1re : La Princesse de Clèves + parcours

Écusette de Noireuil a écrit:Je remets le nez dans mes cours de l'an dernier pour faire le tri...Je signale une ressource que finalement je n'avais pas exploitée mais qui me paraît intéressante pour aider ou compléter la lecture et l'entrée dans l’œuvre:
http://www.baoacou.com/princesse-de-cleves.html

Il s'agit d'un dîner spectacle, il y à une captation pas mal faite du tout (j'en ai regardé des extraits).

Je me posais aussi la question du film tourné en 61 par Delannoy avec Marina Vlady: j'ai vu quelques extraits et je sais qu'il est possible de l'acheter mais est-ce que la diction des comédiens n'est pas désespérément vieillotte? Est-ce que certains ont utilisé ce film, et si oui quelle en a été la réception?

Merci pour cette ressource.
L'an passé, j'ai utilisé le film La belle personne de Christophe Honoré ainsi que la bd de Catel.

Je trouve dans l'extrait suivant des échos de notre roman.
Or, la retraite religieuse de la personne évoquée ici avait énormément marqué les esprits 3 années avant la publication de La Princesse de Clèves.
Devinette très facile de l'été : vous devinerez (sans aide extérieure) qui est la femme évoquée et qui est l'auteur.  

« Sa fortune et la honte, la modestie, la bonté dont elle en usa, la bonne foi de son cœur sans aucun autre mélange, […] cet adieu public si touchant à la Reine, qu’elle avait toujours respectée et ménagée et ce pardon qu’elle lui demanda prosternée à ses pieds devant toute la cour, en partant pour les Carmélites ; la pénitence si soutenue tous les jours de sa vie fort au-dessus des austérités de sa règle, […] cet éloignement constant de tout commerce et de se mêler de quoi que ce fût, ce sont des choses qui pour la plupart ne sont pas de mon temps […]. Sa délicatesse naturelle avait infiniment souffert de la sincère âpreté de sa pénitence de corps, d’esprit, et d’un cœur fort sensible, dont elle cachait tout ce qu’elle pouvait ; […] elle mourut […] avec toutes les marques d’une grande sainteté, au milieu des religieuses, dont sa douceur et ses vertus l’avaient rendue les délices, et dont elle se croyait et se disait sans cesse être la dernière, indigne de vivre parmi des vierges. »

Pour ceux que ça intéresse, après l'éloge, le paragraphe se poursuit et se termine par une pointe salée contre d'autres membres éminents de la cour.

Mme de La Vallière?

Blondie a écrit:Mme de La Vallière?

Bravo !

Je n'avais pas pensé à faire le rapprochement. Il faudra que j'en parle aux élèves.
Je suppose que c'est extrait de Saint Simon?

Oui, année 1710 des Mémoires, 1710, date de la mort de La Vallière qui avait prononcé ses vœux 35 ans plus tôt... en 1675.

Merci!

Autre rapprochement : Louise de La Fayette, entrée à la Visitation pour ne pas devenir la maitresse de Louis XIII. Aussi pieux l'un que l'autre, terrifiés à l'idée de commettre le péché de la chair, ils n'ont trouvé que ce moyen de ne pas céder à la tentation. Louise (1618-1665) était la belle-sœur de Marie-Madeleine Pioche de la Vergne. De grande famille, plus relevée que les La Baume le Blanc, elle me semble plus proche de mademoiselle de Chartres que la pauvre La Vallière qui donna quatre enfants au roi.

Concluons au croisement d'influences ...

Esclarmonde a écrit:Je trouve dans l'extrait suivant des échos de notre roman.
Or, la retraite religieuse de la personne évoquée ici avait énormément marqué les esprits 3 années avant la publication de La Princesse de Clèves.
Devinette très facile de l'été : vous devinerez (sans aide extérieure) qui est la femme évoquée et qui est l'auteur.  

« Sa fortune et la honte, la modestie, la bonté dont elle en usa, la bonne foi de son cœur sans aucun autre mélange, […] cet adieu public si touchant à la Reine, qu’elle avait toujours respectée et ménagée et ce pardon qu’elle lui demanda prosternée à ses pieds devant toute la cour, en partant pour les Carmélites ; la pénitence si soutenue tous les jours de sa vie fort au-dessus des austérités de sa règle, […] cet éloignement constant de tout commerce et de se mêler de quoi que ce fût, ce sont des choses qui pour la plupart ne sont pas de mon temps […]. Sa délicatesse naturelle avait infiniment souffert de la sincère âpreté de sa pénitence de corps, d’esprit, et d’un cœur fort sensible, dont elle cachait tout ce qu’elle pouvait ; […] elle mourut […] avec toutes les marques d’une grande sainteté, au milieu des religieuses, dont sa douceur et ses vertus l’avaient rendue les délices, et dont elle se croyait et se disait sans cesse être la dernière, indigne de vivre parmi des vierges. »

Pour ceux que ça intéresse, après l'éloge, le paragraphe se poursuit et se termine par une pointe salée contre d'autres membres éminents de la cour.

Tiens, je tombe là-dessus :

La Fayette a écrit:Le roi avait toujours aimé le connétable, et sitôt qu’il avait commencé à régner, il l’avait rappelé de l’exil où le roi François premier l’avait envoyé. La cour était partagée entre messieurs de Guise et le connétable, qui était soutenu des princes du sang. L’un et l’autre parti avait toujours songé à gagner la duchesse de Valentinois. Le duc d’Aumale, frère du duc de Guise, avait épousé une de ses filles ; le connétable aspirait à la même alliance. Il ne se contentait pas d’avoir marié son fils aîné avec madame Diane, fille du roi et d’une dame de Piémont, qui se fit religieuse aussitôt qu’elle fut accouchée.

Intéressante distorsion du réel : loin de prendre le voile après la naissance de sa fille, Fiippa Duci

épouse peu après, Jean Baptiste de Saint-Severin, gentilhomme italien de la chambre du roi. Lors de la légitimation de sa fille, on la dit dame de Bléré en Touraine.
En 1582, elle est dame d'honneur de la reine Catherine de Médicis.

Il s'agit donc de préparer le lecteur à la retraite de la Princesse, la Princesse qui ne prend d'aielleurs pa le voile : elle se fait dame pensionnaire, comme bien d'honorables veuves, à commencer par la veuve Scarron et en finissant par Juliette Récamier !

Bonjour, je cherche un sujet de dissertation sur la Princesse qui ne soit pas traité sur le net... est-ce que vous auriez ça ? Merci !

Il y a celui qui est tombé à la session de septembre, en substance: dans la PDC, Mme de LF condamne-t-elle la passion amoureuse?

Vous devriez en trouver ici :

• https://www.neoprofs.org/t123985p325-1re-la-princesse-de-cleves-parcours#4866400
  

0massilia0 a écrit:Bonjour, je cherche un sujet de dissertation sur la Princesse qui ne soit pas traité sur le net... est-ce que vous auriez ça ? Merci !

J'avoue que je n'ai pas vérifié s'ils étaient sur Internet, mais voici quelques idées:

La Princesse est-elle vraiment vertueuse?

En refusant d'épouser le duc de Nemours, la Princesse renonce-t-elle au bonheur?

Le roman de Mme de La Fayette relève-t-il de la littérature moraliste?

Selon Paul Genuist, "La princesse de Clèves symbolise bien la lutte violente, épuisante, d'une femme qui se libère des entraves de la société masculine et acquiert son autonomie." Pensez-vous que le roman raconte l’histoire d’un individu qui lutte pour se libérer des contraintes de la société ?

En  quoi, dans La Princesse de Clèves, la  société  place-t-elle  l’individu  face  à des contradictions insurmontables? (un autre sujet officiel)

Un grand merci !

Je pleure: après 7 semaines (minimum) d'étude du livre.... la princesse est mariée au roi; elle trompe son mari avec le Duc; elle finit bonne soeur. Exemples dans les dissertations que je corrige. Ils n'ont pas lu le livre soit, mais quand même assisté au cours. :pleurs:

gregforever a écrit:Je pleure: après 7 semaines (minimum) d'étude du livre.... la princesse est mariée au roi; elle trompe son mari avec le Duc; elle finit bonne soeur. Exemples dans les dissertations que je corrige. Ils n'ont pas lu le livre soit, mais quand même assisté au cours. :pleurs:

Je compatis. Je commence l'étude après les vacances et je ne me fais pas d'illusions.

gregforever a écrit:Je pleure: après 7 semaines (minimum) d'étude du livre.... la princesse est mariée au roi; elle trompe son mari avec le Duc; elle finit bonne soeur. Exemples dans les dissertations que je corrige. Ils n'ont pas lu le livre soit, mais quand même assisté au cours. :pleurs:

J'ai demandé des fiches de lecture pendant les vacances (une fiche détaillée par partie). En général je ne fais pas ça, je sais que ça triche, mais hybride oblige, il fallait avancer et évaluer en classe prend du temps. Mais là, ça a été la foire à la triche à un degré infernal, pour une classe qui était pourtant très sérieuse et studieuse en début d'année. Ils ne sont pas dedans, perdent le fil, décrochent quand ils sont à la maison malgré le travail donné en distanciel...

J'ai mis mon explication faite par correspondance sur mon blog du portrait de Nemours, dont nous avons déjà parlé abondamment ici.

• http://www.lettresclassiques.fr/2021/04/11/le-plus-bel-homme-de-la-cour/
  

NLM76 a écrit:J'ai mis mon explication faite par correspondance sur mon blog du portrait de Nemours, dont nous avons déjà parlé abondamment ici.

C'est quand même très moralisant comme lecture, non ? je veux bien que la vraie beauté soit intérieure parce que l'essentiel est invisible pour les yeux, que le paraître ce soit le mal, que la galanterie ne soit que débauche, et que toute séduction vienne du Tentateur... mais est-ce vraiment ce qu'il faut comprendre ici ?

On dirait plutôt qu'il s'agit du portrait que fait du duc Mme de Chartres à sa fille, quand elle commence à soupçonner celle-ci d'en être éprise :

Mme de La Fayette a écrit: Madame de Chartres n'avait pas voulu laisser voir à sa fille qu'elle connaissait ses sentiments pour le prince, de peur de se rendre suspecte sur les choses qu'elle avait envie de lui dire. Elle se mit un jour à parler de lui ; elle lui en dit du bien, et y mêla beaucoup de louanges empoisonnées sur la sagesse qu'il avait d'être incapable de devenir amoureux

Mais un tel portrait n'intervient qu'à un moment précis et dans un but précis... et son efficacité contre la passion naissante est assez difficile à évaluer pour douter que la narratrice du roman use elle-même d'une telle stratégie à l'adresse de son lectorat.

C'est quand même très moralisant comme lecture, non ?

Tu veux dire pour un roman publié entre les Maximes de La Rochefoucauld et les Caractères de La Bruyère?
Bon, je n’ai pas travaillé la Princesse de près,  mais cette lecture d’un éloge « biaisé » me paraît assez intéressante! ( je ne sais pas évaluer les intentions de la narratrice à l’égard du lecteur, c’est aussi une piste intéressante que tu proposes, mais est-elle incompatible avec la lecture de nlm?)

Je trouve juste que l'image qui est donnée de la cour et de M. de Nemours reste un peu plus ambiguë, et qu'en montrer la superficialité ou le vice peut devenir non pas faux mais partiel voire partial.
Si M. de Nemours n'avait pas un réel mérite, de réelles qualités, les choses seraient sans doute trop simples. Autant il peut être naïf de prendre à la lettre tout ce qui relève de l'idéalisation, autant n'y voir de façon réductrice que des symptômes de bassesse morale n'est peut-être qu'à demi habile.
Je partage par exemple les remarques sur les comparaisons et le désir mimétique, mais j'en tirerais des conclusions moins univoques; de même à propos des regards, de la mise et de l'extérieur en général, ou encore des galanteries superficielles de M. de Nemours.

Hannibal a écrit:C'est quand même très moralisant comme lecture, non ? je veux bien que la vraie beauté soit intérieure parce que l'essentiel est invisible pour les yeux, que le paraître ce soit le mal, que la galanterie ne soit que débauche, et que toute séduction vienne du Tentateur... mais est-ce vraiment ce qu'il faut comprendre ici ?

Ah, c'est ce qui t'apparaît à la lecture de mon truc ? A mon avis, il n'est pas de beauté qui ne soit extérieure, et la notion de "beauté intérieure" est une aimable fumisterie. Et c'est peut-être aussi l'avis de La Fayette ; peut-être pas.

On dirait plutôt qu'il s'agit du portrait que fait du duc Mme de Chartres à sa fille, quand elle commence à soupçonner celle-ci d'en être éprise :

Mme de La Fayette a écrit: Madame de Chartres n'avait pas voulu laisser voir à sa fille qu'elle connaissait ses sentiments pour le prince, de peur de se rendre suspecte sur les choses qu'elle avait envie de lui dire. Elle se mit un jour à parler de lui ; elle lui en dit du bien, et y mêla beaucoup de louanges empoisonnées sur la sagesse qu'il avait d'être incapable de devenir amoureux

C'est exactement ce que je dis dans la conclusion partielle de ma deuxième partie. N'est-ce pas là une preuve évidente de ce qu'il faut faire une lecture moralisante du passage, justement ? L'autrice adopte exactement la posture de Mme de Chartres qui cherche à prévenir sa fille; le destinataire cependant n'est plus Mlle de Chartres, mais le lecteur.

Mais un tel portrait n'intervient qu'à un moment précis et dans un but précis... et son efficacité contre la passion naissante est assez difficile à évaluer pour douter que la narratrice du roman use elle-même d'une telle stratégie à l'adresse de son lectorat.

Justement, la mise en abyme, qui est absolument indéniable ici, n'est-elle pas fascinante ? Je n'ai pas développé  cette affaire et ses implications pour la lecture; mais je ne vois pas comment ne pas mettre le doigt dessus.

Au cas où, je vous signale si vous ne la connaissez pas une analyse tout à fait intéressante et stimulante de LA Princesse et en particulier de son renoncement que je viens de lire dans un essai d'Alain Finkielkraut intitulé Et si l'amour durait ( avec d'autres analyses diverses, portant entre autre sur  Philippe Roth et Milan Kundera)

Spoiler:

La longueur des textes, les fameuses 20 lignes, me posent toujours problème. Par ex, pour l'arrivée de Mlle de Chartre à la cour "Il parut alors une beauté à la Cour ...", où vous êtes-vous arrêtés? Si vous avez choisi ce texte, bien sûr. Je me suis arrêtée à "qui est d'aimer son mari et d'en être aimée", ce qui fait 26 lignes dans mon édition.

Simonella a écrit:La longueur des textes, les fameuses 20 lignes, me posent toujours problème. Par ex, pour l'arrivée de Mlle de Chartre à la cour "Il parut alors une beauté à la Cour ...", où vous êtes-vous arrêtés? Si vous avez choisi ce texte, bien sûr. Je me suis arrêtée à "qui est d'aimer son mari et d'en être aimée", ce qui fait 26 lignes dans mon édition.

26, c'est très bien puisque le texte doit comporter une vingtaine de lignes et non pas vingt. Et puis, ça dépend des éditions. De toute façon, si l'examinateur trouve l'extrait trop long, il coupera.