradiction apparente avec le 1 puisqu'il n'y a pas partage de l'opinion. Sauf que reconnaître "la justesse" de la chose, c'est encore éluder ce qui pose problème. Parce que cette "justesse" n'est pas moins équivoque que juste. Et puis pour reconnaître, il faut déjà la connaître cette justesse, qui est là plus comme une sorte de caractère inhérent à la chose qui la ferait participer au juste. Dans ce cas, soit on connait la justesse, et la question de l'accord ne se pose même pas - de même que les soi-disant opinions non partagées d'ailleurs. Soit cette connaissance même pose problème. Mais alors justement quels vont être les conditions de possibilités d'un accord.
Absolument !supersoso a écrit: Ce qui m'interpelle c'est qu'à aucun moment n'est questionné "ce qui est juste". Est-ce un objet, un comportement, une idée, une norme ? Est-ce un jugement porté sur quelque chose ? Ça n'est en aucun cas une notion simple. Or là, il en parle comme si tout le monde savait de quoi il retourne. Il me semble que c'est un écueil dans lequel on tombe facilement quand on compose (enfin, pour ma part ). Un concept tellement large ou flou qu'on élude la difficulté en faisant fluctuer son sens mais pas explicitement. Du coup si on ne sait pas de quoi on parle, on dérive vite sur autre chose.
Une des premières choses à faire en effet, donner un contenu à « ce qui est juste ». Pas mal de réalités très différentes peuvent venir remplir la place de ce « ce ».
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Sur un sujet comme celui-là,
le libellé même du sujet renseigne sur pas mal de choses. Aucune des remarques qui suivent ne pourrait apparaître telle quelle dans une introduction, mais ça soulève plusieurs questions :Peut-on s'accorder sur ce qui est juste ?
- Qui est supposé s'accorder ? bref, à qui réfère « on » ?
- Que veut dire au juste ici « s'accorder », ou plutôt quelle gamme de significations recouvre ce terme ? s'agit-il d'un accord comparable à un accord théorique sur des vérités ? d'autre chose, comme à l'instant suggéré ?
- L'expression « ce qui est juste » est remarquable, puisqu'elle n'est pas « le juste », « la justice », etc. Elle encourage à envisager ce qui peut recevoir le prédicat « juste » sans refermer d'emblée l'interrogation sur un seul type de « choses » qui pourraient être dites justes.
Si le sujet présuppose quelque chose, ici, c'est bien que l'accord sur ce qui est juste (le partage d'un bien, un châtiment, des lois, des institutions... liste non close) n'est pas une évidence. Le fait empirique du désaccord entre les hommes sur ce genre de questions est suffisamment commun et partagé pour fournir le terrain immédiat et obvie de l'interrogation. Donc, partir très tôt en quête d'exemples de désaccord sur ce qui est juste (et de techniques utilisées pour résoudre ces désaccords), si possible des exemples qui fassent varier le sens que prend le terme d'« accord » (cf. le point 2 ci-dessus) et/ou qui fassent intervenir des rôles distincts (cf. le point 1).
- User17706Bon génie
Oh, j'aurais juste bien aimé, par coquetterie, en être l'auteur, et pis j'aime bien être humilié de cette façonCripure a écrit:MeuhPauvreYorick a écrit:Ah diantre, me voilà tout humilié, j'en étais raisonnablement content de cette formulation.
La transmission est-elle incompatible avec la philosophie ?
- AspasieNiveau 10
Je voulais ouvrir la métaphore et trouver un joli émoticon d'orchestre... mais rien... Bon... trop tard pour chercher, alors j'en resterai à cela :
- Nom d'utilisateurNiveau 10
Chouette, des violons, et ça swingue.
Remarque incidente de / d'un linguiste (donc inadaptée en l’état pour construire un problème ou un ensemble de problèmes en philosophie). Une partie de vos remarques critiques paraît tenir à un biais. L'auteur de cette accroche introductive part bille en tête sur l'interprétation purement inchoative du verbe, à savoir : "s'accorder" = "passer de l'absence d' 'accord' " (indifférence ou désaccord) à la présence d'un 'accord' ". Mouvement thétique : un accord surgit. Avec un glissement toujours possible vers l'interprétation statique "s'accorder" = "être d'accord".
Or , contrairement au tout ou rien du substantif "accord" (lequel se conclut ou pas, ou s'obtient ou pas), le mot "s'accorder", en tant que verbe, possède aussi une épaisseur, voire ce qu'on appelle un "grain" variable : on peut plus ou moins détailler ce qu'il décrit. "S'accorder" devient alors un processus - ou même une infinité de processus emboîtés (par exemple : "s'accorder" = "s'opposer + s'interroger + argumenter à tour de rôles + etc;"); "s'accorder" s'inscrit du coup dans la durée et les aléas d’une négociation entre sujets ; il accepte aussi du "plus ou moins" (ce dernier point étant au reste aussi valable pour le substantif : de l'accord sans exclusive à l'accord mou en passant par l'accord de surface et l'accord qui n'en est pas tout à fait un). Interprétation d’autant plus prégnante que « s’accorder » est un pronominal réciproque. Meyer serait sans doute allé vers cette façon là de "problématiser".
Il existe de plus un mixte des lectures inchoative, statique et processive : l'interprétation dite "résultative", impliquant visée du telos et l'effort appliqué pour l'obtenir, et leur confrontation : « finalement, on a réussi (ou pas) à s'accorder ». Autant de ponts aux ânes grammaticaux où j'omets le délocutif ("s'accorder" = "se dire 'nous sommes d'accord'" -- problème qui de toute façon se posera à un moment donné: j'imagine, en effet, qu'on se demandera comment le "ce" en question peut se retrouver qualifié de " juste", y compris de manière performative : "s'accorder sur" : "déclarer ensemble 'ceci est juste'").
Avec à chaque fois un contre-coup sur l'interprétation de "pouvoir", de "juste", de "comment" et de l'ensemble. Et ce foisonnement de significations à canaliser. Redoutables, ces pseudo-aphorismes donnés en pâture aux candidats, peuchère.
Dans l'espoir que ce fil sera poursuivi. Je ne dirai plus rien, promis.
Remarque incidente de / d'un linguiste (donc inadaptée en l’état pour construire un problème ou un ensemble de problèmes en philosophie). Une partie de vos remarques critiques paraît tenir à un biais. L'auteur de cette accroche introductive part bille en tête sur l'interprétation purement inchoative du verbe, à savoir : "s'accorder" = "passer de l'absence d' 'accord' " (indifférence ou désaccord) à la présence d'un 'accord' ". Mouvement thétique : un accord surgit. Avec un glissement toujours possible vers l'interprétation statique "s'accorder" = "être d'accord".
Or , contrairement au tout ou rien du substantif "accord" (lequel se conclut ou pas, ou s'obtient ou pas), le mot "s'accorder", en tant que verbe, possède aussi une épaisseur, voire ce qu'on appelle un "grain" variable : on peut plus ou moins détailler ce qu'il décrit. "S'accorder" devient alors un processus - ou même une infinité de processus emboîtés (par exemple : "s'accorder" = "s'opposer + s'interroger + argumenter à tour de rôles + etc;"); "s'accorder" s'inscrit du coup dans la durée et les aléas d’une négociation entre sujets ; il accepte aussi du "plus ou moins" (ce dernier point étant au reste aussi valable pour le substantif : de l'accord sans exclusive à l'accord mou en passant par l'accord de surface et l'accord qui n'en est pas tout à fait un). Interprétation d’autant plus prégnante que « s’accorder » est un pronominal réciproque. Meyer serait sans doute allé vers cette façon là de "problématiser".
Il existe de plus un mixte des lectures inchoative, statique et processive : l'interprétation dite "résultative", impliquant visée du telos et l'effort appliqué pour l'obtenir, et leur confrontation : « finalement, on a réussi (ou pas) à s'accorder ». Autant de ponts aux ânes grammaticaux où j'omets le délocutif ("s'accorder" = "se dire 'nous sommes d'accord'" -- problème qui de toute façon se posera à un moment donné: j'imagine, en effet, qu'on se demandera comment le "ce" en question peut se retrouver qualifié de " juste", y compris de manière performative : "s'accorder sur" : "déclarer ensemble 'ceci est juste'").
Avec à chaque fois un contre-coup sur l'interprétation de "pouvoir", de "juste", de "comment" et de l'ensemble. Et ce foisonnement de significations à canaliser. Redoutables, ces pseudo-aphorismes donnés en pâture aux candidats, peuchère.
Dans l'espoir que ce fil sera poursuivi. Je ne dirai plus rien, promis.
- User17706Bon génie
Ah mais on en a besoin, du processus :-)
Et du performatif aussi, d'ailleurs :-)
Et du performatif aussi, d'ailleurs :-)
- AspasieNiveau 10
Oui. De fait, aucune analyse du verbe "s'accorder" dans ce "début de problématisation". Le rédacteur se contente d'approches intuitives qui le conduisent à une perception vague et donc inefficace, passant totalement à côté du/des processus à questionner.
A l'inverse, la recherche de domaines d'applications aurait permis d'éviter cela en faisant varier les exemples et en permettant donc d'approfondir l'analyse.
L'un de mes collègues conseille ainsi à ses étudiants de chercher dans chaque "notion" du programme l'application de la question (conscience, travail, religion, art, vérité, etc.). Bon cela peut sembler un peu fastidieux et n'est peut-être pas sans danger, mais cela contraint sans doute à relancer la recherche au lieu de se contenter d'intuitions vagues...
La page ayant été tournée, je rappelle l'objet de "l'invitation au massacre"
A l'inverse, la recherche de domaines d'applications aurait permis d'éviter cela en faisant varier les exemples et en permettant donc d'approfondir l'analyse.
L'un de mes collègues conseille ainsi à ses étudiants de chercher dans chaque "notion" du programme l'application de la question (conscience, travail, religion, art, vérité, etc.). Bon cela peut sembler un peu fastidieux et n'est peut-être pas sans danger, mais cela contraint sans doute à relancer la recherche au lieu de se contenter d'intuitions vagues...
La page ayant été tournée, je rappelle l'objet de "l'invitation au massacre"
Rappel du libellé : "Peut-on s'accorder sur ce qui est juste ?"
Début de problématistion :
S'accorder sur ce qui est juste, c'est reconnaître implicitement qu'il n'y a qu'une seule voie juste. Si tel est le cas, la raison, a priori, devrait l'emporter. Or ce qui est juste dépend de la morale et celle-là, quand elle existe, est propre à chacun, selon sa culture, sa construction personnelle, sa civilisation. En introduisant "peut-on", le sujet présuppose qu'il est impossible de s'accorder sur ce qui est juste, c'est-à-dire ce qui est la bonne chose à faire du point de vue de la morale. "S'accorder", toutefois, ne veut pas nécessairement dire partager la même opinion mais plutôt reconnaître la justesse de la chose. Or, il est crucial de savoir si ce qui est juste relève bien du jugement personnel ou de l'évidence collective. La morale est-elle universelle ?
- User17706Bon génie
On peut facilement produire un exemple, justement, qui satisfait plusieurs des remarques de Nom (il ne fallait pas les sous-vendre ni les laisser en bas de casse, elles sont d'une pertinence totale) tout en montrant bien, si on le compare au « début de problématisation » de maphilopointnette, à quel point le fait d'en rester aux Grands Mots et aux Généralités peut éloigner de « ce dont ça cause ».
On marchande pour le « juste prix » d'un objet, par exemple. Ou (si ça embête trop de parler de « juste prix ») pour le juste montant d'un dédommagement, dans le cadre d'un arrangement à l'amiable. C'est clairement un processus qui suppose ajustement progressif.
Que deviennent face à un tel exemple « reconnaître implicitement qu'il n'y a qu'une seule voie juste », l'idée que « la raison, a priori, devrait l'emporter », l'idée d'une dépendance vis-à-vis de la morale ? qu'a-t-on à faire d'une thèse qui veut que la morale soit relative à l'individu ?
Exemple plus grave : quel intérêt y a-t-il à poser la question de la légitimité des revendications d'un peuple sur un territoire, par exemple, en termes de « morale universelle ? »
Des négociations en vue de fixer les termes d'une paix doivent-elles « implicitement reconnaître qu'il n'y a qu'une seule voie juste » ou bien cet implicite est-il au contraire la meilleure garantie qu'elles n'aboutiront jamais ?
Ces exemples ne suffisent probablement pas. Un tribunal tranche certains litiges. En un sens il « met tout le monde d'accord », comme on dit plaisamment. Une assemblée, constituante ou non, fait des lois. Là aussi le concept de justice est en jeu.
Une fois arrivé là, il fera gagner un temps considérable d'avoir les idées claires sur la manière dont le concept de justice s'analyse classiquement et sur les options théoriques possibles. Une fois arrivé là, la connaissance de quelques doctrines et de quelques distinctions classiques va pouvoir nourrir la réflexion.
On marchande pour le « juste prix » d'un objet, par exemple. Ou (si ça embête trop de parler de « juste prix ») pour le juste montant d'un dédommagement, dans le cadre d'un arrangement à l'amiable. C'est clairement un processus qui suppose ajustement progressif.
Que deviennent face à un tel exemple « reconnaître implicitement qu'il n'y a qu'une seule voie juste », l'idée que « la raison, a priori, devrait l'emporter », l'idée d'une dépendance vis-à-vis de la morale ? qu'a-t-on à faire d'une thèse qui veut que la morale soit relative à l'individu ?
Exemple plus grave : quel intérêt y a-t-il à poser la question de la légitimité des revendications d'un peuple sur un territoire, par exemple, en termes de « morale universelle ? »
Des négociations en vue de fixer les termes d'une paix doivent-elles « implicitement reconnaître qu'il n'y a qu'une seule voie juste » ou bien cet implicite est-il au contraire la meilleure garantie qu'elles n'aboutiront jamais ?
Ces exemples ne suffisent probablement pas. Un tribunal tranche certains litiges. En un sens il « met tout le monde d'accord », comme on dit plaisamment. Une assemblée, constituante ou non, fait des lois. Là aussi le concept de justice est en jeu.
Une fois arrivé là, il fera gagner un temps considérable d'avoir les idées claires sur la manière dont le concept de justice s'analyse classiquement et sur les options théoriques possibles. Une fois arrivé là, la connaissance de quelques doctrines et de quelques distinctions classiques va pouvoir nourrir la réflexion.
- Nom d'utilisateurNiveau 10
Les promesses n'engageant que ceux qui y croient, deux mots : le bas de casse, Szegény Yorick, est crucial : pour Parménide qui travaille à sa méthode, il s'agit de ne surtout pas multiplier les types de discours. Ainsi, autant la manière d'instancier "ce" importera au philosophe dans ce contexte, autant beaucoup de linguistes (dont je suis) estimeraient que cette variation est sans reste accessible à partir de la combinatoire donnée dans la séquence à commenter. Nous serions donc là, paradoxalement, plus "abstraits" que vous autres.
Ah, Parménide, aussi, puisque tu enviais les normaliens. Je signale qu'on trouve sur l'internet gratuitement les excellentes explications de textes procurées par François Fédier. Dans sa classe. Moyennant un tout petit peu d'argent (ou certaines méthodes un peu plus détournées assimilables à ce que le corsairage peut avoir de plus noble), on peut même se procurer des cycles entiers de ses cours.
Il parle du travail du philosophe, et l'illustre abondamment par le menu. Le regarder et l'entendre est même plus instructif, m'a-t-il semblé, que le lire.
Ah, Parménide, aussi, puisque tu enviais les normaliens. Je signale qu'on trouve sur l'internet gratuitement les excellentes explications de textes procurées par François Fédier. Dans sa classe. Moyennant un tout petit peu d'argent (ou certaines méthodes un peu plus détournées assimilables à ce que le corsairage peut avoir de plus noble), on peut même se procurer des cycles entiers de ses cours.
Il parle du travail du philosophe, et l'illustre abondamment par le menu. Le regarder et l'entendre est même plus instructif, m'a-t-il semblé, que le lire.
- RuthvenGuide spirituel
Nom d'utilisateur a écrit:
Ah, Parménide, aussi, puisque tu enviais les normaliens. Je signale qu'on trouve sur l'internet gratuitement les excellentes explications de textes procurées par François Fédier . Dans sa classe. Moyennant un tout petit peu d'argent (ou certaines méthodes un peu plus détournées assimilables à ce que le corsairage peut avoir de plus noble), on peut même se procurer des cycles entiers de ses cours.
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Est-ce bien nécessaire ? :Descartes:
- Nom d'utilisateurNiveau 10
Je n'ai pas dit "nécessaire" ni même "aimable" (sur ces points, je vous épargnerai mes idées, pas d'inquiétude à avoir), mais "instructif", et précisément destiné à préparer à un concours. Une lecture véritablement lente, méticuleuse, un très grand souci de la méthode, des méthodes.
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