[Le Monde] Déclassement des enseignants : témoignage de six anciens ministres de l’EN

Un article (hélas payant) sur le décrochage salarial des enseignants français vu à travers l'avis de six anciens ministres de l'EN.

Le Monde a écrit:Au début des années 1980, un enseignant débutant gagnait l’équivalent de 2,3 fois le smic. Cette rémunération est tombée à 1,2 fois le salaire minimum début 2022. Cette statistique révèle, à elle seule, le déclassement subi par les enseignants. Comment expliquer ce décrochage salarial et symbolique ? Pourquoi les professeurs ont-ils dégringolé dans la hiérarchie sociale et comment expliquer qu’aucune action publique d’envergure n’ait été engagée pour enrayer le phénomène ?

La suite ici :

https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/02/16/declassement-des-enseignants-six-anciens-ministres-de-l-education-auscultent-trente-ans-de-reformes_6161998_3224.html

En résumé ils expliquent tous le problème de l'argent avec Bercy qui ne veut pas lâcher grand chose, voire qui veut en reprendre.
Le choix (quand il y en avait un) était soit de privilégier les postes ou les salaires. A l'époque où le décrochage n'était pas encore important, le choix a été les postes. Puis les deux ont été sacrifiés, d'où le décrochage abyssal aujourd'hui.

Les profs victimes de leur impopularité
Les ministres de l’éducation nationale que nous avons interrogés racontent la difficulté de faire du statut et de la rémunération des professeurs une priorité. Dans les équilibres gouvernementaux, d’une part, mais aussi au sein d’un ministère où l’attention se focalise sur les savoirs et les apprentissages.

Dans le rapport de force visant à donner la priorité aux enseignants, les anciens ministres décrivent tous des « batailles homériques », selon les mots de Najat Vallaud-Belkacem, avec le ministère de l’économie. Défendre le premier budget de la nation se révèle une mission à plein temps, car augmenter – même très peu – près d’un million de fonctionnaires représente des budgets colossaux.

A signaler qu'à droite seuls de Robien et Ferry ont répondu au Monde. Les plus toxiques Dacos, Châtel et Blanquer ont décliné.
Article à mettre en perspective avec le même exercice avec les ministres de la santé, pour la même conclusion : j'aurais bien voulu mais j'ai pas pu...

Pas de leur faute, au MEN, c'est la faute de Bercy. Facile.

Les ministres de l’éducation nationale que nous avons interrogés racontent la difficulté de faire du statut et de la rémunération des professeurs une priorité. Dans les équilibres gouvernementaux, d’une part, mais aussi au sein d’un ministère où l’attention se focalise sur les savoirs et les apprentissages.

plus faux-cul tu meurs

des « batailles homériques », selon les mots de Najat Vallaud-Belkacem, avec le ministère de l’économie.

n'ayons pas peur des mots. Apparemment elles ont donc toutes été perdues.

Incroyable lecture...
Tous les anciens ministres interrogés reconnaissent le déclassement des enseignants    mais aucun n'a eu les coudées franches pour faire quoi que ce soit à cause des restrictions imposées par Bercy et de l'opinion publique

« Il faudrait augmenter la rémunération des enseignants, c’est une évidence absolue, reconnaît Najat Vallaud-Belkacem, ministre de 2014 à 2017. Mais dans les faits, je vous assure que ce n’est pas si simple. A l’égard de Bercy, des parlementaires, comme de l’opinion publique. »

En fait, tous (en partant du principe qu'ils seraient de bonne foi et auraient vraiment essayé) reconnaissent avoir manqué de courage politique et manqué de soutien de la part du chef de gouvernement et du chef de l'Etat. Parce qu'il s'agit de choix, comme toujours.

Question d'un naïf étranger et manquant de mémoire : il me semble que les ministres ayant le plus participé au discours négatif envers les enseignants font partie de ceux n'ayant pas répondu. Mon impression est-elle correcte ?

Taillevent a écrit:Question d'un naïf étranger et manquant de mémoire : il me semble que les ministres ayant le plus participé au discours négatif envers les enseignants font partie de ceux n'ayant pas répondu. Mon impression est-elle correcte ?

Oui, ton impression est très correcte.
Manquent les plus destructeurs : Allègre, Darcos, Chatel et Blanquer.

Taillevent a écrit:Question d'un naïf étranger et manquant de mémoire : il me semble que les ministres ayant le plus participé au discours négatif envers les enseignants font partie de ceux n'ayant pas répondu. Mon impression est-elle correcte ?

Pour moi le podium du mépris est celui-ci :

1 : Claude Allègre avec mention très honorable du jury
2 : Najat Belkacem
3 : Châtel

Mais bon, j'enseigne depuis 1986, j'ai des souvenirs lointains !

Rien n'excuse que tous ces ministres n'aient RIEN entrepris pour organiser différemment l'école. En Allemagne, l'argent investi (par élève) dans l'éducation représente à peu près la même somme qu'en France, mais il y a beaucoup plus d'argent qui atterrit dans les poches des professeurs. On a en France un double gaspillage lié aux règles des marchés publics et au poids de l'administration qui représente un montant colossal.

Baldred a écrit:

Taillevent a écrit:Question d'un naïf étranger et manquant de mémoire : il me semble que les ministres ayant le plus participé au discours négatif envers les enseignants font partie de ceux n'ayant pas répondu. Mon impression est-elle correcte ?

Oui, ton impression est très correcte.
Manquent les plus destructeurs  : Allègre, Darcos, Chatel et Blanquer.

Merci.
Donc au fond, il y a ici une forme de cohérence : ceux qui ont répondu sont ceux qui n'ont pas été le plus ouvertement nuisible ou même qui ont honnêtement espéré améliorer les choses (ou en tout cas qui y croient). Les Attila de la rue de Grenelle se sont prudemment abstenus.

e-Wanderer a écrit:En Allemagne, l'argent investi (par élève) dans l'éducation représente à peu près la même somme qu'en France, mais il y a beaucoup plus d'argent qui atterrit dans les poches des professeurs. On a en France un double gaspillage lié aux règles des marchés publics et au poids de l'administration qui représente un montant colossal.

Je veux bien que l'administration soit plus légère en Allemagne. (Encore que, s'agissant d'un État fédéral, il faudrait voir, en examinant bien tous les échelons.)
Par contre, je ne saisis pas l’histoire des règles de marchés publics. Pourrais-tu expliquer ?

L'opinion publique est modelée par les discours. On pourrait la changer en changeant le discours officiel. On l'a bien vu avec les soignants pendant la pandémie. Quand un ministre de l'EN crache tous les jours sur les enseignants, il ne peut pas s'attendre à une opinion publique qui leur soit favorable. Et plus ce discours dure dans le temps, plus il sera difficile d'inverser la tendance. Mais il est vrai que les pires en la matière sont ceux qui ont refusé de répondre.

lene75 a écrit:L'opinion publique est modelée par les discours. On pourrait la changer en changeant le discours officiel. On l'a bien vu avec les soignants pendant la pandémie. Quand un ministre de l'EN crache tous les jours sur les enseignants, il ne peut pas s'attendre à une opinion publique qui leur soit favorable. Et plus ce discours dure dans le temps, plus il sera difficile d'inverser la tendance. Mais il est vrai que les pires en la matière sont ceux qui ont refusé de répondre.

Il suffit d'aller voir les commentaires sous un article sur les enseignants pour s'en apercevoir. Une bonne partie de l'opinion est toujours persuadée qu'on est des feignasses bien trop payées, toujours absents, en grève et en vacances.

Isis39 a écrit:

lene75 a écrit:L'opinion publique est modelée par les discours. On pourrait la changer en changeant le discours officiel. On l'a bien vu avec les soignants pendant la pandémie. Quand un ministre de l'EN crache tous les jours sur les enseignants, il ne peut pas s'attendre à une opinion publique qui leur soit favorable. Et plus ce discours dure dans le temps, plus il sera difficile d'inverser la tendance. Mais il est vrai que les pires en la matière sont ceux qui ont refusé de répondre.

Il suffit d'aller voir les commentaires sous un article sur les enseignants pour s'en apercevoir. Une bonne partie de l'opinion est toujours persuadée qu'on est des feignasses bien trop payées, toujours absents, en grève et en vacances.

Honnêtement, j'ai quand même le sentiment qu'en France, l'opinion publique a generalement une très mauvaise image des métiers, et pas seulement pour les profs.

J'ai du mal à imaginer NVB menant une "bataille homérique" pour nous augmenter...

Mutis, je dresse le même podium que toi.

J'ai du mal à me rappeler ce que Darcos aurait fait de si terrible. Dans mon souvenir (orienté, sans doute, tant ce fut un soulagement), il nous a surtout libérés, nous professeurs de Lettres, de l'obligation de travailler en séquences, de l'interdiction de la grammaire (ou presque), et de la typologie des textes, pour renouer avec une vraie approche littéraire de la littérature (sic). Les programmes Darcos sont les meilleurs que j'aie connus de toute ma carrière. Cela a dû occulter les méfaits du Monsieur.

moi c'est moi a écrit:Honnêtement, j'ai quand même le sentiment qu'en France, l'opinion publique a generalement une très mauvaise image des métiers, et pas seulement pour les profs.

De l'extérieur, je suis souvent impressionné de voir la tension qu'il y a entre les gens en France, de manière générale. (D'ailleurs, j'ai l'impression que chaque fois que je passe la frontière française, même si c'est juste pour une heure, je vois au moins une fois des gens se hurler dessus, au point de me demander si ils vont en venir aux mains.)

J’ai détesté Peillon, Hamon, Vallaud-Belkacem. Sous Sarkozy, j’ai mieux gagné ma vie puisqu’on parle pognon.

Bouboule a écrit:J’ai détesté Peillon, Hamon, Vallaud-Belkacem. Sous Sarkozy, j’ai mieux gagné ma vie puisqu’on parle pognon.

Absolument. C'est sous Sarko que j'ai le mieux vécu avec mon salaire de prof.

Descoings l'ineffable progressiste pour qui le latin n'était qu'une fioriture non nécessaire, c'était à l'époque de Darcos, non?
tous ces ministres ont été ou bien très faibles devant Bercy ou bien très complices. Les batailles homériques ça demande un peu d'héroïsme.

moi c'est moi a écrit:
Honnêtement, j'ai quand même le sentiment qu'en France, l'opinion publique a generalement une très mauvaise image des métiers, et pas seulement pour les profs.

Ces ministres se mentent à eux-même. Les professions les plus déconsidérées en france sont hommes politiques et journalistes. Cela n'empêche pas les hommes politiques de s'augmenter, pour eux, le salaire suit l'inflation.
Les commentaires en fin d'article ne reflètent pas l'opinion générale, juste des oisifs qui ont le temps et l'énergie pour vomir sur les profs.

La voix du nord a écrit:À 85%, les sondés pensent que les politiques ne se préoccupent pas d’eux.

Lien ici

Letélégramme.fr a écrit:Pour 73 % des Français, les enseignants sont « compétents ». 71 % des personnes interrogées les trouvent « sympathiques », 62 % les estiment « soucieux de leurs élèves » et 58 % les jugent « dévoués ».

Lien ici

*Ombre* a écrit:J'ai du mal à imaginer NVB menant une "bataille homérique" pour nous augmenter...

Hi hi hi ?

L'article du fil a écrit:Des mesures, d’ampleur différente, ont été prises par les différents locataires de l’Hôtel de Rochechouart. Mais elles n’ont jamais permis de rattraper le décrochage salarial qui s’est installé, et avec lui, la perte d’attractivité du métier. Pour ces anciens ministres, la nécessité d’une revalorisation salariale apparaît aujourd’hui comme une « évidence » . « La revalorisation sociale et symbolique reviendrait si la dévalorisation financière n’était pas aussi dévastatrice » , juge ainsi Luc Ferry. Et le jeu, pointent les anciens ministres, en vaut la chandelle. « Une école qui fonctionne constitue une vraie dépense d’investissement pour un pays : sa compétitivité réside tout de même dans la formation des citoyens » , estime Vincent Peillon.

Ravie de voir que cette donnée fondamentale, que l'avenir du pays repose en grande partie sur nous, flotte quand même encore un peu dans l'esprit des décideurs. Mais bon, je crains que cela soit maintenant trop tard.

Maroussia a écrit:

Bouboule a écrit:J’ai détesté Peillon, Hamon, Vallaud-Belkacem. Sous Sarkozy, j’ai mieux gagné ma vie puisqu’on parle pognon.

Absolument. C'est sous Sarko que j'ai le mieux vécu avec mon salaire de prof.

Triste à reconnaitre mais hélas, oui, j'ai pas mal d'amis qui sont "simples employés" (sans côté péjoratif, je veux dire avec un niveau d'études relativement faible) et qui regrettent cette époque.

Gilles de Robien (2005-2007) a été le seul, avant Jean-Michel Blanquer, à tenter de remettre en place un enseignement de la lecture efficace. Sa circulaire de 2006 sur l'apprentissage de la lecture est un modèle de lucidité et de courage politique. J'enseignais la lecture en CP à cette époque, et il fit passer des évaluations de lecture à l'entrée au CE1 qui, à ma connaissance, sont les plus objectives jamais réalisées, parce qu'elles furent conduites et corrigées par les RASED.
Les résultats furent si calamiteux - 30 à 60 % d'échecs ; en gros, la moitié des élèves quittaient le CP sans savoir lire - que la bronca des syndicats majoritaires fit tout mettre dans le placard, et le ministre avec. Et tout continua comme avant, sous la houlette des Foucambert, Meirieu, Charmeux, Ouzoulias et compagnie...
(N. B. : J'obtins 100 % de réussite à ces évaluations. Pas un pseudo-dyslexique n'est sorti de ma classe.)

Circulaire de Robien

*Ombre* a écrit:J'ai du mal à imaginer NVB menant une "bataille homérique" pour nous augmenter...

Mutis, je dresse le même podium que toi.

J'ai du mal à me rappeler ce que Darcos aurait fait de si terrible. Dans mon souvenir (orienté, sans doute, tant ce fut un soulagement), il nous a surtout libérés, nous professeurs de Lettres, de l'obligation de travailler en séquences, de l'interdiction de la grammaire (ou presque), et de la typologie des textes, pour renouer avec une vraie approche littéraire de la littérature (sic). Les programmes Darcos sont les meilleurs que j'aie connus de toute ma carrière. Cela a dû occulter les méfaits du Monsieur.

Darcos a eu le malheur de dire devant une commission du sénat sur un ton qui n'avait rien d'arrogant (j'étais devant mon poste), parlant de la scolarisation des enfants de DEUX ans qu'il n'était peut être pas nécéssaire d'avoir un bac plus 5 pour changer des couches...
Les syndicats ont sauté sur l'occasion pour dire que "Darcos avait dit que les instits passaient leur temps à changer les couches"
On peut retrouver les extraits si on a le temps et apprécier l'honnêteté des uns et des autres...
Je pense que Darcos était quelqu'un de cultivé et qui n'a jamais décrié la priorité au savoir, c'est déjà beaucoup.

Ouais enfin il s’est surtout bien  préoccupé de sa carrière à mon avis. J’ai du mal à en garder bon souvenir. Peut-être voyait il ce qu’il aurait fallu faire mais pas au prix de déplaire ….