- User17706Bon génie
Tout en étant exacte, la remarque semble vétilleuse à l'excès, le mail au Canard n'ayant pas la valeur d'une étude, mais renvoyant à une étude.
- Luigi_BGrand Maître
Exactement, d'ailleurs je parle bien de "la petite histoire" et pour cet exemple j'emploie l'expression "crois-moi" qui ne renvoie pas exactement au champ de la logique ou de la démonstration scientifique.
Lis l'article de doctor who ou le mien et vois si nous raisonnons l'un et l'autre à partir de nos exemples personnels et ton intervention sur ce fil sera peut-être moins "bancale".
Personne ne savait lire dans ta famille, tu veux dire ? Car c'est le sujet du fil de discussion.badin a écrit:Ni mon père, ni mon grand père, ni ma grand mère, ni ma tante etc., je crois bien qu'à part ma mère personne ne lisait dans ma famille.
Lis l'article de doctor who ou le mien et vois si nous raisonnons l'un et l'autre à partir de nos exemples personnels et ton intervention sur ce fil sera peut-être moins "bancale".
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- doctor whoDoyen
Je crois que Luigi veut dire "savaient lire". De là à dire que tout le monde lisait Proust au retour de l'usine ou après la traite des vaches, effectivement...
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Mon blog sur Tintin (entre autres) : http://popanalyse.over-blog.com/
Blog pédagogique : http://pedagoj.eklablog.com
- badinNiveau 7
Bien sûr, ils savaient lire, mais je ne les ai jamais vus un livre à la main.
- doctor whoDoyen
OK.badin a écrit:Bien sûr, ils savaient lire, mais je ne les ai jamais vus un livre à la main.
Mais ce n'est pas le problème traité par Luigi dans son mail au Canard.
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- Luigi_BGrand Maître
Voilà : "lire" signifie aussi "savoir lire", comme par exemple dans l'expression "je lis l'anglais".
C'est ce "bien sûr" qui est important.badin a écrit:Bien sûr, ils savaient lire...
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- User5899Demi-dieu
C'est là que je vois que je suis vieux... Mes quatre grands-parents sont nés entre 1905 et 1908 :shock:
Et les quatre savaient lire. Deux en arrivant de Corse, une, de Sardaigne, le quatrième ayant été scolarisé dans les Bouches-du-Rhône.
Et les quatre savaient lire. Deux en arrivant de Corse, une, de Sardaigne, le quatrième ayant été scolarisé dans les Bouches-du-Rhône.
- badinNiveau 7
Mes deux grands-pères ont fait la guerre 14-18, ils auraient pu écrire des "lettres de poilus" mais je n'ai rien trouvé.
- retraitéeDoyen
Mes deux grands-pères , qui ont eux aussi fait la guerre de 14, savaient lire et lisaient! Et pourtant, l'un d'eux avait quitté l'école à 11 ans. Il lisait Hugo, Zola. Quant à l'autre, il allait chaque dimanche chercher son lot de bouquins à la bibliothèque municipale.
Mes grands-mères savaient lire elles aussi! La première venait d'un milieu très pauvre.
Mes grands-mères savaient lire elles aussi! La première venait d'un milieu très pauvre.
- Marie LaetitiaBon génie
Qu'est-ce que je devrais dire... Mes deux grands-pères ont fait 14-18, du coup, je passe immanquablement pour un truc préhistorique auprès de mes élèves...Cripure a écrit:C'est là que je vois que je suis vieux... Mes quatre grands-parents sont nés entre 1905 et 1908 :shock:
Et les quatre savaient lire. Deux en arrivant de Corse, une, de Sardaigne, le quatrième ayant été scolarisé dans les Bouches-du-Rhône.
Je vais épargner à tout le monde mon couplet sur le "ils savaient lire". Je trouve que ce fil est parti de travers dès le début à cause d'une formule pas très très précise. Il me semble que l'on peut disposer d'autres sources, bien plus précises, qu'une estimation de Jean Zay, pour trancher la question. Qu'il y ait un mythe autour de l'école républicaine, c'est certain. Mais on ne peut pour autant tout jeter, et c'est là le problème de l'éternelle et stérile querelle entre pro et anti "école républicaine"... qui ne concernait d'ailleurs pas la totalité des enfants, loin s'en faut.
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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- AdsoNiveau 6
Pour ajouter aux témoignages précédents : ma grand-mère née en 1912 de langue bretonne a obtenu son certificat d'étude en français -je l'ai photocopié et il orne mon casier de prof-. Au décès de son mari en 1952 ça lui a permis de devenir secrétaire puis progressivement clerc de notaire. Ses instituteurs ont eu à coeur de lui donner de bonnes bases dont elle a su se servir toute sa vie, lui donnant la chance de réussir. La question qui me tracasse: pourquoi ces gens qui nous pondent une pédagogie qui enterre la simplicité des bases sous un fatras "innovant" le font-ils alors qu'eux-mêmes ils ont appris différemment et ont bénéficié d'un enseignement qui privilégiait l'esprit logique? La réponse est-elle: du ressentiment?
- colombaneFidèle du forum
[quote="Marie Laetitia"]
parce qu'un de mes grands pères, lui a appris très largement adulte (vers 30ans) quand il est parti travailler aux Usines Renault à Boulogne Billancourt dans les années 20.... (venait d'une campagne profonde où la priorité n'était surtout pas l'assiduité à l'école) - et l'autre venant d'Alsace avait été scolarisé en "Allemagne".... avant d'émigrer en France pendant la guerre.. (de 14)...
Par contre, les grands mères avaient eu une scolarité "normale", l'une d'elle a même eu un prix de sténographie en 1918.
J'ai toujours leurs livres d'apprentissage de lecture..... et d'écriture ; je pense que, peut-être, je pourrai encore m'en servir pour mes petits-enfants.
,Cripure a écrit:C'est là que je vois que je suis vieux... Mes quatre grands-parents sont nés entre 1905 et 1908 :shock:
Je vais épargner à tout le monde mon couplet sur le "ils savaient lire".
parce qu'un de mes grands pères, lui a appris très largement adulte (vers 30ans) quand il est parti travailler aux Usines Renault à Boulogne Billancourt dans les années 20.... (venait d'une campagne profonde où la priorité n'était surtout pas l'assiduité à l'école) - et l'autre venant d'Alsace avait été scolarisé en "Allemagne".... avant d'émigrer en France pendant la guerre.. (de 14)...
Par contre, les grands mères avaient eu une scolarité "normale", l'une d'elle a même eu un prix de sténographie en 1918.
J'ai toujours leurs livres d'apprentissage de lecture..... et d'écriture ; je pense que, peut-être, je pourrai encore m'en servir pour mes petits-enfants.
- Spinoza1670Esprit éclairé
Si tu as le temps, l'envie et la possibilité de les scanner, je les mettrai sur le blog Manuels anciens.colombane a écrit:J'ai toujours leurs livres d'apprentissage de lecture..... et d'écriture ; je pense que, peut-être, je pourrai encore m'en servir pour mes petits-enfants.
Cf. http://manuelsanciens.blogspot.com/2013/08/partagez-vos-trouvailles.html
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« Let not any one pacify his conscience by the delusion that he can do no harm if he takes no part, and forms no opinion. Bad men need nothing more to compass their ends, than that good men should look on and do nothing. » (John Stuart Mill)
Littérature au primaire - Rédaction au primaire - Manuels anciens - Dessin au primaire - Apprendre à lire et à écrire - Maths au primaire - école : références - Leçons de choses.
- Spinoza1670Esprit éclairé
Pour trancher correctement la querelle, il faut trancher correctement la question et il n'y aura théoriquement plus de querelle. Certes.Marie Laetitia a écrit:Qu'est-ce que je devrais dire... Mes deux grands-pères ont fait 14-18, du coup, je passe immanquablement pour un truc préhistorique auprès de mes élèves...Cripure a écrit:C'est là que je vois que je suis vieux... Mes quatre grands-parents sont nés entre 1905 et 1908 :shock:
Et les quatre savaient lire. Deux en arrivant de Corse, une, de Sardaigne, le quatrième ayant été scolarisé dans les Bouches-du-Rhône.
Je vais épargner à tout le monde mon couplet sur le "ils savaient lire". Je trouve que ce fil est parti de travers dès le début à cause d'une formule pas très très précise. Il me semble que l'on peut disposer d'autres sources, bien plus précises, qu'une estimation de Jean Zay, pour trancher la question. Qu'il y ait un mythe autour de l'école républicaine, c'est certain. Mais on ne peut pour autant tout jeter, et c'est là le problème de l'éternelle et stérile querelle entre pro et anti "école républicaine"... qui ne concernait d'ailleurs pas la totalité des enfants, loin s'en faut.
Mais tout le problème vient souvent de ce qu'il n'y a pas de problème et qu'on s'affronte au moyen de préjugés, d'autant plus insidieux qu'ils sont véhiculés par des autorités.
A quoi cela sert-il de se pencher sur l'histoire de l'éducation si l'on part convaincu d'avance qu'il n'y a rien à en tirer ? C'est peut-être vrai au bout du compte : les théories pédagogiques, les contenus disciplinaires, les programmes, les manuels, les méthodes, la formation, etc. étaient peut-être nuls. Mais l'analyse de Doctor Who de l'interprétation de l'historien de l'éducation Antoine Prost, le plus célèbre sans doute, montre que l'on a parfois affaire à une instrumentalisation de l'histoire de l'éducation pour promouvoir des idées pédagogiques et des politiques de l'éducation - qu'elles soient bonnes ou mauvaises.
L'analyse dialectique des préjugés courants, des endoxa sur le passé de l'école ne me semble donc pas à rejeter, même si l'on pourrait connaître le fin fond de l'histoire plus directement et en prenant des chemins plus droits.
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- colombaneFidèle du forum
je vais rechercher dans mon grenier...Spinoza1670 a écrit:Si tu as le temps, l'envie et la possibilité de les scanner, je les mettrai sur le blog Manuels anciens.colombane a écrit:J'ai toujours leurs livres d'apprentissage de lecture..... et d'écriture ; je pense que, peut-être, je pourrai encore m'en servir pour mes petits-enfants.
Cf. http://manuelsanciens.blogspot.com/2013/08/partagez-vos-trouvailles.html
- Spinoza1670Esprit éclairé
Attention aux fantômes !colombane a écrit:je vais rechercher dans mon grenier...Spinoza1670 a écrit:Si tu as le temps, l'envie et la possibilité de les scanner, je les mettrai sur le blog Manuels anciens.colombane a écrit:J'ai toujours leurs livres d'apprentissage de lecture..... et d'écriture ; je pense que, peut-être, je pourrai encore m'en servir pour mes petits-enfants.
Cf. http://manuelsanciens.blogspot.com/2013/08/partagez-vos-trouvailles.html
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- colombaneFidèle du forum
et pour faire pragmatique :
les grands parents.... et parents.... pour les cours d'histoire, ils avaient presque un siècle (et non des moindres) de moins à apprendre que les élèves actuels....
Quand tu as quitté l'école en 1910..... les matières, et les programmes étaient forcément plus légers et construits autrement.
les grands parents.... et parents.... pour les cours d'histoire, ils avaient presque un siècle (et non des moindres) de moins à apprendre que les élèves actuels....
Quand tu as quitté l'école en 1910..... les matières, et les programmes étaient forcément plus légers et construits autrement.
- Spinoza1670Esprit éclairé
J'aimerais pas voyager dans le temps et être prof en 2113. Déjà que j'ai du mal avec le 20e siècle...colombane a écrit:et pour faire pragmatique :
les grands parents.... et parents.... pour les cours d'histoire, ils avaient presque un siècle (et non des moindres) de moins à apprendre que les élèves actuels....
Quand tu as quitté l'école en 1910..... les matières, et les programmes étaient forcément plus légers et construits autrement.
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- CathEnchanteur
:shock:colombane a écrit:et pour faire pragmatique :
les grands parents.... et parents.... pour les cours d'histoire, ils avaient presque un siècle (et non des moindres) de moins à apprendre que les élèves actuels....
Quand tu as quitté l'école en 1910..... les matières, et les programmes étaient forcément plus légers et construits autrement.
- dandelionVénérable
+1 et Non mais, heu, Colombane, tu parles sérieusement? Parce que rien qu'avec l'Antiquité, y'a de quoi faire.Cath a écrit::shock:colombane a écrit:et pour faire pragmatique :
les grands parents.... et parents.... pour les cours d'histoire, ils avaient presque un siècle (et non des moindres) de moins à apprendre que les élèves actuels....
Quand tu as quitté l'école en 1910..... les matières, et les programmes étaient forcément plus légers et construits autrement.
Pour info, je viens de visiter un musée dédié à Archimède, et je n'avais déjà pas le niveau en maths avant J.C.
- colombaneFidèle du forum
On parle des petites classes là ... Pas des lycéens !
- Spinoza1670Esprit éclairé
Je pensais aussi que c'était une blague. Si tu parles sérieusement, il faut ouvrir un autre sujet. Le titre serait par exemple :
"La lourdeur des programmes d'histoire de primaire dépend-elle de l'époque à laquelle on vit ?"
C'est plus de la philo de l'histoire que de l'histoire, puisque de l'histoire au primaire et des écoles primaires, il n'y en a pas partout et il n'y en a pas eu partout.
"La lourdeur des programmes d'histoire de primaire dépend-elle de l'époque à laquelle on vit ?"
C'est plus de la philo de l'histoire que de l'histoire, puisque de l'histoire au primaire et des écoles primaires, il n'y en a pas partout et il n'y en a pas eu partout.
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- LouisBarthasExpert
Comme je l'ai indiqué plus haut, que la moitié d'une classe d'âge obtînt le Certificat d'études est au contraire la démonstration du degré d'excellence atteint par l'école de la fin de la IIIe république, à preuve le haut niveau d'ensemble des épreuves de cet examen dont j'ai donné un exemple.Antoine Prost a écrit:
Ensuite il faut revenir sur la glorification de l'école républicaine. Ce n'est pas vrai que tout le monde avait le certificat d'études. En 1940, la moitié d'une classe d'âge ne l'obtenait pas. Jean Zay dans ses instructions de 1938 mentionne que la majorité des élèves ne sait pas lire couramment à 10 ans.
Qu'on puisse associer à cette réussite, reconnue implicitement par A. Prost, l'idée que « la majorité des élèves ne sait pas lire couramment à 10 ans » relève de l'acrobatie intellectuelle. Ne voyant pas comment des élèves de 10 ans ne possédant pas la lecture courante pourraient se révéler capables quelques années plus tard de réussir un examen aussi difficile, il reste à supposer à l'appui de cette affirmation qu'il existait un fossé profond entre « la majorité des élèves » très faibles qui ne savaient pas lire couramment à 10 ans et « la moitié d'une classe d'âge » très bonne qui obtenait ensuite son Certificat. Or il est impossible de souscrire à l'hypothèse d'une telle disjonction entre le monde des illettrés et celui du Certificat, pareille aux mondes "d'en haut" et "d'en bas" de Metropolis.
A. Prost tire son argument d'une mention de Jean Zay dans ses instructions de 1938. Afin de donner un éclairage particulier à ces dernières, voici des extraits des Souvenirs de campagne de Jean Orieux, écrivain ayant collaboré à des ouvrages scolaires.
Issu d'un milieu modeste (son père était charron et sa mère lisseuse), Jean Orieux entre à l’École normale d'instituteurs en 1925, puis poursuit ses études à l'École normale supérieure de Saint-Cloud et prépare une licence de philosophie à la Sorbonne. Professeur de lettres à Bourges et à Beauvais de 1931 à 1937, il est alors nommé inspecteur de l’enseignement primaire.
« En dépit des graves circonstances dans lesquelles nous vivions, la pédagogie faisait rage. Cette fièvre ne débordait pourtant pas le mur d'enceinte des cours de récréation. Depuis 1938, Paris prônait la méthode globale. La haute administration avait décidé qu'on n'apprenait plus à lire et à écrire comme on l'avait toujours fait. Quand on dit Paris, cela signifie un peu moins d'une douzaine de vagues expérimentateurs d'une certaine psychologie dite, justement, "expérimentale". Ce petit cénacle avait fait une étonnante découverte : les lettres n'existaient plus. Les mots seuls existaient. En conséquence, les enfants ne devaient connaître que les mots "globalement" et non les lettres dont ils étaient jusqu'alors composés. La découverte venait d'anéantir l'alphabet. Tout cela expliqué dans le jardon "globaliste" parfaitement impénétrable. Quand ces gens-là divaguent et réussissent à communiquer leur délire à quelques personnages de la haute administration, cela se traduit par une pluie de circulaires explicatives et impératives qui s'abat sur les pauvres gens. C'est ce qui arriva. Ainsi fut balayé l'antique b + a égale ba.
Au moment où Hitler s'apprêtait à mettre l'Europe à feu et à sang, il devint presque aussi dangereux de refuser le "globalisme" que de nier, au XVIe siècle, la présence réelle dans l'Eucharistie.
Dans le corps enseignant, cette guerre des méthodes jeta la consternation. Je me souviens de la réflexion d'un vieil instituteur qui avait enseigné la lecture et, ce qui est encore plus admirable, l'orthographe à trente générations d'enfants. il me dit : "Il n'y a pas de méthode qui ait empêché un enfant d'apprendre à lire, mais il n'y en a qu'une qui lui apprend en même temps à écrire correctement les mots qu'il lit, c'est la vieille méthode alphabétique."
Bref, le plus clair résultat de cette mirobolante découverte "psychopédagogique" fut que l'orthographe, orgueil légitime de l'enseignement primaire français, fut sacrifiée aux visions de quelques expérimentateurs en chambres. Certains maîtres s'insurgèrent ouvertement contre cette aberration prétentieuse ; d'autres firent semblant d'appliquer la méthode des cuistres surdiplômés. Ils affichaient les inintelligibles tableaux qu'ils se gardaient bien d'utiliser et ils conservaient leurs bonnes recettes. Je calmais les premiers en leur donnant les seconds en exemple. En agissant ainsi, j'étais schismatique et rebelle, je crois bien avoir perdu mon âme pédagogique mais elle ne valait pas cher. En revanche, j'ai sauvé l'orthographe de quantité d'enfants ! Mais ce bienfait était obtenu par fraude, je le confesse. C'est ainsi que, par une étrange et douloureuse coïncidence, la bonne orthographe se perdit au moment où nous perdions aussi la guerre. La cuistrerie déchaînée fit de l'orthographe une science clandestine.
Par bonheur, le corps enseignant du Limousin me donna dans cette épreuve de sérieuses satisfactions. Mon métier aurait pu être odieux par sa paperasserie et ses enquêtes ; au contraire, la bonne grâce, le dévouement, l'intelligence de la plupart des instituteurs et institutrices firent souvent de mes corvées de très instructifs échanges d'idées et, je crois aussi, de sympathies. Si nous n'étions pas "globalistes" et gonflés de fausse science, nous avions ensemble, en compensation, la grande joie de noter beaucoup de "0 faute" et "10/10" aux dictées du certificat d'études. Nous nous accordions même la douce satisfaction de lire à haute voix, pour notre récompense, les exquises petites compositions françaises de nos jeunes lauréats. Ça vous fait sourire ? Pas moi. J'ai la larme à l'oeil.
N'empêche que cette ridicule méthode globale nous fit perdre beaucoup de temps. C'est elle qui contribua à déconcerter et à désorienter le corps enseignant. Il fallait sans cesse recommencer les démonstrations, essayer de convaincre ou faire semblant d'essayer, préparer de fallacieuses statistiques pour les expérimentateurs de Paris. Que sont-elles devenues les statistiques d'antan ?
Une de nos plus distinguées directrices en fit une maladie - elle était déjà un peu malade. Il fallait bien qu'elle le fût pour me dire un jour après une conférence qui l'avait, dit-elle, charmée : "Ah ! Monsieur l'inspecteur, c'était merveilleux, ça allait très bien avec votre air oriental." Tous ses collègues qui étaient là pensèrent s'étouffer de rire. (...)
Elle rappliquait chez moi n'importe quand. Ces visites étaient un peu "mondaines" et un peu administratives. Imprévues et imprévisibles sûrement. Elle venait m'exposer ses états d'âme pédagogiques. Comment appliquer la circulaire du 12 octobre ? Celle du 6 décembre semblait en corriger la rigueur. Devait-elle imposer la "méthode" à ses adjointes ou les laisser libres ? À force de rabâcher les principes ministériels, elle en fit un cas de conscience. "Doit-on ou ne doit-on pas croire au 'globalisme' ? Éclairez-moi. Je vous en prie, je n'en sors plus." Ce n'était plus de la Pédagogie mais de la Théologie. J'aurais du prendre la soutane pour la recevoir. "Si je me convertis à la 'Méthode', je veux que toutes les adjointes me suivent dans cette voie. Mon école sera globaliste à fond", affirmait-elle. Et si elles ne voulaient pas se convertir ? J'avais envie de lui dire qu'elle n'avait plus qu'un remède, recommencer la Saint-Barthélemy. Tout cela n'est amusant qu'à distance. »
J. Orieux, Souvenirs de Campagne, Flammarion, 1978
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Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. - Albert Camus
Aller apprendre l'ignorance à l'école, c'est une histoire qui ne s'invente pas ! - Alexandre Vialatte
À quels enfants allons-nous laisser le monde ? - Jaime Semprun
Comme si, tous ceux qui n'approuvent pas les nouveaux abus étaient évidemment partisans des anciens. - Edmund Burke
Versaillais de droite et Versaillais de gauche doivent être égaux devant la haine du peuple. - Manifeste des proscrits de la Commune
- User17706Bon génie
Très joli texte! Merci.
- Luigi_BGrand Maître
J'adore ce texte.
D'autant que, pour autant que j'aie pu le comprendre, les élèves des petites classes du lycée ne passaient pas nécessairement le certificat d'études.LouisBarthas a écrit:Comme je l'ai indiqué plus haut, que la moitié d'une classe d'âge obtenait le Certificat d'études est au contraire la démonstration du degré d'excellence atteint par l'école de la fin de la IIIe république, à preuve le haut niveau d'ensemble des épreuves de cet l'examen dont j'ai donné un exemple.
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- Spinoza1670Esprit éclairé
certificat cf. l'analyse de dr who sur le fil https://www.neoprofs.org/t67047p20-antoine-prost-je-regrette-quil-y-ait-eu-dans-les-annees-2000-un-iufm-bashing#2229371
Très beau texte de Jean Orieux. Merci LouisBarthas.
Je croyais que c'était le co-auteur de :
mais non : l'auteur est Marcel Orieux.
- https://www.neoprofs.org/t67047p20-antoine-prost-je-regrette-quil-y-ait-eu-dans-les-annees-2000-un-iufm-bashing#2229371:
- doctor who a écrit:John a écrit:Antoine Prost a écrit:
On a répété en boucle que tous les problèmes de l’Éducation nationale venaient des réformes et des IUFM. En réalité, les problèmes existaient bien avant. Dans les années 1960 déjà, on avait 30% d’élèves en 6e de transition qui ne pouvaient pas suivre. Tout le monde, sauf Pompidou, pensait qu’il fallait une réforme pédagogique. Comment voulez-vous remédier à un échec si vous ne changez pas les méthodes qui y conduisent ?
Sinon, l'argument des 30% d'élèves en 6e de transition ne me semble pas tenir. Ce qu'il faut voir, c'est que 70 % des élèves entraient en 6è normale (CEG ou lycée). Jusqu'en 57, ils passaient des examens de passages très durs, dont j'ai donné un exemple dans ce fil, page 3 (https://www.neoprofs.org/t66186p40-vincent-peillon-la-france-decroche-totalement-dans-l-etude-pisa-2012). Ensuite, on prenait automatiquement les élèves qui avaient la moyenne en fin de CM2, et on faisait passer un examen à ceux qui ne l'avaient pas. Bref, entrer en 6e n'était pas donné.
Quid alors des 30% restants ? Ils allaient en classe de fin d'étude, remplacée en 1963 par des classes de transitions censées faire la transition vers les classes de collège d'enseignement général. Mais qu'y faisaient-ils ? Ils passaient leur certificat d'étude pardi, du moins pour une part d'entre eux ! Je renvoie cette fois à l'exemple de sujet de certif posté par LouisBarthas sur l'autre fil sur Prost, page 2 (https://www.neoprofs.org/t66483p20-nos-grands-parents-ne-savaient-ils-pas-lire-reponse-critique-a-l-historien-antoine-prost?highlight=prost).
La proportion de ceux qui avaient le certif dans ces filières les moins prestigieuses est à déterminer. Selon mon père, dans sa promotion, en 1959, la moitié des succès au certif était due à des élèves de CEG (6è "normale"), l'autre à des élèves en classe de fin d'étude. Autre témoignage ici (http://anc.collegepellegrue.free.fr/photos%20grandes/qu'est-ce%20qu'une%20classe%20de%20transition.htm) : il semblerait qu'une majorité obtienne ce difficile CAP.
Voilà : dire que les 30% d'élèves des classes de transition étaient des tanches me semble pour le moins assez exagéré.
Peut-être ne "pouvaient-ils pas suivre", mais alors, il faut considérer que ce qu'ils ne suivaient pas excédait le niveau exigible pour le CAP ! Combien d'élèves actuels dans des 6e "normales" ne parviendraient pas à réussir des épreuves de niveau équivalent au certif ? Nos 30% d'élèves les moins bons feraient-ils aussi bien ?
Certes, le principe de ces classes de transitions était contestable, puisqu'elles entérinaient la supériorité supposée du système éducatif secondaire sur le système primaire (bien amoché déjà par la suppression des Ecoles Primaires Supérieures sous Vichy , puis la création des CEG). Mais il ne faut pas nier l'effort qui était consenti pour amener les élèves les moins doués au collège : pédagogie adaptée, inspirée de l'Education nouvelle, classes moins nombreuses. A l'époque, on ne craignait pas de mettre 30% des élèves dans une structure spécialisée pour les aider de manière plus efficace (même si l'efficacité de ces classes de transition n'est pas évidente à évaluer).
Aujourd'hui, que fait-on des 30% des élèves les moins bons ? On les met avec les autres, et on fait un PPRE...
Très beau texte de Jean Orieux. Merci LouisBarthas.
Je croyais que c'était le co-auteur de :
- Orieux, Everaere - Leçons de choses CE 1952
- Orieux-Everaere - Exercices d’observation CE1
- Orieux, Everaere, Exercices d'observation CE-CM (livre unique)
- Orieux, Everaere - Leçons de choses Cours Moyen (1954)
- Orieux, Everaere, Leçons de choses CM-CS
mais non : l'auteur est Marcel Orieux.
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