- Raoul VolfoniGrand sage
http://www.liberation.fr/societe/2012/12/04/vincent-peillon-en-croisade-contre-le-decrochage-scolaire_864960
Le ministre de l'Education nationale, qui doit annoncer ce mardi un plan de lutte contre ce phénomène, espère offrir une formation à 20 000 décrocheurs en 2013.
Le ministre de l’Education Vincent Peillon a annoncé mardi sur RTL qu’il souhaitait donner une formation à 20 000 jeunes sortis du système scolaire en 2013, et a jugé «raisonnable» de parvenir à un objectif de 70 000 à la fin du quinquennat.
«Aujourd’hui on est capable de raccrocher 9 500» jeunes sortis du système scolaire et «je souhaiterais que nous passions à 20 000» en 2013, a-t-il dit. «Vous savez que l’objectif du président de la République est qu’on diminue par deux (le nombre de décrocheurs), c’est-à-dire qu’il faudrait arriver à 70 000 à la fin du quinquennat. C’est un objectif raisonnable».
Le ministre va annoncer dans la matinée, lors d’un séminaire, un plan de lutte contre le décrochage scolaire, un fléau qui touche chaque année 140 000 jeunes. Ces jeunes quittent le système scolaire sans diplôme ou qualification, et sont majoritairement issus de milieux populaires, orientés dans des filières professionnelles sans l’avoir choisi.
«C’est 20 à 25% de notre jeunesse, toujours les mêmes, ceux qui viennent déjà des milieux les plus difficiles, qui se retrouvent sans formation et, dans un pays où le diplôme fait l’emploi, sans emploi et dans la pauvreté», a dit le ministre.
«Nous savons identifier (ces décrocheurs). Le gouvernement précédent, la droite, je lui rends hommage, a mis en place des plateformes, 360, qui permettent d’identifier ces décrocheurs», a-t-il ajouté.
Il faut maintenant «raccrocher» ces jeunes en leur offrant une formation grâce à «une mobilisation générale», a poursuivi le ministre, qui a remercié les acteurs impliqués, notamment l’Agence du service civique et l’Onisep. «Chaque jeune pourra avoir sur son mobile une carte géolocalisée des offres de formation car les gens ne savent pas ce qui est offert aujourd’hui, y compris dans le système éducatif», a-t-il poursuivi. «On le fait avec les moyens de l’Education nationale, la mobilisation des régions. Nous n’avons pas besoin d’argent», a encore dit Vincent Peillon.
Début octobre, François Hollande avait annoncé la mise en place d’un «référent dans les collèges et les lycées professionnels à fort taux d’absentéisme», reprenant l’une des préconisations du rapport de la concertation sur la refondation de l'école. Les enseignants acceptant d’aller dans les «territoires en difficulté» bénéficieront de meilleures conditions de travail, avait ajouté le chef de l’Etat.
Pendant la campagne présidentielle, François Hollande avait aussi promis d'«offrir à tout jeune déscolarisé de 16 à 18 ans une solution de formation, d’apprentissage ou un service civique». Pour lutter contre ce fléau, l’ancien ministre de l’Education Luc Chatel avait instauré un «suivi personnalisé» pour les jeunes décrocheurs.
En outre, en janvier 2011, un dispositif avait été mis en place par la loi très contestée d’Eric Ciotti (UMP), prévoyant en cas d’absentéisme trop fréquent et non justifié, la suspension des allocations familiales. Cette loi a été supprimée fin octobre par le Sénat, jugée «inefficace» par la ministre chargée de la Réussite éducative, George Pau-Langevin.
(AFP)
- PatissotDoyen
On va leur apprendre à casser des cailloux ? Compter des chèvres ?
- JPhMMDemi-dieu
Ou l'inverse.
_________________
Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- PatissotDoyen
C'est à dire que ce sont les chèvres qui vont leur apprendre les bases du calcul ? A moins que ce soit à l'élève d'éduquer la chèvre, afin de développer une démarche réflexive...
_________________
« Déjà, certaines portions de ma vie ressemblent aux salles dégarnies d'un palais trop vaste, qu'un propriétaire appauvri renonce à occuper tout entier. »
- ParatgeNeoprof expérimenté
Patissot a écrit:On va leur apprendre à casser des cailloux ? Compter des chèvres ?
En effet certains de nos zaprenans sont des victimes de l'invention de la clôture électrique : on a moins besoin de bergers !
- JPhMMDemi-dieu
Non, qu'ils pourraient apprendre à compter des cailloux (redondance latine) ou à casser des chèvres.Patissot a écrit:C'est à dire que ce sont les chèvres qui vont leur apprendre les bases du calcul ? A moins que ce soit à l'élève d'éduquer la chèvre, afin de développer une démarche réflexive...
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- PatissotDoyen
Paratge a écrit:Patissot a écrit:On va leur apprendre à casser des cailloux ? Compter des chèvres ?
En effet certains de nos zaprenans sont des victimes de l'invention de la clôture électrique : on a moins besoin de bergers !
Si on sait compter les chèvres, on peut compter les clous, les vis, les pots de yaourt, les boites de conserves,... il y a de l'avenir.
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« Déjà, certaines portions de ma vie ressemblent aux salles dégarnies d'un palais trop vaste, qu'un propriétaire appauvri renonce à occuper tout entier. »
- PatissotDoyen
JPhMM a écrit:Non, qu'ils pourraient apprendre à compter des cailloux (redondance latine) ou à casser des chèvres.Patissot a écrit:C'est à dire que ce sont les chèvres qui vont leur apprendre les bases du calcul ? A moins que ce soit à l'élève d'éduquer la chèvre, afin de développer une démarche réflexive...
La France dispose-t-elle de suffisamment de troupeau pour éduquer ces jeunes ? Et qu'en pense la SPA ?
- JPhMMDemi-dieu
... Et pour le savoir, il aurait fallu compter le nombre de chèvres. Tu es génial !Patissot a écrit:JPhMM a écrit:Non, qu'ils pourraient apprendre à compter des cailloux (redondance latine) ou à casser des chèvres.Patissot a écrit:C'est à dire que ce sont les chèvres qui vont leur apprendre les bases du calcul ? A moins que ce soit à l'élève d'éduquer la chèvre, afin de développer une démarche réflexive...
La France dispose-t-elle de suffisamment de troupeau pour éduquer ces jeunes ?
Finalement, je me range à ton avis. Mieux vaut d'abord les compter.
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- Palombella RossaNeoprof expérimenté
La question qui fâche : pourquoi ces jeunes décrochent-ils ?
- User5899Demi-dieu
Alors vous alors !!Palombella Rossa a écrit:
La question qui fâche : pourquoi ces jeunes décrochent-ils ?
Nan mais, comme si c'était la question !
- ParatgeNeoprof expérimenté
Palombella Rossa a écrit:
La question qui fâche : pourquoi ces jeunes décrochent-ils ?
Parce que les enseignants, arcboutés sur leurs privilèges, refusent d'appliquer la pédagogie qui permettrait à ces jeunes de vivre ensemble avec les autres !
- Palombella RossaNeoprof expérimenté
Cripure a écrit:Alors vous alors !!Palombella Rossa a écrit:
La question qui fâche : pourquoi ces jeunes décrochent-ils ?
Nan mais, comme si c'était la question !
C'est LA question, et même la seule qui mérite d'être posée.
Comment veut-on lutter contre un phénomène dont on ne comprend pas les causes ?
Chuis juste logique, moué, bédame ! :chat:
- Collier de BarbeNeoprof expérimenté
Je n'ai pas de réponse globale mais je trouve la situation angoissante. Je m'explique: cette année j'ai une 1ère L avec le jour de la rentrée 16 élèves. C'est le cas dans beaucoup d'établissements de banlieue parisienne, on rame beaucoup à remplir ces sections. Les langues anciennes sont devenues très rares et l'option "Littérature & société" proposée en 2nde ne semble pas encore réussir à amener des élèves vers cette section.
Au bout de trois semaines, une première élève a quitté la classe, elle s'installe dans la ville à côté et change de lycée, on est à 15. Arrive les vacances de la Toussaint, fin octobre. Démission d'une jeune fille qui "veut travailler" (elle a 16 ans) je suis un peu choqué car l'élève est certes souvent pénible (bavarde, peu travailleuse) mais elle est pas bête du tout et à quelques facilités (notamment en LV). On tombe à 14.
Depuis la mi-novembre, une 3ème élève, celle-ci remarquable, très appliquée, travailleuse, etc. ne vient plus. Motif: le lycée l'angoisse, elle ne supporte pas "la pression" des évaluations, ne pense qu'à une chose: l'équitation. Or, les recherches de la Co-Psy montre que sans bac, c'est quand même très difficile dans ce secteur. On va donc, en fin de 1er trimestre, sans doute tomber à 13 élèves. Vous imaginez l'impact sur la motivation du groupe...
Et après, je lis ça
http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/12/03/en-france-23-des-jeunes-sont-pauvres_1799188_3224.html
et le regard surpris venu d'Outre-Atlantique
http://www.nytimes.com/video/2012/12/02/world/europe/100000001934519/the-floating-generation.html
http://www.nytimes.com/2012/12/03/world/europe/young-and-educated-in-france-find-employment-elusive.html?_r=0
Je n'ai plus du tout envie de rire.
Au bout de trois semaines, une première élève a quitté la classe, elle s'installe dans la ville à côté et change de lycée, on est à 15. Arrive les vacances de la Toussaint, fin octobre. Démission d'une jeune fille qui "veut travailler" (elle a 16 ans) je suis un peu choqué car l'élève est certes souvent pénible (bavarde, peu travailleuse) mais elle est pas bête du tout et à quelques facilités (notamment en LV). On tombe à 14.
Depuis la mi-novembre, une 3ème élève, celle-ci remarquable, très appliquée, travailleuse, etc. ne vient plus. Motif: le lycée l'angoisse, elle ne supporte pas "la pression" des évaluations, ne pense qu'à une chose: l'équitation. Or, les recherches de la Co-Psy montre que sans bac, c'est quand même très difficile dans ce secteur. On va donc, en fin de 1er trimestre, sans doute tomber à 13 élèves. Vous imaginez l'impact sur la motivation du groupe...
Et après, je lis ça
http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/12/03/en-france-23-des-jeunes-sont-pauvres_1799188_3224.html
et le regard surpris venu d'Outre-Atlantique
http://www.nytimes.com/video/2012/12/02/world/europe/100000001934519/the-floating-generation.html
http://www.nytimes.com/2012/12/03/world/europe/young-and-educated-in-france-find-employment-elusive.html?_r=0
Je n'ai plus du tout envie de rire.
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CdB
@AbbeCordillere
- User5899Demi-dieu
On se demande bien pourquoi... :shock:Collier de Barbe a écrit: Je n'ai pas de réponse globale mais je trouve la situation angoissante. Je m'explique: cette année j'ai une 1ère L avec le jour de la rentrée 16 élèves. C'est le cas dans beaucoup d'établissements de banlieue parisienne, on rame beaucoup à remplir ces sections. Les langues anciennes sont devenues très rares et l'option "Littérature & société" proposée en 2nde ne semble pas encore réussir à amener des élèves vers cette section.
Ma 1re L a 18 élèves. Gros lycée d'extrême campagne. Ce n'est pas une question d'implantation.
- IphigénieProphète
Rassurez-vous, on va créer une application smartphone pour leur donner envie de raccrocher
sacré optimiste, vous alors :lol: :lol: :lol:l'option "Littérature & société" proposée en 2nde ne semble pas encore réussir à amener des élèves vers cette section.
- Collier de BarbeNeoprof expérimenté
Je comprends mal vos sarcasmes. C'est tellement nul cette option "L&S"? Je ne l'ai jamais enseignée, mais l'idée ne me semblait pas inintéressante. Après tout, d'autres enseignements optionnels sont choisis par les élèves avec l'idée de préparer leur orientation future...
_________________
CdB
@AbbeCordillere
- Palombella RossaNeoprof expérimenté
Quelques analyses sur ladite option :
http://www.lejdd.fr/Societe/Education/Actualite/La-grosse-deprime-du-bac-L-200759
et, en plus approfondi :
http://veille-education.org/2010/03/08/litterature-et-societe-de-la-cosmetique-appliquee-au-lycee/
http://www.lejdd.fr/Societe/Education/Actualite/La-grosse-deprime-du-bac-L-200759
et, en plus approfondi :
http://veille-education.org/2010/03/08/litterature-et-societe-de-la-cosmetique-appliquee-au-lycee/
- User5899Demi-dieu
Ben, le principe de la littérature n'est pas de doubler la société.La société s'étudie avec des sociologues, avec des historiens peut-être? La littérature, ce sont des mots, qui peuvent bâtir un idéal, mais sont tout à fait compris à contresens s'il s'agit de l'accoupler à la hussarde avec la société. Cette option est un truc, un de plus, pour équilibrer les services. 1h au français, 1/2h à l'histoire, ou le contraire. Et les programmes sont une sorte de vide-grenier de tout ce qui s'écarte de la littérature, ou en donne l'image qu'en donnent certains médias : un machin qui cause de.Collier de Barbe a écrit:Je comprends mal vos sarcasmes. C'est tellement nul cette option "L&S"? Je ne l'ai jamais enseigné, mais l'idée ne me semblait pas inintéressante. Après tout, d'autres enseignements optionnels sont choisis par les élèves avec l'idée de préparer leur orientation future...
Bref, un gadget tout à fait caractéristique de l'époque Chatel...
- Palombella RossaNeoprof expérimenté
Palombella Rossa a écrit:
et, en plus approfondi :
http://veille-education.org/2010/03/08/litterature-et-societe-de-la-cosmetique-appliquee-au-lycee/
Zut, le lien ne fonctionne plus !
Voici donc le texte en V.O. :
Littérature et société : de la cosmétique appliquée au lycée
Le lycée Chatel est arrivé – enfin, ce qui reste du lycée, c'est-à-dire peu de chose.
C’est donc dès septembre prochain qu’entre en vigueur la nouvelle « seconde » et avec elle un nouveau produit marketing, l’enseignement « d’exploration » – parce que les élèves le valent bien.
Le nom du produit, on le sait, coco, c’est très important. Tout est dans la connotation, c’est ce qu’on apprend aux pubards. « Enseignement d’exploration », ça vous pose son lycéen, pardon, son apprenant. « Qu’as-tu appris à l’école, mon fils, à l’école, aujourd’hui ? » chantait Graeme Allwrignt en notre jeune temps. Réponse 2010 : -- J’ai pas appris, papa, j’ai ex-plo-ré.
Bon sang, mais c’est bien sûr !!! Évidemment, ça change tout. Au lieu de travailler, d’apprendre, d’écrire, d’acquérir des savoirs – notions périmées, comme chacun sait – on explore. Chapeau de brousse, treillis kaki, machette à la ceinture, boussole à la main, tigres du Bengale, varans de Komodo, serpents géants dévorés des punaises, incroyables Florides mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux d'hommes, Amazonie, Nambikwara, Bororo, la Patagonie, la Patagonie, et un voyage dans les mers du sud … Lévi-Strauss, Indiana Jones, Docteur Livingstone je présume. Tout l’imaginaire de l’exploration dans une seule salle de classe, encore plus fort que Combray, ville et jardins, dans une tasse de thé. De quoi donner envie -- et l’envie, coco, c’est ce qui fait venir le client.
Parmi les enseignements d’exploration [1], dont la liste chante à l’oreille comme aux rabelaisiens l’inventaire de la bibliothèque de Saint Victor – Santé et social, Sciences et laboratoire, Littérature et société, Sciences de l’ingénieur , Méthodes et pratiques scientifiques, Création et innovation technologiques (sic), Création et activités artistiques , Langues et cultures de l’Antiquité – latin, Langues et cultures de l’Antiquité – grec, Langue vivante 3 – j’ai choisi de rêver prioritairement sur « Littérature et société ».
Vaste programme, aurait dit le général De Gaulle. Ambitieux. Du pain sur la planche. Le professeur de lettres, dans un grand élan d’enthousiasme naïf, se voit déjà brasser, plein d‘allégresse, auteurs, œuvres, périodes et concepts : société de la littérature et littératures de la société, Balzac et Lukacs, Pascal, Racine et Goldmann, Corneille et le Roi, le roman et la bourgeoisie, Flaubert et Sartre, engagement et non-engagement, rhétoriques et pamphlets, utopie et uchronie, Première Guerre Mondiale et Céline, Beckett et le temps d'après la Shoah, Perec et les années Pompidou.
Pas de la « littérature pure », certes, pas « l’absente de tout bouquet », mais a priori pas non plus « l’universel reportage » ni « les mots de la tribu ». Faire voir que la littérature ne tombe pas ex nihilo du ciel des Idées, qu’un écrivain est fait de la chair et du sang de son époque, (qu’il la vomisse ou qu’il l’épouse, c’est tout un) et qu’un livre ne s’écrit jamais par hasard, n’est pas en soi une mauvaise idée. Mettre en rapport littérature, histoire et sociologie, pour des lycéens qui font remonter sans complexes Clément Marot au XIXe siècle, Balzac au Moyen Age, et le théâtre classique à la plus haute Antiquité, semble même une excellente initiative.
O joie prématurée ! Enthousiasme mal à propos ! Erreur on ne peut plus funeste ! Iou iou popoï babaï : il s‘agit d’un enseignement d’exploration. Ex-plo-ra-tion, vous dis-je ! Il ne s’agit pas d’apprendre pour mieux comprendre, ni même, évidemment, d’apprendre pour être – oh l’affreux mot – cultivé. Le document officiel est très clair là-dessus :
« Cet enseignement d’exploration vise à renforcer l’attractivité de la voie littéraire, en montrant aux élèves l’intérêt, l’utilité sociale et la diversité des débouchés d’une formation humaniste au sens large et moderne du terme ».
L’intérêt se mesure donc en termes d’utilité sociale et de diversité des débouchés. « À quoi sert la littérature ? » demandait jadis Sartre dans un moment d’aberration. Elle a une utilité sociale et offre divers débouchés, répond le génial rédacteur du programme, qui a au moins le mérite d’être pragmatique. On m’objectera que la série littéraire est en crise, qu’elle attire de moins en moins de lycéens et de moins en moins de « vrais » littéraires. Certes. Mais pense-t-on vraiment la rendre attractive avec ce produit d’appel ?
Il faut croire que oui, puisque la formulation « formation humaniste au sens large et moderne du terme » dissipe d’emblée tout malentendu. Rassurez-vous, ô impétrants, ô candides candidats à la série L : « littérature et société » ne vous proposera ni latin ni grec. Aucune violence ne vous sera faite. Aucun lycéen ne sera maltraité lors de cet enseignement.
D’autant moins de violence que, je cite encore le document, cet enseignement d’exploration doit se faire « en rupture avec les formes plus traditionnelles de l’enseignement en classe de seconde. »
D’abord, il sera mis en place conjointement par les professeurs de lettres et d’histoire-géographie. En clair, va falloir travailler en équipe, les gars, que vous le vouliez ou non, et vous montrer inventifs, créatifs, modernes. C’est ce que le document appelle « des démarches co-disciplinaires ouvertes à l’innovation pédagogique » :
« Cet enseignement d’exploration doit offrir l’opportunité (…)
- de permettre aux élèves de réaliser certaines productions et de développer leur créativité (présentations orales, portfolios, recherches documentaires, expositions, reportages, etc.) ;
- d’engager des partenariats permettant une découverte, en situation, des formations et champs professionnels ouverts aux élèves issus de la voie littéraire (intervention de professionnels, visites hors de l’établissement, etc.). »
Bref, vous qui vouliez du culturel, de la transmission, quelques savoirs savants – comme disent les khuistres --, laissez toute espérance :
« Cet enseignement ne saurait donc être dispensé sous la forme d’un cours magistral ».
Car le cours magistral, c’est mal, comme dit l’Oréal, – pour la rime.
Pas de cours magistral, donc, mais encore mieux – autres mots magiques, encore plus magiques qu’ « exploration », -- de l' « activité », des « compétences » et du « projet » :
« (Cet enseignement) repose nécessairement sur la mise en activité des élèves, selon les diverses modalités qui conviennent au projet retenu, dans le but de favoriser l’acquisition et l’exercice de certaines compétences propres aux études littéraires ».
Il faut donc avoir des idées, les copains, et inventer de quoi motiver vos troupes :
« Les situations de travail proposées aux élèves seront choisies en fonction de leur intérêt et de la motivation qu’elles peuvent susciter, de leur adéquation au projet pédagogique des professeurs, de la mobilisation possible de partenaires extérieurs, de l’inscription éventuelle de ce travail dans l’agenda culturel local (…) Cet enseignement doit se faire, autant que possible, en relation avec des partenaires, institutions ou entreprises culturelles proches du lycée, à l’occasion d’événements ou de manifestations diverses (festivals, expositions, semaine de la presse, concours, appels à projets, etc.). »
J’aime beaucoup « l’agenda culturel local ». Quelque chose me dit qu’il vaudra mieux vivre à Cannes, Aix-en-Provence ou La Rochelle qu’à Digne-les-Bains ou à Luçon – sauf à se persuader que la Fête de la Cagouille [2] et le Corso de la lavande présentent le même intérêt socio-historico-littéraire que la représentation des Suppliantes ou le dernier Godard. Certes, il y eut quelques célèbres « Comices agricoles »... Mais n’est pas Flaubert, ni même Daudet, qui veut.
Cela dit, ne rêvons pas trop et revenons aux textes :
« Les 54 heures que compte, sur l’année, cet enseignement d’exploration, autorisent, dans le cadre du projet d’établissement, une certaine liberté d’organisation qui doit favoriser la conception et la mise en oeuvre de projets associant les professeurs des disciplines concernées ».
Traduction pour les non-initiés et pour ceux qui se faisaient encore quelques illusions : non seulement on va brasser du vent, mais encore on ne le fera pas longtemps. 54 heures, cela signifie, dans le meilleur des cas, une pâle teinture (l’Oréal, l’Oréal vous dis-je) pour les chères têtes blondes.
Pourtant, l‘intitulé des « domaines d’exploration », avouons-le, a de la gueule. C’est l’aventure de l’esprit, n’hésitons pas à le reconnaître. C’est beau, c’est grand, c’est généreux, ça parle à l’imaginaire :
« Les professeurs choisissent deux ou trois domaines d’exploration parmi les six domaines présentés ci-dessous :
1. Écrire pour changer le monde : l’écrivain et les grands débats de société
2. Des tablettes d’argile à l’écran numérique : l’aventure du livre et de l’écrit
3. Images et langages : donner à voir, se faire entendre
4. Médias, information et communication : enjeux et perspectives
5. Paroles publiques : de l’agora aux forums sur la toile
6. Regards sur l’autre et sur l’ailleurs »
Un esprit prosaïque observera que passer dix-huit malheureuses heures (54/3) ou même 27 (54/2) sur des questions aussi vastes, grandioses et englobantes qu’«écrire pour changer le monde », «des tablettes d’argile à l’écran numérique » ou « de l’agora aux forums sur la toile », c’est peut-être un peu… rapide, léger, superficiel. Mais c’est ça l’exploration moderne, coco : embrasser le monde en dix-huit ou vingt-sept heures, trop fort le mec. Exploration ne signifie pas approfondissement. Exploration, ça signifie survol, comme Nicolas Hulot en U.L.M. « Littérature et société vus du ciel », ou le lycée façon Artus-Bertrand.
On ne te demande ni d’approfondir ni de développer, ô gentil apprenant, mais de te mettre en situation d’activité, de « réaliser certaines productions et de développer (ta) créativité (présentations orales, portfolios, recherches documentaires, expositions, reportages, etc.) » : dans la pratique, du sous-TPE mâtiné d’un ersatz d’ECJS.
Rassure-toi, petit seconde, avec « littérature et société » tu ne seras ni fatigué ni saturé de savoirs encombrants qui risqueraient de te « prendre la tête ». Tu garderas la peau douce, le teint frais, les pores resserrés et le cheveu brillant. Tu ne vieilliras pas prématurément sous le poids de la connaissance. Ton front ne se ridera pas à force de te concentrer. Tu ne pâliras pas sous le faix de l’étude. Tu resteras lisse, jeune, ignorant et plein de la fraîcheur des âmes pures. Parce que tu le vaux bien.
Françoise Guichard
[1]
Parmi ces enseignements d’exploration, il faudra en choisir 1 obligatoirement parmi 2 du domaine de l'économie : "Sciences économiques et sociales" ou "Principes fondamentaux de l'économie et de la gestion". Pourquoi rendre obligatoire un enseignement d’économie ? Le motif invoqué vaut son pesant de noix vomique : « Les évolutions de notre monde et la crise récente révèlent plus que jamais le besoin de comprendre l’économie et la place que celle-ci occupe dans nos sociétés contemporaines et dans la vie quotidienne de chacun. Aussi, parmi les deux enseignements d’exploration que les élèves doivent suivre, un au moins doit être choisi parmi les deux enseignements d’économie : « principes fondamentaux de l’économie et de la gestion » et « sciences économiques et sociales ». Leur objectif est de faire acquérir les notions fondamentales qui font partie aujourd’hui du bagage commun à tout lycéen. Ils contribuent à la compréhension de l’actualité ».
[2] Une cagouille est un escargot charentais.
Parmi ces enseignements d’exploration, il faudra en choisir 1 obligatoirement parmi 2 du domaine de l'économie : "Sciences économiques et sociales" ou "Principes fondamentaux de l'économie et de la gestion". Pourquoi rendre obligatoire un enseignement d’économie ? Le motif invoqué vaut son pesant de noix vomique : « Les évolutions de notre monde et la crise récente révèlent plus que jamais le besoin de comprendre l’économie et la place que celle-ci occupe dans nos sociétés contemporaines et dans la vie quotidienne de chacun. Aussi, parmi les deux enseignements d’exploration que les élèves doivent suivre, un au moins doit être choisi parmi les deux enseignements d’économie : « principes fondamentaux de l’économie et de la gestion » et « sciences économiques et sociales ». Leur objectif est de faire acquérir les notions fondamentales qui font partie aujourd’hui du bagage commun à tout lycéen. Ils contribuent à la compréhension de l’actualité ».
[2] Une cagouille est un escargot charentais.
- Collier de BarbeNeoprof expérimenté
J'entends bien vos réserves, mais elles me semblent bien théoriques (et franchement Palombella broder sur la cuistrerie des programmes, c'est un brin facile, non?)
Les échos que j'ai de la pratique du machin [et je comprends votre point de vue qui est sans doute qu'on devrait purement et simplement supprimer L&S et donner les heures aux matières concernées] me semblent pas inintéressantes: des élèves de 2nde qui lisent et réfléchissent à partir de corpus pas forcément stupides... Justement parce que les textes officiels dans leur mollesse inepte offrent une grande liberté aux collègues lettres & histoire pour organiser leur machin à leur guise.
Reste qu'évidemment ça ne fera pas revenir ceux qui font S quand bien même ils envisagent une hypokhâgne ou une fac de lettres ou de sciences humaines après...
Les échos que j'ai de la pratique du machin [et je comprends votre point de vue qui est sans doute qu'on devrait purement et simplement supprimer L&S et donner les heures aux matières concernées] me semblent pas inintéressantes: des élèves de 2nde qui lisent et réfléchissent à partir de corpus pas forcément stupides... Justement parce que les textes officiels dans leur mollesse inepte offrent une grande liberté aux collègues lettres & histoire pour organiser leur machin à leur guise.
Reste qu'évidemment ça ne fera pas revenir ceux qui font S quand bien même ils envisagent une hypokhâgne ou une fac de lettres ou de sciences humaines après...
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CdB
@AbbeCordillere
- IphigénieProphète
Voilà au mieux, c'est un espace de liberté:
le problème c'est comme toujours la réalisation pratique et concrète des belles idées théoriques:
des heures confiées à un autre enseignant que la classe defrançais (forcément puisque ce sont des groupes trans-classes) qui font des trucs en totale indépendance du cours de français, mais qui sont quand même en rapport avec le français,
et qui débouchent sur la concurrence entre le prof qui se tape le programme de français et le prof de "littérature et so" qui les promène dans les musées, les salons ou leur fait lire des bandes-dessinées et colorier des quatrièmes de couverture.
Au risque d'entendre des "avec X il , elle suit beaucoup mieux/moins bien parce que c'est plus-moins intéressant/ plus en rapport avec la vraie vie: à quoi ça sert à l'époque actuelle d'aujourd'hui de faire Balzac, Zola ... Et on leur parle des débouchés du métier du livre (elle est bonne d'ailleurs celle-là....): ça c'est du concret.
Bref, je fais court: ça crée un bazar de plus, -ambiance folk, tendance démago- là où on manque si cruellement d'heures pour travailler.
On parlait de quoi, déjà? des élèves décrocheurs?
le problème c'est comme toujours la réalisation pratique et concrète des belles idées théoriques:
des heures confiées à un autre enseignant que la classe defrançais (forcément puisque ce sont des groupes trans-classes) qui font des trucs en totale indépendance du cours de français, mais qui sont quand même en rapport avec le français,
et qui débouchent sur la concurrence entre le prof qui se tape le programme de français et le prof de "littérature et so" qui les promène dans les musées, les salons ou leur fait lire des bandes-dessinées et colorier des quatrièmes de couverture.
Au risque d'entendre des "avec X il , elle suit beaucoup mieux/moins bien parce que c'est plus-moins intéressant/ plus en rapport avec la vraie vie: à quoi ça sert à l'époque actuelle d'aujourd'hui de faire Balzac, Zola ... Et on leur parle des débouchés du métier du livre (elle est bonne d'ailleurs celle-là....): ça c'est du concret.
Bref, je fais court: ça crée un bazar de plus, -ambiance folk, tendance démago- là où on manque si cruellement d'heures pour travailler.
On parlait de quoi, déjà? des élèves décrocheurs?
- User5899Demi-dieu
Vouiiphigénie a écrit:Voilà au mieux, c'est un espace de liberté:
le problème c'est comme toujours la réalisation pratique et concrète des belles idées théoriques:
des heures confiées à un autre enseignant que la classe defrançais (forcément puisque ce sont des groupes trans-classes) qui font des trucs en totale indépendance du cours de français, mais qui sont quand même en rapport avec le français,
et qui débouchent sur la concurrence entre le prof qui se tape le programme de français et le prof de "littérature et so" qui les promène dans les musées, les salons ou leur fait lire des bandes-dessinées et colorier des quatrièmes de couverture.
Au risque d'entendre des "avec X il , elle suit beaucoup mieux/moins bien parce que c'est plus-moins intéressant/ plus en rapport avec la vraie vie: à quoi ça sert à l'époque actuelle d'aujourd'hui de faire Balzac, Zola ... Et on leur parle des débouchés du métier du livre (elle est bonne d'ailleurs celle-là....): ça c'est du concret.
Bref, je fais court: ça crée un bazar de plus, -ambiance folk, tendance démago- là où on manque si cruellement d'heures pour travailler.
On parlait de quoi, déjà? des élèves décrocheurs?
Et je gourmandais Palombella, qui avait l'outrecuidance de s'interroger sur les raisons de l'existence même de décrocheurs.
- Palombella RossaNeoprof expérimenté
Ce genre de dékhonnage, c'est du décrochage organisé, ne plus, ne moins !
- Palombella RossaNeoprof expérimenté
http://www.20minutes.fr/societe/1055611-vincent-peillon-veut-accrocher-decrocheurs
"Pour Marie Duru-Bellat, il est impératif de «supprimer l'orientation subie», cause d'échec et d'abandon de l'école pour de nombreux élèves."
Je propose donc qu'on les passe tous en 1ere S d'autorité, ces petits, et qu'on n'en parle plus.
"Pour Marie Duru-Bellat, il est impératif de «supprimer l'orientation subie», cause d'échec et d'abandon de l'école pour de nombreux élèves."
Je propose donc qu'on les passe tous en 1ere S d'autorité, ces petits, et qu'on n'en parle plus.
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