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- IrulanHabitué du forum
Bon, attention, il me semble que l'on peut demander de nommer une figure de style au brevet et d'en expliquer l'emploi. Il n'y a pas cinquante figures de style à connaître au collège, et quand tu fais étudier "Je vis, je meurs", ce n'est pas incroyable de parler d'antithèses (d'oppositions au moins).
- *Ombre*Grand sage
Oui, voilà. Et pour ma part, à partir de la Cinquième, j'apprends à rédiger une phrase avec le nom de la figure comme sujet, un verbe étudié en classe (montre, souligne, traduit...) et en complément l'effet produit.
Il ne s'agit pas de donner à l'étude des listes entières de figures de style, mais au collège, il n'est pas vain d'apprendre à identifier une comparaison, une métaphore, une hyperbole, une opposition... Et effectivement, cela fait partie des attendus à l'examen, aussi ne pouvons-nous en faire l'économie. Mais bien évidemment, il incombe au professeur d'apprendre à mettre en relation la figure et l'effet qu'elle produit.
Il ne s'agit pas de donner à l'étude des listes entières de figures de style, mais au collège, il n'est pas vain d'apprendre à identifier une comparaison, une métaphore, une hyperbole, une opposition... Et effectivement, cela fait partie des attendus à l'examen, aussi ne pouvons-nous en faire l'économie. Mais bien évidemment, il incombe au professeur d'apprendre à mettre en relation la figure et l'effet qu'elle produit.
- FiatLuxFidèle du forum
Le vrai problème, c'est que le niveau est tellement bas dès l'arrivée des élèves en 6e, que les profs de collège doivent faire des cours de primaire et les profs de lycée des cours de collège. Tout le monde se débat avec cette réalité qui exige tout de même que les programmes soient à peu près bouclés pour les examens finaux. C'est usant et grotesque.
- NLM76Grand Maître
*Ombre* a écrit:Oui, voilà. Et pour ma part, à partir de la Cinquième, j'apprends à rédiger une phrase avec le nom de la figure comme sujet, un verbe étudié en classe (montre, souligne, traduit...) et en complément l'effet produit.
Il ne s'agit pas de donner à l'étude des listes entières de figures de style, mais au collège, il n'est pas vain d'apprendre à identifier une comparaison, une métaphore, une hyperbole, une opposition... Et effectivement, cela fait partie des attendus à l'examen, aussi ne pouvons-nous en faire l'économie. Mais bien évidemment, il incombe au professeur d'apprendre à mettre en relation la figure et l'effet qu'elle produit.
Est-ce que tu pourrais donner un exemple concret d'une telle phrase, avec le texte auquel elle se rapporte ? J'ai du mal à saisir comment cette affaire peut se réduire à une phrase. Mais peut-être est-ce parce que je l'envisage au niveau du lycée.
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- *Ombre*Grand sage
Oui, j'ai justement quelques copies de 5e à la maison avec ce travail, des questions sur un extrait de Perceval. Dans le combat entre Perceval et Anguingueron (je ne mets pas tout le texte mais seulement le passage concerné par la question), je demande aux élèves ceci :
Comment la violence du combat est-elle montrée ? Pour répondre relevez une comparaison et deux hyperboles.
La première fois que nous faisons cela en classe, je leur donne un modèle de phrase à compléter. Ici, ce serait : La comparaison "..." souligne la férocité des combattants. Les hyperboles "..." et "..." montrent la violence du combat.
La fois suivante, ils font sans phrase à trous, en reprenant le modèle dans leur classeur.
Et peu à peu, ils doivent faire les phrases tout seuls.
C'est encore maladroit, et beaucoup utilisent mal les verbes que je donne, mais au moins, la plupart (pas tous hélas) prennent l'habitude de faire des phrases et entendent que "il y a une comparaison", point, ben on s'en fiche en fait.
Voilà deux exemples de ce que cela eut donner, chez un élève plutôt bon mais qui a manifestement contourné l'obstacle avec "il y a" (grrrr) et un élève en difficulté, à la syntaxe hasardeuse et l'orthographe plus encore, et qui a oublié de nommer la comparaison - mais qui s'achemine vers une phrase construite, et vu d'où il part, je suis très fière de lui. Allez, encore un mois pour y arriver !
On est encore loin des copies de lycée, mais ce sont des 5e, et j'essaie qu'à la fin de l'année, ils aient pris l'habitude de rédiger des phrases d'analyse, modestes, mais correctes.
Comment la violence du combat est-elle montrée ? Pour répondre relevez une comparaison et deux hyperboles.
- le passage à étudier:
- Le jeune homme en eut alors assez. Il mit la lance en arrêt, et ils s'élancèrent l'un contre l'autre sans se défier ni s'adresser la parole. Chacun disposait d'une lance en frêne au fer tranchant et à la hampe robuste et maniable. Les chevaux étaient rapides et les chevaliers puissants. Ils se haïssaient à mort. Ils se frappèrent si fort que craquaient les bois de leurs boucliers qui se brisèrent en même temps que les lances, et qu'ils se jetèrent l'un l'autre à terre. Mais ils eurent tôt fait de se remettre en selle et de se précipiter l'un contre l'autre, sans paroles inutiles, plus férocement que deux sangliers. Ils se frappèrent sur leurs boucliers et sur leurs hauberts aux fines mailles de toute la force de leurs chevaux. Emportés par la colère et la rage, de toute la puissance de leurs bras, ils firent voler les morceaux et les éclats de leurs deux lances. Anguingueron fut le seul à tomber, le corps couvert de blessures au point qu'il avait mal au bras et au côté.
La première fois que nous faisons cela en classe, je leur donne un modèle de phrase à compléter. Ici, ce serait : La comparaison "..." souligne la férocité des combattants. Les hyperboles "..." et "..." montrent la violence du combat.
La fois suivante, ils font sans phrase à trous, en reprenant le modèle dans leur classeur.
Et peu à peu, ils doivent faire les phrases tout seuls.
C'est encore maladroit, et beaucoup utilisent mal les verbes que je donne, mais au moins, la plupart (pas tous hélas) prennent l'habitude de faire des phrases et entendent que "il y a une comparaison", point, ben on s'en fiche en fait.
Voilà deux exemples de ce que cela eut donner, chez un élève plutôt bon mais qui a manifestement contourné l'obstacle avec "il y a" (grrrr) et un élève en difficulté, à la syntaxe hasardeuse et l'orthographe plus encore, et qui a oublié de nommer la comparaison - mais qui s'achemine vers une phrase construite, et vu d'où il part, je suis très fière de lui. Allez, encore un mois pour y arriver !
On est encore loin des copies de lycée, mais ce sont des 5e, et j'essaie qu'à la fin de l'année, ils aient pris l'habitude de rédiger des phrases d'analyse, modestes, mais correctes.
- NLM76Grand Maître
D'accord. Je vais y réfléchir.
Il est fort possible que j'aie tort. Mais, à priori, cette affaire me gêne, et je dois leur demander d'effacer ce type de raisonnements de leur façon de penser le texte littéraire.
Il est fort possible que j'aie tort. Mais, à priori, cette affaire me gêne, et je dois leur demander d'effacer ce type de raisonnements de leur façon de penser le texte littéraire.
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Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- *Ombre*Grand sage
Ah bon ? "effacer", carrément ?
Moi qui me réjouissais tant des progrès de mon petit élève ! En début d'année, il répondait à une question par deux mots isolés, sans majuscule ni point. Tu vas m'ôter mes derniers éléments de satisfaction dans ce métier !
Sérieusement, tu verrais quoi pour faire passer progressivement les élèves de l'état d'où ils sortent de primaire (pour la plupart, ils n'ont répondu à des questions sur les textes que sous forme de QCM, ne savent pas rédiger une phrase complète, ignorent superbement la ponctuation) à un état qui les verrait prêts à aborder le commentaire ?
Je me sus fixé comme objectifs (pour les études de texte) :
- En 6e, répondre à une question simple sous forme de phrase complète et dûment ponctuée ; justifier une réponse en usant correctement des deux points et des guillemets.
- En 5e : revoir ce qui précède, introduire quelques verbes utiles à l'analyse et rédiger quelques phrases d'analyse (comme ci-dessus). Pour les plus habiles, commencer à organiser ces phrases en paragraphes.
- En 4e et en 3e : insister sur ces phrases d'analyse ; développer une réponse sous forme de paragraphe.
Qu'est-ce qui ne va pas, là-dedans, selon toi ?
Moi qui me réjouissais tant des progrès de mon petit élève ! En début d'année, il répondait à une question par deux mots isolés, sans majuscule ni point. Tu vas m'ôter mes derniers éléments de satisfaction dans ce métier !
Sérieusement, tu verrais quoi pour faire passer progressivement les élèves de l'état d'où ils sortent de primaire (pour la plupart, ils n'ont répondu à des questions sur les textes que sous forme de QCM, ne savent pas rédiger une phrase complète, ignorent superbement la ponctuation) à un état qui les verrait prêts à aborder le commentaire ?
Je me sus fixé comme objectifs (pour les études de texte) :
- En 6e, répondre à une question simple sous forme de phrase complète et dûment ponctuée ; justifier une réponse en usant correctement des deux points et des guillemets.
- En 5e : revoir ce qui précède, introduire quelques verbes utiles à l'analyse et rédiger quelques phrases d'analyse (comme ci-dessus). Pour les plus habiles, commencer à organiser ces phrases en paragraphes.
- En 4e et en 3e : insister sur ces phrases d'analyse ; développer une réponse sous forme de paragraphe.
Qu'est-ce qui ne va pas, là-dedans, selon toi ?
- TivinouDoyen
Phylia a écrit:Bonsoir !
J'ai ouvert ce sujet, n'en ayant pas trouvé de semblable auquel le rattacher. Mais si j'ai mal cherché, n'hésitez pas à déplacer ce post au bon endroit !
Etant professeur de troisième chaque année, je me demandais ( il était temps !) quels étaient les prérequis notionnels et méthodologiques que les collègues de lycées estiment indispensables et prioritaires en français pour la classe de seconde.
A vrai dire, j'ai bien quelques idées, mais j'aimerais vérifier que je vise juste et ajuster éventuellement le tir
Merci pour l'aide que vous pourrez m'apporter à ce sujet !
Tu as ouvert la boîte de Pandore ! Et tu as bien fait.
C’est intéressant de vous lire. Je ne reviens pas sur l’expression écrite, beaucoup de choses ont été dites. Quelques points en vrac :
- Chaque année, je commence les cours de seconde par quelque chose que les élèves devraient savoir faire : rédiger un paragraphe argumentatif. Et bien vite j’ai besoin d’expliquer ce qu’est un paragraphe. Les élèves me disent qu’en histoire-geo, on appelle paragraphe argumenté (ou argumentatif) le développement d’une thèse ( qui contient donc plusieurs paragraphes ). Si nous pouvions déjà tous utiliser le même vocabulaire...
- Le deuxième problème que je rencontre est celui de la terminologie des consignes. Rédiger (ah bon, il faut faire des phrases pour rédiger ?), justifier ( gné ?) Etc.
Et je ne mets pas en cause le travail de mes collègues : l’avantage de la cité scolaire, c’est qu’on sait ce qui a été fait en troisième.
- Troisième point : les enseignants de lycée (dont je fais partie) ne prennent pas assez le temps de faire une transition entre le collège et le lycée (ne cherchez pas, ce n’est pas de la mauvaise volonté, ce temps nous ne l’avons pas !). Nous avons un programme extrêmement lourd et 4 heures de cours par semaine.
- Dernier point : ce qu’il faudrait, ce serait un effort dans les autres disciplines. Rédiger, expliquer son raisonnement, ce doit être fait en maths, en physique-chimie, en SVT... Quand je vois les sujets de devoirs photocopiés que les élèves doivent compléter, ça me met en rage. Oui, les élèves ne savent plus présenter un devoir, écrire vite, écrire sur les lignes ... mais dans quelles matières leur demande-t-on encore de le faire ? On nous a supprimé des heures parce qu’on fait du français dans toutes les disciplines. Soit, sauf que c’est faux.
- eliamEsprit éclairé
J'ai le même genre de problème : concevoir un paragraphe, faire la différence entre argument et exemple, justifier sa réponse. Lorsque qu'on fait de l'analyse, le réflexe des élèves est de se limiter à nommer des figures de style. Ils ne comprennent pas que l'analyse ne se limite pas aux seules figures de style. J'ai enseigné 15 ans en collège, je sais qu'on leur enseigne malheureusement, même les bons élèves sérieux abordent le commentaire de cette façon.
- IphigénieProphète
en fait les commentaires sont mauvais parce qu'on a séparé les deux approches: par la sensibilité, par la technique.
Autrefois jadis il y a longtemps, on laissait les lycéens se débrouiller: pas de méthodologie, par de cours de technique: on commençait par la paraphrase et à force on entrait fin seconde dans l'écriture. Mais on savait écrire.
Ensuite est venu le temps des méthodes et des listes de champs lexicaux, de figures de style etc. Sans savoir écrire, encore moins lire et sentir.
D'un côté on ne bridait pas asez, de l'autre on bride trop: les élèves se disent que c'est juste un devoir technique et ils refourguent les techniques (ééventuellement d'un texte sur l'autre)
L'exercice d'Ombre me parait d'autant plus excellent qu'on le pratique aussi et encore en seconde (où il ne sert à pas grand chose de faire rédiger des devoirs complets d'un coup.)
Excellent, mais à condition d'être en combinaison avec d'autres moments de lecture moins contrainte: c'est pour cela que les figures de style en collège ne sont pas indispensables hormis les plus courantes, les plus visibles. (on pourrait aussi bien faire l'exercice d'Ombre en prenant l'abondance des expansions du nom ( ) ou la dynamique des verbes, ou même la composition du passage en deux temps de combat, et autres....L'important étant la rédaction plus que tout autre chose.
J'ai l'impression que le collège préparait tout autant au lycée avec les rédactions d'antan (mais dont les sujets peuvent vite devenir aujourd'hui intrusifs et casse-gueule si on n'y fait pas gaffe: décris-moi ta chambre...) qu'en les initiant prématurément à l'analyse technique des textes.
Je crois qu'n prenant le problème sous l'angle: préparons le lycée, on s'égare un peu de l'essentiel, en fait: écrire, réfléchir, sentir
Autrefois jadis il y a longtemps, on laissait les lycéens se débrouiller: pas de méthodologie, par de cours de technique: on commençait par la paraphrase et à force on entrait fin seconde dans l'écriture. Mais on savait écrire.
Ensuite est venu le temps des méthodes et des listes de champs lexicaux, de figures de style etc. Sans savoir écrire, encore moins lire et sentir.
D'un côté on ne bridait pas asez, de l'autre on bride trop: les élèves se disent que c'est juste un devoir technique et ils refourguent les techniques (ééventuellement d'un texte sur l'autre)
L'exercice d'Ombre me parait d'autant plus excellent qu'on le pratique aussi et encore en seconde (où il ne sert à pas grand chose de faire rédiger des devoirs complets d'un coup.)
Excellent, mais à condition d'être en combinaison avec d'autres moments de lecture moins contrainte: c'est pour cela que les figures de style en collège ne sont pas indispensables hormis les plus courantes, les plus visibles. (on pourrait aussi bien faire l'exercice d'Ombre en prenant l'abondance des expansions du nom ( ) ou la dynamique des verbes, ou même la composition du passage en deux temps de combat, et autres....L'important étant la rédaction plus que tout autre chose.
J'ai l'impression que le collège préparait tout autant au lycée avec les rédactions d'antan (mais dont les sujets peuvent vite devenir aujourd'hui intrusifs et casse-gueule si on n'y fait pas gaffe: décris-moi ta chambre...) qu'en les initiant prématurément à l'analyse technique des textes.
Je crois qu'n prenant le problème sous l'angle: préparons le lycée, on s'égare un peu de l'essentiel, en fait: écrire, réfléchir, sentir
- Charles-MauriceNiveau 10
Entièrement d'accord également. Lire, comprendre ce qui est écrit, en rendre compte à l oral dans une langue correcte et à l écrit dans une syntaxe claire, c est la seule propédeutique au lycée, et à l enseignement supérieur.
Un de mes enfants avait étudié le schéma narrarif du conte en maternelle, un vrai désastre. Les élèves doivent maîtriser le français, sans lequel le lycée devient un véritable chemin de croix. La technique d analyse littéraire vient ensuite, par surcroît, elle n est pas essentielle.
Un de mes enfants avait étudié le schéma narrarif du conte en maternelle, un vrai désastre. Les élèves doivent maîtriser le français, sans lequel le lycée devient un véritable chemin de croix. La technique d analyse littéraire vient ensuite, par surcroît, elle n est pas essentielle.
- NLM76Grand Maître
*Ombre* a écrit:Ah bon ? "effacer", carrément ?
Moi qui me réjouissais tant des progrès de mon petit élève ! En début d'année, il répondait à une question par deux mots isolés, sans majuscule ni point. Tu vas m'ôter mes derniers éléments de satisfaction dans ce métier !
Sérieusement, tu verrais quoi pour faire passer progressivement les élèves de l'état d'où ils sortent de primaire (pour la plupart, ils n'ont répondu à des questions sur les textes que sous forme de QCM, ne savent pas rédiger une phrase complète, ignorent superbement la ponctuation) à un état qui les verrait prêts à aborder le commentaire ?
Je me sus fixé comme objectifs (pour les études de texte) :
- En 6e, répondre à une question simple sous forme de phrase complète et dûment ponctuée ; justifier une réponse en usant correctement des deux points et des guillemets.
- En 5e : revoir ce qui précède, introduire quelques verbes utiles à l'analyse et rédiger quelques phrases d'analyse (comme ci-dessus). Pour les plus habiles, commencer à organiser ces phrases en paragraphes.
- En 4e et en 3e : insister sur ces phrases d'analyse ; développer une réponse sous forme de paragraphe.
Qu'est-ce qui ne va pas, là-dedans, selon toi ?
- Avertissement pour les lecteurs trop pressés:
- Ce qui suit n'a aucune intention polémique, et j'essaie de réfléchir avec vous, non pas de m'opposer à telle ou telle pratique, ou de la déconsidérer. Je sais mes pratiques fort médiocres, et, sur de nombreux points, y compris ceux que nous évoquons ici, de moindre valeur que celles de mes collègues divers et variés. Au total, il est vraisemblable que je me rallie à d'autres sentiments, différents de celui que j'ai manifesté tout d'abord. D'autre part, je vous prie aussi de me faire crédit du fait que je connais un peu les élèves de collège, ayant enseigné dans les collèges ZEP pendant une quinzaine d'années, que la grande exigence que je puis donner l'impression de cultiver n'est pas seulement un délire d'intellectuel haut perché, de professeur de lycée qui se croit face à des khâgneux de Henri IV, et qu'il m'importe avant tout, comme nous tous, de rendre les textes accessibles à tous. Autrement dit, cette réflexion pourrait mériter qu'on s'y attarde. (Ou pas !)]
En fait, encore une fois, il est bien possible que j'aie tort. Je ne sais pas ce qu'il faudrait faire au collège quant à l'initiation au commentaire, et je ne suis pas sûr que ce que je fais au lycée est le plus intelligent à faire. Mais voilà pourquoi. La progression que tu décris ici, en soi, ne me pose aucun problème. C'est l'articulation de l'analyse entre figure de style et interprétation qui me gêne. En l'espèce, le fait que la comparaison entre le guerrier et le sanglier participe à la violence de ce qui est décrit, d'une certaine façon, m'intéresse fort peu. D'autre part, les exagérations, ou hyperboles, relevées n'en sont pas : c'est la réalité du combat.
Que des élèves de collège prouvent ici que le combat est vraiment très violent, et que le texte témoigne efficacement de cette violence, cela me paraît tout à fait sensé. Mais je ne vois pas bien ce que les figures de style viennent faire là. Et encore, pourquoi pas les figures de style, et en particulier ces figures de styles-là. Je vais essayer de prendre le problème par le bon bout : celui que je tiens moi, quand j'enseigne au lycée.
Si un élève m'écrit des propos tels que ceux de tes élèves, en seconde ou en première, je crois que j'ai tendance à noter en face des "soit, mais encore ?" ou "c'est l'évidence" ou "paraphrase". Or c'est très souvent le genre de propos qu'ils me tiennent sur les textes, et la plupart ont une peine immense à envisager qu'on puisse aller au-delà de cette paraphrase ornementée de noms de figures de style. Ce que je leur dis aussi très souvent c'est que "l'auteur insiste sur...", en général, on va éviter. L'intérêt d'un texte littéraire ne réside pas en principe sur sa lourdeur. Autrement dit, la structure "L'auteur exprime ceci à l'aide de tel procédé" ne me convient pas parce qu'il ne s'agit pas de répondre à la question "Comment l'auteur exprime-t-il ceci ?", mais à la question "Pourquoi la façon dont l'auteur exprime ceci est-elle particulièrement intéressante, émouvante, amusante, etc. ?"
Vous pouvez constater qu'ici, il y a deux problèmes très différents à résoudre en même temps : d'une part il y a débat sur l'objet du commentaire au lycée, car beaucoup de collègues ne seraient pas d'accord avec ce que j'affirme ci-dessus ; d'autre part, même si nous nous mettions d'accord sur cet objet, il faudrait encore se demander ce qu'il doit en être au collège. Dans les deux cas, il faut se demander ce qui est utile et accessible aux élèves, pour les aider à lire les textes.
En l'espèce, pour moi, au lycée, l'objet de l'explication ou du commentaire d'un tel texte (d'ailleurs fort bien choisi !) ne saurait être de montrer que le combat évoqué est violent. Comme je l'ai dit plus haut, c'est l'évidence. Certains me répondront "Mais, cher NLM, c'est peut-être l'évidence pour toi ; mais ce n'est pas l'évidence pour beaucoup d'élèves !" Cette objection me paraît s'écrouler d'elle-même. Si un élève en effet n'a pas compris au premier abord que le combat évoqué était violent, ce n'est pas avec une grille de lecture, une recherche de figures de style, ni même en répondant à la question "Qu'est-ce qui montre que ce combat est violent?" qu'il va s'en apercevoir. S'il n'a pas compris que le combat était violent, c'est qu'il n'a pas lu le texte: il s'est contenté de prélever des informations ici et là. Ou alors, éventuellement, on peut imaginer qu'un élève d'une grande sensibilité littéraire fût arrêté par les éléments particulièrement poétiques du texte, et n'y vît que le caractère onirique d'un combat en réalité très poétisé. L'hypothèse est improbable, mais pas tout à fait impossible.
En revanche, nombre d'élèves qui comprennent immédiatement que le combat est violent, s'habitueront très vite à ce que le cours de français prétende démontrer des évidences, en faisant étalage de connaissances techniques pour donner l'impression qu'on va plus loin que l'évidence. Autrement dit ceux qui comprennent le texte comme ceux qui ne le comprennent pas ne verront pas bien quel est l'intérêt du cours de français. Bon; évidemment, les choses sont plus compliquées que cela : beaucoup d'élèves suffisamment sérieux vont prendre plaisir à rentrer dans le cadre proposé, dès lors qu'ils l'auront bien saisi, et seront rassurés, voire séduits, par le caractère balisé de la méthode proposée. Même ils auront plaisir à entrer par ce biais, de façon plus attentive, dans le détail du texte, à s'arrêter sur des expressions particulièrement poétiques, même s'ils n'entrent pas encore dans l'analyse qui tente d'expliquer pourquoi, justement, elles sont particulièrement poétiques : en cela, un objectif fondamental du professeur de lettres est joliment atteint. Sans doute même, ce type de relation au texte est assez proche de ce que j'ai vécu quand j'étais élève de 1re, en 1986. Peut-être donc devrais-je renoncer à mon a priori négatif.
Voire. Mais, vous l'aurez deviné, je ne parviens pas encore à m'y résoudre. Il faut que j'y réfléchisse encore. Maintenant, qu'est-ce que je suggérerais au niveau du collège ? D'une part, je dirais que l'explication de texte, le commentaire, ne sont pas à faire par les élèves, mais par le professeur : c'est à lui de se débrouiller pour montrer ce qu'il y a d'extraordinaire dans ce texte, pourquoi, par exemple, la comparaison avec le sanglier est ici particulièrement saisissante. Évidemment, cela peut se faire en faisant participer très activement les élèves. Mais j'ai idée qu'au collège, il n'est pas nécessaire de faire écrire les élèves ces réflexions et commentaires. Je pense qu'il faut les laisser les développer à l'oral, afin de leur permettre de prendre de l'ampleur et de la profondeur, dont en réalité ils sont capables. Certains d'entre vous l'auront compris : je pense ici à Boimare et à son "Ces enfants empêchés de penser". Et je dirais : nul besoin de "trace écrite" pour tout cela. Sur ce point, d'une certaine façon, je me ferais lacanien : Les écrits s'envolent, les paroles restent. Notre obsession pédagogique de la trace écrite, de la trace évaluable, me paraît en fait souvent assez pernicieuse.
En revanche, je pense qu'on peut les faire produire de nombreuses choses qui relèvent de l'interprétation, qui plus est assez facilement évaluables. D'abord, la lecture ou la récitation expressive. C'est, pour un tel texte, particulièrement adapté. On travaille ensemble sur la façon dont on peut lire ou dire le texte, et l'on réfléchit, ce faisant, sur sa signification, sur sa "poéticité". Une autre chose aussi, que nous négligeons beaucoup trop - et là je pense à Christian Monteil -, c'est le fait de conter et faire conter, à l'oral. Etablir le plan schématique du texte, s'en faire un canevas qu'on apprend par cœur (pas seulement avec les mots, mais avec les images, voire les gestes !), afin de pouvoir conter l'histoire à sa façon. Encore une fois, j'insiste, à l'oral.
Ensuite, évidemment, l'écrit. Bon; passons sur l'exercice génial que constitue la dictée. Tout le monde ici sait son intérêt non seulement pour apprendre l'orthographe, mais encore pour s'imprégner des textes et de leur signification. L'établissement du plan du texte, que j'ai évoqué ci-dessus, est un travail qui se fait tout naturellement en partie à l'écrit. De même, toutes espèces de paraphrases, assumées comme telles : amplification, résumé, mise en vers, pastiches, etc. Autrement dit, je ne vois pas l'intérêt de faire écrire des commentaires, des éléments de commentaire au collège. Il y a mille autre choses à faire, qui développeront l'intelligence et la culture, de sorte que lorsqu'on apprendra à construire un commentaire au lycée, et qu'on n'aura pas besoin de défaire au lycée ce qui aura été fait au collège.
Bon; je suis à la fois beaucoup trop long et beaucoup trop court. Mais la cloche sonne, et j'arrête là mes élucubrations.
Que des élèves de collège prouvent ici que le combat est vraiment très violent, et que le texte témoigne efficacement de cette violence, cela me paraît tout à fait sensé. Mais je ne vois pas bien ce que les figures de style viennent faire là. Et encore, pourquoi pas les figures de style, et en particulier ces figures de styles-là. Je vais essayer de prendre le problème par le bon bout : celui que je tiens moi, quand j'enseigne au lycée.
Si un élève m'écrit des propos tels que ceux de tes élèves, en seconde ou en première, je crois que j'ai tendance à noter en face des "soit, mais encore ?" ou "c'est l'évidence" ou "paraphrase". Or c'est très souvent le genre de propos qu'ils me tiennent sur les textes, et la plupart ont une peine immense à envisager qu'on puisse aller au-delà de cette paraphrase ornementée de noms de figures de style. Ce que je leur dis aussi très souvent c'est que "l'auteur insiste sur...", en général, on va éviter. L'intérêt d'un texte littéraire ne réside pas en principe sur sa lourdeur. Autrement dit, la structure "L'auteur exprime ceci à l'aide de tel procédé" ne me convient pas parce qu'il ne s'agit pas de répondre à la question "Comment l'auteur exprime-t-il ceci ?", mais à la question "Pourquoi la façon dont l'auteur exprime ceci est-elle particulièrement intéressante, émouvante, amusante, etc. ?"
Vous pouvez constater qu'ici, il y a deux problèmes très différents à résoudre en même temps : d'une part il y a débat sur l'objet du commentaire au lycée, car beaucoup de collègues ne seraient pas d'accord avec ce que j'affirme ci-dessus ; d'autre part, même si nous nous mettions d'accord sur cet objet, il faudrait encore se demander ce qu'il doit en être au collège. Dans les deux cas, il faut se demander ce qui est utile et accessible aux élèves, pour les aider à lire les textes.
En l'espèce, pour moi, au lycée, l'objet de l'explication ou du commentaire d'un tel texte (d'ailleurs fort bien choisi !) ne saurait être de montrer que le combat évoqué est violent. Comme je l'ai dit plus haut, c'est l'évidence. Certains me répondront "Mais, cher NLM, c'est peut-être l'évidence pour toi ; mais ce n'est pas l'évidence pour beaucoup d'élèves !" Cette objection me paraît s'écrouler d'elle-même. Si un élève en effet n'a pas compris au premier abord que le combat évoqué était violent, ce n'est pas avec une grille de lecture, une recherche de figures de style, ni même en répondant à la question "Qu'est-ce qui montre que ce combat est violent?" qu'il va s'en apercevoir. S'il n'a pas compris que le combat était violent, c'est qu'il n'a pas lu le texte: il s'est contenté de prélever des informations ici et là. Ou alors, éventuellement, on peut imaginer qu'un élève d'une grande sensibilité littéraire fût arrêté par les éléments particulièrement poétiques du texte, et n'y vît que le caractère onirique d'un combat en réalité très poétisé. L'hypothèse est improbable, mais pas tout à fait impossible.
En revanche, nombre d'élèves qui comprennent immédiatement que le combat est violent, s'habitueront très vite à ce que le cours de français prétende démontrer des évidences, en faisant étalage de connaissances techniques pour donner l'impression qu'on va plus loin que l'évidence. Autrement dit ceux qui comprennent le texte comme ceux qui ne le comprennent pas ne verront pas bien quel est l'intérêt du cours de français. Bon; évidemment, les choses sont plus compliquées que cela : beaucoup d'élèves suffisamment sérieux vont prendre plaisir à rentrer dans le cadre proposé, dès lors qu'ils l'auront bien saisi, et seront rassurés, voire séduits, par le caractère balisé de la méthode proposée. Même ils auront plaisir à entrer par ce biais, de façon plus attentive, dans le détail du texte, à s'arrêter sur des expressions particulièrement poétiques, même s'ils n'entrent pas encore dans l'analyse qui tente d'expliquer pourquoi, justement, elles sont particulièrement poétiques : en cela, un objectif fondamental du professeur de lettres est joliment atteint. Sans doute même, ce type de relation au texte est assez proche de ce que j'ai vécu quand j'étais élève de 1re, en 1986. Peut-être donc devrais-je renoncer à mon a priori négatif.
Voire. Mais, vous l'aurez deviné, je ne parviens pas encore à m'y résoudre. Il faut que j'y réfléchisse encore. Maintenant, qu'est-ce que je suggérerais au niveau du collège ? D'une part, je dirais que l'explication de texte, le commentaire, ne sont pas à faire par les élèves, mais par le professeur : c'est à lui de se débrouiller pour montrer ce qu'il y a d'extraordinaire dans ce texte, pourquoi, par exemple, la comparaison avec le sanglier est ici particulièrement saisissante. Évidemment, cela peut se faire en faisant participer très activement les élèves. Mais j'ai idée qu'au collège, il n'est pas nécessaire de faire écrire les élèves ces réflexions et commentaires. Je pense qu'il faut les laisser les développer à l'oral, afin de leur permettre de prendre de l'ampleur et de la profondeur, dont en réalité ils sont capables. Certains d'entre vous l'auront compris : je pense ici à Boimare et à son "Ces enfants empêchés de penser". Et je dirais : nul besoin de "trace écrite" pour tout cela. Sur ce point, d'une certaine façon, je me ferais lacanien : Les écrits s'envolent, les paroles restent. Notre obsession pédagogique de la trace écrite, de la trace évaluable, me paraît en fait souvent assez pernicieuse.
En revanche, je pense qu'on peut les faire produire de nombreuses choses qui relèvent de l'interprétation, qui plus est assez facilement évaluables. D'abord, la lecture ou la récitation expressive. C'est, pour un tel texte, particulièrement adapté. On travaille ensemble sur la façon dont on peut lire ou dire le texte, et l'on réfléchit, ce faisant, sur sa signification, sur sa "poéticité". Une autre chose aussi, que nous négligeons beaucoup trop - et là je pense à Christian Monteil -, c'est le fait de conter et faire conter, à l'oral. Etablir le plan schématique du texte, s'en faire un canevas qu'on apprend par cœur (pas seulement avec les mots, mais avec les images, voire les gestes !), afin de pouvoir conter l'histoire à sa façon. Encore une fois, j'insiste, à l'oral.
Ensuite, évidemment, l'écrit. Bon; passons sur l'exercice génial que constitue la dictée. Tout le monde ici sait son intérêt non seulement pour apprendre l'orthographe, mais encore pour s'imprégner des textes et de leur signification. L'établissement du plan du texte, que j'ai évoqué ci-dessus, est un travail qui se fait tout naturellement en partie à l'écrit. De même, toutes espèces de paraphrases, assumées comme telles : amplification, résumé, mise en vers, pastiches, etc. Autrement dit, je ne vois pas l'intérêt de faire écrire des commentaires, des éléments de commentaire au collège. Il y a mille autre choses à faire, qui développeront l'intelligence et la culture, de sorte que lorsqu'on apprendra à construire un commentaire au lycée, et qu'on n'aura pas besoin de défaire au lycée ce qui aura été fait au collège.
Bon; je suis à la fois beaucoup trop long et beaucoup trop court. Mais la cloche sonne, et j'arrête là mes élucubrations.
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- *Ombre*Grand sage
Je ne sais pas si le caractère spectaculaire du combat épique relève de l'évidence pour un élève de Cinquième.
Bien sûr qu'il comprend que c'est un combat (ou alors il ne sait pas lire, ça arrive), et qu'un combat de chevaliers, c'est violent.
Mais que le texte donne à voir ("montre", en langage de Cinquième) ce combat comme un spectacle à la violence extraordinaire, c'est encore autre chose, je crois.
Ce caractère spectaculaire, nous le développons effectivement à l'oral (et le guidage sur ce point ne se réduit d'ailleurs pas aux figures de style, nous examinons aussi le rythme des phrases, le choix des mots...) mais en l'occurrence, il s'agit d'un exercice écrit qui vise à travailler la rédaction de réponses, avec des enfants de 12 ans qui, il y a six mois à peine, pour grand nombre d'entre eux, ne faisaient même pas une phrase complète pour répondre ou donnaient alors dans le charabia.
Que l'on remette en cause l'exercice du commentaire au lycée ou non, il faut bien que les élèves apprennent à rédiger des phrases correctes, y compris en maniant le vocabulaire abstrait de l'analyse.
Et après ce travail, nous avons toute la matière pour un autre exercice d'écriture : la rédaction par imitation. Et c'est bien leur style que les élèves travaillent quand ils s'efforcent consciemment, parce que je veux moi aussi du spectaculaire, d'allonger leurs phrases en séparant bien les propositions par des virgules, d'employer un vocabulaire précis et fort, d'insérer au moins une comparaison frappante, d'utiliser des consécutives à valeur intensive.
Bien sûr qu'il comprend que c'est un combat (ou alors il ne sait pas lire, ça arrive), et qu'un combat de chevaliers, c'est violent.
Mais que le texte donne à voir ("montre", en langage de Cinquième) ce combat comme un spectacle à la violence extraordinaire, c'est encore autre chose, je crois.
Ce caractère spectaculaire, nous le développons effectivement à l'oral (et le guidage sur ce point ne se réduit d'ailleurs pas aux figures de style, nous examinons aussi le rythme des phrases, le choix des mots...) mais en l'occurrence, il s'agit d'un exercice écrit qui vise à travailler la rédaction de réponses, avec des enfants de 12 ans qui, il y a six mois à peine, pour grand nombre d'entre eux, ne faisaient même pas une phrase complète pour répondre ou donnaient alors dans le charabia.
Que l'on remette en cause l'exercice du commentaire au lycée ou non, il faut bien que les élèves apprennent à rédiger des phrases correctes, y compris en maniant le vocabulaire abstrait de l'analyse.
Et après ce travail, nous avons toute la matière pour un autre exercice d'écriture : la rédaction par imitation. Et c'est bien leur style que les élèves travaillent quand ils s'efforcent consciemment, parce que je veux moi aussi du spectaculaire, d'allonger leurs phrases en séparant bien les propositions par des virgules, d'employer un vocabulaire précis et fort, d'insérer au moins une comparaison frappante, d'utiliser des consécutives à valeur intensive.
- IphigénieProphète
En fait il me semble que les deux propos de Nlm et Ombre ne sont pas contradictoires : en fait tout est question de bon sens et d’équilibre .( et de temps mais ça…)
Lorsque Nlm dit:
Je crois, pour prendre un domaine qui vous est cher que l’étude des textes au collège a subi la même violence que la grammaire: une inflation de pratiques universitaires infligées aux élèves par des esprits raffinés qui pensent qu’il y a étude (et vocabulaire) stylistique ou rien : mais tout cela passe par des étapes et en particulier l’étape du plaisir de lire, (de réciter, oui) de comprendre, avant le plaisir d’analyser, d'abord modestement parce qu'il faut bien commencer : faute de quoi le cours de français deviendrait un cours technique aseptisé mâtiné d’interventions de bien-pensance imposée : ce que tous les enseignants raisonnables se gardent heureusement de faire malgré les injonctions d’Ipr en mal de reconnaissance pédagogique ou en pleine « possession » universitaire ….
Lorsque Nlm dit:
c'est à la fois vrai et faux, ce me semble: car c'est en commençant par observer les évidences qu'on apprend à observer tout court, en apprenant à exprimer des choses simples que l'on parvient à exprimer ensuite des choses plus subtiles. Il s'agit ici de s'exercer sur une phrase, pas de rédiger un devoir complet, d'apprendre le détail, avec les notions et termes à la portée des élèves.En revanche, nombre d'élèves qui comprennent immédiatement que le combat est violent, s'habitueront très vite à ce que le cours de français prétende démontrer des évidences, en faisant étalage de connaissances techniques pour donner l'impression qu'on va plus loin que l'évidence
Je crois, pour prendre un domaine qui vous est cher que l’étude des textes au collège a subi la même violence que la grammaire: une inflation de pratiques universitaires infligées aux élèves par des esprits raffinés qui pensent qu’il y a étude (et vocabulaire) stylistique ou rien : mais tout cela passe par des étapes et en particulier l’étape du plaisir de lire, (de réciter, oui) de comprendre, avant le plaisir d’analyser, d'abord modestement parce qu'il faut bien commencer : faute de quoi le cours de français deviendrait un cours technique aseptisé mâtiné d’interventions de bien-pensance imposée : ce que tous les enseignants raisonnables se gardent heureusement de faire malgré les injonctions d’Ipr en mal de reconnaissance pédagogique ou en pleine « possession » universitaire ….
- NLM76Grand Maître
*Ombre* a écrit:Je ne sais pas si le caractère spectaculaire du combat épique relève de l'évidence pour un élève de Cinquième.
Bien sûr qu'il comprend que c'est un combat (ou alors il ne sait pas lire, ça arrive), et qu'un combat de chevaliers, c'est violent.
Mais que le texte donne à voir ("montre", en langage de Cinquième) ce combat comme un spectacle à la violence extraordinaire, c'est encore autre chose, je crois.
Ce caractère spectaculaire, nous le développons effectivement à l'oral (et le guidage sur ce point ne se réduit d'ailleurs pas aux figures de style, nous examinons aussi le rythme des phrases, le choix des mots...) mais en l'occurrence, il s'agit d'un exercice écrit qui vise à travailler la rédaction de réponses, avec des enfants de 12 ans qui, il y a six mois à peine, pour grand nombre d'entre eux, ne faisaient même pas une phrase complète pour répondre ou donnaient alors dans le charabia.
Que l'on remette en cause l'exercice du commentaire au lycée ou non, il faut bien que les élèves apprennent à rédiger des phrases correctes, y compris en maniant le vocabulaire abstrait de l'analyse.
Et après ce travail, nous avons toute la matière pour un autre exercice d'écriture : la rédaction par imitation. Et c'est bien leur style que les élèves travaillent quand ils s'efforcent consciemment, parce que je veux moi aussi du spectaculaire, d'allonger leurs phrases en séparant bien les propositions par des virgules, d'employer un vocabulaire précis et fort, d'insérer au moins une comparaison frappante, d'utiliser des consécutives à valeur intensive.
Alors, pour l'explication, il me semble qu'il y a un point de détail essentiel : ce que tu sembles avoir étudié, c'est le caractère spectaculaire de la violence ; ce que l'élève montre ici, c'est le caractère violent du combat. Je pense encore à te lire que ces subtiles analyses menées à l'oral perdent tout leur sel à l'écrit, et s'écrabouillent en un aplatissement du texte. Faire "résumer" le texte, et faire écrire quelque chose comme "Les deux chevaliers se livrent un combat furieux et impressionnant", cela pour moi irait très bien quant à l'apprentissage de la syntaxe. Si l'on veut développer la capacité de réfléchir, d'expliquer, de développer sa pensée à l'écrit, il y a mille façons de le faire, tu le sais mieux que moi, sans passer par l'analyse littéraire. Vous manquez cruellement de temps au collège pour faire tout ce que vous voudriez faire. Ne vous obligez pas à leur apprendre à rédiger de l'analyse littéraire. On fera ça au lycée. Et on leur dira que lorsqu'ils évoquent une comparaison, il faudra qu'ils expliquent pourquoi cette comparaison-là est particulièrement saisissante. Et on leur dira que, comme ils le disaient au collège à l'oral, c'est une bonne idée d'expliquer pourquoi l'évocation de la charge d'un sanglier est bienvenue dans ce contexte, en utilisant leurs connaissances encyclopédiques, ou d'expérience, sur les sangliers. Entre autres. Je pense vraiment que la capacité d'analyse (littéraire) est à faire mûrir tranquillement en passant par l'oral d'abord, au collège, de sorte que le travail de mise à l'écrit, de mise en forme, soit une façon de poser, de donner forme, justement, à quelque chose qui existe déjà. De même qu'on apprend à parler avant d'apprendre à écrire, il faut apprendre à parler de littérature avant d'apprendre à écrire sur la littérature. [Je ne pense évidemment pas à une stricte succession, mais à un tuilage].
Tiens, une anecdote toute fraîche à propos des figures de style. Je viens de faire travailler un groupe qui révisait en vue du devoir surveillé de demain en 1re générale, type bac. Comme je leur disais que c'était la dissertation qu'il fallait travailler, en révisant ou en apprenant des passages des deux œuvres au programme, et qu'il n'y avait pratiquement rien à réviser pour le commentaire, que les "figures de style" pouvaient être utiles certes, mais qu'ils pouvaient tomber sur un texte dépourvu de figures de style repérables, plusieurs étaient effarés. "Ah mais je croyais que c'était ça le commentaire : il faut repérer les figures de style". Bon; vous voyez l'efficacité redoutable de ma pédagogie :/
Tiens, une anecdote toute fraîche à propos des figures de style. Je viens de faire travailler un groupe qui révisait en vue du devoir surveillé de demain en 1re générale, type bac. Comme je leur disais que c'était la dissertation qu'il fallait travailler, en révisant ou en apprenant des passages des deux œuvres au programme, et qu'il n'y avait pratiquement rien à réviser pour le commentaire, que les "figures de style" pouvaient être utiles certes, mais qu'ils pouvaient tomber sur un texte dépourvu de figures de style repérables, plusieurs étaient effarés. "Ah mais je croyais que c'était ça le commentaire : il faut repérer les figures de style". Bon; vous voyez l'efficacité redoutable de ma pédagogie :/
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- PhyliaNiveau 9
Merci pour toutes vos interventions que je lis avec grand intérêt et qui m'aident à réfléchir à ma progression de l'an prochain et à mes pratiques !
Pas facile de cibler les priorités pour le lycée et surtout de bien le faire, sans caricaturer les attentes, sans dévoyer chez les élèves l'approche et la compréhension des textes !
En tout cas, tous vos commentaires et témoignages me sont précieux et me permettent d'avoir une image plus précise des attentes et des démarches didactiques des collègues de lycée. Il fut un temps, il y avait la liaison 3ème-2nde en RAR, du temps des professeurs référents ; il me semble que ça continue d'exister en REP, mais on n'en a aucun retour dans mon établissement. Alors, merci à vous et merci à neoprof
Pas facile de cibler les priorités pour le lycée et surtout de bien le faire, sans caricaturer les attentes, sans dévoyer chez les élèves l'approche et la compréhension des textes !
En tout cas, tous vos commentaires et témoignages me sont précieux et me permettent d'avoir une image plus précise des attentes et des démarches didactiques des collègues de lycée. Il fut un temps, il y avait la liaison 3ème-2nde en RAR, du temps des professeurs référents ; il me semble que ça continue d'exister en REP, mais on n'en a aucun retour dans mon établissement. Alors, merci à vous et merci à neoprof
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
J'aimerais bien savoir en quoi consiste l'enseignement de la littérature dans les autres pays. Est-ce qu'on fait de l'analyse dès le collège, ailleurs ?
- AscagneGrand sage
Bonne question, Sylvain, que je me pose aussi. Finalement, j'ai plus de retours (notamment via les réseaux sociaux) sur ce que font les collègues européens et américains en latin que sur le cours de langue maternelle/littérature.
Merci pour tes messages, @NLM76. Il reste quand même un point concernant ton propos sur l'écrit et sur l'oral, encore faut-il que les élèves soient à l'écoute... Là, je pense au lycée cependant.
Merci pour tes messages, @NLM76. Il reste quand même un point concernant ton propos sur l'écrit et sur l'oral, encore faut-il que les élèves soient à l'écoute... Là, je pense au lycée cependant.
- *Ombre*Grand sage
En fait je suis d'accord avec ce que tu dis de l'étude de texte et de la paraphrase, NLM - j'ai même retrouvé deux fils de discussion où je faisais l'éloge de la paraphrase :
https://www.neoprofs.org/t104151p75-lecture-analytique
et : https://www.neoprofs.org/t135668-questions-de-comprehension-sur-un-texte
Et j'entends bien ce que tu dis sur les différentes pratiques d'écriture, et les différents moyens de rendre compte de la compréhension d'un texte.
Hélas, l'examen est prescripteur de pratiques, et au brevet, puis au bac, des exercices écrits précis attendent les élèves, et il nous faut bien, au collège, donner aux élèves les moyens de répondre aux questions qui leur sont posées. Et pour cela, si quelqu'un a mieux que ce que je propose, je prends bien volontiers, mais cela ne se fait guère tout seul.
https://www.neoprofs.org/t104151p75-lecture-analytique
et : https://www.neoprofs.org/t135668-questions-de-comprehension-sur-un-texte
Et j'entends bien ce que tu dis sur les différentes pratiques d'écriture, et les différents moyens de rendre compte de la compréhension d'un texte.
Hélas, l'examen est prescripteur de pratiques, et au brevet, puis au bac, des exercices écrits précis attendent les élèves, et il nous faut bien, au collège, donner aux élèves les moyens de répondre aux questions qui leur sont posées. Et pour cela, si quelqu'un a mieux que ce que je propose, je prends bien volontiers, mais cela ne se fait guère tout seul.
- NLM76Grand Maître
N'est-il pas envisageable d'attendre la 3e dans ce cas ?
@Ascagne : s'ils n'écoutent pas en effet, il n'y a pas de solution. A moins de leur délivrer le savoir par l'intermédiaire de gélules composées avec les bons ingrédients ?
@Ascagne : s'ils n'écoutent pas en effet, il n'y a pas de solution. A moins de leur délivrer le savoir par l'intermédiaire de gélules composées avec les bons ingrédients ?
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- *Ombre*Grand sage
Ben, non, pas tant qu'on est dans l'école publique telle qu'elle est.
Soit on décide que c'est de la merde, définitivement, qu'on ne veut y contribuer en rien, et on quitte l'EN, on fonde une école privée hors contrat (et des fois, je te jure que ça me chatouille fort).
Soit on décide de rester dans l'EN et on prépare les élèves aux types d'évaluations traditionnels, avec tous leurs défauts, mais le plus honnêtement possible. Et il y a du boulot. Le seul vocabulaire employé dans les consignes pose problème et demande à être assimilé progressivement. Mes élèves, jusqu'en Troisième, maîtrisent mal un verbe aussi fréquent que "désigner" et comprennent mal une question aussi banale que : "Qui est désigné par tel pronom, ou telle expression ?" Et je ne te parle même pas de la réponse, en forme de : Le déterminant "ont" est désigné par les gens. C'est peut-être idiot de ma part, mais je veux que mes élèves sortent du collège en maîtrisant ce minuscule bagage abstrait et en sachant répondre à une question aussi simple.
Je ne me vois pas arrêter de faire des études de textes écrites sous prétexte que cet exercice a ses limites. Interroger cet exercice, essayer de penser le mieux possible les questions pour mettre l'accent sur ce qui fait l'intérêt du texte et apprendre progressivement à répondre à quelques questions de stylistique très modestes, OK. Mais faire rupture toute seule, non, parce que ça ne changerait rien à l'EN et mettrait mes élèves en difficulté.
Je suis déjà bien assez marginale avec ma pratique de la grammaire, mais au moins sommes-nous relativement nombreux dans cette marge-là.
Soit on décide que c'est de la merde, définitivement, qu'on ne veut y contribuer en rien, et on quitte l'EN, on fonde une école privée hors contrat (et des fois, je te jure que ça me chatouille fort).
Soit on décide de rester dans l'EN et on prépare les élèves aux types d'évaluations traditionnels, avec tous leurs défauts, mais le plus honnêtement possible. Et il y a du boulot. Le seul vocabulaire employé dans les consignes pose problème et demande à être assimilé progressivement. Mes élèves, jusqu'en Troisième, maîtrisent mal un verbe aussi fréquent que "désigner" et comprennent mal une question aussi banale que : "Qui est désigné par tel pronom, ou telle expression ?" Et je ne te parle même pas de la réponse, en forme de : Le déterminant "ont" est désigné par les gens. C'est peut-être idiot de ma part, mais je veux que mes élèves sortent du collège en maîtrisant ce minuscule bagage abstrait et en sachant répondre à une question aussi simple.
Je ne me vois pas arrêter de faire des études de textes écrites sous prétexte que cet exercice a ses limites. Interroger cet exercice, essayer de penser le mieux possible les questions pour mettre l'accent sur ce qui fait l'intérêt du texte et apprendre progressivement à répondre à quelques questions de stylistique très modestes, OK. Mais faire rupture toute seule, non, parce que ça ne changerait rien à l'EN et mettrait mes élèves en difficulté.
Je suis déjà bien assez marginale avec ma pratique de la grammaire, mais au moins sommes-nous relativement nombreux dans cette marge-là.
- AlcyoneFidèle du forum
Entièrement d'accord avec toi, Ombre.
- marjoDoyen
Je trouve intéressant le point de vue de @NLM76. En début d'année, je me suis moi-même interrogée sur l'intérêt de faire autant d'analyse de texte au collège et j'avais même créé un sujet sur le forum https://www.neoprofs.org/t134765-l-explication-l-analyse-de-texte-en-3e. Je trouvais et trouve encore qu'on passe un temps fou à leur faire gratter des réponses aux fameuses questions d'explication de texte, qu'elles aient été faites à la maison ou en classe, sans bien voir l'intérêt de la chose. Cela rejoint les questionnements qui reviennent de temps à autre concernant la "trace écrite" en cours de français : qu'est-ce qu'on écrit ? et quand on a gratté la correction d'une explication de texte, qu'est-ce qu'on en fait ? à quoi ça sert ? quand est-ce que l'élève va revenir dessus ? Sur la fiche sur laquelle je note au fur et à mesure les points à améliorer dans la construction de mes cours les années à venir, j'ai d'ailleurs noté : "passer moins de temps à écrire des explications de texte, faire une partie des explications de texte à l'oral". Ca va un peu dans le sens de ce que suggère @NLM76. Je n'ai pas encore réussi à mettre en pratique cette idée mais j'y songe de plus en plus : continuer à analyser, expliquer des textes, mais ne pas systématiquement tout écrire, pour dégager du temps pour autre chose. Peut-être, pour chaque texte, rédiger par écrit au maximum une ou deux réponses, en s'appuyant sur les types de questions qui reviennent fréquemment au DNB et en étant extrêmement exigeant sur la forme : pas de fautes de langue ou disons le moins possible, une graphie correcte, des majuscules et de la ponctuation là où c'est nécessaire, des citations correctement insérées, des idées développées etc.
- SeiGrand Maître
Je vous lis avec grand intérêt sur la question de l'analyse de texte.
Je me questionne beaucoup sur ma façon d'enseigner l'analyse des textes et sur la façon dont on évalue les rendus des élèves.
En gros, mes hésitations concernent le fait que je dois enseigner les rudiments de l'analyse à la fois à des élèves qui ont une certaine sensibilité littéraire ou qui au moins ont suffisamment acquis les codes scolaires pour se débrouiller et des élèves pour qui le texte reste quelque chose d'assez lointain (voire incompréhensible) et l'analyse une abstraction qu'ils n'arrivent pas à appréhender.
Bref, je voulais vous soumettre trois extraits de copies d'élèves que je trouve bien représentatifs de la classe en général, afin de recevoir vos avis. Qu'en pensez-vous ? y a-t-il un des exemples qui est rédhibitoire pour vous ? à quel point ?
Il s'agit d'un devoir sur table de fin de 2de, un commentaire composé miniature d'un sonnet de Louise Labé, "Tant que mes yeux pourront larmes épandre" (miniature car fait seulement en deux heures). J'avais proposé les grands axes d'étude.
(Si jamais vous avez des copies que vous jugez représentatives d'un niveau de fin de 2de, je veux bien y jeter un œil).
Je me questionne beaucoup sur ma façon d'enseigner l'analyse des textes et sur la façon dont on évalue les rendus des élèves.
En gros, mes hésitations concernent le fait que je dois enseigner les rudiments de l'analyse à la fois à des élèves qui ont une certaine sensibilité littéraire ou qui au moins ont suffisamment acquis les codes scolaires pour se débrouiller et des élèves pour qui le texte reste quelque chose d'assez lointain (voire incompréhensible) et l'analyse une abstraction qu'ils n'arrivent pas à appréhender.
Bref, je voulais vous soumettre trois extraits de copies d'élèves que je trouve bien représentatifs de la classe en général, afin de recevoir vos avis. Qu'en pensez-vous ? y a-t-il un des exemples qui est rédhibitoire pour vous ? à quel point ?
Il s'agit d'un devoir sur table de fin de 2de, un commentaire composé miniature d'un sonnet de Louise Labé, "Tant que mes yeux pourront larmes épandre" (miniature car fait seulement en deux heures). J'avais proposé les grands axes d'étude.
(Si jamais vous avez des copies que vous jugez représentatives d'un niveau de fin de 2de, je veux bien y jeter un œil).
- Copie 1:
- En premier lieu, nous avons le côté élégiaque du poème, c'est-à-dire la manière dont il exprime une plainte. On remarque d'abord que "tant que" est répété deux fois dans le vers 1 et le vers 5, c'est ce qu'on appelle une anaphore. Le fait de le répéter deux fois sert à rendre ces deux paragraphes plus tragiques. Nous remarquons ensuite un chiasme au vers 4 : "Ma voix, et un peu faire entendre". Le mot "voix" et "entendre" nous font comprendre que ses sanglots et ses soupirs sont les éléments qui mettent en valeur sa voix. Dans les vers 1 et 5, un parallélisme est mis en avant avec "Mes yeux pourront larmes épandre" et "Ma main pourra les cordes tendre". Le fait de répéter la même construction grammaticale sert à faire comprendre au lecteur le niveau de détresse et de plainte.
- Copie 2:
- Tout d'abord, dans cette première partie, nous verrons la dimension élégiaque du poème.
Premièrement, Louise Labé a décidé dans ce sonnet de montrer de la tristesse. C'est ce qui va rendre le poème merveilleux et singulier. Le poème associe la poésie triste et le fait de chanter une poésie amoureuse. "Tant que mes yeux pourront larmes épandre" est une anaphore car "tant que" est répété trois fois dans les deux premières strophes. Ce vers est très fort et émouvant car il montre l'immensité de son amour envers cet homme, qu'elle chérit encore tant. Elle dit que tant que ses yeux pourront pleurer et que ses larmes pourront se répandre. C'est une sorte de dépression amoureuse, car elle évoque cette tristesse, tellement cet amour l'a détruite. "Mais quand mes yeux je sentirai tarir" : elle est envahie de chagrin et de larmes. Le lecteur se rend bien compte qu'elle n'arrivera jamais à se remettre de cet amour, elle est en deuil.
- Copie 3:
- Tout d'abord, ce poème est élégiaque, ainsi Louise Labé se plaint et exprime son désespoir. En effet, ce poème est triste. Le poème commence par "Tant que mes yeux pourront larmes épandre". Elle nous dit qu'elle pleure et cette entrée en matière permet directement de mettre dans l'ambiance le lecteur de par cette triste phrase. Également, le champ lexical est triste : "regretter", "sanglot", "soupir", "cassée", "impuissante". Tout le long, on est bercé par ce désespoir. Et ça va plus loin encore, dans les deux derniers tercets, nous pouvons repérer un polyptote mortuaire : "mourir", "mortel", mort". Ces sentiments sont dus, comme pour la plupart des élégies, à une déception amoureuse. Elle nous dit : "À l'heur passé avec toi regretter" pour renforcer le fossé qu'il y a entre avant et maintenant, et pour montrer à quel point cela peut être dur de passer de sentiments en sentiments opposés à l'extrême. Louise Labé est plaintive, triste, détruite de par cette déception amoureuse, une élégie.
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"Humanité, humanité, engeance de crocodile."
- NLM76Grand Maître
Chère Sei,
Difficile de juger de cette affaire sur un extrait de la copie. Le poème est extrêmement difficile à comprendre. Mais il est à mon sens absolument indispensable de la comprendre. Or il me paraît clair qu'il ne s'agit pas essentiellement d'une élégie, mais en quelque sorte d'un éloge de l'élégie. Si la répétition de "tant que" n'est pas analysée dans son rapport au sens du poème, dans la construction générale de l'unique phrase que constituent les deux quatrains, elle ne présente aucune espèce d'intérêt. En tout cas, pour moi c'est symptomatique du désir de commencer par les figures de style, et non pas de commencer par le sens du poème.
Je remets le poème de LLL, pour ceux qui ne le connaîtraient pas.
Difficile de juger de cette affaire sur un extrait de la copie. Le poème est extrêmement difficile à comprendre. Mais il est à mon sens absolument indispensable de la comprendre. Or il me paraît clair qu'il ne s'agit pas essentiellement d'une élégie, mais en quelque sorte d'un éloge de l'élégie. Si la répétition de "tant que" n'est pas analysée dans son rapport au sens du poème, dans la construction générale de l'unique phrase que constituent les deux quatrains, elle ne présente aucune espèce d'intérêt. En tout cas, pour moi c'est symptomatique du désir de commencer par les figures de style, et non pas de commencer par le sens du poème.
Je remets le poème de LLL, pour ceux qui ne le connaîtraient pas.
En tout cas, merci beaucoup de donner des exemples concrets. Le cas de Louise Labé à mon avis est particulièrement éloquent à mon avis !Louise Labé Lyonnaise a écrit:
Tant que mes yeux pourront larmes épandre
A l’heur passé avec toi regretter :
Et qu’aux sanglots et soupirs résister
Pourra ma voix, et un peu faire entendre :
Tant que ma main pourra les cordes tendre
Du mignard Luth, pour tes grâces chanter :
Tant que l’esprit se voudra contenter
De ne vouloir rien fors que toi comprendre :
Je ne souhaite encore point mourir.
Mais quand mes yeux je sentirai tarir,
Ma voix cassée, et ma main impuissante,
Et mon esprit en ce mortel séjour
Ne pouvant plus montrer signe d’amante :
Prierai la mort noircir mon plus clair jour.
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
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