- zigmag17Guide spirituel
Je vois! Je te supporte à fond, donc!!
- CondorcetOracle
Il y a un élément qui est fort peu évoqué à propos de la position de Bourdieu vis-à-vis des médias : ses prestations qui lui donnaient - à raison - l'impression d'un dispositif se refermant sur lui et le plongeant dans une stratégie de réfutation attendue par ses contradicteurs mais guère fructueuse.
- liliepingouinÉrudit
Zagara a écrit:Heu même en étant excellent à l'école, l'institution scolaire ne donne pas la culture générale bourgeoise.
Quand je suis arrivée en prépa j'ai été symboliquement écrasée par mes camarades. Simplement en discutant.
Parce qu'il n'y a que peu de zones de contact entre ce qu'on apprend à l'école et ce qu'est la "culture générale" attendue en bonne société. C'est clairement de celle-là dont parle l'article : une collection de connaissances qui servent avant tout de marqueur social. Pas de la culture qui libère ou qui permet d'articuler sa pensée. Alors est-ce la fonction de l'école de faire apprendre par cœur des séries d'anecdotes pour prouver aux bourgeois qu'on "connaît ses classiques", comme m'avait dit un type ? Je ne crois pas.
Quels sont ces codes sociaux bourgeois que l'école ne transmettrait pas? Et comment se transmettraient-ils du coup ?
Les professeurs doivent-ils être considérés comme des "bourgeois"? Il y a en effet beaucoup d'enfants de profs et instits en prépa. Mais dans ce cas pourquoi transmettraient-ils ces codes à leurs enfants mais pas à leurs élèves?
Désolée pour l'avalanche de questions mais le sujet m'intéresse.
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Spheniscida qui se prend pour une Alcida.
"Laissons glouglouter les égouts." (J.Ferrat)
"Est-ce qu'on convainc jamais personne?" (R.Badinter)
Même si c'est un combat perdu d'avance, crier est important.
- ZagaraGuide spirituel
Justement les enfants d'enseignants n'obtiennent pas ces codes, mais réussissent en moyenne plus à l'école pour d'autres raisons (parce qu'ils maîtrisent les méthodes, sont "scolaires", savent comment fonctionnent les rouages de l'institution, grâce à leurs parents).
En gros les codes sociaux bourgeois correspondent à l'habitus valorisé dans les milieux très favorisés (je ne parle pas d'argent mais de capital symbolique : on peut être riche et être un gueux exclu de cette sociabilité : le fameux arriviste). C'est-à-dire l'ensemble de gestes, d'attitudes, de mots, de manières de parler, incorporés dès l'enfance... en fait les anecdotes, la "culture générale", ne sont que le glacis, la petite cerise, sur le gros gâteau de l'habitus bourgeois. C'est cet habitus qui fait que tu te sens écrasé socialement en discutant avec des gens d'une classe sociale nettement plus haute. C'est totalement inconscient : ils ne cherchent pas à écraser autrui et sont généralement très gentils ; mais le hiatus est tel que ça s'en ressent automatiquement, à l'insu des parties (c'est la fameuse "violence symbolique").
Justement les enseignants ne transmettent pas ces codes, ce sont les familles qui les transmettent. Mais ils sont valorisés par l'école, inconsciemment, parce que ça correspond à l'image qu'on se fait de ce que doit être "un bon élève", "un enfant bien élevé", etc. Grosso modo.
Prosaïquement : si lors d'un dîner tu destines la majeure partie de ton temps de cerveau disponible à faire attention à ne pas renverser ton café et à ne pas dire la connerie qui va te ficher grosse pécore, c'est que tu es en train de vivre la violence symbolique. Non non ce n'est pas du vécu. Et oui j'ai quand même finalement renversé mon café.
En gros les codes sociaux bourgeois correspondent à l'habitus valorisé dans les milieux très favorisés (je ne parle pas d'argent mais de capital symbolique : on peut être riche et être un gueux exclu de cette sociabilité : le fameux arriviste). C'est-à-dire l'ensemble de gestes, d'attitudes, de mots, de manières de parler, incorporés dès l'enfance... en fait les anecdotes, la "culture générale", ne sont que le glacis, la petite cerise, sur le gros gâteau de l'habitus bourgeois. C'est cet habitus qui fait que tu te sens écrasé socialement en discutant avec des gens d'une classe sociale nettement plus haute. C'est totalement inconscient : ils ne cherchent pas à écraser autrui et sont généralement très gentils ; mais le hiatus est tel que ça s'en ressent automatiquement, à l'insu des parties (c'est la fameuse "violence symbolique").
Justement les enseignants ne transmettent pas ces codes, ce sont les familles qui les transmettent. Mais ils sont valorisés par l'école, inconsciemment, parce que ça correspond à l'image qu'on se fait de ce que doit être "un bon élève", "un enfant bien élevé", etc. Grosso modo.
Prosaïquement : si lors d'un dîner tu destines la majeure partie de ton temps de cerveau disponible à faire attention à ne pas renverser ton café et à ne pas dire la connerie qui va te ficher grosse pécore, c'est que tu es en train de vivre la violence symbolique. Non non ce n'est pas du vécu. Et oui j'ai quand même finalement renversé mon café.
- User17095Érudit
@Zagara
C'est une des raisons pour lesquelles l'épreuve d'histoire des arts avait été profondément modifiée, on avait considéré que ce qui était évalué relevait davantage d'une culture personnelle, familiale, de l'habitus en somme, que de l'enseignement scolaire. C'est plus ou moins discutable mais dans les faits, sur les résultats de mon établissement que j'avais regardés de près à l'époque, les bons élèves qui venaient de familles peu cultivées avaient des résultats médiocres, là où des élèves un peu légers venant de familles très cultivées excellaient.
Sur la violence symbolique que tu évoques, il y a mille exemples comparables chez Annie Ernaux.
C'est une des raisons pour lesquelles l'épreuve d'histoire des arts avait été profondément modifiée, on avait considéré que ce qui était évalué relevait davantage d'une culture personnelle, familiale, de l'habitus en somme, que de l'enseignement scolaire. C'est plus ou moins discutable mais dans les faits, sur les résultats de mon établissement que j'avais regardés de près à l'époque, les bons élèves qui venaient de familles peu cultivées avaient des résultats médiocres, là où des élèves un peu légers venant de familles très cultivées excellaient.
Sur la violence symbolique que tu évoques, il y a mille exemples comparables chez Annie Ernaux.
- LaverdureEmpereur
Zagara a écrit:Oui tu as raison, mais pas officiellement. On l'emballe dans la rhétorique "l'école vous libère :V".
Sauf que si le but de l'école est de transmettre les codes sociaux bourgeois, franchement elle est très nulle et n'y parvient pas.
En fait il me semble que ce que disait Bourdieu était un peu plus subtil : l'école ne transmet pas ces valeurs (elle en annonce d'autres en tout cas, les valeurs humanistes)... mais elle les évalue et promeut implicitement. Ce qui crée l'ultra-gouffre social : une partie des attendus sont implicites et extérieurs au monde scolaire, et cette partie est évaluée de manière non-consciente alors qu'elle n'est pas enseignée explicitement. C'est comme ça que j'avais compris cette question chez Bourdieu, mais je me trompe peut-être.
C'est les deux : la culture scolaire (tu parlais initialement de la culture générale que je distingue de l'habitus des classes dominantes) n'est pas socialement neutre (la sélection des disciplines et des contenus enseignés est le résultat d'un rapport de force entre groupes sociaux) et l'école valorise implicitement la maîtrise des codes de la culture des classes dominantes (transformée, donc, en culture légitime). C'est pour ça que la proximité de la culture scolaire et du capital culturel familial (notamment le capital culturel incorporé -sous forme de dispositions, de maîtrise de la langue, de goût, etc.- et le capital culturel objectivé -accès aux biens culturels en général comme les livres, les œuvres d'art, etc.) favorise la réussite scolaire. Et la sélection à l'oeuvre dans l'école est autant sinon plus scolaire que sociale, au sens d'épreuve de "manières" ou de "dispositions".
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- liliepingouinÉrudit
Je comprends le sentiment de décalage que l'on peut ressentir quand on se trouve dans un milieu différent du sien (décalage qui existe d'ailleurs dans les deux sens) mais je ne vois pas bien le rapport avec la culture générale. J'ai l'impression que le sujet dévie sur autre chose. Je ne comprends plus très bien de qui on parle. Il me semble dangereux d'ailleurs d'assimiler culture générale et culture bourgeoise. Et qui sont ces bourgeois dont il est question?
En ce qui concerne l'épreuve d'histoire des arts au brevet: je n'y étais pas du tout favorable lors de sa mise en place mais j'ai très rapidement changé d'avis en voyant les résultats (j'enseigne en lycée) : les élèves que je récupérais en seconde connaissaient des œuvres, et en parlaient volontiers, tout fiers d'étaler leurs connaissances. Et je ne parle pas d'élèves "bourgeois", mais d'enfants issus de familles populaires.
Je regrette beaucoup sa disparition: peut-être que les enfants au capital culturel plus riche réussissaient mieux, mais cette épreuve apportait vraiment quelque chose aux plus modestes. Sous prétexte de gommer les inégalités, j'ai l'impression qu'on enfonce toujours un peu plus les catégories populaires. Au lieu de les pousser vers le haut, on essaie plutôt de faire baisser ou de masquer la culture des autres... ça me désole, et ça ne mène qu'à tirer tout le monde vers le bas.
En ce qui concerne l'épreuve d'histoire des arts au brevet: je n'y étais pas du tout favorable lors de sa mise en place mais j'ai très rapidement changé d'avis en voyant les résultats (j'enseigne en lycée) : les élèves que je récupérais en seconde connaissaient des œuvres, et en parlaient volontiers, tout fiers d'étaler leurs connaissances. Et je ne parle pas d'élèves "bourgeois", mais d'enfants issus de familles populaires.
Je regrette beaucoup sa disparition: peut-être que les enfants au capital culturel plus riche réussissaient mieux, mais cette épreuve apportait vraiment quelque chose aux plus modestes. Sous prétexte de gommer les inégalités, j'ai l'impression qu'on enfonce toujours un peu plus les catégories populaires. Au lieu de les pousser vers le haut, on essaie plutôt de faire baisser ou de masquer la culture des autres... ça me désole, et ça ne mène qu'à tirer tout le monde vers le bas.
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Spheniscida qui se prend pour une Alcida.
"Laissons glouglouter les égouts." (J.Ferrat)
"Est-ce qu'on convainc jamais personne?" (R.Badinter)
Même si c'est un combat perdu d'avance, crier est important.
- KimberliteExpert
Si je regarde mes parents, dont l'un provient d'une famille modeste (père épicier, en milieu rural...), et l'autre d'un milieu bien bourgeois (militaire haut gradé...), je vois combien, à l'époque de leur génération, l'école permettait d'acquérir du vocabulaire et des bases culturelles similaires, quelles que soient les origines. Qu'ils soient d'origine modeste ou non, mes parents ont le même niveau de langue, à des années-lumière au-dessus de celui de mes élèves, même les meilleurs. Pourtant, du côté de la branche "modeste" la génération précédente parlait le patois...pogonophile a écrit:Si la culture générale correspondait strictement aux savoirs enseignés à l'école, alors les très bons élèves qui parlent dans cet article n'auraient pas le sentiment d'en être dépourvus.
Je trouve intéressante la situation d'une des interrogées, qui disait identifier toutes les références bibliques parce que ça faisait partie de son éducation, mais rien du reste.
Du coup je répète la question : est-ce à l'école de compenser, et si oui comment ?
Mes parents ont la capacité, tous les deux, de comprendre des données scientifiques assez complexes, et en discuter ensemble, alors que la "branche modeste" a fait des études littéraires...
Bref, oui, l'école permettait de niveler les différences, non en écrasant les têtes qui dépassent, mais en permettant aux élèves dont la famille ne pouvait pas apporter des bases culturelles suffisantes de s'insérer à différents niveaux de la société, mais aussi de mieux comprendre le monde qui les entoure. Evidemment, le parcours d'apprentissage était plus aisé pour les favorisés. Ma "branche modeste" a dû travailler durant ses études, était interne depuis le collège (mais était-ce si défavorable?)...
Et même si je pense à ma grand-mère, qui n'avait pas le certificat d'études: le peu d'école qu'elle avait fait (et encore en étant absente une partie du temps pour travaux agricoles ; elle avait aussi été "louée" enfant...) lui permettait de s'en sortir pas si mal. Elle écrivait avec très peu de fautes (à faire rougir mes meilleurs élèves), s'exprimait correctement en français alors que ce n'était pas sa langue maternelle, et jusqu'à la fin de sa vie, elle écoutait les informations à la radio et les commentait avec un niveau de compréhension et un bon sens que j'aimerais bien retrouver chez mes collégiens.
Je ne dis pas que tout était mieux avant, mais j'ai l'impression que le "choc intellectuel" dont il est question ici n'aurait point été aussi fort il y a bien des dizaines d'années (à mon époque, je pense qu'on commençait à perdre l'efficacité d'intégration de l'école qui avait été celle des générations précédentes). Les différences culturelles auraient évidemment existé en ce qui concerne certaines habitudes rurales ou ouvrières, certaines expressions, mais les étudiants arrivés en fac ne se seraient probablement pas sentis aussi largués culturellement et dans leur façon de s'exprimer clairement et précisément...
En étant exigeante, et en essayant de normaliser les exigences (tout l'inverse de l'époque actuelle) entre tous les établissements, l'école était peut-être rude avec les enfants issus de milieux peu favorisés, et il faut bien reconnaître aussi que beaucoup ne continuaient pas les études, souvent pour des raisons familiales, mais il me semble qu'elle réussissait cependant à faire globalement augmenter le niveau de connaissance, de précision de la pensée et de culture commune de toute la population. On était dans une véritable dynamique positive, où, même si ça ne permettait pas nécessairement un ascension sociale importante, on pouvait considérer que chaque génération était un peu plus apte à écrire et compter, à comprendre le monde, la société, à faire des choix éclairés, à exprimer clairement ses idées, etc. Evidemment, en partant d'une population fortement illettrée, peu ouverte sur le monde, on peut se dire que c'était facile de progresser. Mais j'ai l'impression que l'ambition de l'Ecole allait souvent plus loin que juste "rendre les gens moins incultes", plus loin que "former des personnes employables"...
Intéressant... à l'époque de ma "branche modeste", les cours d'arts plastique (ça ne s'appelait probablement pas comme ça) et de musique comportaient une grande part de connaissances. Bien plus qu'à mon époque (moi, je me souviens juste avoir eu un prof adorateur de Vasarely, et aussi qu'on avait faire des choses à la manière d'Andy Warhol, alors que ma "branche modeste" connaissait bien plus de références que moi... ce n'est que bien plus tard et par curiosité personnelle que j'ai un peu enrichi ma culture artistique. Pareil pour la musique...).Ponocrates a écrit:Elles parlent d'oeuvres d'art, de musées entre autres: je n'ai pas le souvenir que le cours d'art plastique ait été jamais pour moi l'occasion d'apprendre quoi que ce soit sur l'histoire de l'art, hormis trois semaines sur la perspective avec 2mn 40 sur la Renaissance italienne qui l'aurait inventée et le reste du temps à faire un dessin sur une carte noire à gratter, d'une ville en respectant ladite perspective. Et j'ai plus appris sur l'histoire de la musique en écoutant des disques racontant la vie de grands musiciens pendant mon enfance, que pendant les quatre années de musique au collège. J'ignore quels sont les programmes aujourd'hui, j'ignore si j'ai manqué de chance, c'est mon expérience.pogonophile a écrit:Si la culture générale correspondait strictement aux savoirs enseignés à l'école, alors les très bons élèves qui parlent dans cet article n'auraient pas le sentiment d'en être dépourvus.[...]
Du coup je répète la question : est-ce à l'école de compenser, et si oui comment ?
Et pour les sciences je n'ai aucun souvenir d'avoir jamais fait un peu d'épistémologie, on n'a jamais eu/pris le temps d'évoquer les noms de ceux qui ont fait évoluer la science - et pourtant, pour captiver les gamins c'est quand même plus simple de raconter des histoires.
En français au collège j'ai mangé du Lion de Kessel, j'ai sangloté en lisant Mon bel oranger, je me suis indignée avec Antigone, mais la Chatte de Colette, du Côté de chez Swann, Les Misérables in extenso, ou l'intégralité des Rougons Macart en première c'est de mon propre chef que je les ai dégustés, parce que j'avais la chance d'être une héritière du capital culturel et que tout ou partie de ces livres étaient dans la bibliothèque familiale. Les vraies oeuvres exigeantes - de Balzac, de Beckett, je ne les ai rencontrées qu'en première. Jusque-là, les oeuvres lues en cours me semblaient être pour les bébés, et même si j'éprouvais des émotions fortes, je n'entrais pas dans un univers forgé par une langue particulière
Et pourtant j'étais dans un établissement de centre ville, avec une population un peu hétérogène, mais vraiment très tranquille et plutôt favorisée où il était possible d'avoir davantage d'ambition.( Et avec 6 heures de cours de français en sixième si je me souviens bien) Si, en vous parlant d'un temps que les moins de 20 ans -au miminum, hum- ne peuvent pas connaître il y avait déjà ce problème, je doute fort qu'il se soit résolu depuis...
Pour répondre à votre question, Pogonophile, à mon sens la culture générale devrait en effet correspondre en grande partie, aux savoirs enseignés pendant les 15 ans de scolarité obligatoire. Le fait que ce ne soit pas le cas révèle seulement la baisse d'ambition pour l'école des masses et le refus de leur transmettre leur part de l'héritage culturel - que ce soit pour préserver l'entre-soi, combattre la "culture bourgeoise" ou pour pleins de "bonnes" raisons de prétendue adaptation au public.
Quant au sport, y a-t-il dans les programmes d'EPS, une partie sur l'histoire du sport,- des sports- des olympiades, les records: pourquoi ces éléments ne pourraient-ils pas faire partie du cours, au même titre que la pratique ? Cela permettrait aux futurs candidats de STAPS de prendre la mesure du fait que cette filière se suit avec papier et crayon
De même, en ce qui concerne les œuvres étudiées, les ambitions éducatives pour la génération précédant la mienne étaient bien supérieures... du Victor Hugo bien plus tôt, les Lagarde et Michard en long et en travers (je me souviens en avoir utilisé un au lycée, avec une prof, pour l'étude de Rabelais...)...
K.
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- Spoiler:
- LaverdureEmpereur
Kimberlite a écrit:Si je regarde mes parents, dont l'un provient d'une famille modeste (père épicier, en milieu rural...), et l'autre d'un milieu bien bourgeois (militaire haut gradé...), je vois combien, à l'époque de leur génération, l'école permettait d'acquérir du vocabulaire et des bases culturelles similaires, quelles que soient les origines. Qu'ils soient d'origine modeste ou non, mes parents ont le même niveau de langue, à des années-lumière au-dessus de celui de mes élèves, même les meilleurs. Pourtant, du côté de la branche "modeste" la génération précédente parlait le patois...pogonophile a écrit:Si la culture générale correspondait strictement aux savoirs enseignés à l'école, alors les très bons élèves qui parlent dans cet article n'auraient pas le sentiment d'en être dépourvus.
Je trouve intéressante la situation d'une des interrogées, qui disait identifier toutes les références bibliques parce que ça faisait partie de son éducation, mais rien du reste.
Du coup je répète la question : est-ce à l'école de compenser, et si oui comment ?
Mes parents ont la capacité, tous les deux, de comprendre des données scientifiques assez complexes, et en discuter ensemble, alors que la "branche modeste" a fait des études littéraires...
Bref, oui, l'école permettait de niveler les différences, non en écrasant les têtes qui dépassent, mais en permettant aux élèves dont la famille ne pouvait pas apporter des bases culturelles suffisantes de s'insérer à différents niveaux de la société, mais aussi de mieux comprendre le monde qui les entoure. Evidemment, le parcours d'apprentissage était plus aisé pour les favorisés. Ma "branche modeste" a dû travailler durant ses études, était interne depuis le collège (mais était-ce si défavorable?)...
Et même si je pense à ma grand-mère, qui n'avait pas le certificat d'études: le peu d'école qu'elle avait fait (et encore en étant absente une partie du temps pour travaux agricoles ; elle avait aussi été "louée" enfant...) lui permettait de s'en sortir pas si mal. Elle écrivait avec très peu de fautes (à faire rougir mes meilleurs élèves), s'exprimait correctement en français alors que ce n'était pas sa langue maternelle, et jusqu'à la fin de sa vie, elle écoutait les informations à la radio et les commentait avec un niveau de compréhension et un bon sens que j'aimerais bien retrouver chez mes collégiens.
Je ne dis pas que tout était mieux avant, mais j'ai l'impression que le "choc intellectuel" dont il est question ici n'aurait point été aussi fort il y a bien des dizaines d'années (à mon époque, je pense qu'on commençait à perdre l'efficacité d'intégration de l'école qui avait été celle des générations précédentes). Les différences culturelles auraient évidemment existé en ce qui concerne certaines habitudes rurales ou ouvrières, certaines expressions, mais les étudiants arrivés en fac ne se seraient probablement pas sentis aussi largués culturellement et dans leur façon de s'exprimer clairement et précisément...
Là-dessus, je ne sais pas trop : Bourdieu et Passeron ont écrit Les Héritiers en 1964 et La Reproduction en 1970.
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- User17095Érudit
Kimberlite a écrit:
Si je regarde mes parents, dont l'un provient d'une famille modeste (père épicier, en milieu rural...), et l'autre d'un milieu bien bourgeois (militaire haut gradé...), je vois combien, à l'époque de leur génération, l'école permettait d'acquérir du vocabulaire et des bases culturelles similaires, quelles que soient les origines. Qu'ils soient d'origine modeste ou non, mes parents ont le même niveau de langue, à des années-lumière au-dessus de celui de mes élèves, même les meilleurs. Pourtant, du côté de la branche "modeste" la génération précédente parlait le patois...
Mes parents ont la capacité, tous les deux, de comprendre des données scientifiques assez complexes, et en discuter ensemble, alors que la "branche modeste" a fait des études littéraires...
Bref, oui, l'école permettait de niveler les différences, non en écrasant les têtes qui dépassent, mais en permettant aux élèves dont la famille ne pouvait pas apporter des bases culturelles suffisantes de s'insérer à différents niveaux de la société, mais aussi de mieux comprendre le monde qui les entoure. Evidemment, le parcours d'apprentissage était plus aisé pour les favorisés. Ma "branche modeste" a dû travailler durant ses études, était interne depuis le collège (mais était-ce si défavorable?)...
Et même si je pense à ma grand-mère, qui n'avait pas le certificat d'études: le peu d'école qu'elle avait fait (et encore en étant absente une partie du temps pour travaux agricoles ; elle avait aussi été "louée" enfant...) lui permettait de s'en sortir pas si mal. Elle écrivait avec très peu de fautes (à faire rougir mes meilleurs élèves), s'exprimait correctement en français alors que ce n'était pas sa langue maternelle, et jusqu'à la fin de sa vie, elle écoutait les informations à la radio et les commentait avec un niveau de compréhension et un bon sens que j'aimerais bien retrouver chez mes collégiens.
L'un n'empêche pas l'autre : le fait d'acquérir par l'école un niveau de compréhension du monde, un développement cognitif, des réseaux langagiers, est essentiel, mais ne se substitue pas à la culture dont on parle à table en famille, avec les manières qu'on acquiert, qui permettent d'être "quelqu'un dans le monde", et non pas seulement un bon élève.
Encore une fois, c'est ce qu'Annie Ernaux décrit abondamment, avec un mot-sentiment qui revient tout le temps, celui d'être déplacée. Cela commence par le langage, les immiscions du patois ou les tournures fautives, qu'elle corrige à l'école, puis qu'elle essaie de corriger chez ses parents... ces derniers lui font progressivement honte, elle a honte d'elle-même. Même décalage avec l'ivresse de la métamorphose, de Stefan Zweig, où la jeune fille qui passe un court séjour chez les grands bourgeois n'est pas seulement étourdie et embarrassée par le luxe, mais aussi et surtout par le mode de vie, la légèreté, l'assise culturelle, qu'elle ne parvient à imiter qu'un instant avant d'être révélée pour la plouc qu'elle est demeurée.
- RogerMartinBon génie
ipomee a écrit:Mathilde de la Mole ?
Elle-même
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Yo, salut ma bande ! disait toujours le Samouraï.
I User5899.
User 17706 s'est retiré à Helsingør.
Strange how paranoia can link up with reality now and then.
- PrezboGrand Maître
Kimberlite a écrit:
Si je regarde mes parents, dont l'un provient d'une famille modeste (père épicier, en milieu rural...), et l'autre d'un milieu bien bourgeois (militaire haut gradé...), je vois combien, à l'époque de leur génération, l'école permettait d'acquérir du vocabulaire et des bases culturelles similaires, quelles que soient les origines. Qu'ils soient d'origine modeste ou non, mes parents ont le même niveau de langue, à des années-lumière au-dessus de celui de mes élèves, même les meilleurs. Pourtant, du côté de la branche "modeste" la génération précédente parlait le patois...
Mes parents ont la capacité, tous les deux, de comprendre des données scientifiques assez complexes, et en discuter ensemble, alors que la "branche modeste" a fait des études littéraires...
Bref, oui, l'école permettait de niveler les différences, non en écrasant les têtes qui dépassent, mais en permettant aux élèves dont la famille ne pouvait pas apporter des bases culturelles suffisantes de s'insérer à différents niveaux de la société, mais aussi de mieux comprendre le monde qui les entoure. Evidemment, le parcours d'apprentissage était plus aisé pour les favorisés. Ma "branche modeste" a dû travailler durant ses études, était interne depuis le collège (mais était-ce si défavorable?)...
Ca me semble très idéalisé. On peut trouver de nombreux témoignages, jusqu'au milieu/fin des années 70 (avant la massification de l'enseignement secondaire, donc) d'élèves racontant comment l'arrivée au lycée avait été pour eu un choc culturel. A commencer -témoignage familial pour témoignage familial- par celui de ma mère, élève brillante de milieu très modeste envoyée (suite à un conseil du curé aux parents) en pension dès la sixième dans le meilleur lycée du département, qui s'est retrouvée mélangée aux filles de bourgeois, de médecins et même à celle du préfet du coin, et qui à découvert tout à coup avec effaremment que ses copines étaient déjà toutes allées au théatre, allées au ski, prenaient des cours de piano...
Bref, je dirais que l'école permettait peut-être mieux d'acquérir des bases scolaires similaires, et parvenait à un idéal de progrès dans les connaissances de génération en génération, mais pas forcémment qu'elle donnait les bases culturelles suffisantes pour s'insérer dans toutes les couches de la société.
Encore aujourd'hui, ma mère remarque (non sans une pointe de jalousie) qu'elle est devenue instit, et que certaines de ses copines filles de médecin et moins bonnes qu'elle au lycée sont devenues...médecin.
(Elle s'est aussi mariée à un ouvrier venu du même milieu et de la même ville qu'elle. Je n'y vois pas de hasard.)
- gauvain31Empereur
liliepingouin a écrit:
Je regrette beaucoup sa disparition: peut-être que les enfants au capital culturel plus riche réussissaient mieux, mais cette épreuve apportait vraiment quelque chose aux plus modestes. Sous prétexte de gommer les inégalités, j'ai l'impression qu'on enfonce toujours un peu plus les catégories populaires. Au lieu de les pousser vers le haut, on essaie plutôt de faire baisser ou de masquer la culture des autres... ça me désole, et ça ne mène qu'à tirer tout le monde vers le bas.
Oui , c'est ce que ne veulent pas voir certains les inspecteurs: c'est à dire l'existence d'une transmission ailleurs qu'à l'école et qui accroît les différences de capital culturel et langagier d'années en années .
D'ailleurs pas mal de pédagogie prônée par mes inspecteurs suppose l'acquisition d'une aisance et une structuration intellectuelle qu'on rencontre mois souvent chez les élèves issus de CSP- .
Bref je ne l'ai jamais dit à mon IPR, mais ce qu'elle me demande de faire , c'est de la pédagogie pour "enfants de riches". C'est caricatural de parler comme ça je sais, mais c'est souvent le sentiment que j'ai quand elle expose ses points de vue
- VinZTDoyen
RogerMartin a écrit:ipomee a écrit:Mathilde de la Mole ?
Elle-même
Ah … La Mole, belle commune varoise, non loin de Cogolin, village d'artisanat réputée pour ses pipes …
Puisqu'on parle culture, savez-vous que les meilleures anches pour saxophones et clarinettes sont faites avec des roseaux varois ?
Mais on s'éloigne du sujet.
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« Il ne faut pas croire tout ce qu'on voit sur Internet » Victor Hugo.
« Le con ne perd jamais son temps. Il perd celui des autres. » Frédéric Dard
« Ne jamais faire le jour même ce que tu peux faire faire le lendemain par quelqu'un d'autre » Pierre Dac
« Je n'ai jamais lâché prise !» Claude François
« Un économiste est un expert qui saura demain pourquoi ce qu'il avait prédit hier ne s'est pas produit aujourd'hui. » Laurence J. Peter
- KimberliteExpert
Oui mais le début de l'article (je ne peux lire la suite) parle bien d'une impression de décalage à la fac, en réalisant qu'on n'a pas la faculté de s'exprimer aussi bien que les autres, qu'on n'a pas les mêmes connaissances! C'est là que l'école est en faillite (et peut-être bien que cet article mélange sans problème des choses qui sont en effet différentes!pogonophile a écrit:
L'un n'empêche pas l'autre : le fait d'acquérir par l'école un niveau de compréhension du monde, un développement cognitif, des réseaux langagiers, est essentiel, mais ne se substitue pas à la culture dont on parle à table en famille, avec les manières qu'on acquiert, qui permettent d'être "quelqu'un dans le monde", et non pas seulement un bon élève.
Encore une fois, c'est ce qu'Annie Ernaux décrit abondamment, avec un mot-sentiment qui revient tout le temps, celui d'être déplacée. Cela commence par le langage, les immiscions du patois ou les tournures fautives, qu'elle corrige à l'école, puis qu'elle essaie de corriger chez ses parents... ces derniers lui font progressivement honte, elle a honte d'elle-même. Même décalage avec l'ivresse de la métamorphose, de Stefan Zweig, où la jeune fille qui passe un court séjour chez les grands bourgeois n'est pas seulement étourdie et embarrassée par le luxe, mais aussi et surtout par le mode de vie, la légèreté, l'assise culturelle, qu'elle ne parvient à imiter qu'un instant avant d'être révélée pour la plouc qu'elle est demeurée.
Les fameuses manières pour "être quelqu'un dans le monde" n'ont rien à voir avec ceci:« Ils m’impressionnaient par leurs connaissances. Devant leurs phrases si bien construites, je me suis dit : “Des gens savent vraiment parler comme ça ?” Les mots qu’ils employaient voulaient dire tout ce que je ressentais et que je n’arrivais pas à nommer. »
La personne qui explique ça doit être de ma génération, puisque son père est de la génération de mes parents...
Mon époque est celle de l'effondrement de l'apprentissage de la lecture. Ma prof de 6ème, ancienne instit' (PEGC), n'en revenait pas des difficultés de nombreux de mes camarades. Les ambitions littéraires étaient par conséquent diminuées par rapport à avant, et nous avons fait de grosses remises à niveau en grammaire notamment... (et elle prenait les plus en difficulté le mercredi après-midi pour du rattrapage).
« Je me suis vite sentie en décalage. Beaucoup venaient de familles de professeurs, ils avaient grandi en écoutant France Inter, étaient allés plusieurs fois au musée et avaient beaucoup de connaissances politiques ou historiques qui m’étaient inconnues. »
Le décalage d'environnement était probablement encore plus grand pour ma branche modeste, se retrouvant à la fac... mais je n'ai jamais entendu ceci de sa part. Le décalage était financier, dans les habits, dans une certaine timidité, mais n'était pas un frein aux études ni à l'intégration.
Il faut aussi considérer qu'à l'époque de mes parents, le collège et le lycée, et même l'école primaire, accueillaient probablement des enfants aux origines plus variées. Dans chaque village, il y avait des notables... les élèves se retrouvaient souvent internes avec d'autres élèves pour des raisons de distance et non d'origine sociale. On connaissait donc les "attributs" des autres classes sociales avant.
Si je pense à mon collège, nous avons bien cependant des élèves issus de familles plus favorisées. Je ne sais pas à quel point les autres élèves réalisent que ceux-ci n'ont pas le même "bagage"...
OK, mais on ne parle pas du même truc! Là je parlais de capacité à s'exprimer, à avoir un bagage culturel commun, classique, qui permette tout de même un minimum d'aisance pour la suite.Prezbo a écrit:Ca me semble très idéalisé. On peut trouver de nombreux témoignages, jusqu'au milieu/fin des années 70 (avant la massification de l'enseignement secondaire, donc) d'élèves racontant comment l'arrivée au lycée avait été pour eu un choc culturel. A commencer -témoignage familial pour témoignage familial- par celui de ma mère, élève brillante de milieu très modeste envoyée (suite à un conseil du curé aux parents) en pension dès la sixième dans le meilleur lycée du département, qui s'est retrouvée mélangée aux filles de bourgeois, de médecins et même à celle du préfet du coin, et qui à découvert tout à coup avec effaremment que ses copines étaient déjà toutes allées au théatre, allées au ski, prenaient des cours de piano...
Pour mon cas familial, le collège étant le seul de la zone, il y avait une bonne variété d'origines (zones rurales, un peu montagneuses...).
Tout dépend ce que tu appelles "toutes les couches de la société", et "s'insérer": dans la génération de mes parents, le handicap pour les études n'était à mon avis pas si grand (ce qui coinçait était plutôt financier!), et les études permettaient (évidemment pas pour tous...) d'atteindre des emplois qui n'auraient pu être envisagés avant (pour la génération de mes grands-parents), dont des emplois d'ingénieurs, médecins, profs, etc. Pour faire de tels métiers, pas besoin d'être "pouet-pouet" et lever le petit doigt en buvant son thé. OK, ambassadeur par exemple, c'était peut-être plus difficile (mais là, on tape dans "haute", où pas grand monde ne peut aller... et qu'on soit enfant de petit paysan ou de prof, c'est pas gagné...).
Bref, je dirais que l'école permettait peut-être mieux d'acquérir des bases scolaires similaires, et parvenait à un idéal de progrès dans les connaissances de génération en génération, mais pas forcémment qu'elle donnait les bases culturelles suffisantes pour s'insérer dans toutes les couches de la société
Enfin, s'insérer, est-ce que c'est "faire partie de groupes de bourgeois durant l'enfance" ou bien "obtenir un boulot et une position sociale confortable à l'âge adulte"?
Mouais, ça ne prouve pas qu'elle a été handicapée dans sa réussite par ses origines (du moins pas dans ses capacités, mais peut-être dans ses ambitions, ce qui est différent).Encore aujourd'hui, ma mère remarque (non sans une pointe de jalousie) qu'elle est devenue instit, et que certaines de ses copines filles de médecin et moins bonnes qu'elle au lycée sont devenues...médecin.
Ce serait intéressant de considérer la part de "mariages mixtes" entre la génération de mes parents et les suivantes... je pourrais tout aussi bien dire l'inverse pour mes parents: que la société (et l'école) de l'époque permettait des rencontres et des ambitions qu'elle ne permet plus aujourd'hui. Je ne sais pas de quelle génération tu es. Mes parents sont du début des fameuses trente glorieuses. Ils ont passé le bac en 68...(Elle s'est aussi mariée à un ouvrier venu du même milieu et de la même ville qu'elle. Je n'y vois pas de hasard.)
K.
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- Spoiler:
- New ZealandNiveau 9
gauvain31 a écrit:liliepingouin a écrit:
Je regrette beaucoup sa disparition: peut-être que les enfants au capital culturel plus riche réussissaient mieux, mais cette épreuve apportait vraiment quelque chose aux plus modestes. Sous prétexte de gommer les inégalités, j'ai l'impression qu'on enfonce toujours un peu plus les catégories populaires. Au lieu de les pousser vers le haut, on essaie plutôt de faire baisser ou de masquer la culture des autres... ça me désole, et ça ne mène qu'à tirer tout le monde vers le bas.
Oui , c'est ce que ne veulent pas voir certains les inspecteurs: c'est à dire l'existence d'une transmission ailleurs qu'à l'école et qui accroît les différences de capital culturel et langagier d'années en années .
D'ailleurs pas mal de pédagogie prônée par mes inspecteurs suppose l'acquisition d'une aisance et une structuration intellectuelle qu'on rencontre mois souvent chez les élèves issus de CSP- .
Bref je ne l'ai jamais dit à mon IPR, mais ce qu'elle me demande de faire , c'est de la pédagogie pour "enfants de riches". C'est caricatural de parler comme ça je sais, mais c'est souvent le sentiment que j'ai quand elle expose ses points de vue
Ce n'est pas caricatural, c'est un fait. Tout comme les EPI sont intéressants pour les bons élèves car ils leur permettent de créer des liens entre les différentes matières, de développer leurs capacités cognitives (raisonnement, mises en relation, généralisation, etc.) alors que la plupart des élèves rencontrent déjà des difficultés dans chaque matière.
Oui, il faudrait différencier, mais alors il faudrait avoir des classes de niveau, afin que chacun puisse bénéficier des compétences des profs, car dans certains établissements, on leur demande de faire le grand écart. Pour moi, le rejet des classes de niveau est un mythe. Les élèves qui n'ont pas envie d'apprendre et qui n'étudient pas chez eux vont être motivés par les meilleurs de la classe ? Quelle blague !
- gauvain31Empereur
Oui en fait cette impression s'est confirmée quand je l'ai revu il y a un mois hors inspection; elle parlait de la démarche scientifique en se demandant (faussement) s'il vaudrait pas mieux laisser tomber l'apprentissage de cette démarche avec les " J'observe que ; je sais que , j'en déduis que...; en laissant les élèves se débrouiller tout seul. Quand elle a vu ma tête, elle a commencé à nuancer ses propos avec des "peut-être, je me demande"; et je lui ai diplomatiquement dit que tous les élèves n'ont pas la même façon de raisonner et que certains ont besoin de points de repère notamment les plus faibles et que seuls ceux qui ont une aisance intellectuelle et langagière se retrouveront dans cette façon de faire.... la discussion a tourné court; elle a enchaîné très rapidement avec un tout autre thème de discussion comme gênée (un peu comme si j'avais cerné ses intentions, c'était très étrange, cela faisait 3 ans qu'on ne s'était pas revu)
Mais mon milieu familial et le fait que je me suis accompli fait que je pense l'EN française par le prisme de la lutte des classe : je m'explique. Ma sœur est administratrice d'un grand musée toulousain (cadre A grade d' attachée territoriale) ; notre père a quitté l'école à 12 ans en 1945 (travail au champ puis maraîcher puis ouvrier), notre mère à 14 ans en 1957 (formation de couturière mais n'a jamais travaillé). Nous sommes tous les deux des purs produits de la "méritocratie républicaine" sans cours particuliers à la maison et j'ai énormément à cœur de déceler et de dénoncer les mécanismes politiques pédagogiques idéologiques qui mettent des bâtons dans les roues des élèves issus de CSP- . En tant que TZR depuis toujours , je peux voir en avant plan comment 10 ans de réformes enchaînées depuis Châtel accroît les inégalités entre établissements. Et ça me fait énormément souffrir, car bientôt on ne va plus du tout pouvoir donner toutes les clés pour sortir de leur situation les enfants de mon ancien milieu .
D'ailleurs là où je me sens le moins à l'aise, c'est quand je tombe sur un établissement "ghetto" composé de 90% CSP+++ (car les rares fils ou filles d'agriculteur souffrent énormément) ou de 90% CSP--- ( un décalage trop important entre des élèves trop faibles qui pensent être dans leur bon droit et les attentes du lycée ) . Tout ceci dans un même secteur (Toulouse); et quand je vois les options latin qui disparaissent ça me remplit de colère (j'ai fait option latin au lycée).
Comme Bégaudeau, le milieu bourgeois ne m'a jamais fait rêver depuis le départ, je suis content de ne pas être comme eux. J'ai réellement découvert ce que c'est le milieu bourgeois quand je suis parti en Picardie dans un collège de centre-ville : hautain , hypocrite, menteur, coincé, et dans le déni. Le pouilleux du Béarn (avec son accent ) que j'étais faisait tâche :lol: Je n'avais pas les "codes"
Mais en même temps je sais que ça me donne un discernement, une lucidité un recul que n'ont pas certains IPR et certains CDE qui ont vécu ou travailler dans un même milieu. Mes états de service, avec le temps qui passe, me donnent un peu de crédit (lors de ma précédente inspection l'IPR a passé beaucoup de temps à lire sur une feuille tous mes établissements d'affectation) :lol:
Zagara a écrit:: J'ai gardé ma manière violente et aléatoire de parler, alors que ça fait 10 ans que je suis immergée dans "la bonne société". Smile Un jour sur deux j'en ai honte, et un jour sur deux je me dis que c'est grâce au fait que je ne suis pas d'origine bourgeoise que j'ai de la réussite dans mes recherches (mes sujets et mes manières de les aborder ne pourraient pas être faits par quelqu'un de précieux ou compassé, ça c'est clair).
Mais mon milieu familial et le fait que je me suis accompli fait que je pense l'EN française par le prisme de la lutte des classe : je m'explique. Ma sœur est administratrice d'un grand musée toulousain (cadre A grade d' attachée territoriale) ; notre père a quitté l'école à 12 ans en 1945 (travail au champ puis maraîcher puis ouvrier), notre mère à 14 ans en 1957 (formation de couturière mais n'a jamais travaillé). Nous sommes tous les deux des purs produits de la "méritocratie républicaine" sans cours particuliers à la maison et j'ai énormément à cœur de déceler et de dénoncer les mécanismes politiques pédagogiques idéologiques qui mettent des bâtons dans les roues des élèves issus de CSP- . En tant que TZR depuis toujours , je peux voir en avant plan comment 10 ans de réformes enchaînées depuis Châtel accroît les inégalités entre établissements. Et ça me fait énormément souffrir, car bientôt on ne va plus du tout pouvoir donner toutes les clés pour sortir de leur situation les enfants de mon ancien milieu .
D'ailleurs là où je me sens le moins à l'aise, c'est quand je tombe sur un établissement "ghetto" composé de 90% CSP+++ (car les rares fils ou filles d'agriculteur souffrent énormément) ou de 90% CSP--- ( un décalage trop important entre des élèves trop faibles qui pensent être dans leur bon droit et les attentes du lycée ) . Tout ceci dans un même secteur (Toulouse); et quand je vois les options latin qui disparaissent ça me remplit de colère (j'ai fait option latin au lycée).
Comme Bégaudeau, le milieu bourgeois ne m'a jamais fait rêver depuis le départ, je suis content de ne pas être comme eux. J'ai réellement découvert ce que c'est le milieu bourgeois quand je suis parti en Picardie dans un collège de centre-ville : hautain , hypocrite, menteur, coincé, et dans le déni. Le pouilleux du Béarn (avec son accent ) que j'étais faisait tâche :lol: Je n'avais pas les "codes"
Mais en même temps je sais que ça me donne un discernement, une lucidité un recul que n'ont pas certains IPR et certains CDE qui ont vécu ou travailler dans un même milieu. Mes états de service, avec le temps qui passe, me donnent un peu de crédit (lors de ma précédente inspection l'IPR a passé beaucoup de temps à lire sur une feuille tous mes établissements d'affectation) :lol:
- KimberliteExpert
J'ai l'impression que certains idéologues/sociologues utilisent des raisonnements malhonnêtes pour arriver à leur fin (un fil parlant de promotion sociale m'a laissé cette impression, mais le fil a été fermé au moment où je voulais répondre pour préciser une des failles de raisonnement de l'auteur).
On observe un glissement entre l'idée de "culture bourgeoise qui ne serait qu'un vernis pour écraser l'autre" et l'idée de "culture générale"...
C'est assez pratique, car beaucoup vont adhérer à cette idée de "l'école avantage les riches car elle se base sur les codes qu'ils utilisent": évidemment, quasiment tous les français vont trouver une "classe supérieure à la leur", qui leur semble avantagée, favorisée (ce qui permet de relativiser ses propres échecs ou non réalisations...).
C'est une façon plus subtile de mettre une fois de plus la responsabilité sur le dos de l'école.
Personnellement, ce que j'ai vu des bourgeois de ma génération (petits bourgeois de province, c'est peut-être différent ailleurs?) n'était pas tellement un partage culturel... à moins qu'on considère comme culture générale le fait de porter des habits de marque, de mépriser les profs, et de faire semblant de ne pas travailler. Le niveau de culture générale était déjà en plein effondrement. Je n'ai pas souvenir d'avoir été impressionnée par des camarades de fac, et j'ai observé rapidement que ce qui permettait de réussir et obtenir une place n'était ni la grande qualité d'expression des gens, ni leur culture scientifique (ceux que j'ai vu obtenir une place avaient le maître de stage, le bon directeur de thèse, les dents assez longues, une bonne capacité de travail, savaient faire jouer le relationnel... mais j'ai souvent été atterrée par le faible niveau de culture scientifique des gens que j'ai côtoyés en DEA, puis en thèse, et après... alors que j'ai vu par contre des pointures du côté des profs... mais c'était la génération d'avant!). Et j'ai pu réaliser à quel point, dans un monde où tout s'accélère et où des connaissances de plus en plus pointues sont nécessaires (cuisine de la biologie moléculaire, de la modélisation...), un bagage culturel était inutile (voire parfois même néfaste!).
Je pense qu'il existe une confusion aussi entre intellectuels et bourgeois... les intellectuels sont en voie de disparition, et maintenant haïs en France tant par les bourgeois que par les classes populaires. La haine de notre profession en est une des facettes. Le monde est à la finance, au bling bling...
K.
On observe un glissement entre l'idée de "culture bourgeoise qui ne serait qu'un vernis pour écraser l'autre" et l'idée de "culture générale"...
C'est assez pratique, car beaucoup vont adhérer à cette idée de "l'école avantage les riches car elle se base sur les codes qu'ils utilisent": évidemment, quasiment tous les français vont trouver une "classe supérieure à la leur", qui leur semble avantagée, favorisée (ce qui permet de relativiser ses propres échecs ou non réalisations...).
C'est une façon plus subtile de mettre une fois de plus la responsabilité sur le dos de l'école.
Personnellement, ce que j'ai vu des bourgeois de ma génération (petits bourgeois de province, c'est peut-être différent ailleurs?) n'était pas tellement un partage culturel... à moins qu'on considère comme culture générale le fait de porter des habits de marque, de mépriser les profs, et de faire semblant de ne pas travailler. Le niveau de culture générale était déjà en plein effondrement. Je n'ai pas souvenir d'avoir été impressionnée par des camarades de fac, et j'ai observé rapidement que ce qui permettait de réussir et obtenir une place n'était ni la grande qualité d'expression des gens, ni leur culture scientifique (ceux que j'ai vu obtenir une place avaient le maître de stage, le bon directeur de thèse, les dents assez longues, une bonne capacité de travail, savaient faire jouer le relationnel... mais j'ai souvent été atterrée par le faible niveau de culture scientifique des gens que j'ai côtoyés en DEA, puis en thèse, et après... alors que j'ai vu par contre des pointures du côté des profs... mais c'était la génération d'avant!). Et j'ai pu réaliser à quel point, dans un monde où tout s'accélère et où des connaissances de plus en plus pointues sont nécessaires (cuisine de la biologie moléculaire, de la modélisation...), un bagage culturel était inutile (voire parfois même néfaste!).
Je pense qu'il existe une confusion aussi entre intellectuels et bourgeois... les intellectuels sont en voie de disparition, et maintenant haïs en France tant par les bourgeois que par les classes populaires. La haine de notre profession en est une des facettes. Le monde est à la finance, au bling bling...
K.
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- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
Zagara a écrit:
En gros les codes sociaux bourgeois correspondent à l'habitus valorisé dans les milieux très favorisés (je ne parle pas d'argent mais de capital symbolique : on peut être riche et être un gueux exclu de cette sociabilité : le fameux arriviste). C'est-à-dire l'ensemble de gestes, d'attitudes, de mots, de manières de parler, incorporés dès l'enfance... en fait les anecdotes, la "culture générale", ne sont que le glacis, la petite cerise, sur le gros gâteau de l'habitus bourgeois. C'est cet habitus qui fait que tu te sens écrasé socialement en discutant avec des gens d'une classe sociale nettement plus haute. C'est totalement inconscient : ils ne cherchent pas à écraser autrui et sont généralement très gentils ; mais le hiatus est tel que ça s'en ressent automatiquement, à l'insu des parties (c'est la fameuse "violence symbolique").
« Dans leurs regards indifférents flottait la quiétude de passions journellement assouvies ; et, à travers leurs manières douces, perçait cette brutalité particulière que communique la domination de choses à demi faciles, dans lesquelles la force s’exerce et où la vanité s’amuse, le maniement des chevaux de race et la société des femmes perdues. »
- VolubilysGrand sage
Vous connaissez le roman "Papa longues jambes" de Jean Webster (la version livre, hein, pas l'horrible série télé) (oui, c'est un roman jeunesse), c'est l'histoire d'une orpheline dans les années 20 qui obtient une bourse pour aller dans une université pour riche héritière. Le "choc des cultures" est très intéressant, et surtout la réaction et l'évolution de l'héroïne face à son ignorance.
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Je vous prie de m'excuser si mes messages contiennent des coquilles, je remercie les personnes qui me les signaleront par mp pour que je puisse les corriger.
- OrlandaFidèle du forum
Cet article est assez ringard, au fond. Le capital culturel n'est pas, loin de là, ce qui sépare désormais les Julie - qui n'est pas bien gueuse, d'ailleurs, puisqu'elle connaissait l'existence des CPGE -, des enfants des classes dominantes. Eux s'en tamponnent le coquillard, ils n'en ont pas besoin.
Il n'y a guère que les profs, les bobos et les intellos précaires qui la valorisent, mais elle ne mène plus à rien que d'honorifique, ou à se fourvoyer dans une belle thèse qui vous condamnera à enseigner jusqu'à ce que mort s'en suive. Mes camarades de prépa les plus conscients des règles de l'arrivisme n'étaient pas les plus cultivés, loin de là. Mais ils sont devenus journalistes sportifs, analystes financiers à Londres, assistants parlementaires, directeurs d'hôpitaux. Quand j'y pense, j'étais bien bête de tout miser sur ma tête. Ce sont eux qui avaient raison - et en plus ils ont plus fait la fête que moi - ...
Il n'y a guère que les profs, les bobos et les intellos précaires qui la valorisent, mais elle ne mène plus à rien que d'honorifique, ou à se fourvoyer dans une belle thèse qui vous condamnera à enseigner jusqu'à ce que mort s'en suive. Mes camarades de prépa les plus conscients des règles de l'arrivisme n'étaient pas les plus cultivés, loin de là. Mais ils sont devenus journalistes sportifs, analystes financiers à Londres, assistants parlementaires, directeurs d'hôpitaux. Quand j'y pense, j'étais bien bête de tout miser sur ma tête. Ce sont eux qui avaient raison - et en plus ils ont plus fait la fête que moi - ...
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"Nous vivons à une époque où l'ignorance n'a plus honte d'elle-même". Robert Musil
- KimberliteExpert
Orlanda: j'ai la même perception que toi. En fait, j'ai l'impression qu'il y a un certain "retour de bâton" actuellement pour les descendants de "ceux qui ont réussi grâce à l'école". Les parents ayant pu profiter de cette promotion sociale, souvent très positifs par rapport au savoir, à l'école, ont transmis à leurs enfants une foi en l'école et leur amour de l'apprentissage. Or, cette transmission a pour bon nombre d'entre eux été néfaste: combien d'étudiants partis dans des études longues, passionnantes, mais menant à une impasse? Il serait intéressant de comparer le profil sociologique des étudiants en thèse et celui de ceux partis en école de commerce...
A mon époque, les prépas scientifiques étaient encore considérées comme porteuses, mais on était au point de bascule: rapidement, on a vu les "fils et filles à papa" se reporter sur les formations en économie ou en droit... c'est d'ailleurs la même chose pour médecine et pharmacie. Je trouve toujours assez ironique que les prépas soient visées comme "facteur de discrimination", alors que beaucoup se sont même retrouvées à faire de la publicité pour ne pas sombrer!
A mon époque, les prépas scientifiques étaient encore considérées comme porteuses, mais on était au point de bascule: rapidement, on a vu les "fils et filles à papa" se reporter sur les formations en économie ou en droit... c'est d'ailleurs la même chose pour médecine et pharmacie. Je trouve toujours assez ironique que les prépas soient visées comme "facteur de discrimination", alors que beaucoup se sont même retrouvées à faire de la publicité pour ne pas sombrer!
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- IphigénieProphète
La culture générale porte mal son nom: il faudrait l’appeler la culture personnelle, qui n’est ni l’art de se comporter dans les salons ni ce que transmet la caste mais plus simplement le fruit de la curiosité personnelle. Se poser la question de savoir si l’école doit ou peut la transmettre c’est déjà s’en écarter: il y a un moment où l’individu a son rôle à jouer: sinon Camus aurait fait des ménages et Diderot des couteaux. Ils auraient sans doute pu écrire ce que dit Annie Ernaux sur la honte de leurs origines, mais non: question de caractère, d’époque aussi sans doute .
L’école doit transmettre des connaissances mais elle ne peut pas livrer tout clé en mains: je dirais même que depuis qu’elle s’épuise à s’occuper d’autre chose que de donner des savoirs pour aller vers la gestion globale du vivre-ensemble elle comble de moins en moins les défaillances et au contraire propage l'idée à mon sens pernicieuse que tout doit être donné, en sacralisant un statut de victime.
Tout à fait d’accord avec ce que dit Gauvain sur le pouvoir émancipateur du savoir, justement.
Et par ailleurs Orlanda a tout à fait raison sur le caractère ringard de ce débat, la culture n’étant plus un marqueur social que dans les débats des intellos ex de gauche :lol:
L’école doit transmettre des connaissances mais elle ne peut pas livrer tout clé en mains: je dirais même que depuis qu’elle s’épuise à s’occuper d’autre chose que de donner des savoirs pour aller vers la gestion globale du vivre-ensemble elle comble de moins en moins les défaillances et au contraire propage l'idée à mon sens pernicieuse que tout doit être donné, en sacralisant un statut de victime.
Tout à fait d’accord avec ce que dit Gauvain sur le pouvoir émancipateur du savoir, justement.
Et par ailleurs Orlanda a tout à fait raison sur le caractère ringard de ce débat, la culture n’étant plus un marqueur social que dans les débats des intellos ex de gauche :lol:
- Dame JouanneÉrudit
C'est aussi mon avis. Il y a vraiment confusion entre culture bourgeoise (à mon époque en province plutôt les fringues de marque, aller à Roland Garos,...)et culture générale. Peut-être que suivre des études scientifiques et ne pas faire ses études à Paris ne m'a pas fait côtoyer la bonne société et mesurer l'écart, mais je n'ai jamais vu ces "codes" qui empêcheraient toute promotion sociale. J'ai par contre des amis issus de milieu modeste (agriculteurs, petit commerçant) qui travaillent maintenant pour une grande boite de couture ou comme ingénieurs dans des grandes entreprises. S'il y a décalage effectivement pour celle qui travaille dans la couture, c'est le coté bling bling de son entreprise, pas le niveau culturel....Kimberlite a écrit:J'ai l'impression que certains idéologues/sociologues utilisent des raisonnements malhonnêtes pour arriver à leur fin (un fil parlant de promotion sociale m'a laissé cette impression, mais le fil a été fermé au moment où je voulais répondre pour préciser une des failles de raisonnement de l'auteur).
On observe un glissement entre l'idée de "culture bourgeoise qui ne serait qu'un vernis pour écraser l'autre" et l'idée de "culture générale"...
C'est assez pratique, car beaucoup vont adhérer à cette idée de "l'école avantage les riches car elle se base sur les codes qu'ils utilisent": évidemment, quasiment tous les français vont trouver une "classe supérieure à la leur", qui leur semble avantagée, favorisée (ce qui permet de relativiser ses propres échecs ou non réalisations...).
C'est une façon plus subtile de mettre une fois de plus la responsabilité sur le dos de l'école.
Personnellement, ce que j'ai vu des bourgeois de ma génération (petits bourgeois de province, c'est peut-être différent ailleurs?) n'était pas tellement un partage culturel... à moins qu'on considère comme culture générale le fait de porter des habits de marque, de mépriser les profs, et de faire semblant de ne pas travailler. Le niveau de culture générale était déjà en plein effondrement. Je n'ai pas souvenir d'avoir été impressionnée par des camarades de fac, et j'ai observé rapidement que ce qui permettait de réussir et obtenir une place n'était ni la grande qualité d'expression des gens, ni leur culture scientifique (ceux que j'ai vu obtenir une place avaient le maître de stage, le bon directeur de thèse, les dents assez longues, une bonne capacité de travail, savaient faire jouer le relationnel... mais j'ai souvent été atterrée par le faible niveau de culture scientifique des gens que j'ai côtoyés en DEA, puis en thèse, et après... alors que j'ai vu par contre des pointures du côté des profs... mais c'était la génération d'avant!). Et j'ai pu réaliser à quel point, dans un monde où tout s'accélère et où des connaissances de plus en plus pointues sont nécessaires (cuisine de la biologie moléculaire, de la modélisation...), un bagage culturel était inutile (voire parfois même néfaste!).
Je pense qu'il existe une confusion aussi entre intellectuels et bourgeois... les intellectuels sont en voie de disparition, et maintenant haïs en France tant par les bourgeois que par les classes populaires. La haine de notre profession en est une des facettes. Le monde est à la finance, au bling bling...
K.
- IphigénieProphète
:lol:Fesseur Pro a écrit:@Balance ton portIphigénie a écrit:le Pirée est un homme
Mytho!
- Dame JouanneÉrudit
Oui, c'est ironique de voir qu'on les accuse, maintenant qu'elles ne sont pas au meilleur de leur forme, "d'élitistes" et "discriminantes" alors que pour ma génération elles ont été souvent un facteur de promotion sociale, surtout les scientifiques.Kimberlite a écrit:Orlanda: j'ai la même perception que toi. En fait, j'ai l'impression qu'il y a un certain "retour de bâton" actuellement pour les descendants de "ceux qui ont réussi grâce à l'école". Les parents ayant pu profiter de cette promotion sociale, souvent très positifs par rapport au savoir, à l'école, ont transmis à leurs enfants une foi en l'école et leur amour de l'apprentissage. Or, cette transmission a pour bon nombre d'entre eux été néfaste: combien d'étudiants partis dans des études longues, passionnantes, mais menant à une impasse? Il serait intéressant de comparer le profil sociologique des étudiants en thèse et celui de ceux partis en école de commerce...
A mon époque, les prépas scientifiques étaient encore considérées comme porteuses, mais on était au point de bascule: rapidement, on a vu les "fils et filles à papa" se reporter sur les formations en économie ou en droit... c'est d'ailleurs la même chose pour médecine et pharmacie. Je trouve toujours assez ironique que les prépas soient visées comme "facteur de discrimination", alors que beaucoup se sont même retrouvées à faire de la publicité pour ne pas sombrer!
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