- FlorizelleNiveau 1
sifi a écrit:Bonjour à tous !
Je me remets à mes preps de cours pour les terminales HLP. Mon collègue de philo tenant absolument à commencer par l'éducation, je vais suivre, pour 2 semaines maximum (soit 6h).
Je suis en train de travailler à une séance sur l'éducation des femmes. J'ai un corpus avec Rousseau, Condorcet, Sand et Beauvoir, mais j'aurais bien aimé leur donner un premier DM sur ce thème.
Je me rappelle avoir lu (et apprécié) un jour un texte de George Sand qui évoque l'éducation des fillettes, à courir dehors, grimper aux arbres (quelque chose de son éducation à elle). Je crois qu'elle y parle aussi du corset. Malheureusement impossible de retrouver la référence et à fortiori le texte. Quelqu'un voit-il de quoi je parle, ou mieux, a-t-il cela quelque part dans son PC? Merci beaucoup !
Bonjour Sifi,
Je suis dans le même cas que toi. Je compte consacrer 2 semaines à l'éducation pour ne pas être en total décalage avec ma collègue comme l'année dernière mais je peine à faire des choix. Le corpus dont tu parles fait-il partie d'un manuel? Je serais intéressée par les références.
Pour Sand, je pense que c'est dans Histoire de ma vie :
"D’ailleurs, le monde réel se plia bie ntôt à ma fantaisie. Il s’arrangea à mon usage. Nous avions, aux champs, mon frère, Liset et moi, plusieurs amis, filles et garçons, que nous allions trouver tour à tour pour jouer, courir, marauder ou grimper avec eux. J’allais, quant à moi, plus souvent avec les filles d’un de nos métayers, Marie et Solange, qui étaient un peu plus jeunes de fait et plus enfans que moi par caractère. Presque tous les jours, de midi à deux heures, c’était l’heure de ma récréation permise, je courais à la métairie et je trouvais mes jeunes amies occupées à soigner leurs agneaux, à chercher les œufs de leurs poules, épars dans les buissons, à cueillir les fruits du verger, ou à garder les ouailles, comme on dit chez nous, ou à faire de la feuille pour leur provision d’hiver. Suivant la saison, elles étaient toujours à l’ouvrage, et je les aidais avec ardeur afin d’avoir le plaisir d’être avec elles. Marie était un enfant fort sage et fort simple. La plus jeune, Solange, était assez volontaire, et nous cédions à toutes ses fantaisies. Ma grand’mère était fort aise que je prisse de l’exercice avec elles, mais elle disait qu’elle ne concevait pas le plaisir que je pouvais trouver, moi qui faisais de si belles descriptions, et qui asseyais la lune dans une nacelle d’argent, avec ces petites paysannes crottées, avec leurs dindons et leurs chèvres.
Moi, j’avais le secret de mon plaisir et je le gardais pour moi seule. Le verger où je passais une partie de ma journée était charmant (il l’est encore), et c’est là que mon roman venait en plein me trouver. Quoique ce verger fût bien assez joli par lui-même, je ne le voyais pas précisément tel qu’il était. Mon imagination faisait d’une butte de trois pieds une montagne, de quelques arbres une forêt, du sentier qui allait de la maison à la prairie le chemin qui mène au bout du monde, de la mare bordée de vieux saules un gouffre ou un lac, à volonté ; et je voyais mes personnages agir, courir ensemble, ou marcher seuls en rêvant, ou dormir à l’ombre, ou danser en chantant dans ce paradis de mes songes creux. La causette de Marie et de Solange ne me dérangeait nullement. Leur naïveté, leurs occupations champêtres ne détruisaient rien à l’harmonie de mes tableaux, et je voyais en elles deux petites nymphes déguisées en villageoises et préparant tout pour l’arrivée de Corambé qui passerait par là un jour ou l’autre et les rendrait à leur forme et à leur destinée véritables.
D’ailleurs quand elles parvenaient à me distraire et à faire disparaître mes fantômes, je ne leur en savais pas mauvais gré, puisque j’arrivais à m’amuser pour mon propre compte avec elles. Quand j’étais là, les parens se montraient fort tolérans sur le temps perdu, et bien souvent nous laissions quenouilles, moutons ou corbeilles pour nous livrer à une gymnastique échevelée, grimper sur les arbres, ou nous précipiter du haut en bas des montagnes de gerbes entassées dans la grange, jeu délirant, je l’avoue, et que j’aimerais encore si je l’osais.
Cet accès de mouvement et de gaîté enivrante me faisait trouver plus de plaisir encore à retomber dans mes contemplations, et mon cerveau excité physiquement était plus riche d’images et de fantaisies. Je le sentais et ne m’en faisais pas faute."
"Ma vie s’arrangeait en cela, et en plusieurs autres points, pour une marche indépendante de tous les usages reçus dans le monde, et Deschartres, loin de me retenir, me poussait à ce qu’on appelle l’excentricité, sans que ni lui ni moi en eussions le moindre soupçon. Un jour, il m’avait dit : « Je viens de rendre visite au comte de… et j’ai eu une belle surprise. Il chassait avec un jeune garçon qu’à sa blouse et à sa casquette, j’allais traiter peu cérémonieusement, quand il m’a dit : « C’est ma fille. Je la fais habiller en gamin pour qu’elle puisse courir avec moi, grimper et sauter sans être gênée par des vêtemens qui rendent les femmes impotentes à l’âge où elles ont le plus besoin de développer leurs forces. »
Ce comte de *** s’occupait, je crois, d’idées médicales, et, à ses yeux, ce travestissement était une mesure d’hygiène excellente. Deschartres abondait dans son sens. N’ayant jamais élevé que des garçons, je crois qu’il était pressé de me voir en homme, afin de pouvoir se persuader que j’en étais un. Mes jupes gênaient sa gravité de cuistre, et il est certain que quand j’eus suivi son conseil et adopté le sarrau masculin, la casquette et les guêtres, il devint dix fois plus magister, et m’écrasa sous son latin, s’imaginant que je le comprenais bien mieux.
Je trouvai, pour mon compte, mon nouveau costume bien plus agréable pour courir, que mes jupons brodés qui restaient en morceaux accrochés à tous les buissons. J’étais devenue maigre et alerte, et il n’y avait pas si longtemps que je ne portais plus mon uniforme d’aide-de-camp de Murat, pour ne plus m’en souvenir.
Il faut se souvenir aussi qu’à cette époque les jupes sans plis étaient si étroites, qu’une femme était littéralement comme dans un étui, et ne pouvait franchir décemment un ruisseau sans y laisser sa chaussure."
"Il a fallu une trentaine d’années pour faire disparaître le dégât causé chez nous par Mme de Béranger et pour refermer les brèches de ses points de vue.
Elle avait une autre manie qui me contrariait encore plus que celle des jardins anglais. Elle se sanglait si fort dans ses corsets, que le soir elle était rouge comme une betterave et que les yeux lui sortaient de la tête. Elle déclara que je me tenais comme une bossue, que j’étais taillée comme un morceau de bois, et qu’il fallait me donner des formes. En conséquence, elle me fit faire bien vite un corset, à moi qui ne connaissais pas cet instrument de torture, et elle me le sangla elle-même si bien que je faillis me trouver mal la première fois.
À peine fus-je hors de sa présence, que je coupai lestement le lacet, moyennant quoi je pus supporter le buse et les baleines ; mais elle s’aperçut bientôt de la supercherie et me sangla encore plus fort. J’entrai en révolte, et, me réfugiant dans la cave, je ne me contentai pas de couper le lacet, je jetai le corset dans une vieille barrique de lie de vin où personne ne s’avisa d’aller le découvrir. On le chercha bien, mais si on le retrouva six mois après, à l’époque des vendanges, c’est ce dont je ne me suis jamais enquis."
- PoméeNiveau 9
Bonjour,
Par quoi commencez-vous en 1re pour les pouvoirs de la parole ? Avez-vous testé de bonnes premières séances pour accrocher les élèves ?
J'ai peur de faire quelque chose d'un peu aride...
Merci !
Par quoi commencez-vous en 1re pour les pouvoirs de la parole ? Avez-vous testé de bonnes premières séances pour accrocher les élèves ?
J'ai peur de faire quelque chose d'un peu aride...
Merci !
- sifiÉrudit
@Florizelle Merci pour l'extrait, il convient bien mais j'ai finalement trouvé celui auquel je pensais (il parle de gants et non de corset, finalement!! ). Je le donnerai en évaluation. Le voici :
" J'étais fortement constituée, et, durant toute mon enfance, j'annonçais devoir être fort belle, promesse que je n'ai point tenue. Il y eut peut-être de ma faute, car à l'âge où la beauté fleurit, je passais déjà les nuits à lire et à écrire. Etant fille de deux êtres d'une beauté parfaite, j'aurais dû ne pas dégénérer, et ma pauvre mère, qui estimait la beauté plus que tout, m'en faisait souvent de naïfs reproches. Pour moi, je ne pus jamais m'astreindre à soigner ma personne. Autant j'aime l'extrême propreté, autant les recherches de la mollesse m'ont toujours paru insupportables.
Se priver de travail pour avoir l’œil frais, ne pas courir au soleil quand ce don soleil de Dieu vous attire irrésistiblement, ne point marcher dans de bons gros sabots de peur de se déformer le cou-de-pied, porter des gants, c'est-à-dire renoncer à l'adresse et à la force de ses mains, se condamner à une éternelle gaucherie, à une éternelle débilité, ne jamais se fatiguer quand tout nous commande de ne point nous épargner, vivre enfin sous une cloche pour n'être ni hâlée, ni gercée, ni flétrie avant l'âge, voilà ce qu'il me fut impossible d'observer. Ma grand-mère renchérissait encore sur les réprimandes de ma mère, et le chapitre des chapeaux et des gants fit le désespoir de mon enfance ; mais, quoique je ne fusse pas volontairement rebelle, la contrainte ne put m'atteindre. Je n'eus qu'un instant de fraîcheur et jamais de beauté. Mes traits étaient cependant assez bien formés, mais je ne songeai jamais à leur donner la moindre expression.
L'habitude contractée, presque dès le berceau, d’une rêverie dont il me serait impossible de me rendre compte à moi−même, me donna de bonne heure l' air bête. Je dis le mot tout net, parce que toute ma vie, dans l'enfance, au couvent, dans l'intimité de la famille, on me l'a dit de même, et qu'il faut bien que cela soit vrai.
Somme toute, avec des cheveux, des yeux, des dents et aucune difformité, je ne fus ni laide ni belle dans ma jeunesse, avantage que je considère comme sérieux à mon point de vue, car la laideur inspire des préventions dans un sens, la beauté dans un autre. On attend trop d'un extérieur brillant, on se méfie trop d'un extérieur qui repousse. Il vaut mieux avoir une bonne figure qui n'éblouit et n'effraye personne, et je m'en suis bien trouvée avec mes amis des deux sexes."
George Sand, Histoire de ma vie, 1847.
En ce qui concerne ma micro-séquence, elle se déroulera en 4 séances :
1. Intro, extrait de Victor Hugo, "Les 4 vents de l'esprit" (je l'ai trouvé dans le Nathan, p.44) + quelques notions et définitions (éduquer / instruire, didactique, pédagogie...) (1h)
2. Du maître à l'élève, quelles visions de l'éducation ? On étudiera ensemble un extrait de l'Emile (celui où il explique qu'il faut laisser l'enfant être un enfant), qui sera complété par un extrait de Jules Vallès, un extrait de Stendahl (quand Julien récite la Bible en latin) et enfin Pennac. Je crois qu'ils sont tous dans le Nathan. (2h, avec travaux de groupes sur les textes puis mise en commun).
3. Education et émancipation : l'éducation des femmes. Corpus autour de Rousseau (merveilleux texte où il explique que la femme a pour seul but de servir l'homme et que c'est à cela que tend son éducation), Condorcet (la femme doit être éduquée en tant que mère, pour à son tour instruire ses enfants), Sand, et Beauvoir. (2h)
4. Eval sur l'extrait de Sand ci-dessus (je trouve qu'il fait bien écho à Beauvoir pour le coup).
" J'étais fortement constituée, et, durant toute mon enfance, j'annonçais devoir être fort belle, promesse que je n'ai point tenue. Il y eut peut-être de ma faute, car à l'âge où la beauté fleurit, je passais déjà les nuits à lire et à écrire. Etant fille de deux êtres d'une beauté parfaite, j'aurais dû ne pas dégénérer, et ma pauvre mère, qui estimait la beauté plus que tout, m'en faisait souvent de naïfs reproches. Pour moi, je ne pus jamais m'astreindre à soigner ma personne. Autant j'aime l'extrême propreté, autant les recherches de la mollesse m'ont toujours paru insupportables.
Se priver de travail pour avoir l’œil frais, ne pas courir au soleil quand ce don soleil de Dieu vous attire irrésistiblement, ne point marcher dans de bons gros sabots de peur de se déformer le cou-de-pied, porter des gants, c'est-à-dire renoncer à l'adresse et à la force de ses mains, se condamner à une éternelle gaucherie, à une éternelle débilité, ne jamais se fatiguer quand tout nous commande de ne point nous épargner, vivre enfin sous une cloche pour n'être ni hâlée, ni gercée, ni flétrie avant l'âge, voilà ce qu'il me fut impossible d'observer. Ma grand-mère renchérissait encore sur les réprimandes de ma mère, et le chapitre des chapeaux et des gants fit le désespoir de mon enfance ; mais, quoique je ne fusse pas volontairement rebelle, la contrainte ne put m'atteindre. Je n'eus qu'un instant de fraîcheur et jamais de beauté. Mes traits étaient cependant assez bien formés, mais je ne songeai jamais à leur donner la moindre expression.
L'habitude contractée, presque dès le berceau, d’une rêverie dont il me serait impossible de me rendre compte à moi−même, me donna de bonne heure l' air bête. Je dis le mot tout net, parce que toute ma vie, dans l'enfance, au couvent, dans l'intimité de la famille, on me l'a dit de même, et qu'il faut bien que cela soit vrai.
Somme toute, avec des cheveux, des yeux, des dents et aucune difformité, je ne fus ni laide ni belle dans ma jeunesse, avantage que je considère comme sérieux à mon point de vue, car la laideur inspire des préventions dans un sens, la beauté dans un autre. On attend trop d'un extérieur brillant, on se méfie trop d'un extérieur qui repousse. Il vaut mieux avoir une bonne figure qui n'éblouit et n'effraye personne, et je m'en suis bien trouvée avec mes amis des deux sexes."
George Sand, Histoire de ma vie, 1847.
En ce qui concerne ma micro-séquence, elle se déroulera en 4 séances :
1. Intro, extrait de Victor Hugo, "Les 4 vents de l'esprit" (je l'ai trouvé dans le Nathan, p.44) + quelques notions et définitions (éduquer / instruire, didactique, pédagogie...) (1h)
2. Du maître à l'élève, quelles visions de l'éducation ? On étudiera ensemble un extrait de l'Emile (celui où il explique qu'il faut laisser l'enfant être un enfant), qui sera complété par un extrait de Jules Vallès, un extrait de Stendahl (quand Julien récite la Bible en latin) et enfin Pennac. Je crois qu'ils sont tous dans le Nathan. (2h, avec travaux de groupes sur les textes puis mise en commun).
3. Education et émancipation : l'éducation des femmes. Corpus autour de Rousseau (merveilleux texte où il explique que la femme a pour seul but de servir l'homme et que c'est à cela que tend son éducation), Condorcet (la femme doit être éduquée en tant que mère, pour à son tour instruire ses enfants), Sand, et Beauvoir. (2h)
4. Eval sur l'extrait de Sand ci-dessus (je trouve qu'il fait bien écho à Beauvoir pour le coup).
- sifiÉrudit
Pomée a écrit:Bonjour,
Par quoi commencez-vous en 1re pour les pouvoirs de la parole ? Avez-vous testé de bonnes premières séances pour accrocher les élèves ?
J'ai peur de faire quelque chose d'un peu aride...
Merci !
Je commence par une première séance sur la parole : nous cherchons toutes les expressions contenant le mot "parole", nous les classons (parole donnée, parole reprise, parole bloquée... etc). Nous montrons à quel point la parole conditionne notre mode de communication.
Je définis les termes (Saussure...) : langue, parole, langage.
Ensuite, je leur fais visionner le documentaire "A voix Haute" avec un questionnaire pour bien cerner le fait que la parole est un art, qui se travaille, se construit...
Ensuite seulement on attaque avec la rhétorique et l'antiquité.
- FlorizelleNiveau 1
Merci beaucoup, Sifi. Je vais regarder tout cela de plus près.
- Cléo99Niveau 4
Bonjour tout le monde !
J'ai bien envie de me concentrer sur les 4 "entrées" évaluables au printemps (expression de la sensibilité / métamorphoses du moi / histoire et violence / les limites de l'humain), et garder les deux dernières pour après l'écrit, sous réserve bien sûr que mon acolyte philosophe soit d'accord. Qu'en pensez-vous ? Comment comptez-vous faire ? Merci d'avance, car vos avis me seront bien précieux, je suis un peu perdue !
J'ai bien envie de me concentrer sur les 4 "entrées" évaluables au printemps (expression de la sensibilité / métamorphoses du moi / histoire et violence / les limites de l'humain), et garder les deux dernières pour après l'écrit, sous réserve bien sûr que mon acolyte philosophe soit d'accord. Qu'en pensez-vous ? Comment comptez-vous faire ? Merci d'avance, car vos avis me seront bien précieux, je suis un peu perdue !
- Une passanteEsprit éclairé
Cléo99 a écrit:Bonjour tout le monde !
J'ai bien envie de me concentrer sur les 4 "entrées" évaluables au printemps (expression de la sensibilité / métamorphoses du moi / histoire et violence / les limites de l'humain), et garder les deux dernières pour après l'écrit, sous réserve bien sûr que mon acolyte philosophe soit d'accord. Qu'en pensez-vous ? Comment comptez-vous faire ? Merci d'avance, car vos avis me seront bien précieux, je suis un peu perdue !
Je fais comme toi, je ne traite les deux autres "entrées" qu'après l'épreuve. C'est une course contre la montre alors je ne perds pas de temps. Cette année, j'avais réussi à boucler les quatre thèmes début mars, mais ce fut sportif. Nous avons ensuite fait tranquillement les deux autres thèmes, tout en préparant le GO.
- Cléo99Niveau 4
Merci, Passante, de ton retour ! Oui, je pense que c'est le plus raisonnable ... Pour moi aussi c'était chauds les marrons d'avoir terminé le programme l'année dernière en mars. Comme je n'étais pas au courant du programme limitatif (oui, quand on commence, l'info n'est pas très claire ! ), on avait commencé quand même par "Education ...", et j'étais bien soulagée que l'épreuve n'ait pas lieu ! D'autres témoignages ?
- uneodysséeNeoprof expérimenté
Oui, j'ai fait deux semaines en septembre sur l'éducation, et je les ai regrettées ! Me suis promis de ne plus le faire (mais cette année je n'aurai pas les Terminales ; il me reste un espoir que d'ici que je les reprenne, le programme ait été remis à l'endroit – je suis sidérée que cela n'ait pas été fait…).
- sifiÉrudit
Ah ben du coup... l'an dernier on avait gardé les deux thèmes pour la fin, mais hybride et compagnie obligent, on n'avait pas vraiment pu les traiter.
Cette année, mon philosophe voulait absolument commencer par l'éducation, du coup j'ai prévu 2 semaines sur ce thème, mais vous m'inquiétez...
Cette année, mon philosophe voulait absolument commencer par l'éducation, du coup j'ai prévu 2 semaines sur ce thème, mais vous m'inquiétez...
- cecile23Niveau 10
L' an passé avec mon binôme philosophe nous avions fait 3 semaines sur l'éducation en début d'année, et clairement s'il y avait eu l'épreuve le 15 mars, j'aurais été à peine au début de "limites de l'humain". Cette année mon nouveau binôme préfère traiter d'abord les 4 chapitres pour l'écrit : c'est moins logique mais sans doute plus confortable niveau gestion du temps. Cela permettra de prendre un peu plus le temps sur chaque chapitre (5 semaines au lieu de 4). Il n'y a que 21 semaines avant le 15 mars, on y arrive vite.
- NLM76Grand Maître
Bon, je me remets à penser à cette affaire, que je prends pour la première fois cette année, en première. J'ai relu les programmes. Et je n'arrive pas à me faire à l'idée d'instrumentaliser les extes littéraires pour illustrer une thématique, ou un propos. Lire Homère ou Thucydide pour voir ce qu'il dit sur la parole, d'une certaine façon, ça me tue. Surtout quand il s'agit pour les élèves d'une découverte. Quand je lis Homère ou Thucydide, c'est pour écouter ce qu'ils ont à dire tout court. Alors évidemment, ils ont quelque chose à dire sur la parole, et quelque chose d'absolument passionnant; mais il faut, me semble-t-il, commencer par les lire pour eux-mêmes.
Comment vous vous en sortez, vous, pour échapper à ce que j'appelle l'instrumentalisation des textes littéraires dans cette spécialité ?
D'autre part, en y pensant : est-il possible de passer sous silence dans cette affaire l'Évangile de Jean ?
Comment vous vous en sortez, vous, pour échapper à ce que j'appelle l'instrumentalisation des textes littéraires dans cette spécialité ?
D'autre part, en y pensant : est-il possible de passer sous silence dans cette affaire l'Évangile de Jean ?
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- sifiÉrudit
J'ai largement passé sous silence l'Evangile de Jean...
Je n'ai pas eu l'impression d'instrumentaliser les textes. J'ai choisi des œuvres, des textes, en fonction du programme, mais je ne me suis jamais interdit de "dévier" (si tant est qu'il s'agisse d'une déviation) pour étudier tel ou tel aspect de l’œuvre. Les programmes évoquent une certaine liberté (en matière de bornes chronologiques notamment, mais pas seulement) : je prends donc allégrement cette liberté.
Je n'ai pas eu l'impression d'instrumentaliser les textes. J'ai choisi des œuvres, des textes, en fonction du programme, mais je ne me suis jamais interdit de "dévier" (si tant est qu'il s'agisse d'une déviation) pour étudier tel ou tel aspect de l’œuvre. Les programmes évoquent une certaine liberté (en matière de bornes chronologiques notamment, mais pas seulement) : je prends donc allégrement cette liberté.
- sinanNiveau 9
@NLM : effectivement le début de l'évangile selon Jean est intéressant. Les religions monothéistes sont des religions de la parole. J'ai étudié avec les élèves un GT avec le début de la Genèse, la parabole du semeur et le début de Jean. Cela permet de bien faire comprendre l'aspect performatique de la parole.
- RuthvenGuide spirituel
NLM76 a écrit:
D'autre part, en y pensant : est-il possible de passer sous silence dans cette affaire l'Évangile de Jean ?
Pas plus que le début de la Genèse et le commentaire qu'en fait Augustin .
- NLM76Grand Maître
C'est où dans Augustin ?Ruthven a écrit:NLM76 a écrit:
D'autre part, en y pensant : est-il possible de passer sous silence dans cette affaire l'Évangile de Jean ?
Pas plus que le début de la Genèse et le commentaire qu'en fait Augustin .
Soit dit en passant, les commentaires qu'en fait Jousse m'ont paru très très intéressants aussi.
@Sifi : une des difficultés que je ressens, c'est que je sais que j'aurais été le seul à lire le reste de l'œuvre.
Mais peut-être une des solutions est de "faire lire" non l'œuvre "entière", mais l'intégralité des parties majeures (tel et tel chant d'Homère, tel livre de la Bible... Mais comment faire lire l'Évangile de Jean sans faire lire les synoptiques ? Par exemple.)
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Sites du grip :
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- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- RuthvenGuide spirituel
Augustin Confessions XI (trad.P.Cambronne, La Pléiade)
III.5 Puissé-je entendre et comprendre comment dans le Principe tu as fait le ciel et la terre. Moïse l'a écrit; il l'a écrit et s'en est allé. Il est parti d'ici- lieu où tu lui as parlé- vers le lieu où tu es; et maintenant, il n'est plus devant moi. S'il était là, je le retiendrais, je l'interrogerais, je le supplierais en ton nom de m'en dévoiler le sens, et je prêterais mes oreilles de chair aux sons surgis de sa bouche. S'il me parlait en hébreu, sa voix frapperait en vain mes sens: rien n'en viendrait toucher mon intelligence; au contraire, s'il parlait latin, je saisirais ce qu'il voudrait dire. Mais d'où saurais-je s'il dit vrai? Quand bien même je le saurais, serait-ce de lui que je le saurais? Non, c'est tout au-dedans de moi, dans la demeure intérieure de ma pensée, que la Vérité- qui n'est ni hébraïque, ni grecque, ni latine, ni barbare, et n'a besoin ni de la bouche, ni de la langue, ni du son des syllabes- me clamerait:"Oui, il a dit la vérité"; et aussitôt, dans la certitude et la foi, je lui dirais, à lui, ton serviteur:"Tu dis vrai!" Mais je ne puis l'interroger; c'est donc à toi, ô Vérité- toi qu'il possédait en plénitude quand il disait vrai- , que j'en appelle, c'est à toi, mon Dieu, que j'en appelle: A mes péchés sois indulgent. A lui, ton serviteur, tu as donné de dire ces paroles; à moi, donne aussi de les comprendre.
IV.6 Voici devant nous le ciel et la terre. Ils clament qu'ils ont été faits: ils sont exposés aux changements et aux variations. C'est que tout être qui existe sans avoir été fait ne contient rien qu'il n'ait contenu auparavant, sans quoi ce serait là un signe de changement et de variation.
Ils clament également qu'ils ne se sont pas faits eux-mêmes:"Si nous sommes, c'est parce que nous avons été faits; avant d'être, nous n'avions donc pas l'être, condition pour nous faire nous-mêmes." Quelle est cette voix qui nous parle? C'est l'évidence même du réel.
C'est donc toi, Seigneur, qui les as faits; tu es Beauté, puisqu'ils sont beaux; tu es Bonté, puisqu'ils sont bons; tu es l'Etre, puisqu'ils sont. Mais ils n'ont pas la beauté, la bonté et l'être au même degré que toi, leur Créateur; comparés à toi, ils n'ont ni beauté, ni bonté, ni être. Tout cela nous le savons; grâces t'en soient rendues; mais, comparé à ton savoir, le nôtre n'est qu'ignorance.
V.7 Mais le ciel et la terre, comment les as-tu faits? D'un si grand oeuvre, quel fut l'outil?
En effet, tu ne ressembles pas à un artisan qui forme un corps à partir d'un autre au gré de sa pensée et de sa capacité d'imposer d'une certaine manière la forme qu'il perçoit en lui-même, de son oeil intérieur; or, ce pouvoir, sa pensée l'aurait-elle si tu ne l'avais créée? Cette forme, il l'impose à une matière déjà préexistante et qui possède en soi de quoi être, comme l'argile, la pierre, le bois, l'or et autre matériau de ce genre; or, d'où tireraient-ils l'être, si tu ne les avais fondés?
C'est de toi que l'artisan tient un corps, de toi une âme qui commande à ses membres, de toi la matière d'où il façonne quelque objet, de toi le talent qui le rend maître de son art, et lui permet de voir au-dedans ce qu'il va faire au-dehors, de toi les sens corporels, par lesquels il fait passer l'oeuvre de son esprit au matériau, puis en réfère l'éxécution à ce même esprit, pour qu'il consulte, tout au fond de lui, la vérité, ce juge souverain de la qualité de l'oeuvre. A toi, créateur de toutes choses, toutes ces choses t'adressent leurs louanges.
Mais toi, comment les as-tu faites? Comment as-tu fait le ciel et la terre? Ce n'est assurément ni dans le ciel ni dans la terre que tu as fait le ciel et la terre; pas davantage dans l'air ou dans les eaux, qui font aussi partie du ciel et de la terre; ce n'est pas dans l'univers que tu as fait l'univers, puisque, pour être, il n'y avait pas, avant qu'il fût fait, de lieu où le faire. Tu n'avais rien dans ta main pour en faire le ciel et la terre; d'où te serait venu, pour en faire quoi que ce fût, ce quelque chose que tu n'as pas fait? En effet, qu'est-ce qui détient l'être, sinon de toi qui es l'Etre?
Tu as donc parlé et ils furent faits; et c'est dans ta Parole que tu les as faits.
VI.8 Mais comment as-tu parlé?
Serait-ce à la manière de cette voix qui sortit des nuées, proclamant:"Celui-ci est mon Fils bien-aimé"? Cette parole fut émise et transmise, avec un début et une fin, syllabes sonnantes, qui passèrent, la deuxième après la première, la troisième après la deuxième, et ainsi de suite, jusqu'à tant que vînt la dernière après toutes les autres, et, après elle, le silence. Il est manifestement évident qu'elle fut exprimée par le mouvement d'une créature, instrument temporel au service de ta volonté éternelle. Et de ce verbe- tes paroles-, formé pour un temps, l'oreille extérieure a transmis le message à l'intelligence en éveil, dont l'oreille intérieure est à l'écoute de ton Verbe éternel. Et cette intelligence compara ce verbe qui résonnait dans le temps à ton Verbe éternel, dans le silence. Et elle proclama:"Oui, Lui, il est d'un autre, d'un tout autre ordre. Ces paroles-là au contraire sont, et de loin, au dessous de moi; elles ne "sont" même pas, n'étant que fuite et passage, alors que le Verbe de Dieu demeure, au-dessus de moi, pour l'éternité."
Si c'est donc d'un verbe sonnant et fugitif que tu as dit:"Que soient faits le ciel et la terre", et qu'ainsi ils ont été faits, c'est qu'il existait, déjà créée, antérieure au ciel et à la terre, une substance corporelle susceptible, par ses vibrations dans le temps, de propager cette parole dans le temps. Or il n'y avait aucun corps avant le ciel et la terre; ou, à supposer qu'il y en eût un, ce n'est sûrement pas au moyen d'une parole fugitive que tu l'as créé, comme source d'émission d'une parole fugitive ordonnant que soient faits le ciel et la terre. Cette source, en effet, quelle qu'elle fût, n'aurait jamais existé si elle n'avait été faite par toi. Mais alors, pour former ce corps qui servirait à former tes paroles, quelle parole as-tu donc dite?
VII.9 Voilà comment tu nous appelles à comprendre ce qu'est le Verbe, Dieu auprès de toi, Dieu, lui qui est dit de toute éternité, et par qui tout est dit de toute éternité. Ici pas de parole qui s'achève, ni de parole suivante différente, permettant un énoncé complet; mais, au contraire, tout y est dit simultanément et de toute éternité. Sans quoi, il y aurait alors temporalité et changement, au lieu de la véritable éternité et de la véritable immortalité.
Cela, oui, je le sais, ô mon Dieu, et je t'en rends grâces. Je le sais, je t'en fais confession, Seigneur; et, avec moi, il le sait et il te bénit, tout homme qui n'oublie pas de rendre grâces à la certitude de la Vérité. Nous le savons, Seigneur, oui, nous le savons: ne plus être ce que l'on était, et être ce que l'on n'était pas encore, c'est cela mourir et naître. Dans ton Verbe donc véritablement immortel et éternel, rien ne le cède à rien, rien ne succède à rien: et ainsi, par ce Verbe partageant avec toi l'éternité, tout ensemble et éternellement sont dites toutes tes paroles, et se fait tout ce qui se fait selon ta parole; et tu ne le fais que par ta parole, et pourtant tout ce que tu fais par ta parole ne fait pas tout ensemble et éternellement.
VIII.10 Pourquoi cela, je t'en prie, Seigneur, mon Dieu? Je l'entrevois quelque peu, mais comment l'exprimer, je ne sais, sauf ceci: tout ce qui a un commencement ou une fin ne commence et finit d'être que lorsque l'éternelle Raison- qui ne connaît ni commencement ni fin- sait qu'il doit commencer ou finir. Et cette Raison, c'est ton Verbe, qui est aussi le Principe, car, à nous aussi, il le redit: c'est ce qu'il affirme dans l'Evangile, par une voix de chair- qui a retenti au-dehors, aux oreilles des hommes- , pour être cru, recherché au-dedans, et trouvé dans l'éternelle Vérité, où, bon et unique Maître, il instruit quiconque apprend.
C'est là, Seigneur, que j'entends ta voix me dire ceci: celui qui nous parle, c'est celui qui nous instruit; si quelqu'un ne nous instruit pas, il a beau parler, il ne nous parle pas. Mais qui donc nous instruit sinon l'immuable Vérité? Aussi bien, même lorsqu'un avertissement nous est signifié par une créature muable, c'est vers l'immuable Vérité que nous sommes acheminés: là, nous recevons le véritable enseignement, lorsque nous nous tenons à son écoute, exultant de joie à la voix de l'Epoux, nous restituant à celui de qui nous tenons l'être.
Voilà pourquoi il est le Principe: sans sa permanence, nous n'aurions, dans nos errances, aucun lieu où revenir. Mais lorsque nous rentrons après avoir erré, c'est bien la connaissance qui nous fait revenir; or c'est bien à son enseignement que nous la devons. Car il est le Principe, et à nous aussi il le dit.
IX.11 C'est dans ce Principe, ô Dieu, que tu as fait le ciel et la terre, en ton Verbe, en ton Fils, en ta Vertu, en ta Sagesse, en ta Vérité. En lui, d'une manière admirable, tu l'as dit; en lui, d'une manière admirable, tu les as faits. Qui pourra le comprendre? Qui pourra l'expliquer? Qu'est-ce donc qui luit devant mes yeux par intermittence et vient frapper mon coeur sans le blesser? J'en suis tout plein de frisson et d'ardeur: de frisson, dans la mesure où je ne lui ressemble pas, d'ardeur, dans la mesure où je lui ressemble. Oui, c'est la Sagesse, cette Sagesse même, qui luit devant mes yeux par intermittence, déchirant le voile qui m'embrume et vient à nouveau m'envelopper, défaillant loin d'elle sous l'amas ténébreux de mon châtiment. Car l'indigence a affaibli mes forces, au point que je ploie sous mon prorpe bien, jusqu'à tant, Seigneur, que toi qui t'es fait indulgent pour toutes mes iniquités, tu viennes aussi me guérir de toute langueur, et racheter ma vie de la corruption, me couronner dans la commisération et la miséricorde, rassasier de biens mon désir, car ma jeunesse sera renouvelée comme l'aigle. Notre salut, voilà, en effet, l'objet de notre espérance, et dans la patience nous attendons la réalisation de tes promesses.
Qu'il entende ta parole au fond de son coeur, celui qui le peut! Pour moi, sur la foi de ta parole, j'irai clamant: Que tes oeuvres sont magnifiques, Seigneur! Tu as tout fait dans la Sagesse! C'est elle le Principe, et dans ce Principe tu as fait le ciel et la terre.
Et le livre I du La Genèse au sens littéral sur la voix et le verbe.
De belles pages chez J.-L. Chrétien, Saint Augustin et les actes de parole
III.5 Puissé-je entendre et comprendre comment dans le Principe tu as fait le ciel et la terre. Moïse l'a écrit; il l'a écrit et s'en est allé. Il est parti d'ici- lieu où tu lui as parlé- vers le lieu où tu es; et maintenant, il n'est plus devant moi. S'il était là, je le retiendrais, je l'interrogerais, je le supplierais en ton nom de m'en dévoiler le sens, et je prêterais mes oreilles de chair aux sons surgis de sa bouche. S'il me parlait en hébreu, sa voix frapperait en vain mes sens: rien n'en viendrait toucher mon intelligence; au contraire, s'il parlait latin, je saisirais ce qu'il voudrait dire. Mais d'où saurais-je s'il dit vrai? Quand bien même je le saurais, serait-ce de lui que je le saurais? Non, c'est tout au-dedans de moi, dans la demeure intérieure de ma pensée, que la Vérité- qui n'est ni hébraïque, ni grecque, ni latine, ni barbare, et n'a besoin ni de la bouche, ni de la langue, ni du son des syllabes- me clamerait:"Oui, il a dit la vérité"; et aussitôt, dans la certitude et la foi, je lui dirais, à lui, ton serviteur:"Tu dis vrai!" Mais je ne puis l'interroger; c'est donc à toi, ô Vérité- toi qu'il possédait en plénitude quand il disait vrai- , que j'en appelle, c'est à toi, mon Dieu, que j'en appelle: A mes péchés sois indulgent. A lui, ton serviteur, tu as donné de dire ces paroles; à moi, donne aussi de les comprendre.
IV.6 Voici devant nous le ciel et la terre. Ils clament qu'ils ont été faits: ils sont exposés aux changements et aux variations. C'est que tout être qui existe sans avoir été fait ne contient rien qu'il n'ait contenu auparavant, sans quoi ce serait là un signe de changement et de variation.
Ils clament également qu'ils ne se sont pas faits eux-mêmes:"Si nous sommes, c'est parce que nous avons été faits; avant d'être, nous n'avions donc pas l'être, condition pour nous faire nous-mêmes." Quelle est cette voix qui nous parle? C'est l'évidence même du réel.
C'est donc toi, Seigneur, qui les as faits; tu es Beauté, puisqu'ils sont beaux; tu es Bonté, puisqu'ils sont bons; tu es l'Etre, puisqu'ils sont. Mais ils n'ont pas la beauté, la bonté et l'être au même degré que toi, leur Créateur; comparés à toi, ils n'ont ni beauté, ni bonté, ni être. Tout cela nous le savons; grâces t'en soient rendues; mais, comparé à ton savoir, le nôtre n'est qu'ignorance.
V.7 Mais le ciel et la terre, comment les as-tu faits? D'un si grand oeuvre, quel fut l'outil?
En effet, tu ne ressembles pas à un artisan qui forme un corps à partir d'un autre au gré de sa pensée et de sa capacité d'imposer d'une certaine manière la forme qu'il perçoit en lui-même, de son oeil intérieur; or, ce pouvoir, sa pensée l'aurait-elle si tu ne l'avais créée? Cette forme, il l'impose à une matière déjà préexistante et qui possède en soi de quoi être, comme l'argile, la pierre, le bois, l'or et autre matériau de ce genre; or, d'où tireraient-ils l'être, si tu ne les avais fondés?
C'est de toi que l'artisan tient un corps, de toi une âme qui commande à ses membres, de toi la matière d'où il façonne quelque objet, de toi le talent qui le rend maître de son art, et lui permet de voir au-dedans ce qu'il va faire au-dehors, de toi les sens corporels, par lesquels il fait passer l'oeuvre de son esprit au matériau, puis en réfère l'éxécution à ce même esprit, pour qu'il consulte, tout au fond de lui, la vérité, ce juge souverain de la qualité de l'oeuvre. A toi, créateur de toutes choses, toutes ces choses t'adressent leurs louanges.
Mais toi, comment les as-tu faites? Comment as-tu fait le ciel et la terre? Ce n'est assurément ni dans le ciel ni dans la terre que tu as fait le ciel et la terre; pas davantage dans l'air ou dans les eaux, qui font aussi partie du ciel et de la terre; ce n'est pas dans l'univers que tu as fait l'univers, puisque, pour être, il n'y avait pas, avant qu'il fût fait, de lieu où le faire. Tu n'avais rien dans ta main pour en faire le ciel et la terre; d'où te serait venu, pour en faire quoi que ce fût, ce quelque chose que tu n'as pas fait? En effet, qu'est-ce qui détient l'être, sinon de toi qui es l'Etre?
Tu as donc parlé et ils furent faits; et c'est dans ta Parole que tu les as faits.
VI.8 Mais comment as-tu parlé?
Serait-ce à la manière de cette voix qui sortit des nuées, proclamant:"Celui-ci est mon Fils bien-aimé"? Cette parole fut émise et transmise, avec un début et une fin, syllabes sonnantes, qui passèrent, la deuxième après la première, la troisième après la deuxième, et ainsi de suite, jusqu'à tant que vînt la dernière après toutes les autres, et, après elle, le silence. Il est manifestement évident qu'elle fut exprimée par le mouvement d'une créature, instrument temporel au service de ta volonté éternelle. Et de ce verbe- tes paroles-, formé pour un temps, l'oreille extérieure a transmis le message à l'intelligence en éveil, dont l'oreille intérieure est à l'écoute de ton Verbe éternel. Et cette intelligence compara ce verbe qui résonnait dans le temps à ton Verbe éternel, dans le silence. Et elle proclama:"Oui, Lui, il est d'un autre, d'un tout autre ordre. Ces paroles-là au contraire sont, et de loin, au dessous de moi; elles ne "sont" même pas, n'étant que fuite et passage, alors que le Verbe de Dieu demeure, au-dessus de moi, pour l'éternité."
Si c'est donc d'un verbe sonnant et fugitif que tu as dit:"Que soient faits le ciel et la terre", et qu'ainsi ils ont été faits, c'est qu'il existait, déjà créée, antérieure au ciel et à la terre, une substance corporelle susceptible, par ses vibrations dans le temps, de propager cette parole dans le temps. Or il n'y avait aucun corps avant le ciel et la terre; ou, à supposer qu'il y en eût un, ce n'est sûrement pas au moyen d'une parole fugitive que tu l'as créé, comme source d'émission d'une parole fugitive ordonnant que soient faits le ciel et la terre. Cette source, en effet, quelle qu'elle fût, n'aurait jamais existé si elle n'avait été faite par toi. Mais alors, pour former ce corps qui servirait à former tes paroles, quelle parole as-tu donc dite?
VII.9 Voilà comment tu nous appelles à comprendre ce qu'est le Verbe, Dieu auprès de toi, Dieu, lui qui est dit de toute éternité, et par qui tout est dit de toute éternité. Ici pas de parole qui s'achève, ni de parole suivante différente, permettant un énoncé complet; mais, au contraire, tout y est dit simultanément et de toute éternité. Sans quoi, il y aurait alors temporalité et changement, au lieu de la véritable éternité et de la véritable immortalité.
Cela, oui, je le sais, ô mon Dieu, et je t'en rends grâces. Je le sais, je t'en fais confession, Seigneur; et, avec moi, il le sait et il te bénit, tout homme qui n'oublie pas de rendre grâces à la certitude de la Vérité. Nous le savons, Seigneur, oui, nous le savons: ne plus être ce que l'on était, et être ce que l'on n'était pas encore, c'est cela mourir et naître. Dans ton Verbe donc véritablement immortel et éternel, rien ne le cède à rien, rien ne succède à rien: et ainsi, par ce Verbe partageant avec toi l'éternité, tout ensemble et éternellement sont dites toutes tes paroles, et se fait tout ce qui se fait selon ta parole; et tu ne le fais que par ta parole, et pourtant tout ce que tu fais par ta parole ne fait pas tout ensemble et éternellement.
VIII.10 Pourquoi cela, je t'en prie, Seigneur, mon Dieu? Je l'entrevois quelque peu, mais comment l'exprimer, je ne sais, sauf ceci: tout ce qui a un commencement ou une fin ne commence et finit d'être que lorsque l'éternelle Raison- qui ne connaît ni commencement ni fin- sait qu'il doit commencer ou finir. Et cette Raison, c'est ton Verbe, qui est aussi le Principe, car, à nous aussi, il le redit: c'est ce qu'il affirme dans l'Evangile, par une voix de chair- qui a retenti au-dehors, aux oreilles des hommes- , pour être cru, recherché au-dedans, et trouvé dans l'éternelle Vérité, où, bon et unique Maître, il instruit quiconque apprend.
C'est là, Seigneur, que j'entends ta voix me dire ceci: celui qui nous parle, c'est celui qui nous instruit; si quelqu'un ne nous instruit pas, il a beau parler, il ne nous parle pas. Mais qui donc nous instruit sinon l'immuable Vérité? Aussi bien, même lorsqu'un avertissement nous est signifié par une créature muable, c'est vers l'immuable Vérité que nous sommes acheminés: là, nous recevons le véritable enseignement, lorsque nous nous tenons à son écoute, exultant de joie à la voix de l'Epoux, nous restituant à celui de qui nous tenons l'être.
Voilà pourquoi il est le Principe: sans sa permanence, nous n'aurions, dans nos errances, aucun lieu où revenir. Mais lorsque nous rentrons après avoir erré, c'est bien la connaissance qui nous fait revenir; or c'est bien à son enseignement que nous la devons. Car il est le Principe, et à nous aussi il le dit.
IX.11 C'est dans ce Principe, ô Dieu, que tu as fait le ciel et la terre, en ton Verbe, en ton Fils, en ta Vertu, en ta Sagesse, en ta Vérité. En lui, d'une manière admirable, tu l'as dit; en lui, d'une manière admirable, tu les as faits. Qui pourra le comprendre? Qui pourra l'expliquer? Qu'est-ce donc qui luit devant mes yeux par intermittence et vient frapper mon coeur sans le blesser? J'en suis tout plein de frisson et d'ardeur: de frisson, dans la mesure où je ne lui ressemble pas, d'ardeur, dans la mesure où je lui ressemble. Oui, c'est la Sagesse, cette Sagesse même, qui luit devant mes yeux par intermittence, déchirant le voile qui m'embrume et vient à nouveau m'envelopper, défaillant loin d'elle sous l'amas ténébreux de mon châtiment. Car l'indigence a affaibli mes forces, au point que je ploie sous mon prorpe bien, jusqu'à tant, Seigneur, que toi qui t'es fait indulgent pour toutes mes iniquités, tu viennes aussi me guérir de toute langueur, et racheter ma vie de la corruption, me couronner dans la commisération et la miséricorde, rassasier de biens mon désir, car ma jeunesse sera renouvelée comme l'aigle. Notre salut, voilà, en effet, l'objet de notre espérance, et dans la patience nous attendons la réalisation de tes promesses.
Qu'il entende ta parole au fond de son coeur, celui qui le peut! Pour moi, sur la foi de ta parole, j'irai clamant: Que tes oeuvres sont magnifiques, Seigneur! Tu as tout fait dans la Sagesse! C'est elle le Principe, et dans ce Principe tu as fait le ciel et la terre.
Et le livre I du La Genèse au sens littéral sur la voix et le verbe.
De belles pages chez J.-L. Chrétien, Saint Augustin et les actes de parole
- The PaperHabitué du forum
Pareil. Je retrouve le plaisir de constituer des corpus comme autrefois en tronc commun. L'intérêt est toujours, après avoir pointé un point commun évident, de montrer la particularité de chaque texte.sifi a écrit:Je n'ai pas eu l'impression d'instrumentaliser les textes.
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- NLM76Grand Maître
Ce qui me paraît difficile surtout, c'est l'extrait. Ne faire lire qu'une vingtaine de lignes de l'œuvre. Quand il s'agit d'un poème, d'un texte qui fait œuvre dans sa brièveté, ça va; mais pour des extraits d'œuvres plus étendues.
Mais peut-être à moi de montrer les ramifications sous-jacentes à l'extrait qui le rattachent au reste de l'œuvre, afin "d'obliger" à aller voir le reste.
Mais peut-être à moi de montrer les ramifications sous-jacentes à l'extrait qui le rattachent au reste de l'œuvre, afin "d'obliger" à aller voir le reste.
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Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- CéciliaNiveau 8
Grande envie de travailler sur la Phèdre de Sénèque (après deux ans sur Oedipe-Roi), la parole comme action, et comme transgression. Déjà testé?
- AphrodissiaMonarque
Tu peux aussi donner de plus longs extraits. La précaution que je prends dans ce cas, et quand j'y pense, c'est de les donner à lire à la maison, comme préparation du cours: juste lire.NLM76 a écrit:Ce qui me paraît difficile surtout, c'est l'extrait. Ne faire lire qu'une vingtaine de lignes de l'œuvre. Quand il s'agit d'un poème, d'un texte qui fait œuvre dans sa brièveté, ça va; mais pour des extraits d'œuvres plus étendues.
Mais peut-être à moi de montrer les ramifications sous-jacentes à l'extrait qui le rattachent au reste de l'œuvre, afin "d'obliger" à aller voir le reste.
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Hominis mens discendo alitur et cogitando. (Cicéron)
Et puis les steaks ? Ça se rate toujours comme la tragédie. Mais à des degrés différents. (M. Duras)
- PoupoutchModérateur
Ha oui, on n'est absolument pas obligé de se contenter d'extraits courts. L'an dernier, en terminale, j'ai travaillé sur Proust et j'ai donné deux très longs extraits. Ils les ont lus en classe (45 minutes de lecture). Cette année, j'essaierai de leur demander de les lire à la maison (je ne l'avais pas fait l'an dernier parce que j'étais à flux tendu et que mes cours n'étaient généralement pas prêts une semaine à l'avance).Aphrodissia a écrit:Tu peux aussi donner de plus longs extraits. La précaution que je prends dans ce cas, et quand j'y pense, c'est de les donner à lire à la maison, comme préparation du cours: juste lire.NLM76 a écrit:Ce qui me paraît difficile surtout, c'est l'extrait. Ne faire lire qu'une vingtaine de lignes de l'œuvre. Quand il s'agit d'un poème, d'un texte qui fait œuvre dans sa brièveté, ça va; mais pour des extraits d'œuvres plus étendues.
Mais peut-être à moi de montrer les ramifications sous-jacentes à l'extrait qui le rattachent au reste de l'œuvre, afin "d'obliger" à aller voir le reste.
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Lapin Émérite, celle qui Nage en Lisant ou Inversement, Dompteuse du fauve affamé et matutinal.
"L'intelligence est une maladie qui peut se transmettre très facilement mais dont on peut guérir très rapidement et sans aucune séquelle"
- sifiÉrudit
Je demande aussi de lire les textes à l'avance : soit les groupements que je propose (chaque groupe travaille ensuite sur un texte et nous mettons en commun / comparons les résultats), soit des extraits longs. En terminale ils ont une œuvre intégrale par objet d'étude, en 1re je pense proposer une œuvre par grande partie. Je pense leur faire lire 3 versions différentes d'Electre (pour l'autorité de la parole) : Eschyle, Sophocle et Euripide, et ensuite les confronter, pourquoi pas sous forme de débat.
- NLM76Grand Maître
Du coup, tu vas leur proposer trois œuvres pour le premier thème !sifi a écrit:Je demande aussi de lire les textes à l'avance : soit les groupements que je propose (chaque groupe travaille ensuite sur un texte et nous mettons en commun / comparons les résultats), soit des extraits longs. En terminale ils ont une œuvre intégrale par objet d'étude, en 1re je pense proposer une œuvre par grande partie. Je pense leur faire lire 3 versions différentes d'Electre (pour l'autorité de la parole) : Eschyle, Sophocle et Euripide, et ensuite les confronter, pourquoi pas sous forme de débat.
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Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- naujeNiveau 9
Hello Sifi !!sifi a écrit:Je demande aussi de lire les textes à l'avance : soit les groupements que je propose (chaque groupe travaille ensuite sur un texte et nous mettons en commun / comparons les résultats), soit des extraits longs. En terminale ils ont une œuvre intégrale par objet d'étude, en 1re je pense proposer une œuvre par grande partie. Je pense leur faire lire 3 versions différentes d'Electre (pour l'autorité de la parole) : Eschyle, Sophocle et Euripide, et ensuite les confronter, pourquoi pas sous forme de débat.
Cette année en Théâtre en Terminale pour le thème Générations, nous avons organisé le procès d'Electre et Oreste, plus qu'un débat les élèves ont adoré, nous avions les accusés, les avocats et les appelés à la barre : les Dieux, Clytemnestre, Egisthe etc. !
Top nous avons tous passé un bon moment !
Les élèves avaient écrit leurs textes chez eux en autonomie car ils voulaient faire la surprise du procès leurs camarades, tout cela après la lecture de L'Orestie (qu'il a fallu bien accompagner) mais faisable avec une bonne classe. Et ce fut l'occasion de travailler l'éloquence.
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