- User17706Bon génie
Il n'y a pas de mal à faire la remarque mais je n'en ferais pas des tartines.Levincent a écrit:Je me demandais si on pouvait également parler de l'ascétisme chrétien, qui a un autre avis là-dessus (par exemple, le vœu de pauvreté des franciscains ou "les trois classes d'hommes" d'Ignace de Loyola, dans la quatrième journée des Exercices Spirituels). Même s'il n'en est nullement question dans la lettre, on ne peut non plus ignorer que Descartes était contemporain de telles pratiques. Du coup, je ne sais pas s'il est pertinent de montrer en quoi Descartes se démarque de cette conception, ou bien si on frise le hors-sujet.PauvreYorick a écrit: Effectivement la question se pose, c'est un point délicat à l'intérieur du Stoïcisme de savoir quoi faire des biens extérieurs qui sont supposés ne pas pouvoir augmenter le bonheur, mais qui néanmoins seront choisis plutôt que leur absence.
Je crois que je n'identifie pas très bien en quel sens ça rejoindrait la casuistique. Tu peux développer ?Levincent a écrit: De plus, son argument final sur le témoignage de la conscience, qui ne nécessite pas "que la raison ne se trompe point", rejoint assez la casuistique. Qu'est-ce que vous en pensez ?
- User17706Bon génie
En attendant :
Descartes vient de dire qu'à sagesse et vertu égale, on « peut jouir d'un plus parfait contentement » si l'on jouit d'abondance de biens extérieurs que si l'on en est privé. Cependant, après l'intervention de l'image des deux vaisseaux, il semble dire le contraire : « les plus pauvres et les plus disgraciés de la fortune ou de la nature [peuvent] être entièrement contents et satisfaits, aussi bien que les autres » (= aussi bien que ceux qui jouissent des biens dont ils sont quant à eux privés).
Du coup, il faut comprendre en quoi l'image des deux vaisseaux permet de passer de l'un à l'autre, et de corriger la première affirmation par la seconde. Même si les deux vaisseaux n'ont pas la même capacité, cependant ils peuvent tous deux être remplis ; qu'ils soient tous deux remplis n'empêche pas qu'ils n'aient pas la même capacité et qu'ils n'aient pas la même capacité n'empêche pas qu'ils soient tous deux remplis. Cela invite à distinguer deux sens de la « perfection » ou de l'« entièreté » dans les expressions « parfait contentement » ou « entièrement content », un sens qui n'est relatif qu'à la personne concernée et un sens qui est relatif à autrui. Creuser tout ce que suggère cette image est un excellent exercice et un vrai travail d'explication de texte.
Descartes écrit souvent ainsi, en précisant progressivement son propos. Couper ce passage au milieu (à « toutefois ») me paraît constituer une authentique erreur, parce que c'est couper le propos en plein milieu de son développement, juste à l'endroit où il est en train de s'affiner.
Je conclus que ce paragraphe (comme le précedent, d'ailleurs) forme une unité. Ça n'empêche pas de « sous-découper » ensuite.
Davantage (ou plutôt : plus immédiatement) que la question de l'universalité de la possibilité d'accéder au contentement, la question ici consiste à se demander dans quelle mesure la répartition très inégale des biens extérieurs (beauté, santé, richesse, naissance...) constitue pour les moins bien pourvus un obstacle au contentement. Et cette question se pose directement et immédiatement, parce que Descartes vient d'admettre que ces biens-là ne sont pas, relativement au bonheur, purement indifférents (le Stoïcisme, lui, les nomme précisément ainsi : des indifférents, des adiaphora).
Il est intuitivement très naturel de mettre en balance « toutefois... » avec « il est certain que... ». Est-ce que ça fait sens, à présent ? Autrement dit : peut-on lire ce qui suit « toutefois » comme s'articulant précisément à ce qui précède dans la citation que je viens de faire ?Descartes a écrit: [...] il est certain qu'un homme bien né, qui n'est point malade, qui ne manque de rien, et qui avec cela est aussi sage et aussi vertueux qu'un autre qui est pauvre, malsain et contrefait, peut jouir d'un plus parfait contentement que lui. Toutefois, comme un petit vaisseau peut être aussi plein qu'un plus grand, encore qu'il contienne moins de liqueur, ainsi, prenant le contentement d'un chacun pour la plénitude et l'accomplissement de ses désirs réglés selon la raison, je ne doute point que les plus pauvres et les plus disgraciés de la fortune ou de la nature ne puissent être entièrement contents et satisfaits, aussi bien que les autres, encore qu'ils ne jouissent pas de tant de biens.
Descartes vient de dire qu'à sagesse et vertu égale, on « peut jouir d'un plus parfait contentement » si l'on jouit d'abondance de biens extérieurs que si l'on en est privé. Cependant, après l'intervention de l'image des deux vaisseaux, il semble dire le contraire : « les plus pauvres et les plus disgraciés de la fortune ou de la nature [peuvent] être entièrement contents et satisfaits, aussi bien que les autres » (= aussi bien que ceux qui jouissent des biens dont ils sont quant à eux privés).
Du coup, il faut comprendre en quoi l'image des deux vaisseaux permet de passer de l'un à l'autre, et de corriger la première affirmation par la seconde. Même si les deux vaisseaux n'ont pas la même capacité, cependant ils peuvent tous deux être remplis ; qu'ils soient tous deux remplis n'empêche pas qu'ils n'aient pas la même capacité et qu'ils n'aient pas la même capacité n'empêche pas qu'ils soient tous deux remplis. Cela invite à distinguer deux sens de la « perfection » ou de l'« entièreté » dans les expressions « parfait contentement » ou « entièrement content », un sens qui n'est relatif qu'à la personne concernée et un sens qui est relatif à autrui. Creuser tout ce que suggère cette image est un excellent exercice et un vrai travail d'explication de texte.
Descartes écrit souvent ainsi, en précisant progressivement son propos. Couper ce passage au milieu (à « toutefois ») me paraît constituer une authentique erreur, parce que c'est couper le propos en plein milieu de son développement, juste à l'endroit où il est en train de s'affiner.
Je conclus que ce paragraphe (comme le précedent, d'ailleurs) forme une unité. Ça n'empêche pas de « sous-découper » ensuite.
Davantage (ou plutôt : plus immédiatement) que la question de l'universalité de la possibilité d'accéder au contentement, la question ici consiste à se demander dans quelle mesure la répartition très inégale des biens extérieurs (beauté, santé, richesse, naissance...) constitue pour les moins bien pourvus un obstacle au contentement. Et cette question se pose directement et immédiatement, parce que Descartes vient d'admettre que ces biens-là ne sont pas, relativement au bonheur, purement indifférents (le Stoïcisme, lui, les nomme précisément ainsi : des indifférents, des adiaphora).
- LevincentNiveau 9
PauvreYorick a écrit:Je crois que je n'identifie pas très bien en quel sens ça rejoindrait la casuistique. Tu peux développer ?Levincent a écrit: De plus, son argument final sur le témoignage de la conscience, qui ne nécessite pas "que la raison ne se trompe point", rejoint assez la casuistique. Qu'est-ce que vous en pensez ?
Eh bien dans la casuistique l'intention joue un rôle dans l'appréciation d'une infraction aux règles strictes de la morale. Si bien que celle-ci peut dégénérer en une forme d'hypocrisie imputant à des actions blâmables des intentions pures. C'est ce que raillent Montesquieu et Pascal :
"L’action ne fait pas le crime, c’est la connaissance de celui qui la commet : celui qui fait un mal, tandis qu’il peut croire que ce n’en est pas un, est en sûreté de conscience ; et comme il y a un nombre infini d’actions équivoques, un casuiste peut leur donner un degré de bonté qu’elles n’ont point, en les déclarant bonnes ; et, pourvu qu’il puisse persuader qu’elles n’ont pas de venin, il le leur ôte tout entier." (Lettres persanes, lettre LVII)
"Ce n’est pas qu’autant qu’il est en notre pouvoir nous ne détournions les hommes des choses défendues ; mais, quand nous ne pouvons pas empêcher l’action, nous purifions au moins l’intention ; et ainsi nous corrigeons le vice du moyen par la pureté de la fin.
Voilà par où nos Pères ont trouvé moyen de permettre les violences qu’on pratique en défendant son honneur ; car il n’y a qu’à détourner son intention du désir de vengeance, qui est criminel, pour la porter au désir de défendre son honneur, qui est permis selon nos Pères. Et c’est ainsi qu’ils accomplissent tous leurs devoirs envers Dieu et envers les hommes. Car ils contentent le monde en permettant les actions ; et ils satisfont à l’Evangile en purifiant les intentions. " (Pascal, Les Provinciales, lettre VII)
Par conséquent, si on commet ce qui est blâmable d'un point de vue extérieur, on peut être excusé si intérieurement nous voulions en réalité le bien. C'est là que je trouve que Descartes rejoint la casuistique : si notre conscience témoigne que nous ne voulions que le bien, alors nous sommes dans la vertu et pouvons être contents, même si notre raison a été trompée et qu'en fait nous n'avons pas fait tout le bien que nous voulions. Cela dit, dans les exemples cités ci-dessus, c'est l'action qui vient en premier, et sa justification par la pureté de l'intention est présentée a posteriori, tandis que c'est l'inverse chez Descartes. Sur ce point, les deux conceptions divergent, car Descartes parle de bonne foi, là où Pascal et Montesquieu montrent du doigt une mauvaise foi caractérisée. De plus, Descartes ne parle ici que du bonheur que nous éprouvons intérieurement, et non d'un jugement qui vient de l'extérieur...Du coup mon rapprochement se révèle finalement assez mince...
- User17706Bon génie
Tu te fais à toi-même les objections auxquelles je songeraisLevincent a écrit: C'est là que je trouve que Descartes rejoint la casuistique : si notre conscience témoigne que nous ne voulions que le bien, alors nous sommes dans la vertu et pouvons être contents, même si notre raison a été trompée et qu'en fait nous n'avons pas fait tout le bien que nous voulions. Cela dit, dans les exemples cités ci-dessus, c'est l'action qui vient en premier, et sa justification par la pureté de l'intention est présentée a posteriori, tandis que c'est l'inverse chez Descartes. Sur ce point, les deux conceptions divergent, car Descartes parle de bonne foi, là où Pascal et Montesquieu montrent du doigt une mauvaise foi caractérisée. De plus, Descartes ne parle ici que du bonheur que nous éprouvons intérieurement, et non d'un jugement qui vient de l'extérieur...Du coup mon rapprochement se révèle finalement assez mince...
Ce que tu as posté p. 1 était très juste :
Descartes a essentiellement en vue, ici, le fait qu'on ne peut généralement pas toujours agir en parfaite connaissance de cause, et plus encore le fait qu'on peut effectivement échouer de bonne foi. Alors l'échec n'est pas à regretter. Celui qui a fait de son mieux n'obtient pas toujours ce qu'il souhaitait obtenir mais s'il a fait de son mieux il peut difficilement se reprocher l'échec. C'est effectivement très différent d'un maquillage à ses propres yeux de ses propres actions au nom d'intentions purement postulées.Levincent a écrit: Descartes ne parle pas, ici, d'irrationalité des désirs. Il fait primer le témoignage que la conscience se rend à elle-même vis à vis de sa vertu, c'est-à-dire la bonne conscience, sur le fait que la raison ne doive pas se tromper. Si notre raison est trompée, mais que nous agissons avec résolution en vue de la vertu, alors cela suffit pour être dans la béatitude. Il n'est donc pas question d'irrationalité, mais de raison qui manque son but tout en étant de bonne foi.
- User17706Bon génie
En gros : s'il fallait jouir d'une raison infaillible pour être « contents en cette vie », nous aurions toutes chances de ne jamais l'être ; mais ce n'est justement pas nécessaire. On peut se satisfaire des choix qu'on a fait même dans le cas où l'on se rend compte a posteriori qu'un être omniscient n'aurait pas fait les mêmes.
- LevincentNiveau 9
PauvreYorick a écrit:Tu te fais à toi-même les objections auxquelles je songeraisLevincent a écrit: C'est là que je trouve que Descartes rejoint la casuistique : si notre conscience témoigne que nous ne voulions que le bien, alors nous sommes dans la vertu et pouvons être contents, même si notre raison a été trompée et qu'en fait nous n'avons pas fait tout le bien que nous voulions. Cela dit, dans les exemples cités ci-dessus, c'est l'action qui vient en premier, et sa justification par la pureté de l'intention est présentée a posteriori, tandis que c'est l'inverse chez Descartes. Sur ce point, les deux conceptions divergent, car Descartes parle de bonne foi, là où Pascal et Montesquieu montrent du doigt une mauvaise foi caractérisée. De plus, Descartes ne parle ici que du bonheur que nous éprouvons intérieurement, et non d'un jugement qui vient de l'extérieur...Du coup mon rapprochement se révèle finalement assez mince...
C'est ce qui arrive quand on développe sa pensée jusqu'au bout en la couchant par écrit, comme quoi tu as bien fait de m'en faire la demande
PauvreYorick a écrit:
Ce que tu as posté p. 1 était très juste :Descartes a essentiellement en vue, ici, le fait qu'on ne peut généralement pas toujours agir en parfaite connaissance de cause, et plus encore le fait qu'on peut effectivement échouer de bonne foi. Alors l'échec n'est pas à regretter. Celui qui a fait de son mieux n'obtient pas toujours ce qu'il souhaitait obtenir mais s'il a fait de son mieux il peut difficilement se reprocher l'échec. C'est effectivement très différent d'un maquillage à ses propres yeux de ses propres actions au nom d'intentions purement postulées.Levincent a écrit: Descartes ne parle pas, ici, d'irrationalité des désirs. Il fait primer le témoignage que la conscience se rend à elle-même vis à vis de sa vertu, c'est-à-dire la bonne conscience, sur le fait que la raison ne doive pas se tromper. Si notre raison est trompée, mais que nous agissons avec résolution en vue de la vertu, alors cela suffit pour être dans la béatitude. Il n'est donc pas question d'irrationalité, mais de raison qui manque son but tout en étant de bonne foi.
Mais est-ce que l'évocation de la casuistique mérite malgré tout de figurer dans l'explication du texte, ne serait-ce que pour signaler brièvement que Descartes s'en distingue ?
_________________
« Un philosophe moderne qui n'a jamais éprouvé le sentiment d'être un charlatan fait preuve d'une telle légèreté intellectuelle que son oeuvre ne vaut guère la peine d'être lue. »
Leszek Kolakowski
- DesolationRowEmpereur
Il est plein de bon sens, ce brave Descartes
- User17706Bon génie
Comme ça, je verrais bien effectivement, en deux phrases, une précision de ce type sur le « témoignage de la conscience » : si « témoignage » il y a, il s'agit bien d'un témoignage supposé honnête, et non d'une action par laquelle la conscience rebaptiserait ex parte post sa propre action, ou d'une « direction d'intention » toujours suspecte d'être un mensonge à soi-même.Levincent a écrit:Mais est-ce que l'évocation de la casuistique mérite malgré tout de figurer dans l'explication du texte, ne serait-ce que pour signaler brièvement que Descartes s'en distingue ?PauvreYorick a écrit: Ce que tu as posté p. 1 était très juste :Descartes a essentiellement en vue, ici, le fait qu'on ne peut généralement pas toujours agir en parfaite connaissance de cause, et plus encore le fait qu'on peut effectivement échouer de bonne foi. Alors l'échec n'est pas à regretter. Celui qui a fait de son mieux n'obtient pas toujours ce qu'il souhaitait obtenir mais s'il a fait de son mieux il peut difficilement se reprocher l'échec. C'est effectivement très différent d'un maquillage à ses propres yeux de ses propres actions au nom d'intentions purement postulées.Levincent a écrit: Descartes ne parle pas, ici, d'irrationalité des désirs. Il fait primer le témoignage que la conscience se rend à elle-même vis à vis de sa vertu, c'est-à-dire la bonne conscience, sur le fait que la raison ne doive pas se tromper. Si notre raison est trompée, mais que nous agissons avec résolution en vue de la vertu, alors cela suffit pour être dans la béatitude. Il n'est donc pas question d'irrationalité, mais de raison qui manque son but tout en étant de bonne foi.
- User17706Bon génie
Il y a un vrai effort chez Descartes pour faire une morale à taille humaine, si j'ose direDesolationRow a écrit:Il est plein de bon sens, ce brave Descartes
- ParménideNeoprof expérimenté
PauvreYorick a écrit:En attendant :Il est intuitivement très naturel de mettre en balance « toutefois... » avec « il est certain que... ». Est-ce que ça fait sens, à présent ? Autrement dit : peut-on lire ce qui suit « toutefois » comme s'articulant précisément à ce qui précède dans la citation que je viens de faire ?Descartes a écrit: [...] il est certain qu'un homme bien né, qui n'est point malade, qui ne manque de rien, et qui avec cela est aussi sage et aussi vertueux qu'un autre qui est pauvre, malsain et contrefait, peut jouir d'un plus parfait contentement que lui. Toutefois, comme un petit vaisseau peut être aussi plein qu'un plus grand, encore qu'il contienne moins de liqueur, ainsi, prenant le contentement d'un chacun pour la plénitude et l'accomplissement de ses désirs réglés selon la raison, je ne doute point que les plus pauvres et les plus disgraciés de la fortune ou de la nature ne puissent être entièrement contents et satisfaits, aussi bien que les autres, encore qu'ils ne jouissent pas de tant de biens.
Descartes vient de dire qu'à sagesse et vertu égale, on « peut jouir d'un plus parfait contentement » si l'on jouit d'abondance de biens extérieurs que si l'on en est privé. Cependant, après l'intervention de l'image des deux vaisseaux, il semble dire le contraire : « les plus pauvres et les plus disgraciés de la fortune ou de la nature [peuvent] être entièrement contents et satisfaits, aussi bien que les autres » (= aussi bien que ceux qui jouissent des biens dont ils sont quant à eux privés).
Du coup, il faut comprendre en quoi l'image des deux vaisseaux permet de passer de l'un à l'autre, et de corriger la première affirmation par la seconde. Même si les deux vaisseaux n'ont pas la même capacité, cependant ils peuvent tous deux être remplis ; qu'ils soient tous deux remplis n'empêche pas qu'ils n'aient pas la même capacité et qu'ils n'aient pas la même capacité n'empêche pas qu'ils soient tous deux remplis. Cela invite à distinguer deux sens de la « perfection » ou de l'« entièreté » dans les expressions « parfait contentement » ou « entièrement content », un sens qui n'est relatif qu'à la personne concernée et un sens qui est relatif à autrui. Creuser tout ce que suggère cette image est un excellent exercice et un vrai travail d'explication de texte.
Descartes écrit souvent ainsi, en précisant progressivement son propos. Couper ce passage au milieu (à « toutefois ») me paraît constituer une authentique erreur, parce que c'est couper le propos en plein milieu de son développement, juste à l'endroit où il est en train de s'affiner.
Je conclus que ce paragraphe (comme le précedent, d'ailleurs) forme une unité. Ça n'empêche pas de « sous-découper » ensuite.
Davantage (ou plutôt : plus immédiatement) que la question de l'universalité de la possibilité d'accéder au contentement, la question ici consiste à se demander dans quelle mesure la répartition très inégale des biens extérieurs (beauté, santé, richesse, naissance...) constitue pour les moins bien pourvus un obstacle au contentement. Et cette question se pose directement et immédiatement, parce que Descartes vient d'admettre que ces biens-là ne sont pas, relativement au bonheur, purement indifférents (le Stoïcisme, lui, les nomme précisément ainsi : des indifférents, des adiaphora).
Mais je n'aurais peut-être jamais pensé à tout ça, personnellement. Donc, ça veut dire que je ne sais pas lire les textes? En tous cas je ne sais pas les découper.
_________________
"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
-----------
https://www.babelio.com/monprofil.php
- Tonio KrögerNiveau 8
Levincent a écrit:
Par conséquent, si on commet ce qui d'un point de vue extérieur, on peut être excusé si intérieurement nous voulions en réalité le bien. C'est là que je trouve que Descartes rejoint la casuistique : si notre conscience témoigne que nous ne voulions que le bien, alors nous sommes dans la vertu et pouvons être contents, même si notre raison a été trompée et qu'en fait nous n'avons pas fait tout le bien que nous voulions. Cela dit, dans les exemples cités ci-dessus, c'est l'action qui vient en premier, et sa justification par la pureté de l'intention est présentée a posteriori, tandis que c'est l'inverse chez Descartes. Sur ce point, les deux conceptions divergent, car Descartes parle de bonne foi, là où Pascal et Montesquieu montrent du doigt une mauvaise foi caractérisée. De plus, Descartes ne parle ici que du bonheur que nous éprouvons intérieurement, et non d'un jugement qui vient de l'extérieur...Du coup mon rapprochement se révèle finalement assez mince...
Je plussoie à mon tour.
- DesolationRowEmpereur
Le but du jeu, c'est précisément de t'entraîner suffisamment pour, progressivement, t'approcher de cette compréhension du texte. Tant que tu crois à un déclic, une illumination etc., tu ne "penseras jamais à tout ça, personnellement". C'est en forgeant que tu apprendras à forger.
- User17706Bon génie
Peut-être. Mais il ne faut pas t'imaginer si loin que ça. La différence entre la lecture que je viens de développer et ce que tu proposais, c'est seulement que je suis plus près du texte.Parménide a écrit: Mais je n'aurais peut-être jamais pensé à tout ça, personnellement.
Non, non. Ça veut seulement dire que, à cette occasion, ce que tu sais du Stoïcisme, et du rôle chez Sénèque de la distinction entre ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas, a fait obstacle à la lecture « naïve » du texte, c'est-à-dire de ce qui est écrit en toutes lettres. (Cf. ton « on sait bien que... » plus haut dans le fil : une phrase qui commence comme ça, d'expérience, est fausse dans 999 cas sur 1000.)Parménide a écrit: Donc, ça veut dire que je ne sais pas lire les textes? En tous cas je ne sais pas les découper.
Ça arrive que des connaissances extérieures fassent écran, il faut être prévenu que c'est possible, et pour ça le mieux est de faire l'erreur, de s'en rendre compte, de la corriger, d'essayer de ne pas la reproduire, et pour cela de lire très lentement en se gardant d'extrapoler ou de plaquer du déjà connu sur le texte.
- ParménideNeoprof expérimenté
C'est très difficile de faire la différence entre "plaquer du déjà connu" sur le texte et enrichir la compréhension par ce qu'on connait déjà d'histoire de la philosophie...
De toute façon, j'en suis toujours et encore réduit à mon ignorance en matière de savoir dégager le plan. Cela implique-t-il de de travailler au brouillon sur chaque phrase, et de chercher pour chacune un rôle et un statut dans le texte?
Non mais de toute façon je pense être dans le vrai, parce que le fait de caractériser la deuxième partie du deuxième paragraphe comme étant l'exposé de l'universalité de l'accès au bonheur, rejoint ce que tu as dit sur la métaphore du vaisseau : bien que la capacité de contenance soit différente, la possibilité d'être remplie est la même. En ce sens, il est bien question d'une universalité d'accès. La différence étant que certains seront plus flattés par la fortune que d'autres.
De toute façon, j'en suis toujours et encore réduit à mon ignorance en matière de savoir dégager le plan. Cela implique-t-il de de travailler au brouillon sur chaque phrase, et de chercher pour chacune un rôle et un statut dans le texte?
Non mais de toute façon je pense être dans le vrai, parce que le fait de caractériser la deuxième partie du deuxième paragraphe comme étant l'exposé de l'universalité de l'accès au bonheur, rejoint ce que tu as dit sur la métaphore du vaisseau : bien que la capacité de contenance soit différente, la possibilité d'être remplie est la même. En ce sens, il est bien question d'une universalité d'accès. La différence étant que certains seront plus flattés par la fortune que d'autres.
_________________
"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
-----------
https://www.babelio.com/monprofil.php
- User17706Bon génie
C'est vrai. Et cette différence est affaire de jugement, ou de jugeotte ; il n'y a pas de recette générale, le problème se repose de manière neuve à chaque texte. (C'est pour ça que c'est intéressant, d'ailleurs.)Parménide a écrit:C'est très difficile de faire la différence entre "plaquer du déjà connu" sur le texte et enrichir la compréhension par ce qu'on connait déjà d'histoire de la philosophies...
En l'occurrence, ce n'est pas ce sur quoi j'insisterais. D'abord, il faudrait que tu saches si la lecture que je propose te satisfait intellectuellement et si j'ai raison d'affirmer qu'elle empêche de « couper » au milieu du deuxième alinéa. Si tu faisais partie de mes étudiants, je dirais (en partant du principe que ma lecture est la bonne, mais là ça va, je n'ai pas de doutes) que si tu l'admets (non par force comme une autorité mais parce que ça éclaire le texte), alors tu as déjà fait un progrès dans l'art de repérer les articulations d'un texte.Parménide a écrit: De toute façon, j'en suis toujours et encore réduit à mon ignorance en matière de savoir dégager le plan. Cela implique-t-il de de travailler au brouillon sur chaque phrase, et de chercher pour chacune un rôle et un statut dans le texte?
Pour répondre plus précisément à ta question, si une proposition de « découpage » rend énigmatique ou bancal le rôle d'une phrase donnée dans un texte, alors c'est probablement que le mouvement du texte n'est pas correctement saisi dans cette proposition de découpage.
- User17706Bon génie
Note bien que je n'ai pas dit qu'il n'était pas question de l'universalité de l'accès au bonheur. J'ai tenu à ce sujet un propos sensiblement différent.Parménide a écrit: Non mais de toute façon je pense être dans le vrai, parce que le fait de caractériser la deuxième partie du deuxième paragraphe comme étant l'exposé de l'universalité de l'accès au bonheur, rejoint ce que tu as dit sur la métaphore du vaisseau : bien que la capacité de contenance soit différente, la possibilité d'être remplie est la même. En ce sens, il est bien question d'une universalité d'accès. La différence étant que certains seront plus flattés par la fortune que d'autres.
- ParménideNeoprof expérimenté
Il me semble que tu as reconnu ci-dessus le fait qu'il y avait deux temps dans ce deuxième paragraphe. Le deuxième commençant à "Toutefois". A partir de là, que je propose une coupure plus nette ne change pas grand chose à l'intelligence du texte dans sa globalité, il me semble.
Mais de toute façon nous parlons de tout ça sans avoir dégagé ni thèse ni problème, c'est curieux...
Mais de toute façon nous parlons de tout ça sans avoir dégagé ni thèse ni problème, c'est curieux...
_________________
"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
-----------
https://www.babelio.com/monprofil.php
- User17706Bon génie
Ah, que ça procède en plusieurs temps, c'est sûr. Ce que je dis plus précisément, c'est que, dans ce 2e alinéa, ce qui précède « toutefois » ne forme pas du tout un propos complet. Si on l'isole de la fin du paragraphe on est sûr de ne pas le comprendre.
- *Fifi*Modérateur
Parmenide pour une dernière fois : peux tu arrêter de parler de toi sur un fil dédié à la compréhension d'un texte de Descartes ? Cela dévie le fil et nous t'avons déjà demandé d'arrêter.
Merci,
La modération.
Merci,
La modération.
_________________
Pour accéder à la banque de données en HG, merci de lire le règlement ici :
https://www.neoprofs.org/t36320-bdd-hg-reglement
- ParménideNeoprof expérimenté
[modéré]
PY :
J'ai choisi comme problème : quelles sont les conditions d'accès au bonheur ?
Est-ce bien le problème central soulevé par le texte?
PY :
J'ai choisi comme problème : quelles sont les conditions d'accès au bonheur ?
Est-ce bien le problème central soulevé par le texte?
_________________
"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
-----------
https://www.babelio.com/monprofil.php
- AspasieNiveau 10
Est-ce bien un "problème" ?Parménide a écrit:
J'ai choisi comme problème : quelles sont les conditions d'accès au bonheur ?
Est-ce bien le problème central soulevé par le texte?
Précise en quoi il y a là un problème, quelle est la difficulté que Descartes cherche à résoudre. Ensuite, sans doute, quelqu'un pourras te dire si l'on peut voir la "le" problème du texte...
- ParménideNeoprof expérimenté
Aspasie a écrit:Est-ce bien un "problème" ?Parménide a écrit:
J'ai choisi comme problème : quelles sont les conditions d'accès au bonheur ?
Est-ce bien le problème central soulevé par le texte?
Précise en quoi il y a là un problème, quelle est la difficulté que Descartes cherche à résoudre. Ensuite, sans doute, quelqu'un pourras te dire si l'on peut voir la "le" problème du texte...
Quelles sont les conditions d'accès au bonheur?
N'y a-t-il pas là la difficulté que Descartes cherche à résoudre?
_________________
"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
-----------
https://www.babelio.com/monprofil.php
- User17706Bon génie
Bah si, il est question de l'accès au bonheur dans ce texte, mais quel est l'intérêt de faire cette remarque, en fait ? ce n'est pas faux mais ça ne dit pas grand'chose du texte.
(Je ne vois pas concrètement à quoi t'avance le fait d'avoir sur le brouillon la phrase « quelles sont les conditions d'accès au bonheur ? » et de baptiser « problème » cette question : exactement comme Aspasie, je m'interroge sur ce qui justifie cette appellation.)
Si ça aide, je peux rédiger une introduction canonique pour une explication de ce texte et commenter un peu la manière dont procède cette introduction.
(Je ne vois pas concrètement à quoi t'avance le fait d'avoir sur le brouillon la phrase « quelles sont les conditions d'accès au bonheur ? » et de baptiser « problème » cette question : exactement comme Aspasie, je m'interroge sur ce qui justifie cette appellation.)
Si ça aide, je peux rédiger une introduction canonique pour une explication de ce texte et commenter un peu la manière dont procède cette introduction.
- Tonio KrögerNiveau 8
Effectivement, c'est plus un texte notionnel et définitionnel que réellement "problématique".
- ParménideNeoprof expérimenté
Tonio Kröger a écrit:Effectivement, c'est plus un texte notionnel et définitionnel que réellement "problématique".
Mais si le texte a été choisi c'est qu'il est nécessairement quelque part problématique, enfin espérons...
Pour l'instant, il me parait difficile d'y voir autre chose comme problème que le suivant : quelles sont les conditions d'accès au bonheur?
Et comme thèse je mets en introduction :
Selon Descartes, chaque homme est susceptible d'accéder au bonheur, pour peu qu'une certaine méthode soit respectée. Pour ce faire, il conviendra de faire la distinction (héritée de la philosophie stoïcienne) entre ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas, en vue d'identifier ce qu'est exactement vivre de façon heureuse, ou encore, "en béatitude". Une fois que la vertu est identifiée comme dépendant de nous, il suffit de l'exercer en vue d'actions rationnelles pour connaitre le bonheur, dans la mesure où ce dernier, au sens fort du terme, ne saurait dépendre de circonstances extérieures.
_________________
"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
-----------
https://www.babelio.com/monprofil.php
- DesolationRowEmpereur
Parménide a écrit:Tonio Kröger a écrit:Effectivement, c'est plus un texte notionnel et définitionnel que réellement "problématique".
Mais si le texte a été choisi c'est qu'il est nécessairement quelque part problématique, enfin espérons...
Pour l'instant, il me parait difficile d'y voir autre chose comme problème que le suivant : quelles sont les conditions d'accès au bonheur?
Et comme thèse je mets en introduction :
Selon Descartes, chaque homme est susceptible d'accéder au bonheur, pour peu qu'une certaine méthode soit respectée. Pour ce faire, il conviendra de faire la distinction (héritée de la philosophie stoïcienne) entre ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas, en vue d'identifier ce qu'est exactement vivre de façon heureuse, ou encore, "en béatitude". Une fois que la vertu est identifiée comme dépendant de nous, il suffit de l'exercer en vue d'actions rationnelles pour connaitre le bonheur, dans la mesure où ce dernier, au sens fort du terme, ne saurait dépendre de circonstances extérieures.
Quelle différence fais-tu entre la philosophie stoïcienne et la conception de Descartes ?
- Rythmes scolaires : l'association des Maires de France publie la lettre qu'elle a envoyée à Jean-Marc Ayrault en août.
- Descartes.
- Pas de prérentrée en août pour le SNALC: préavis de grève pour la journée du 31 août 2015.
- La lettre : donnez vous plusieurs exemples pour chaque "type" de lettre?
- Épistolaire : une différence entre lettre publique et lettre ouverte ?
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum