Reconversion professionnelle : ingénieur -> prof

Je crois que personne, vraiment personne  n'a idée de notre situation et de nos conditions matérielles de boulot.
Journée type: t'arrives avant 8h, déjà crevé: une queue de 10 collègues devant la seule photocopieuse qui marche. AH, merde, elle ne marche plus, il n'y a plus de toner ou bourrage. Puis la sonnerie (ah, ces sonneries, je ne peux plus ). Tu vas donc en cours sans tes photocops, les couloirs sont bondés, les gamins hurlent, t'empêchent de passer. T'arrives dans ta classe: pas de chauffage ou de l'eau qui suinte du plafond; l'ordi met des plombes à s'allumer, quand il veut bien s'allumer. T'as prévu un cours avec le vidéo-projecteur:et reremerde, y a pas le son; t'as pourtant bien signalé le truc à l'intendant, ça fait 2 semaines au moins.
Récré: t'as 15 minutes, montre en main pour jouer des coudes entre les bandes d'ados qui squattent les couloirs. Tu arrives haletant à la machine à café, cours comme un dératé  à l'entrée du lycée pour fumer ta clope. Re sonnerie, même scénario...stress.
A un moment, t'as une heure de libre: tu mets 20 minutes pour aller voir l'intendant (son bureau est à 3 kms) , et lui signaler le problème du toner, des ramettes et des feutres manquants. Il t'envoie bouler parce qu'il a autre chose de plus important à faire, et il te signifie qu'il faut y aller mollo sur les photocops, et que, dixit le chef, à force il faudra les rationner, parce que là, tous autant qu'on est, on abuse sérieusement. Pareil pour les feutres.
Tu sors de là en culpabilisant comme un malade

En attendant, aucune photocopieuse qui fonctionne pendant 3 jours.

Etc, etc, etc.

Voilà la journée type, je n'exagère pas. Je ne parle même pas des élèves, parents pénibles, des injonctions, tâches multiples et variées, des demi-journées "libres"  bousillées par des réunions à 17h. Et j'oublie tout un tas de trucs qui rendent ce boulot intenable et éminemment stressant.
Et enfin, puisque c'était ta question initiale: il est quasiment impossible de travailler sur place, à corriger des copies ou autre, comme tu l'auras compris.

Une précision concernant le matériel, on est très correctement lotis dans les universités. Matériel informatique en prêt avec des réserves significatives. Bureau attitré. DSI généralement réactive. Pour cela, il faut obtenir une affectation sur un poste de PRAG (donc être agrégé) et être prêt à bouger car ces postes sont peu nombreux et relativement convoités.
Bon par contre niveau temps de travail hebdo, entre la semestrialisation et la blinde de charges administratives, c'est juste un p*tain de cauchemar. Ex responsable de licence pro, je tournais à 60h/semaine avant ma reconversion.

"Que font les chefs d'établissement ?" Ben ils font ce qu'ils peuvent... Eux-mêmes ne disposent pas d'un matériel informatique dernier cri. Lorsque j'ai une réunion je dois anticiper pour m'assurer qu'il y aura bien un PC, une connexion, un câble et un vidéo projecteur dans la salle. Quand un professeur me signale un problème informatique, je peux faire appel au professeur responsable réseau (il n'y a pas toujours de volontaire) qui accessoirement fait cours et n'est donc pas disponible dans la minute. Je peux aussi faire appel aux informaticiens du Département : ils sont 3 dans tout le département Je ne peux pas les joindre directement, il faut que je saisisse un "ticket" sur une plate-forme, en essayant d'expliquer le problème. Je reçois une réponse automatique qui me dit que ma demande est bien prise en compte, puis... on attend.
Il nous a fallu 4 MOIS pour obtenir un second poste en vie scolaire : la gestionnaire nous disait que ce n'était pas de son ressort car sur le réseau pédagogique, le Département nous disait que ce n'était pas de son ressort car sur le réseau administratif. C'est ubuesque...
Je passe sur le fait que les professeurs ne peuvent accéder à certains contenus à cause des blocages installés par le Département : en histoire géographie, les collègues sont bloqués par le mot "génocide" par exemple.
Et le pire, c'est que quand on explique tout ça, on ne nous croit pas.
Voilà, bienvenue dans le monde merveilleux de l'Education Nationale.

Marxou a écrit:Je crois que personne, vraiment personne  n'a idée de notre situation et de nos conditions matérielles de boulot.
Journée type: t'arrives avant 8h, déjà crevé: une queue de 10 collègues devant la seule photocopieuse qui marche. AH, merde, elle ne marche plus, il n'y a plus de toner ou bourrage. Puis la sonnerie (ah, ces sonneries, je ne peux plus ). Tu vas donc en cours sans tes photocops, les couloirs sont bondés, les gamins hurlent, t'empêchent de passer. T'arrives dans ta classe: pas de chauffage ou de l'eau qui suinte du plafond; l'ordi met des plombes à s'allumer, quand il veut bien s'allumer. T'as prévu un cours avec le vidéo-projecteur:et reremerde, y a pas le son; t'as pourtant bien signalé le truc à l'intendant, ça fait 2 semaines au moins.
Récré: t'as 15 minutes, montre en main pour jouer des coudes entre les bandes d'ados qui squattent les couloirs. Tu arrives haletant à la machine à café, cours comme un dératé  à l'entrée du lycée pour fumer ta clope. Re sonnerie, même scénario...stress.
A un moment, t'as une heure de libre: tu mets 20 minutes pour aller voir l'intendant (son bureau est à 3 kms) , et lui signaler le problème du toner, des ramettes et des feutres manquants. Il t'envoie bouler parce qu'il a autre chose de plus important à faire, et il te signifie qu'il faut y aller mollo sur les photocops, et que, dixit le chef, à force il faudra les rationner, parce que là, tous autant qu'on est, on abuse sérieusement. Pareil pour les feutres.
Tu sors de là en culpabilisant comme un malade

En attendant, aucune photocopieuse qui fonctionne pendant 3 jours.

Etc, etc, etc.

Voilà la journée type, je n'exagère pas. Je ne parle même pas des élèves, parents pénibles, des injonctions, tâches multiples et variées, des demi-journées "libres"  bousillées par des réunions à 17h. Et j'oublie tout un tas de trucs qui rendent ce boulot intenable et éminemment stressant.
Et enfin, puisque c'était ta question initiale: il est quasiment impossible de travailler sur place, à corriger des copies ou autre, comme tu l'auras compris.

Oui, enfin on peut aussi te raconter d'autres journées, d'autres ambiances. Par exemple, pour éviter le stress de la photocopieuse, j'essaie de faire mes photocopies à l'avance. Quand j'ai un trou, sur un moment où il y a moins de monde (j'ai même trouvé une petite salle "secrète" où on accède avec une clé! et où il y a assez peu de monde ) , je bloque une heure de photopiles. Bon, ce n'est pas passionnant mais pas d'agacement matinal. On est un grand bahut, tu peux trouver des petits bureaux dans la SDP pour bosser si tu veux...
Tout ça pour dire qu'il y aussi des expériences différentes suivant les endroits, les personnes..
Evidemment, que j'ai vécu des journées telles que tu les décris, après avec un peu d'expérience, on essaie de trouver des solutions. Et oui, les "gens" ne connaissent pas les conditions réelles de travail d'un professeur mais pas plus que nous ne connaissons vraiment celles d'un chirurgien, d'un boulanger, d'un agent bancaire...
Enfin, c'est le énième post du même style avec quelqu'un qui veut se reconvertir comme professeur, certes avec ses clichés ou préjugés et à qui on promet enfer et damnation...

La différence quand même roxanne, c'est que personne ne prétend qu'un chirurgien, un boulanger ou un agent bancaire est un glandu qui fout rien. Alors qu'un prof...

Je crois surtout qu'il y a un vrai complexe qui empêche d'assumer certains points. Et on l'a vu sur certains posts, par exemple le dernier sur l'AED. Je pense qu'on assumerait un peu plus notre condition, nos "avantages" et notre expertise d'enseignants, on n'en serait pas là. Oui,, j'ai des vacances, oui, il y a du temps libéré (plutôt que libre) et? Je ne pars pas dans un long monologue pour monter tout ce que je fais et prouver que je ne suis pas une paresseuse. Je n'ai rien à prouver à personne, je sais ce que je fais, comment je le fais, ça me suffit. C'est ça que je ne comprends pas. Quant aux clichés et préjugés sur les autres métiers, ils sont légion et j'en ai lu pas mal ici-même. (rien que celui du cadre avec horaires de bureaux !)

Absolument d'accord avec Roxanne.

Et puis, il y a tellement de conditions d'enseignements différentes . Si je prends mon exemple, je me sens plus sereine depuis que je suis au lycée après 8 ans de collège (dans la même commune pourtant) même avec des classes technos. Mais d'autres préfèrent le collège. Les préjugés ou clichés tomberont avec la réalité mais que chacun appréhende différemment.

Je rebondis sur le parallèle prof/ingé.

Je vis avec un ingénieur,  qui a pas mal changé  de boîte  au cours des années.  Il a tout expérimenté.De la charge de travail intense mais très  bien payée à celle tout aussi intense mais moins bien rémunérée ( je ne dis pas "mal" parce qu'il a toujours gagné nettement plus que moi) .

Actuellement, il finit sa carrière dans un poste tranquille, bien payé où il travaille moins que moi...qui bosse plus maintenant qu à 40 ans.

Comme tout le monde, j ai vu effectivement ma charge de travail aller croissant et le niveau se dégrader  tellement  qu'il devient quasi impossible de recycler ne serait-ce que le moindre contrôle d'une année  sur l'autre .Et ne parlons pas des cours.
Il y a 20 ans, j'étudiais l 'Assommoir en 3eme. Ça  me paraît surréaliste de nos jours.
Actuellement,toute mon expérience accumulée ne me sert à strictement rien ,ou à  pas grand-chose et je suis obligée de me réinventer chaque année pour un public de moins en moins intéressé, même si vraiment sympathique dans mon cas.
Mon ingé,  lui, mobilise toute son experience pour travailler vite et bien dans une entreprise réellement bienveillante où il croule sous les RTT, les vacances et une certaine idée  du bien-être  au travail .

LadyOlenna a écrit:La différence quand même roxanne, c'est que personne ne prétend qu'un chirurgien, un boulanger ou un agent bancaire est un glandu qui fout rien. Alors qu'un prof...

Et aussi quand on décrit les choses telles qu'elles se déroulent réellement, personne ne nous croit.
En plus d'être feignant, bien payé et glandeur, le prof est aussi menteur.

mimi a écrit:Je rebondis sur le parallèle prof/ingé.

Je vis avec un ingénieur,  qui a pas mal changé  de boîte  au cours des années.  Il a tout expérimenté.De la charge de travail intense mais très  bien payée à celle tout aussi intense mais moins bien rémunérée ( je ne dis pas "mal" parce qu'il a toujours gagné nettement plus que moi) .

Actuellement, il finit sa carrière dans un poste tranquille, bien payé où il travaille moins que moi...qui bosse plus maintenant qu à 40 ans.

Comme tout le monde, j ai vu effectivement ma charge de travail aller croissant et le niveau se dégrader  tellement  qu'il devient quasi impossible de recycler ne serait-ce que le moindre contrôle d'une année  sur l'autre .Et ne parlons pas des cours.
Il y a 20 ans, j'étudiais l 'Assommoir en 3eme. Ça  me paraît surréaliste de nos jours.
Actuellement,toute mon expérience accumulée ne me sert à strictement rien ,ou à  pas grand-chose et je suis obligée de me réinventer chaque année pour un public de moins en moins intéressé, même si vraiment sympathique dans mon cas.
Mon ingé,  lui, mobilise toute son experience pour travailler vite et bien dans une entreprise réellement bienveillante où il croule sous les RTT, les vacances et une certaine idée  du bien-être  au travail .

Tant mieux pour lui, mais de là à penser que c'est le cas de la majorité des entreprises ..
Parce que moi aussi, j'ai un ingénieur à la maison et ce n'st pas du tout dans ce sens que ça tourne, hein. A tel point qu'il cherche aussi une reconversion (pas dans l'enseignement , je vous rassure) alors qu'il aimait bien son boulot. Donc là aussi, il y a autant de situations que de d'entreprises.

Ramanujan974 a écrit:

LadyOlenna a écrit:La différence quand même roxanne, c'est que personne ne prétend qu'un chirurgien, un boulanger ou un agent bancaire est un glandu qui fout rien. Alors qu'un prof...

Et aussi quand on décrit les choses telles qu'elles se déroulent réellement, personne ne nous croit.
En plus d'être feignant, bien payé et glandeur, le prof est aussi menteur.

Mais qu'avez-vous à prouver à qui que ce soit en fait ? Qui vous demande des comptes à ce point? Moi, si ça m'arrive (et c'est très rare), je dis oui, si tu veux et? Mais en général, il y a un vrai échange.

Je ne dis pas que c'est le cas partout Roxanne. Il a vécu aussi des moments pas marrants. Mais plus maintenant.

@roxanne Juste un exemple récent : il y a 15 jours, je râle auprès de ma secrétaire contre quelques professeurs qui n'ont pas rempli les bulletins pour le soir même. La secrétaire râle aussi, et me lance "c'est pas comme s'ils bossaient 35h par semaine !". Je lui réponds en lui expliquant que ce n'est pas la question, que même en bossant 40h par semaine, quand il faut remplir les bulletins, tu remplis les bulletins, quitte à faire 43h cette semaine-là. Elle me regarde ahurie, en me répétant que les professeurs ne bossent jamais autant. J'aurais pu lâcher l'affaire, mais ça m'énerve :  je lui ai dit qu'en tant qu'ex prof de lettres durant 19 ans, je savais quand même un peu de quoi je parlais... Mais elle ne me croyait toujours pas, me disant que ce n'était pas comme ça toutes les semaines, que je n'avais pas tout le temps des copies (comme l'écrivait plus haut l'initiateur de ce fil), que j'exagérais. Oui, ça m'énerve ; ça ne devrait pas, je sais, mais ça m'énerve.
Et au quotidien, ce dénigrement constant du professeur par la secrétaire de direction, la secrétaire de gestion, la gestionnaire, c'est pesant je trouve.

LadyOlenna a écrit:@roxanne Juste un exemple récent : il y a 15 jours, je râle auprès de ma secrétaire contre quelques professeurs qui n'ont pas rempli les bulletins pour le soir même. La secrétaire râle aussi, et me lance "c'est pas comme s'ils bossaient 35h par semaine !". Je lui réponds en lui expliquant que ce n'est pas la question, que même en bossant 40h par semaine, quand il faut remplir les bulletins, tu remplis les bulletins, quitte à faire 43h cette semaine-là. Elle me regarde ahurie, en me répétant que les professeurs ne bossent jamais autant. J'aurais pu lâcher l'affaire, mais ça m'énerve :  je lui ai dit qu'en tant qu'ex prof de lettres durant 19 ans, je savais quand même un peu de quoi je parlais... Mais elle ne me croyait toujours pas, me disant que ce n'était pas comme ça toutes les semaines, que je n'avais pas tout le temps des copies (comme l'écrivait plus haut l'initiateur de ce fil), que j'exagérais. Oui, ça m'énerve ; ça ne devrait pas, je sais, mais ça m'énerve.
Et au quotidien, ce dénigrement constant du professeur par la secrétaire de direction, la secrétaire de gestion, la gestionnaire, c'est pesant je trouve.

Merci LadyOlenna, c'est exactement cela, c'est énervant ces préjugés sur notre métier !!!
J'aimerais parvenir, comme Roxane, à n'en avoir rien à faire, mais je n'y parviens pas, cela me touche, voire me blesse, et je ne supporte plus non plus ce petit sourire en coin qui veut dire "mais bien sûr, tu dis n'importe quoi et tu exagères, ces profs, jamais contents !" quand je tente d'expliquer la réalité du métier.
C'est usant de savoir qu'on fait un métier si mal reconnu.

roxanne a écrit:

Ramanujan974 a écrit:

LadyOlenna a écrit:La différence quand même roxanne, c'est que personne ne prétend qu'un chirurgien, un boulanger ou un agent bancaire est un glandu qui fout rien. Alors qu'un prof...

Et aussi quand on décrit les choses telles qu'elles se déroulent réellement, personne ne nous croit.
En plus d'être feignant, bien payé et glandeur, le prof est aussi menteur.

Mais qu'avez-vous à prouver à qui que ce soit en fait ? Qui vous demande des comptes à ce point? Moi, si ça m'arrive (et c'est très rare), je dis oui, si tu veux et? Mais en général, il y a un vrai échange.

Alors c'est très simple: tout le monde nous demande des comptes.
Nos élèves de LP font des stages. Partout où je passe  je dis bien partout, quand je vais les voir et que je rencontre leurs tuteurs, j'ai droit à un commentaire sur " vous les profs": "Vous les profs vous ne savez plus les faire travailler", "Vous les profs, qu'est-ce que vous faites en classe, cet élève est nul en orthographe ", " Vous les profs, ah oui le rendez-vous on aurait pu le prendre à 19h parce que nous on bosse ", "Vous les profs quand j'étais au lycée moi non plus j'aimais pas l'école,  vous savez pas faire aimer l'école ", " Vous les profs ah c'est bientôt les vacances vous en avez des vacances hein", "Vous les profs ça va, vous travaillez quoi? 20 heures par semaine c'est ça?" etc.
Pas une fois je ne me suis permis de généraliser pour appliquer cette formule bien sentie aux différents tuteurs que j'ai rencontrés: "Vous les secrétaires avec votre cafetière et votre bureau individuel vous vous la coulez douce toute la journée ", "Vous les garagistes on sait bien que vous êtes des voleurs qui profitez des clients naifs, j'en ai rencontré des voleurs comme vous", "Vous les restaurateurs c'est cool avec la pandémie vous avez trouvé la planque, payés à rien faire pendant des mois", etc.
A la fin, ça va bien. Ras le bol de ces remarques méprisantes,  impolies, sans-gêne,  injustifiées de surcroît,  que l'on nous envoie à la figure comme autant de reproches permanents.
Et je ne parle pas de ce que l'on entend "dans le civil": "Toi qui es prof, ça va les vacances ?", ou encore mieux, "Ton( sic) ministre il est bien non?" Seuls les proches, qui ont confiance, savent que nous ne proférons pas d'inepties. Pour les autres, c'est peine perdue.
Parce que oui, en plus de ça je confirme,  nous sommes taxés de menteurs ou de mauvais coucheurs quand nous expliquons dans quelles conditions nous travaillons.
La seule fois où je me suis sentie réconfortée,  c'est dernièrement à la pharmacie,  quand je suis allée chercher mes autotests et en ai profité pour décrire nos conditions de travail. J'etais fatiguée et pas bien. Là il y a eu  comme tu dis, " échange": j'ai été écoutée,  et crue. Ca m'a fait un bien fou.
Pour le reste...
Non vraiment, nous sommes déconsidérés et le tout-venant ne se gêne pas pour nous le dire, tout le temps, et sans complexe.
C'est une réalité.

roxanne a écrit:
Enfin, c'est le énième post du même style avec quelqu'un qui veut se reconvertir comme professeur, certes avec ses clichés ou préjugés et à qui on promet enfer et damnation...

Enfer et damnation, non  - sinon j'aurais fui depuis longtemps. En revanche c'est passablement agaçant de lire justement ce type de topic qui revient régulièrement : quelqu'un explique vouloir se reconvertir entre autres pour le temps libre, on explique qu'on n'en a pas non plus tant que ça et qu'une heure de cours ne vaut pas une heure de bureau, réponse inévitable : "bof, ça ne doit pas être à ce point" (avec le sous-entendu plus ou moins explicite selon les topics "ce sont des profs qui disent ça, ils n'ont jamais  vraiment su ce que voulait dire avoir du travail, moi je suis habitué à bosser, je ferai mieux qu'eux...").

Quant au cliché du cadre avec horaires de bureau, encore une fois, c'est l'auteur du topic lui-même qui a parlé de faire" 9h-18h" (ce qui est passablement ridicule en effet, mais à la limite la question n'est pas là). Et comme d'habitude, il faut peut-être rappeler que le salaire n'est pas le même entre le prof et l'ingénieur...

Elaïna a écrit:Absolument d'accord avec Roxanne.

Idem

Marxou a écrit:Je crois que personne, vraiment personne  n'a idée de notre situation et de nos conditions matérielles de boulot.
Journée type: t'arrives avant 8h, déjà crevé: une queue de 10 collègues devant la seule photocopieuse qui marche. AH, merde, elle ne marche plus, il n'y a plus de toner ou bourrage. Puis la sonnerie (ah, ces sonneries, je ne peux plus ). Tu vas donc en cours sans tes photocops, les couloirs sont bondés, les gamins hurlent, t'empêchent de passer. T'arrives dans ta classe: pas de chauffage ou de l'eau qui suinte du plafond; l'ordi met des plombes à s'allumer, quand il veut bien s'allumer. T'as prévu un cours avec le vidéo-projecteur:et reremerde, y a pas le son; t'as pourtant bien signalé le truc à l'intendant, ça fait 2 semaines au moins.
Récré: t'as 15 minutes, montre en main pour jouer des coudes entre les bandes d'ados qui squattent les couloirs. Tu arrives haletant à la machine à café, cours comme un dératé  à l'entrée du lycée pour fumer ta clope. Re sonnerie, même scénario...stress. [...]

Merci Marxou, je trouve la description tout à fait réaliste !! 

Elaïna a écrit:Absolument d'accord avec Roxanne.

Oui: never explain, never complain (enfin si, je réponds si on m'attaque sur des points précis, et je fais remarquer les différences entre ce que dit Blanquer sur BFM et la réalité).

Les réactions agacées sur ce fil viennent de certaines remarques du style "les copies, ce n'est pas long à corriger", "on regarde la veille les deux ou trois exercices qu'on va donner aux élèves", mais c'est ce que beaucoup de gens ont en tête: ils pensent qu'on peut recycler éternellement les mêmes cours.

Il y a des reconvertis heureux, j'en ai croisé, mais la plupart d'entre eux avaient sous-estimé la quantité de travail à fournir.

zigmag17 a écrit:

roxanne a écrit:

Ramanujan974 a écrit:

LadyOlenna a écrit:La différence quand même roxanne, c'est que personne ne prétend qu'un chirurgien, un boulanger ou un agent bancaire est un glandu qui fout rien. Alors qu'un prof...

Et aussi quand on décrit les choses telles qu'elles se déroulent réellement, personne ne nous croit.
En plus d'être feignant, bien payé et glandeur, le prof est aussi menteur.

Mais qu'avez-vous à prouver à qui que ce soit en fait ? Qui vous demande des comptes à ce point? Moi, si ça m'arrive (et c'est très rare), je dis oui, si tu veux et? Mais en général, il y a un vrai échange.

Alors c'est très simple: tout le monde nous demande des comptes.
Nos élèves de LP font des stages. Partout où je passe  je dis bien partout, quand je vais les voir et que je rencontre leurs tuteurs, j'ai droit à un commentaire sur " vous les profs": "Vous les profs vous ne savez plus les faire travailler", "Vous les profs, qu'est-ce que vous faites en classe, cet élève est nul en orthographe ", " Vous les profs, ah oui le rendez-vous on aurait pu le prendre à 19h parce que nous on bosse ", "Vous les profs quand j'étais au lycée moi non plus j'aimais pas l'école,  vous savez pas faire aimer l'école ", " Vous les profs ah c'est bientôt les vacances vous en avez des vacances hein", "Vous les profs ça va, vous travaillez quoi? 20 heures par semaine c'est ça?" etc.
Pas une fois je ne me suis permis de généraliser pour appliquer cette formule bien sentie aux différents tuteurs que j'ai rencontrés: "Vous les secrétaires avec votre cafetière et votre bureau individuel vous vous la coulez douce toute la journée ", "Vous les garagistes on sait bien que vous êtes des voleurs qui profitez des clients naifs, j'en ai rencontré des voleurs comme vous", "Vous les restaurateurs c'est cool avec la pandémie vous avez trouvé la planque, payés à rien faire pendant des mois", etc.
A la fin, ça va bien. Ras le bol de ces remarques méprisantes,  impolies, sans-gêne,  injustifiées de surcroît,  que l'on nous envoie à la figure comme autant de reproches permanents.
Et je ne parle pas de ce que l'on entend "dans le civil": "Toi qui es prof, ça va les vacances ?", ou encore mieux, "Ton( sic) ministre il est bien non?" Seuls les proches, qui ont confiance, savent que nous ne proférons pas d'inepties. Pour les autres, c'est peine perdue.
Parce que oui, en plus de ça je confirme,  nous sommes taxés de menteurs ou de mauvais coucheurs quand nous expliquons dans quelles conditions nous travaillons.
La seule fois où je me suis sentie réconfortée,  c'est dernièrement à la pharmacie,  quand je suis allée chercher mes autotests et en ai profité pour décrire nos conditions de travail. J'etais fatiguée et pas bien. Là il y a eu  comme tu dis, " échange": j'ai été écoutée,  et crue. Ca m'a fait un bien fou.
Pour le reste...
Non vraiment, nous sommes déconsidérés et le tout-venant ne se gêne pas pour nous le dire, tout le temps, et sans complexe.
C'est une réalité.

C'est bien dommage.
Pourquoi accepter de te faire ainsi insulter ?

Je fais partie des reconverties qui souffrent et regrettent profondément de cette reconversion. Pour ma part, ce n'est pas la charge de travail à fournir qui me désillusionne le plus: comme énoncé plus haut, j'ai été cadre dans la grande distribution, avec des objectifs et un chiffre d'affaire hebdomadaire à sortir, une équipe à gérer sur une amplitude horaire énorme, des heures à n'en plus finir étalées sur six jours (officiellement on devait travailler cinq jours par semaine, officieusement la pression faisait qu'on passait souvent la sixième journée d'ouverture).
Je rentrais moins usée le soir qu'après six ou sept heures de cours. Vous me direz que je suis plus vieille aujourd'hui et donc que c'est normal que j'encaisse moins bien la fatigue. Je ne crois pas qu'il n'y ait que cela. La fatigue nerveuse est réelle.
La désillusion est réelle, les injonctions contradictoires sont épuisantes pour qui s'est reconverti afin de "donner du sens" à son travail, le mépris institutionnel et sociétal (élèves et parents compris) dont les enseignants font l'objet me blesse terriblement. Quant au manque de moyens matériels de l'établissement et à ma fiche de paie en fin de mois, heureusement que mon conjoint est là.

LadyOlenna a écrit:@roxanne Juste un exemple récent : il y a 15 jours, je râle auprès de ma secrétaire contre quelques professeurs qui n'ont pas rempli les bulletins pour le soir même. La secrétaire râle aussi, et me lance "c'est pas comme s'ils bossaient 35h par semaine !". Je lui réponds en lui expliquant que ce n'est pas la question, que même en bossant 40h par semaine, quand il faut remplir les bulletins, tu remplis les bulletins, quitte à faire 43h cette semaine-là. Elle me regarde ahurie, en me répétant que les professeurs ne bossent jamais autant. J'aurais pu lâcher l'affaire, mais ça m'énerve :  je lui ai dit qu'en tant qu'ex prof de lettres durant 19 ans, je savais quand même un peu de quoi je parlais... Mais elle ne me croyait toujours pas, me disant que ce n'était pas comme ça toutes les semaines, que je n'avais pas tout le temps des copies (comme l'écrivait plus haut l'initiateur de ce fil), que j'exagérais. Oui, ça m'énerve ; ça ne devrait pas, je sais, mais ça m'énerve.
Et au quotidien, ce dénigrement constant du professeur par la secrétaire de direction, la secrétaire de gestion, la gestionnaire, c'est pesant je trouve.

Tu confirmes ce que je supposais sur la haute opinion dans laquelle nous tiennent les membres du personnel administratif.

Pour ce que tu dis Paleoprofs, je pense qu'en effet beaucoup de gens sous-estiment la fatigue nerveuse engendrée. J'ai travaillé comme bénévole dans un festival de musique ( bon ok ce n'est pas un travail rémunéré mais ça donne une idée) avec de grandes amplitudes horaires (style 9 heures/minuit mais avec des temps morts où je devais juste être présent et surveiller les loges) mais je rentrais beaucoup moins fatigué le soir qu'après une journée de cours.

Une passante a écrit:

LadyOlenna a écrit:@roxanne Juste un exemple récent : il y a 15 jours, je râle auprès de ma secrétaire contre quelques professeurs qui n'ont pas rempli les bulletins pour le soir même. La secrétaire râle aussi, et me lance "c'est pas comme s'ils bossaient 35h par semaine !". Je lui réponds en lui expliquant que ce n'est pas la question, que même en bossant 40h par semaine, quand il faut remplir les bulletins, tu remplis les bulletins, quitte à faire 43h cette semaine-là. Elle me regarde ahurie, en me répétant que les professeurs ne bossent jamais autant. J'aurais pu lâcher l'affaire, mais ça m'énerve :  je lui ai dit qu'en tant qu'ex prof de lettres durant 19 ans, je savais quand même un peu de quoi je parlais... Mais elle ne me croyait toujours pas, me disant que ce n'était pas comme ça toutes les semaines, que je n'avais pas tout le temps des copies (comme l'écrivait plus haut l'initiateur de ce fil), que j'exagérais. Oui, ça m'énerve ; ça ne devrait pas, je sais, mais ça m'énerve.
Et au quotidien, ce dénigrement constant du professeur par la secrétaire de direction, la secrétaire de gestion, la gestionnaire, c'est pesant je trouve.

Merci LadyOlenna, c'est exactement cela, c'est énervant ces préjugés sur notre métier !!!
J'aimerais parvenir, comme Roxane, à n'en avoir rien à faire, mais je n'y parviens pas, cela me touche, voire me blesse, et je ne supporte plus non plus ce petit sourire en coin qui veut dire "mais bien sûr, tu dis n'importe quoi et tu exagères, ces profs, jamais contents !" quand je tente d'expliquer la réalité du métier.
C'est usant de savoir qu'on fait un métier si mal reconnu.

J'ai mis en gras ce qui me fait réagir. Je ne suis pas d'accord avec cela.
A force de laisser couler, de ne pas réagir, eh bien on se retrouve avec des gens qui gobent sans arrière-pensée le discours du ministère qui nous déconsidère.
Ne pas geindre, non, simplement dire, factuellement, ce qu'il se passe, faire prendre conscience (mais sans y laisser la santé non plus).

J'adore mon boulot, pas ses à-côtés, pas les loufoqueries du ministère, pas la destruction du service public maquillée en pseudo réforme bienveillante, pas l'inconséquence d'une hiérarchie carriériste qui veut asseoir son pouvoir et a oublié qu'elle était là pour nous permettre de faire notre boulot, enseigner.
Je suis en colère quand je vois que les administratifs de l'EN ont une augmentation conséquente - et discrète -, mais que les profs ont peanuts, mais que le MEN se gargarise des trois kopecks versés aux profs débutants.
J'adore mon boulot, mais ce n'est pas un sacerdoce.

Adri a écrit:

Une passante a écrit:

LadyOlenna a écrit:@roxanne Juste un exemple récent : il y a 15 jours, je râle auprès de ma secrétaire contre quelques professeurs qui n'ont pas rempli les bulletins pour le soir même. La secrétaire râle aussi, et me lance "c'est pas comme s'ils bossaient 35h par semaine !". Je lui réponds en lui expliquant que ce n'est pas la question, que même en bossant 40h par semaine, quand il faut remplir les bulletins, tu remplis les bulletins, quitte à faire 43h cette semaine-là. Elle me regarde ahurie, en me répétant que les professeurs ne bossent jamais autant. J'aurais pu lâcher l'affaire, mais ça m'énerve :  je lui ai dit qu'en tant qu'ex prof de lettres durant 19 ans, je savais quand même un peu de quoi je parlais... Mais elle ne me croyait toujours pas, me disant que ce n'était pas comme ça toutes les semaines, que je n'avais pas tout le temps des copies (comme l'écrivait plus haut l'initiateur de ce fil), que j'exagérais. Oui, ça m'énerve ; ça ne devrait pas, je sais, mais ça m'énerve.
Et au quotidien, ce dénigrement constant du professeur par la secrétaire de direction, la secrétaire de gestion, la gestionnaire, c'est pesant je trouve.

Merci LadyOlenna, c'est exactement cela, c'est énervant ces préjugés sur notre métier !!!
J'aimerais parvenir, comme Roxane, à n'en avoir rien à faire, mais je n'y parviens pas, cela me touche, voire me blesse, et je ne supporte plus non plus ce petit sourire en coin qui veut dire "mais bien sûr, tu dis n'importe quoi et tu exagères, ces profs, jamais contents !" quand je tente d'expliquer la réalité du métier.
C'est usant de savoir qu'on fait un métier si mal reconnu.

J'ai mis en gras ce qui me fait réagir. Je ne suis pas d'accord avec cela.
A force de laisser couler, de ne pas réagir, eh bien on se retrouve avec des gens qui gobent sans arrière-pensée le discours du ministère qui nous déconsidère.
Ne pas geindre, non, simplement dire, factuellement, ce qu'il se passe, faire prendre conscience (mais sans y laisser la santé non plus).

J'adore mon boulot, pas ses à-côtés, pas les loufoqueries du ministère, pas la destruction du service public maquillée en pseudo réforme bienveillante, pas l'inconséquence d'une hiérarchie carriériste qui veut asseoir son pouvoir et a oublié qu'elle était là pour nous permettre de faire notre boulot, enseigner.
Je suis en colère quand je vois que les administratifs de l'EN ont une augmentation conséquente - et discrète -, mais que les profs ont peanuts, mais que le MEN se gargarise des trois kopecks versés aux profs débutants.
J'adore mon boulot, mais ce n'est pas un sacerdoce.

Oui, voilà, car plaintes et lamentations ne sont jamais bien reçues (nous avons les vacances, nous faisons le plus beau métier du monde), mais rester factuel et calme oui.

Il faut aussi que les candidats à la reconversion se renseignent de près sur le système des mutations et le "mouvement", enfin mouvement c'est vite dit car il nous incite plutôt à l'immobilité.

Comme je l'ai déjà dit, je connais un jeune ingénieur ex reconverti prof qui s'est "rereconverti "ingénieur après juste 4 ans chez nous.
Et  j'ai croisé pas mal de cadres ayant passé CAPES voire AGREG sur le tard, qui, effarés par la réalité  du terrain ,sont repartis ailleurs très rapidement.