- DesolationRowEmpereur
Cripure a écrit:La vraie question, dans tout ça, c'est de savoir ce qu'est la démarche de lecture. S'agit-il, quand nous prenons un livre, voyons un tableau, écoutons de la musique, voyons un film, de remonter à son auteur, ou d'expliciter le sens que nous construisons à partir de l'oeuvre en relation avec nous. Chercher (et dire aux élèves qu'on cherche) à remonter à la volonté d'un type mort me semble vide de sens, du domaine de l'archive. Chercher pourquoi une oeuvre "vieille" de quatre siècles nous fait encore vibrer ressortit à une autre démarche, mais je veux bien admettre que ça puisse se discuter.thibotten a écrit:Cripure a écrit:
C'est quand même bien pervers (et intellectuellement surprenant, pour rester poli) de penser qu'un texte permet de remonter aux intentions. Quand on voit la durée moyenne d'une psychanalyse... Ce qu'a voulu dire Machin, je ne sais pas ; en revanche, ce qu'il a dit, je l'ai sous les yeux, et ça tombe bien
Et même si on pouvait lui demander, Ysabel... Depuis quand un auteur est-il le mieux placé pour parler de ses livres ? C'est ce que nous écrivons nous-mêmes que nous avons le plus de mal à relire, vous n'avez pas remarqué ? Umberto Eco a écrit des choses très simples et très percutantes là-dessus (Apostille au Nom de la rose)
Le "donc" me semble drôlement problématique, tant nous disons de choses dont nous ne nous apercevons qu'après le désastre...
Tant que ça ? Ce n'est pas la première fois que je lis ce genre d'idées dans vos messages, et je dois avouer que je ne suis pas d'accord. Certes, on peut dire des choses sans en avoir conscience, avoir des propos qui dépassent notre pensée etc. mais il ne faut pas accorder à l'inconscient plus d'importance qu'il n'en mérite. La plupart du temps, quand nous nous exprimons, ce que nous disons coïncide avec ce que nous voulons dire et c'est aussi ce que l'interlocuteur comprend. Si ce n'était pas le cas, toute communication serait pour ainsi dire impossible.
J'ajoute que plus on a réfléchi à ce qu'on allait dire, moins le risque de laisser nos paroles nous échapper est grand. Or, s'il y a une personne qui réfléchit longuement à la manière dont elle va dire ce qu'elle dit, c'est bien un écrivain. Parce que même si je veux bien croire qu'il soit difficile de se relire soi-même une fois l'oeuvre publiée, j'ose néanmoins espérer que, pendant le travail de création, il s'est relu, et plus d'une fois. Une grande partie de ce travail consiste justement à choisir le mot (la phrase, la figure de style, l'organisation...) qui exprime le plus précisément possible ce qu'il veut (consciemment) dire.
Ce qui ne veut pas dire qu'un lecteur ne puisse pas voir dans un livre des choses auxquelles n'avaient pas pensé l'écrivain, mais de là à penser que ces choses sont majoritaires...
J'espère ne pas vous avoir trop "surpris intellectuellement" . Bon, c'est promis, je relirai bientôt Eco, on verra si je suis convaincu.
Toutefois, à propos de votre idée que plus un auteur se relit, plus son propos coïncide avec sa volonté (décidément, je ne peux pas écrire une telle phrase sans rire...), je vous rappelle que dans L'Education sentimentale du grand Flaubert, qui, je crois, pratiquait un peu le brouillon, la grossesse de Rosanette dure bien plus que neuf mois (il est vrai qu'on peut intégrer ce détail à la conduite narrative au lieu de le voir comme une erreur de l'auteur) et qu'il est bien difficile de décider qui est l'auteur d'un film, au-delà de l'aspect légal, ou d'un morceau de musique ou d'une pièce de théâtre, une fois acquis le fait qu'il ne s'agit pas que d'un texte, scénario, livret...
Bref, vous l'aurez compris, c'est plus la question de la présentation de l'acte de lecture aux élèves que je vise que la résolution d'un problème théorique
Oui, bon, ça va, ça arrive à tout le monde de faire une bourde
Cela dit, suis comme vous convaincu que le nombre de relectures plus ou moins attentives n'a rien à voir avec notre problème.
- User5899Demi-dieu
Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas. Je m'attache à savoir ce que le texte dit à partir du comment il le dit, et pourquoi il le dit, mais c'est mon regard et ce sont mes connaissances, en travail le plus continuel possible, qui sont à l'oeuvre. Je refuse votre formule, en espérant que si Molière entendait dire quelque chose, il l'a dit, et que c'est dans le texte que je lis. Quand je veux dire, je n'ai pas encore dit, et ce n'est pas une pirouette.DesolationRow a écrit:Mais je suis assez mal à l'aise avec l'idée que les intentions de l'auteur lui sont à lui-même cachées et tout ce qui s'ensuit. Que l'auteur ne soit pas le mieux placé pour parler de son propre texte, peut-être, à vrai dire je n'en sais rien. Cela ne signifie pas qu'il est sans intérêt de chercher à déterminer pourquoi il a écrit ce qu'il a écrit. Prenez l'Ecole des Femmes ou Georges Dandin : deux pièces qui peuvent être jouées comme de franches farces, ou comme des pièces quasi-sinistres. N'est-il pas intéressant de savoir ce que Molière entendait écrire ?
- DesolationRowEmpereur
Cripure a écrit:Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas. Je m'attache à savoir ce que le texte dit à partir du comment il le dit, et pourquoi il le dit, mais c'est mon regard et ce sont mes connaissances, en travail le plus continuel possible, qui sont à l'oeuvre. Je refuse votre formule, en espérant que si Molière entendait dire quelque chose, il l'a dit, et que c'est dans le texte que je lis. Quand je veux dire, je n'ai pas encore dit, et ce n'est pas une pirouette.DesolationRow a écrit:Mais je suis assez mal à l'aise avec l'idée que les intentions de l'auteur lui sont à lui-même cachées et tout ce qui s'ensuit. Que l'auteur ne soit pas le mieux placé pour parler de son propre texte, peut-être, à vrai dire je n'en sais rien. Cela ne signifie pas qu'il est sans intérêt de chercher à déterminer pourquoi il a écrit ce qu'il a écrit. Prenez l'Ecole des Femmes ou Georges Dandin : deux pièces qui peuvent être jouées comme de franches farces, ou comme des pièces quasi-sinistres. N'est-il pas intéressant de savoir ce que Molière entendait écrire ?
Si l'idée est qu'il ne faut pas chercher à imposer au texte ce qu'on peut deviner, présumer des intentions de l'auteur, ou ce que l'on sait par ailleurs de ses idées, de ses engagements, de ses combats, je vous l'accorde volontiers.
Tout ce que j'essaie de dire, c'est que l'anathème jeté sur l'expression "l'auteur veut dire" ne me convainc pas complètement. Si un étudiant l'emploie et me démontre, à partir du texte strictement, quelle était l'intention de l'auteur, je ne fais pas de gros yeux.
- User5899Demi-dieu
Vraiment en HS, là, un HS amusé. J'ai passé (sans votre succès) l'ENS en 85 et en 86, années où, en khâgne, grâce au regard sur les œuvres que j'expose plus haut, j'ai enfin trouvé une logique à l'explication de texte, et c'était alors un lieu commun que de s'amuser en classe, profs et étudiants réunis, des propos des Picard et des Pommier pour qui "on ne peut pas dire n'importe quoi, halte là, assez décodé !"DesolationRow a écrit:2) J'aime beaucoup, vraiment beaucoup, le "Sur Racine" de Barthes, qui est construit sur les théories que vous défendez. C'est un livre passionnant, stimulant, d'une intelligence remarquable, mais qui raconte à peu près n'importe quoi sur les textes qu'il prétend commenter.
Bon, il y a donc une logique de modes dans tout ça. Ca fait longtemps que je n'ai pas lu Sur Racine, il ne m'avait pas semblé jadis qu'il disait tant de bêtises que ça, je verrai à l'occasion. Toujours est-il qu'en 85, adopter la position du lecteur biographe entraînait beaucoup de soucis au concours de l'Ecole.
- User5899Demi-dieu
Notre différence et de génération et de formation intervient sans doute. Moi, d'abord, je me dis que le gars qui démontre une intention est sacrément culotté, et ensuite, je crois que je ris. In petto, bien sûr...DesolationRow a écrit:Cripure a écrit:Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas. Je m'attache à savoir ce que le texte dit à partir du comment il le dit, et pourquoi il le dit, mais c'est mon regard et ce sont mes connaissances, en travail le plus continuel possible, qui sont à l'oeuvre. Je refuse votre formule, en espérant que si Molière entendait dire quelque chose, il l'a dit, et que c'est dans le texte que je lis. Quand je veux dire, je n'ai pas encore dit, et ce n'est pas une pirouette.DesolationRow a écrit:Mais je suis assez mal à l'aise avec l'idée que les intentions de l'auteur lui sont à lui-même cachées et tout ce qui s'ensuit. Que l'auteur ne soit pas le mieux placé pour parler de son propre texte, peut-être, à vrai dire je n'en sais rien. Cela ne signifie pas qu'il est sans intérêt de chercher à déterminer pourquoi il a écrit ce qu'il a écrit. Prenez l'Ecole des Femmes ou Georges Dandin : deux pièces qui peuvent être jouées comme de franches farces, ou comme des pièces quasi-sinistres. N'est-il pas intéressant de savoir ce que Molière entendait écrire ?
Si l'idée est qu'il ne faut pas chercher à imposer au texte ce qu'on peut deviner, présumer des intentions de l'auteur, ou ce que l'on sait par ailleurs de ses idées, de ses engagements, de ses combats, je vous l'accorde volontiers.
Tout ce que j'essaie de dire, c'est que l'anathème jeté sur l'expression "l'auteur veut dire" ne me convainc pas complètement. Si un étudiant l'emploie et me démontre, à partir du texte strictement, quelle était l'intention de l'auteur, je ne fais pas de gros yeux.
- DesolationRowEmpereur
Cripure a écrit:Vraiment en HS, là, un HS amusé. J'ai passé (sans votre succès) l'ENS en 85 et en 86, années où, en khâgne, grâce au regard sur les œuvres que j'expose plus haut, j'ai enfin trouvé une logique à l'explication de texte, et c'était alors un lieu commun que de s'amuser en classe, profs et étudiants réunis, des propos des Picard et des Pommier pour qui "on ne peut pas dire n'importe quoi, halte là, assez décodé !"DesolationRow a écrit:2) J'aime beaucoup, vraiment beaucoup, le "Sur Racine" de Barthes, qui est construit sur les théories que vous défendez. C'est un livre passionnant, stimulant, d'une intelligence remarquable, mais qui raconte à peu près n'importe quoi sur les textes qu'il prétend commenter.
Bon, il y a donc une logique de modes dans tout ça. Ca fait longtemps que je n'ai pas lu Sur Racine, il ne m'avait pas semblé jadis qu'il disait tant de bêtises que ça, je verrai à l'occasion. Toujours est-il qu'en 85, adopter la position du lecteur biographe entraînait beaucoup de soucis au concours de l'Ecole.
Oh, c'est encore le cas, ne vous inquiétez pas J'avais en khâgne un professeur de français qui ne jurait que par la critique psychanalytique, et il était de fort mauvais goût d'évoquer a contrario des critiques "biographiques" (grosso modo, votre copie voyait sa note divisée par deux). Ce qui est extrêmement déplaisant chez Picard et Pommier, dont j'avais lu les ouvrages avec intérêt pour faire contrepoids, c'était le ton détestable qu'ils adoptaient, et le refus obstiné de toute lecture qui ne soit pas la leur (comme vous dite, "assez décodé !"). Mais enfin, ils connaissaient tout de même pas mal leur Racine
En somme, je trouve la lecture purement "biographique" et la recherche d'un "sens d'auteur" qui ressemblerait au Graal un peu triste, au fond, et il n'y a pas de doute qu'elle "assèche" souvent le texte. Mais, maniée avec modération, elle évite aussi de dire beaucoup d'âneries. Ce qui, vraiment, m'exaspérait, c'était le mépris avec lequel des types qui étaient tout de même de grands savants étaient traités par certains de mes professeurs et de mes camarades khâgneux.
- DesolationRowEmpereur
Cripure a écrit:Notre différence et de génération et de formation intervient sans doute. Moi, d'abord, je me dis que le gars qui démontre une intention est sacrément culotté, et ensuite, je crois que je ris. In petto, bien sûr...DesolationRow a écrit:Cripure a écrit:
Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas. Je m'attache à savoir ce que le texte dit à partir du comment il le dit, et pourquoi il le dit, mais c'est mon regard et ce sont mes connaissances, en travail le plus continuel possible, qui sont à l'oeuvre. Je refuse votre formule, en espérant que si Molière entendait dire quelque chose, il l'a dit, et que c'est dans le texte que je lis. Quand je veux dire, je n'ai pas encore dit, et ce n'est pas une pirouette.
Si l'idée est qu'il ne faut pas chercher à imposer au texte ce qu'on peut deviner, présumer des intentions de l'auteur, ou ce que l'on sait par ailleurs de ses idées, de ses engagements, de ses combats, je vous l'accorde volontiers.
Tout ce que j'essaie de dire, c'est que l'anathème jeté sur l'expression "l'auteur veut dire" ne me convainc pas complètement. Si un étudiant l'emploie et me démontre, à partir du texte strictement, quelle était l'intention de l'auteur, je ne fais pas de gros yeux.
je suis toujours reconnaissant envers les étudiants qui me font rire, in petto ou pas.
Je ne crois pas qu'il y ait de différence de génération en jeu ici. La position que vous défendez est celle qui est encore très largement majoritaire, que ce soit en classe préparatoire ou à l'université, mais plutôt en lettres modernes. Les lettres classiques, au moins pour ce que j'en vois, sont plus… classiques.
- RyuzakiNiveau 9
C'est probablement moi qui suis borné, mais j'ai beaucoup de mal à comprendre comment un livre peut à la fois être d'une intelligence remarquable et raconter n'importe quoi sur les textes qu'il prétend commenter.DesolationRow a écrit:
2) J'aime beaucoup, vraiment beaucoup, le "Sur Racine" de Barthes, qui est construit sur les théories que vous défendez. C'est un livre passionnant, stimulant, d'une intelligence remarquable, mais qui raconte à peu près n'importe quoi sur les textes qu'il prétend commenter.
Oui je comprends. Dans les faits, nos démarches sont très proches (je crois n'avoir jamais employé des expressions comme "intentions de l'auteur" devant des élèves et c'est bien le texte que j'étudie). Là où nous risquons de ne pas être d'accord, c'est sur la question de savoir si les deux démarches aboutissent à des résultats vraiment éloignés. Autrement dit, le sens que nous construisons (à supposer qu'il soit cohérent et plausible) est-il très différent de la volonté de l'auteur ?Cripure a écrit:
La vraie question, dans tout ça, c'est de savoir ce qu'est la démarche de lecture. S'agit-il, quand nous prenons un livre, voyons un tableau, écoutons de la musique, voyons un film, de remonter à son auteur, ou d'expliciter le sens que nous construisons à partir de l'oeuvre en relation avec nous. Chercher (et dire aux élèves qu'on cherche) à remonter à la volonté d'un type mort me semble vide de sens, du domaine de l'archive. Chercher pourquoi une oeuvre "vieille" de quatre siècles nous fait encore vibrer ressortit à une autre démarche, mais je veux bien admettre que ça puisse se discuter.
Par ailleurs, quelle place accordez-vous à la contextualisation (l'étude de la manière dont le monde extra-littéraire a contribué à la création de l'oeuvre) ?
Bon, d'accord, on trouve des contre-exemples fâcheux. Peut-on pour autant s'autoriser de quelques bourdes pour affirmer l'inutilité de la relecture pour arriver à dire ce qu'on veut dire ? Et mon propos porte uniquement sur les oeuvres n'ayant qu'un auteur, comme les livres (j'admets que le théâtre est un cas à part).Cripure a écrit: Toutefois, à propos de votre idée que plus un auteur se relit, plus son propos coïncide avec sa volonté (décidément, je ne peux pas écrire une telle phrase sans rire...), je vous rappelle que dans L'Education sentimentale du grand Flaubert, qui, je crois, pratiquait un peu le brouillon, la grossesse de Rosanette dure bien plus que neuf mois (il est vrai qu'on peut intégrer ce détail à la conduite narrative au lieu de le voir comme une erreur de l'auteur) et qu'il est bien difficile de décider qui est l'auteur d'un film, au-delà de l'aspect légal, ou d'un morceau de musique ou d'une pièce de théâtre, une fois acquis le fait qu'il ne s'agit pas que d'un texte, scénario, livret...
Bref, vous l'aurez compris, c'est plus la question de la présentation de l'acte de lecture aux élèves que je vise que la résolution d'un problème théorique
J'ai du mal à vous comprendre là. Comment peut-on étudier le pourquoi sans remonter à une volonté d'auteur (à moins de supposer une volonté du texte) ?Cripure a écrit:
Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas. Je m'attache à savoir ce que le texte dit à partir du comment il le dit, et pourquoi il le dit, mais c'est mon regard et ce sont mes connaissances, en travail le plus continuel possible, qui sont à l'oeuvre. Je refuse votre formule, en espérant que si Molière entendait dire quelque chose, il l'a dit, et que c'est dans le texte que je lis. Quand je veux dire, je n'ai pas encore dit, et ce n'est pas une pirouette.
- User5899Demi-dieu
Mais nous avions un cours d'histoire sur le regard critique sur les oeuvres, c'était assez ouvert et très intéressant.
Je crois que nous sommes d'accord sur l'essentiel, toutefois : quand Baudelaire écrit "Mon enfant, ma sœur", l'essentiel n'est pas de mettre une identité sur "ma sœur". Et lorsqu'il écrit "d'aller là-bas vivre ensemble", il n'est pas capital de déterminer les coordonnées GPS.
Je crois que nous sommes d'accord sur l'essentiel, toutefois : quand Baudelaire écrit "Mon enfant, ma sœur", l'essentiel n'est pas de mettre une identité sur "ma sœur". Et lorsqu'il écrit "d'aller là-bas vivre ensemble", il n'est pas capital de déterminer les coordonnées GPS.
- User5899Demi-dieu
Voilà, disons "classiques"DesolationRow a écrit:Cripure a écrit:Notre différence et de génération et de formation intervient sans doute. Moi, d'abord, je me dis que le gars qui démontre une intention est sacrément culotté, et ensuite, je crois que je ris. In petto, bien sûr...DesolationRow a écrit:
Si l'idée est qu'il ne faut pas chercher à imposer au texte ce qu'on peut deviner, présumer des intentions de l'auteur, ou ce que l'on sait par ailleurs de ses idées, de ses engagements, de ses combats, je vous l'accorde volontiers.
Tout ce que j'essaie de dire, c'est que l'anathème jeté sur l'expression "l'auteur veut dire" ne me convainc pas complètement. Si un étudiant l'emploie et me démontre, à partir du texte strictement, quelle était l'intention de l'auteur, je ne fais pas de gros yeux.
je suis toujours reconnaissant envers les étudiants qui me font rire, in petto ou pas.
Je ne crois pas qu'il y ait de différence de génération en jeu ici. La position que vous défendez est celle qui est encore très largement majoritaire, que ce soit en classe préparatoire ou à l'université, mais plutôt en lettres modernes. Les lettres classiques, au moins pour ce que j'en vois, sont plus… classiques.
- DesolationRowEmpereur
Cripure a écrit:Mais nous avions un cours d'histoire sur le regard critique sur les oeuvres, c'était assez ouvert et très intéressant.
Je crois que nous sommes d'accord sur l'essentiel, toutefois : quand Baudelaire écrit "Mon enfant, ma sœur", l'essentiel n'est pas de mettre une identité sur "ma sœur". Et lorsqu'il écrit "d'aller là-bas vivre ensemble", il n'est pas capital de déterminer les coordonnées GPS.
Deux excellents exemples, que je réemploierai
- DesolationRowEmpereur
Cripure a écrit:Voilà, disons "classiques"DesolationRow a écrit:Cripure a écrit:
Notre différence et de génération et de formation intervient sans doute. Moi, d'abord, je me dis que le gars qui démontre une intention est sacrément culotté, et ensuite, je crois que je ris. In petto, bien sûr...
je suis toujours reconnaissant envers les étudiants qui me font rire, in petto ou pas.
Je ne crois pas qu'il y ait de différence de génération en jeu ici. La position que vous défendez est celle qui est encore très largement majoritaire, que ce soit en classe préparatoire ou à l'université, mais plutôt en lettres modernes. Les lettres classiques, au moins pour ce que j'en vois, sont plus… classiques.
Vous, vous haussez les épaules et roulez des yeux.
Moi, je suis ravi que la nouvelle critique n'ait pas fait trop d'émules chez les antiquisants
- RyuzakiNiveau 9
J'aime bien Pommier. Il est provocateur et n'a aucun sens de la diplomatie, mais il dit des choses intéressantes (ou qui m'intéressent en tout cas). J'aime bien son irrévérence et son côté destructeur d'idoles. Je pense vraiment qu'il mérite d'être lu, et pas seulement moqué (même si c'est de bonne guerre, vu le ton qu'il emploie pour parler de ses adversaires).
- User5899Demi-dieu
La différence entre nous est que a priori je ne me pose pas la question, parce que j'estime que ma lecture ne me permet pas d'y parvenir et que ça ne m'intéresse pas (au sens vraiment étymologique).thibotten a écrit:Dans les faits, nos démarches sont très proches (je crois n'avoir jamais employé des expressions comme "intentions de l'auteur" devant des élèves et c'est bien le texte que j'étudie). Là où nous risquons de ne pas être d'accord, c'est sur la question de savoir si les deux démarches aboutissent à des résultats vraiment éloignés. Autrement dit, le sens que nous construisons (à supposer qu'il soit cohérent et plausible) est-il très différent de la volonté de l'auteur ?
Une place nécessairement importante, puisque je dispose de la connaissance (à approfondir) de ce contexte.Thibotten a écrit:Par ailleurs, quelle place accordez-vous à la contextualisation (l'étude de la manière dont le monde extra-littéraire a contribué à la création de l'oeuvre) ?
Bien sûr que non, mais vous êtes là dans la perspective de l'écrivain, pas dans celle du lecteur.Thibotten a écrit:D'accord, on trouve des contre-exemples fâcheux. Peut-on pour autant s'autoriser de quelques bourdes pour affirmer l'inutilité de la relecture pour arriver à dire ce qu'on veut dire ?
Un texte blessant est-il nécessairement écrit pour l'être ?Thibotten a écrit:J'ai du mal à vous comprendre là. Comment peut-on étudier le pourquoi sans remonter à une volonté d'auteur (à moins de supposer une volonté du texte) ?
- User5899Demi-dieu
J'aime la "nouvelle critique", parce qu'elle m'a aidé à comprendre pourquoi je trouvais complètement idiots tous les discours de ces vieux c*** qui masquaient le texte sous leur circumnauigatio, l'exemple absolu du désespoir littéraire étant à mon sens Bérard et sa géographie de l'Odyssée (plus sa traduction illisible). Heureusement pour moi que j'aimais les grammaires latine et grecque, sinon, jamais je ne serais devenu professeur à entendre mes profs de lycée (et certains à la fac plus tard) ânonner des discours de prêtres pour révéler le sens de truc ou machin. Jamais je n'ai aimé autant la lecture que du jour où j'en ai mieux compris le processus, et c'est vrai que je n'ai jamais envisagé de mener à bien aucune thèse par désir violent de couper les ponts avec ce monde de la cuistrerie triomphante (mon frère étant devenu professeur d'université, j'ai pu constater qu'elle était toujours là, bien présente quoique en repli ).DesolationRow a écrit:Je suis ravi que la nouvelle critique n'ait pas fait trop d'émules chez les antiquisants
Mais tout ceci nous éloigne un peu de la pratique en lycée, non ? Est-il absurde de dire que si l'on considère le triangle formé par l'auteur, l'oeuvre, le lecteur, on a une double flèche entre auteur et oeuvre, chacun s'enrichissant de l'autre, une double flèche entre oeuvre et lecteur, mais qu'entre lecteur et auteur, il n'y a que ce qu'on est persuadé qu'on a trouvé ?
- User5899Demi-dieu
Bien sûr qu'il est intéressant et érudit. Comme Maulnier, comme Lanson, comme l'abbé d'Aubignac. Il est surtout intéressant, je trouve, parce qu'il montre, en contrepoint, que réfléchir aux démarches de lecture, c'est toucher au fond à ce que l'on est.thibotten a écrit:J'aime bien Pommier. Il est provocateur et n'a aucun sens de la diplomatie, mais il dit des choses intéressantes (ou qui m'intéressent en tout cas). J'aime bien son irrévérence et son côté destructeur d'idoles. Je pense vraiment qu'il mérite d'être lu, et pas seulement moqué (même si c'est de bonne guerre, vu le ton qu'il emploie pour parler de ses adversaires).
- DesolationRowEmpereur
Cripure a écrit:J'aime la "nouvelle critique", parce qu'elle m'a aidé à comprendre pourquoi je trouvais complètement idiots tous les discours de ces vieux c*** qui masquaient le texte sous leur circumnauigatio, l'exemple absolu du désespoir littéraire étant à mon sens Bérard et sa géographie de l'Odyssée (plus sa traduction illisible). Heureusement pour moi que j'aimais les grammaires latine et grecque, sinon, jamais je ne serais devenu professeur à entendre mes profs de lycée (et certains à la fac plus tard) ânonner des discours de prêtres pour révéler le sens de truc ou machin. Jamais je n'ai aimé autant la lecture que du jour où j'en ai mieux compris le processus, et c'est vrai que je n'ai jamais envisagé de mener à bien aucune thèse par désir violent de couper les ponts avec ce monde de la cuistrerie triomphante (mon frère étant devenu professeur d'université, j'ai pu constater qu'elle était toujours là, bien présente quoique en repli ).DesolationRow a écrit:Je suis ravi que la nouvelle critique n'ait pas fait trop d'émules chez les antiquisants
Comme je vous comprends. J
Cripure a écrit:
Mais tout ceci nous éloigne un peu de la pratique en lycée, non ? Est-il absurde de dire que si l'on considère le triangle formé par l'auteur, l'oeuvre, le lecteur, on a une double flèche entre auteur et oeuvre, chacun s'enrichissant de l'autre, une double flèche entre oeuvre et lecteur, mais qu'entre lecteur et auteur, il n'y a que ce qu'on est persuadé qu'on a trouvé ?
Oui, mais c'est-à-dire que comme la pratique en lycée je n'y connais rien, je vais me garder soigneusement de vous contredire . D'autant que je suis en plein accord avec ce que vous écrivez sur ces histoires de flèches.
- NLM76Grand Maître
Cripure a écrit:La vraie question, dans tout ça, c'est de savoir ce qu'est la démarche de lecture. S'agit-il, quand nous prenons un livre, voyons un tableau, écoutons de la musique, voyons un film, de remonter à son auteur, ou d'expliciter le sens que nous construisons à partir de l'oeuvre en relation avec nous. Chercher (et dire aux élèves qu'on cherche) à remonter à la volonté d'un type mort me semble vide de sens, du domaine de l'archive. Chercher pourquoi une oeuvre "vieille" de quatre siècles nous fait encore vibrer ressortit à une autre démarche, mais je veux bien admettre que ça puisse se discuter.
Toutefois, à propos de votre idée que plus un auteur se relit, plus son propos coïncide avec sa volonté (décidément, je ne peux pas écrire une telle phrase sans rire...), je vous rappelle que dans L'Education sentimentale du grand Flaubert, qui, je crois, pratiquait un peu le brouillon, la grossesse de Rosanette dure bien plus que neuf mois (il est vrai qu'on peut intégrer ce détail à la conduite narrative au lieu de le voir comme une erreur de l'auteur) et qu'il est bien difficile de décider qui est l'auteur d'un film, au-delà de l'aspect légal, ou d'un morceau de musique ou d'une pièce de théâtre, une fois acquis le fait qu'il ne s'agit pas que d'un texte, scénario, livret...
Bref, vous l'aurez compris, c'est plus la question de la présentation de l'acte de lecture aux élèves que je vise que la résolution d'un problème théorique
Oui. C'est exactement cela. J'ajouterais cependant une chose : la lecture ("la démarche de lecture") contient un lien entre le lecteur et l'auteur, fût-il en réalité une construction fantasmée. Quand je lis un texte, je pense à celui qui l'a écrit, je me le représente, je me demande ce qu'il cherche à me dire, pourquoi il a écrit ça. Je me demande aussi comment un type qui a écrit ceci peut avoir écrit cela. Je me demande comment un type qui a écrit ceci peut avoir commis cela. (Ma lecture de Céline a ainsi été considérablement orientée par la connaissance d'éléments de sa biographie).
Un autre exemple : j'entends quelquefois dans les musées des commentaires d'œuvres d'art. Et ils sont neuf fois sur dix, pour moi, d'un ennui abyssal : "Ici, ça veut dire que..." ou "Le peintre a peint ceci à telle époque, où..." Oui mais, zut de zut, pourquoi cette façon-là de dire ceci ou cela est-elle si bouleversante, pour moi maintenant ? Ou encore "Cette œuvre qui semble si importante, si forte, ne me touche pas : montrez-moi pourquoi elle a pu toucher tant d'autres."
@ Cripure : il faudrait que nous reparlions de cette affaire de commentaire composé selon le plan du texte ou pas ailleurs.
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- User5899Demi-dieu
Mais quand vous voulez. Les vraies questions, il n'y a pas d'heure pour çanlm76 a écrit:Cripure a écrit:La vraie question, dans tout ça, c'est de savoir ce qu'est la démarche de lecture. S'agit-il, quand nous prenons un livre, voyons un tableau, écoutons de la musique, voyons un film, de remonter à son auteur, ou d'expliciter le sens que nous construisons à partir de l'oeuvre en relation avec nous. Chercher (et dire aux élèves qu'on cherche) à remonter à la volonté d'un type mort me semble vide de sens, du domaine de l'archive. Chercher pourquoi une oeuvre "vieille" de quatre siècles nous fait encore vibrer ressortit à une autre démarche, mais je veux bien admettre que ça puisse se discuter.
Toutefois, à propos de votre idée que plus un auteur se relit, plus son propos coïncide avec sa volonté (décidément, je ne peux pas écrire une telle phrase sans rire...), je vous rappelle que dans L'Education sentimentale du grand Flaubert, qui, je crois, pratiquait un peu le brouillon, la grossesse de Rosanette dure bien plus que neuf mois (il est vrai qu'on peut intégrer ce détail à la conduite narrative au lieu de le voir comme une erreur de l'auteur) et qu'il est bien difficile de décider qui est l'auteur d'un film, au-delà de l'aspect légal, ou d'un morceau de musique ou d'une pièce de théâtre, une fois acquis le fait qu'il ne s'agit pas que d'un texte, scénario, livret...
Bref, vous l'aurez compris, c'est plus la question de la présentation de l'acte de lecture aux élèves que je vise que la résolution d'un problème théorique
Oui. C'est exactement cela. J'ajouterais cependant une chose : la lecture ("la démarche de lecture") contient un lien entre le lecteur et l'auteur, fût-il en réalité une construction fantasmée. Quand je lis un texte, je pense à celui qui l'a écrit, je me le représente, je me demande ce qu'il cherche à me dire, pourquoi il a écrit ça. Je me demande aussi comment un type qui a écrit ceci peut avoir écrit cela. Je me demande comment un type qui a écrit ceci peut avoir commis cela. (Ma lecture de Céline a ainsi été considérablement orientée par la connaissance d'éléments de sa biographie).
Un autre exemple : j'entends quelquefois dans les musées des commentaires d'œuvres d'art. Et ils sont neuf fois sur dix, pour moi, d'un ennui abyssal : "Ici, ça veut dire que..." ou "Le peintre a peint ceci à telle époque, où..." Oui mais, zut de zut, pourquoi cette façon-là de dire ceci ou cela est-elle si bouleversante, pour moi maintenant ? Ou encore "Cette œuvre qui semble si importante, si forte, ne me touche pas : montrez-moi pourquoi elle a pu toucher tant d'autres."
@ Cripure : il faudrait que nous reparlions de cette affaire de commentaire composé selon le plan du texte ou pas ailleurs.
@DesolationRow Bon, nous sommes quand même d'accord sur certains points, j'en suis heureux
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
Pourquoi ne pas en parler ici ? Ça m'intéresse moi.
- User5899Demi-dieu
Je crois que c'est ce que j'ai écrit, en présentant mon schéma en triangle. Bien sûr, c'est intéressant de savoir que Baudelaire exécrait le voyage physique et que sa seule croisière, imposée par sa mère pour lui changer les idées, s'est passée enfermé dans sa cabine à dégobiller et à maudire le ciel (je ne sais plus où j'ai lu cette "aventure", qui m'a mis en joie). Mais on n'a pas besoin de ça, au fond, pour aimer et "vibrer" sur "là-bas" et "ailleurs" dans les Fleurs du Mal, à condition que les mots aient un sens et qu'on veuille bien les prendre pour ce qu'ils sont et non leur trouver des substituts, de même que l'Odyssée est infiniment plus poétique une fois le cap Soumion passé, parce qu'on entre enfin dans une dimension pleinement imaginaire, qu'on ne saurait tenter de tracer sur une carte sans l'affaiblir, voire la tuer. Bien sûr que quand on lit les affirmations douteuses de Zola sur les Juifs dans L'Argent, il n'est pas mauvais d'avoir J'accuse en tête. Mais pas mauvais non pour ma lecture de L'Argent, mais pour la sauvegarde de la légende zoliennenlm76 a écrit:la lecture ("la démarche de lecture") contient un lien entre le lecteur et l'auteur, fût-il en réalité une construction fantasmée.
- DesolationRowEmpereur
Cripure a écrit:
@DesolationRow Bon, nous sommes quand même d'accord sur certains points, j'en suis heureux
Je pense surtout être moins compétent que vous sur ces questions théoriques ; je n'y réfléchis que rarement, et ai tendance à être un lecteur assez "naïf".
- User5899Demi-dieu
Disons "universitaire"DesolationRow a écrit:Cripure a écrit:
@DesolationRow Bon, nous sommes quand même d'accord sur certains points, j'en suis heureux
Je pense surtout être moins compétent que vous sur ces questions théoriques ; je n'y réfléchis que rarement, et ai tendance à être un lecteur assez "naïf".
Non, bien sûr, je joke, pardon, je n'ai pas pu m'en empêcher
Je crois que vous êtes bien gentil avec moi, mais il est vrai que ce sont des questions qui ont, à un point que je ne développerai pas ici, quasiment transformé ma vie, bien au-delà de mon métier, et que ces approches des textes meo more m'ont aussi permis d'accrocher mes classes, bien plus que les autres démarches ne le permettent. Ca finit par ne plus être de la théorie pour moi, c'est intus et in cute.
- DesolationRowEmpereur
Cripure a écrit:Disons "universitaire"DesolationRow a écrit:Cripure a écrit:
@DesolationRow Bon, nous sommes quand même d'accord sur certains points, j'en suis heureux
Je pense surtout être moins compétent que vous sur ces questions théoriques ; je n'y réfléchis que rarement, et ai tendance à être un lecteur assez "naïf".
Non, bien sûr, je joke, pardon, je n'ai pas pu m'en empêcher
Je crois que vous êtes bien gentil avec moi, mais il est vrai que ce sont des questions qui ont, à un point que je ne développerai pas ici, quasiment transformé ma vie, bien au-delà de mon métier, et que ces approches des textes meo more m'ont aussi permis d'accrocher mes classes, bien plus que les autres démarches ne le permettent. Ca finit par ne plus être de la théorie pour moi, c'est intus et in cute.
Et cela se sent lorsque vous en parlez
- User5899Demi-dieu
J'ai bien fait de me lever, moi, ce matin
- virgereNeoprof expérimenté
Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:Pourquoi ne pas en parler ici ? Ça m'intéresse moi.
Je vote pour aussi !
Pour le reste, je mesure une fois de plus l'abîme de mon inculture : aucun prof, jamais, ne m'a demandé de lire un quelconque ouvrage de critique (ni au lycée, ni à la fac). Et l'idée de le faire ne m'a jamais effleurée A vous lire, j'y perds...
D'où une nouvelle question : quel livre, s'il ne fallait en lire qu'un (allez, trois maxi), recommanderiez-vous ?
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