- Mr ZedNiveau 4
Lefteris a écrit:Ils voient comment ils nous font ch.. , ce qu'ils sont, et n'imaginent pas qu'il puisse en être autrement. En plus ils savent qu'on ne gagne pas grand-chose, et ça, c'est un des plus grands objets de leur mépris. Ils ne parlent que d'argent, ne vénèrent que le fric. Quand on leur parle d'un auteur, le premier mot c'est : "il était riche ?".
Et ? L'argent est ton moteur ? Si non je ne vois pas en quoi ça peut te gêner qu'ils pensent ça.
Un élève me dirait ça, je lui dirais que l'argent ne fait pas tout dans la vie. Si tu démarres au quart de tour quand ils disent un truc comme ça, alors ils continueront, juste pour rire.
Mes élèves (et certains profs) peuvent bien penser ce qu'ils veulent, pour moi la fonction de prof reste quelque chose à la fois de prestigieux ET de valeureux. On est au plus près du terrain, on ne se planque pas nous. On est les descendants d'une riche histoire de l'école républicaine. Libre à vous de vous voir déclassés, moi je suis fier d'être prof (et enfant de prof et frère de prof).
Si les élèves ressentent qu'on est à notre place et heureux d'être là, ils ne nous attaqueront pas là-dessus. Quand bien même ça glisserait sur moi.
Ils peuvent finir millionnaires, si ce sont des *** finis, ce seront des *** finis.
En tous cas REP ou pas, on ne m'a jamais tenu ce discours-là dans une classe.
- Ajonc35Sage
On oublie les conditions dans les etablissements que le covid a mis en avant, des classes trop nombreuses, des salles trop petites, un manque de materiel ( en fonction des disciplines), il faut pleurer et même en pleurant. Et je ne parle pas de nos conditions en salle des profs, openspace , sans bureau attitré, manque de pc (pour ma part 10, 11 qui fonctionnent pour plus de 80 enseignants et pargous il faut faire la queue si on ne veut imprimer chez soi) etc... Donc nécessité d'avoir un matériel à la maison et du costaud car il sert....
- EuphémiaNiveau 10
Depuis quelques années, je ne cherche plus à faire comprendre la réalité du métier mais je demande juste qu'on m'explique, si c'est si cool d'être prof, pourquoi il n'y a plus assez de candidats pour pourvoir tous les postes. Et là, en général, il n'y a plus personne pour me répondre.Danska a écrit:LadyOlenna a écrit:Pourtant personne ne remet en cause la parole des employés d'Orange qui ont subi un management qui en ont amené certains au suicide. Même les employés de La Poste ou les cheminots (eux aussi longtemps vus comme des fainéants) sont crus maintenant quand ils parlent de dégradation de leur statut et de leurs conditions de travail. Pourquoi pas nous ?
Je sais pas, pour reprendre mon exemple de ma coiffeuse, je me serais jamais permis de lui répondre "oh ça va, elles font que discuter avec les clientes en coupant des cheveux hein !"
Parfois on devrait peut-être, justement (je finis par manquer sérieusement de diplomatie quand j'entends des discours pareils, ça me saoule, et c'est tellement répandu !).
_________________
L’école est un lieu admirable. J’aime que les bruits extérieurs n’y entrent point. (Alain)
L'esprit critique, c'est, au minimum, un esprit qui n’a pas peur des mots. (Jean-Claude Michéa)
- Stel6584Niveau 7
Mr Zed a écrit:Lefteris a écrit:Ils voient comment ils nous font ch.. , ce qu'ils sont, et n'imaginent pas qu'il puisse en être autrement. En plus ils savent qu'on ne gagne pas grand-chose, et ça, c'est un des plus grands objets de leur mépris. Ils ne parlent que d'argent, ne vénèrent que le fric. Quand on leur parle d'un auteur, le premier mot c'est : "il était riche ?".
Et ? L'argent est ton moteur ? Si non je ne vois pas en quoi ça peut te gêner qu'ils pensent ça.
Un élève me dirait ça, je lui dirais que l'argent ne fait pas tout dans la vie. Si tu démarres au quart de tour quand ils disent un truc comme ça, alors ils continueront, juste pour rire.
Mes élèves (et certains profs) peuvent bien penser ce qu'ils veulent, pour moi la fonction de prof reste quelque chose à la fois de prestigieux ET de valeureux. On est au plus près du terrain, on ne se planque pas nous. On est les descendants d'une riche histoire de l'école républicaine. Libre à vous de vous voir déclassés, moi je suis fier d'être prof (et enfant de prof et frère de prof).
Si les élèves ressentent qu'on est à notre place et heureux d'être là, ils ne nous attaqueront pas là-dessus. Quand bien même ça glisserait sur moi.
Ils peuvent finir millionnaires, si ce sont des *** finis, ce seront des *** finis.
En tous cas REP ou pas, on ne m'a jamais tenu ce discours-là dans une classe.
Je me permets d'intervenir : la discussion est très intéressante.
Malheureusment, Lefteris dit vrai. De plus en plus d'élèves sont focalisés sur l'argent, l'argent qu'on gagne en tant qu'enseignant, l'argent gagné par les auteurs, l'argent gagné par les célébrités, etc... Beaucoup baignent dans le monde des influenceurs et des You Tubeurs, le monde de l'apparence et de l'argent. C'est très triste mais beaucoup d'élèvent espèrent devenir influenceurs ou gagner de l'argent facile sans faire d'efforts (efforts qu'ils ne peuvent pas faire car ils n'ont plus les capacités de mémorisation, de concentration, etc...), ils savent qu'ils auront le brevet grâce au contrôle continu, qu'ils entreront en 2nde même s'ils n'ont pas le niveau et qu'ils auront leur bac. Et puis, beaucoup plus tard tomberont dans le piège de la consommation et des crédits pour vivre dans un confort qu'ils ne peuvent pas se payer avec leur salaire. Les jeunes de banlieue sont particulièrement la cible de "cet argent facile". Médiapart a publié un article il y a quelques semaines sur les paris sportifs : de plus en plus de jeunes de banlieue s'endettent pour jouer à ces paris, certains lâchent leur salaire en une journée afin de gagner plus pour s'acheter ce dont ils rêvent.
Un néo disait plus haut, je crois, que les élèves savent pertinemment que nous avons dû bosser pour devenir prof, parfois avec des petits boulots à côté, qu'on a bûché pour se retrouver devant eux, eux qui ne fournissent pas d'efforts parce qu'ils savent qu'ls n'ont pas à en faire. Mais là où ça devient violent pour eux et cette violence, ils peuvent nous la renvoyer au quotidien dans leur refus de travailler, dans leurs remarques ou jugements, c'est qu'ils savent qu'au-delà du bac, ils ne pourront pas accéder aux prépas ou grandes écoles parce qu'ils ont eu leur bac dans tel établissement et pas dans un établissement réputé. On le voit dans mon établissement parce que de très bons élèves qui ont eu le bac avec mention TB et qui ont eu un excellent parcours au lycée n'ont pas été acceptés dans des prépas de grandes villes. D'année en année, ça pose question.
- A TuinVénérable
Stel6584 a écrit:
Malheureusment, Lefteris dit vrai. De plus en plus d'élèves sont focalisés sur l'argent, l'argent qu'on gagne en tant qu'enseignant, l'argent gagné par les auteurs, l'argent gagné par les célébrités, etc... Beaucoup baignent dans le monde des influenceurs et des You Tubeurs, le monde de l'apparence et de l'argent. C'est très triste mais beaucoup d'élèvent espèrent devenir influenceurs ou gagner de l'argent facile sans faire d'efforts (efforts qu'ils ne peuvent pas faire car ils n'ont plus les capacités de mémorisation, de concentration, etc...), ils savent qu'ils auront le brevet grâce au contrôle continu, qu'ils entreront en 2nde même s'ils n'ont pas le niveau et qu'ils auront leur bac. Et puis, beaucoup plus tard tomberont dans le piège de la consommation et des crédits pour vivre dans un confort qu'ils ne peuvent pas se payer avec leur salaire. Les jeunes de banlieue sont particulièrement la cible de "cet argent facile".
Un néo disait plus haut, je crois, que les élèves savent pertinemment que nous avons dû bosser pour devenir prof, parfois avec des petits boulots à côté, qu'on a bûché pour se retrouver devant eux, eux qui ne fournissent pas d'efforts parce qu'ils savent qu'ls n'ont pas à en faire. Mais là où ça devient violent pour eux et cette violence, ils peuvent nous la renvoyer au quotidien dans leur refus de travailler, dans leurs remarques ou jugements, c'est qu'ils savent qu'au-delà du bac, ils ne pourront pas accéder aux prépas ou grandes écoles parce qu'ils ont eu leur bac dans tel établissement et pas dans un établissement réputé. On le voit dans mon établissement parce que de très bons élèves qui ont eu le bac avec mention TB et qui ont eu un excellent parcours au lycée n'ont pas été acceptés dans des prépas de grandes villes. D'année en année, ça pose question.
Je pense qu'ils font erreur dans leur discours. Ceux que tu évoques qui sont des ces discours là sont les quelques-uns qui vendent et surveillent le cannabis. Régulièrement il y en a qui se font attraper et condamner pour cela. Je ne vois pas ce qu'il y a de glorieux dans leur vie. Effectivement ils peuvent gagner énormément d'argent avec leurs trafic, mais super, la perspective de vie...
Heureusement que la plupart des élèves ne sont pas dans cet état d'esprit. Et quand on voit la société dans laquelle ils vont rentrer, il vaut mieux qu'ils soient motivés pour éviter le RSA et le chômage. Quand ils sont persévérants il réussissent à avoir un métier, et ils s'investissent pour cela !
- Dame JouanneÉrudit
Pareil. Ça ne sert à rien devant la force des préjugés d'essayer de montrer que la réalité du métier n'est pas ce qu'ils croient d'après leurs vagues souvenirs d'enfants ou d'ados. Mais dire : "C'est quand même étrange, un tel métier avec tant de vacances, d'avantages et qui n'arrive plus à faire le plein aux concours, non? On est obligé de trouver des profs sur le bon coin tellement le métier est attractif..." A défaut de les faire changer d'avis, au moins, ça coupe net le sujet.Euphémia a écrit:Depuis quelques années, je ne cherche plus à faire comprendre la réalité du métier mais je demande juste qu'on m'explique, si c'est si cool d'être prof, pourquoi il n'y a plus assez de candidats pour pourvoir tous les postes. Et là, en général, il n'y a plus personne pour me répondre.Danska a écrit:LadyOlenna a écrit:Pourtant personne ne remet en cause la parole des employés d'Orange qui ont subi un management qui en ont amené certains au suicide. Même les employés de La Poste ou les cheminots (eux aussi longtemps vus comme des fainéants) sont crus maintenant quand ils parlent de dégradation de leur statut et de leurs conditions de travail. Pourquoi pas nous ?
Je sais pas, pour reprendre mon exemple de ma coiffeuse, je me serais jamais permis de lui répondre "oh ça va, elles font que discuter avec les clientes en coupant des cheveux hein !"
Parfois on devrait peut-être, justement (je finis par manquer sérieusement de diplomatie quand j'entends des discours pareils, ça me saoule, et c'est tellement répandu !).
- JacqGuide spirituel
Stel6584 a écrit:Mr Zed a écrit:Lefteris a écrit:Ils voient comment ils nous font ch.. , ce qu'ils sont, et n'imaginent pas qu'il puisse en être autrement. En plus ils savent qu'on ne gagne pas grand-chose, et ça, c'est un des plus grands objets de leur mépris. Ils ne parlent que d'argent, ne vénèrent que le fric. Quand on leur parle d'un auteur, le premier mot c'est : "il était riche ?".
Et ? L'argent est ton moteur ? Si non je ne vois pas en quoi ça peut te gêner qu'ils pensent ça.
Un élève me dirait ça, je lui dirais que l'argent ne fait pas tout dans la vie. Si tu démarres au quart de tour quand ils disent un truc comme ça, alors ils continueront, juste pour rire.
[...]
Si les élèves ressentent qu'on est à notre place et heureux d'être là, ils ne nous attaqueront pas là-dessus. Quand bien même ça glisserait sur moi.[...]
Je me permets d'intervenir : la discussion est très intéressante.
Malheureusment, Lefteris dit vrai. De plus en plus d'élèves sont focalisés sur l'argent, l'argent qu'on gagne en tant qu'enseignant, l'argent gagné par les auteurs, l'argent gagné par les célébrités, etc... Beaucoup baignent dans le monde des influenceurs et des You Tubeurs, le monde de l'apparence et de l'argent. C'est très triste mais beaucoup d'élèves espèrent devenir influenceurs ou gagner de l'argent facile sans faire d'efforts (efforts qu'ils ne peuvent pas faire car ils n'ont plus les capacités de mémorisation, de concentration, etc...), ils savent qu'ils auront le brevet grâce au contrôle continu, qu'ils entreront en 2nde même s'ils n'ont pas le niveau et qu'ils auront leur bac. Et puis, beaucoup plus tard tomberont dans le piège de la consommation et des crédits pour vivre dans un confort qu'ils ne peuvent pas se payer avec leur salaire. Les jeunes de banlieue sont particulièrement la cible de "cet argent facile". Médiapart a publié un article il y a quelques semaines sur les paris sportifs : de plus en plus de jeunes de banlieue s'endettent pour jouer à ces paris, certains lâchent leur salaire en une journée afin de gagner plus pour s'acheter ce dont ils rêvent.
[...]
Mais là où ça devient violent pour eux et cette violence, ils peuvent nous la renvoyer au quotidien dans leur refus de travailler, dans leurs remarques ou jugements, c'est qu'ils savent qu'au-delà du bac, ils ne pourront pas accéder aux prépas ou grandes écoles parce qu'ils ont eu leur bac dans tel établissement et pas dans un établissement réputé. On le voit dans mon établissement parce que de très bons élèves qui ont eu le bac avec mention TB et qui ont eu un excellent parcours au lycée n'ont pas été acceptés dans des prépas de grandes villes. D'année en année, ça pose question.
On dérive un peu du sujet de la rémunération seule mais Stel6584 décrit une triste réalité (que ce soit pour le rêve d'être influenceurs, la discrimination des grandes écoles, les crédits à la consommation).
Après on ne peut tout généraliser. En LP nous avons surtout des élèves issus de quartiers défavorisés (même dans ces quartiers on est là de la situation de l'IDF ou d'autres banlieues, mais avec des situation parfois similaires, même pour des gamins de zones rurales) et il y en a qui ont une volonté incroyable de réussir et y arrive en surmontant des situations familiales désastreuses. Des branleurs j'en ai plein, évidemment, mais nous avons aussi des gamins qui valent vraiment le coup et se battent.
Juste un exemple, j'ai depuis trois ans une gamine, arrivée à 9 ans en France en baragouinant seulement un peu la langue, mère illettrée, père dans le pays d'origine, misère financière qui bosse de façon incroyablement courageuse. Tous les weekends et toutes les vacances depuis qu'elle a l'âge elle bosse en maison de retraite pour se financer son permis de conduire seule puis une voiture (certainement à crédit) parce que sans voiture, pas de boulot. Pendant ces deux mois de stage (en maison de retraite) elle bossait le weekend en plus (donc 7 jours sur 7) et après son stage n'a pas pris de vacances en décembre pour continuer à bosser (toujours dans la même maison de retraite). Elle a refait la même chose pour son stage entre janvier et les vacances de février et là c'est moi (et peut-être d'autres collègues) qui lui ont dit qu'il fallait impérativement qu'elle s'accorde une semaine sur les deux des vacances d'hivers parce qu'on voyait que physiquement elle en tenait plus. Rien que pour ces gamins ça vaut encore le coup et on peut être fiers de certaines et (plus souvent) certaines.
Effectivement ils sont bien surpris lorsqu'ils savent ce que l'on gagne. D'ailleurs quand ils me le demandent je ne cache rien. Pas honte. Je leur dis que je n'ai pas fait ce boulot pour l'argent mais que, n'ayant pas fait vœu de pauvreté, cela ne me dérangerait pas d'être un peu mieux payé. Je leur parle parfois de l'Agreg qui permet une meilleure rémunération et je leurs dis que je ne souhaite pas le passer car je veux rester en lycée professionnel parce que j'aime mieux ces gamins que les autres (idées préconçues, mais leur profil me rappelle parfois le mien quand j'étais au collège-lycée - un vrai emmerdeur que j'étais). Là j'ai un gamin de CAP qui a trouvé sa voie et veut partir en apprentissage pour être électricien. Je l'ai fait marrer quand je lui ai dit qu'il aurait toujours du boulot là-dedans et qu'en se débrouillant il gagnerait peut-être mieux sa vie que moi.
Et puis, oui, on peut faire des études sans gagner ensuite des 100 et des 1000 (même si je préfère 1000 que 100, ne me faites pas dire l'inverse de ce que j'ai écrit). C'est aussi bien de le dire parce que mes élèves sont persuadés qu'avec un BTS ça y est on gagne plein d'argent. Ben non mon gars, tu vas faire ton BTS NDRC et puis ensuite peut-être que ton premier boulot ce sera de faire de la mise en rayon en grande surface. Et là ils tombent des nues : "à quoi ça sert alors de faire des études ?" Ben oui, ton BTS fera que tu seras embauché et ensuite si tu t'arraches les fesses au travail du pourra progresser dans la hiérarchie.
Par contre ce qui m'énerve c'est quand qu'ils demandent "vous avez fait combien d'années d'études ?". Je réponds qu'à mon époque il suffisait d'un bac+3 et que j'ai un bac+4 plus les années de concours et là, horrifiés, ils répondent : "COMMENT ? SEULEMENT ?" C'est là que l'on mesure l'effondrement du niveau de qualification et donc la surenchère actuelle des bac+ X ou Y (dont le fameux "master two") pour un niveau plus faible à la fin.
EDIT : bien d'accord avec le message de Dame Jouanne
- Stel6584Niveau 7
A Tuin a écrit:Stel6584 a écrit:
Malheureusment, Lefteris dit vrai. De plus en plus d'élèves sont focalisés sur l'argent, l'argent qu'on gagne en tant qu'enseignant, l'argent gagné par les auteurs, l'argent gagné par les célébrités, etc... Beaucoup baignent dans le monde des influenceurs et des You Tubeurs, le monde de l'apparence et de l'argent. C'est très triste mais beaucoup d'élèvent espèrent devenir influenceurs ou gagner de l'argent facile sans faire d'efforts (efforts qu'ils ne peuvent pas faire car ils n'ont plus les capacités de mémorisation, de concentration, etc...), ils savent qu'ils auront le brevet grâce au contrôle continu, qu'ils entreront en 2nde même s'ils n'ont pas le niveau et qu'ils auront leur bac. Et puis, beaucoup plus tard tomberont dans le piège de la consommation et des crédits pour vivre dans un confort qu'ils ne peuvent pas se payer avec leur salaire. Les jeunes de banlieue sont particulièrement la cible de "cet argent facile".
Un néo disait plus haut, je crois, que les élèves savent pertinemment que nous avons dû bosser pour devenir prof, parfois avec des petits boulots à côté, qu'on a bûché pour se retrouver devant eux, eux qui ne fournissent pas d'efforts parce qu'ils savent qu'ls n'ont pas à en faire. Mais là où ça devient violent pour eux et cette violence, ils peuvent nous la renvoyer au quotidien dans leur refus de travailler, dans leurs remarques ou jugements, c'est qu'ils savent qu'au-delà du bac, ils ne pourront pas accéder aux prépas ou grandes écoles parce qu'ils ont eu leur bac dans tel établissement et pas dans un établissement réputé. On le voit dans mon établissement parce que de très bons élèves qui ont eu le bac avec mention TB et qui ont eu un excellent parcours au lycée n'ont pas été acceptés dans des prépas de grandes villes. D'année en année, ça pose question.
Je pense qu'ils font erreur dans leur discours. Ceux que tu évoques qui sont des ces discours là sont les quelques-uns qui vendent et surveillent le cannabis. Régulièrement il y en a qui se font attraper et condamner pour cela. Je ne vois pas ce qu'il y a de glorieux dans leur vie. Effectivement ils peuvent gagner énormément d'argent avec leurs trafic, mais super, la perspective de vie...
Heureusement que la plupart des élèves ne sont pas dans cet état d'esprit. Et quand on voit la société dans laquelle ils vont rentrer, il vaut mieux qu'ils soient motivés pour éviter le RSA et le chômage. Quand ils sont persévérants il réussissent à avoir un métier, et ils s'investissent pour cela !
Quand je dis que ça concerne beaucoup d'élèves, je ne veux pas dire l'ensemble de mes élèves, mais plutôt que j'en vois de plus en plus, d'année en année, qui peuvent tenir ce discours là (ils sont tres peu) ou agir de cette façon (Ils sont plus nombreux). Par contre, ce ne sont pas toujours des élèves qui sont liés au trafic (peut-être quelques uns, et encore, je ne pourrais pas l'affirmer car je n'en sais rien).
Et s'ils pensent ça, c'est parce qu'ils n'ont pas de perspective de vie (j'enseigne dans une zone très précaire, où il n'y a pas d'emplois, cela explique pourquoi ces élèves sont peut-être plus désoeuvrés que d'autres). Mais ce qui est rageant c'est que dans ces établissements classés en éducation prioritaire, on donne beaucoup de moyens pour justement donner des perspectives à ces élèves mais malgré tous les dispositifs mis en place, il y a cette impression que plus on donne moins les élèves en font.
- CitoyenNiveau 7
LadyOlenna a écrit:Moi ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi les gens ne nous croient pas quand on explique nos conditions de travail ? Mes amis qui ne sont pas profs faisaient mine de comprendre en me parlant des cours et des copies, mais je me tuais à leur expliquer que ce n'est pas tellement ça le problème (mais plutôt tout ce qui a été évoqué ici : les réunions, les croix dans les items, la paperasse...) : ils ne me comprenaient pas.
Ma tante m'a appelée ce matin, elle me demande si j'ai du boulot pendant ces vacances. Je lui réponds un peu, deux journées environ. Elle compatit et me plaint : mais Tatie, quand j'étais prof je bossais beaucoup plus que deux jours pendant mes vacances, et tu ne t'en es jamais inquiétée
Un dernier exemple : ma coiffeuse l'autre jour se plaint de la situation et des conditions de travail de ses employées. Je l'écoute, la crois, compatis. J'enchaîne avec les professeurs de mon établissement, en expliquant qu'ils sont fatigués, certains à bout. Incrédule elle me demande "ben pourquoi ??". Je développe (port du masque, changements de salle, fatigue...). Elle me coupe la parole "oh ça va hein, ils travaillent moins que mes coiffeuses !" Je n'ai pas pu partir car j'avais des papillotes plein la tête, mais j'étais outrée.
C'est ça que je ne m'explique pas : pourquoi on ne nous croit pas ??
Même @Jean789, qui est au fait un peu de ce qui se passe, semble surpris de nos messages.
Cela illustre que l'opinion pense majoritairement que les enseignants ont peu de boulot.
- Stel6584Niveau 7
Jacq a écrit:Stel6584 a écrit:Mr Zed a écrit:Lefteris a écrit:Ils voient comment ils nous font ch.. , ce qu'ils sont, et n'imaginent pas qu'il puisse en être autrement. En plus ils savent qu'on ne gagne pas grand-chose, et ça, c'est un des plus grands objets de leur mépris. Ils ne parlent que d'argent, ne vénèrent que le fric. Quand on leur parle d'un auteur, le premier mot c'est : "il était riche ?".
Et ? L'argent est ton moteur ? Si non je ne vois pas en quoi ça peut te gêner qu'ils pensent ça.
Un élève me dirait ça, je lui dirais que l'argent ne fait pas tout dans la vie. Si tu démarres au quart de tour quand ils disent un truc comme ça, alors ils continueront, juste pour rire.
[...]
Si les élèves ressentent qu'on est à notre place et heureux d'être là, ils ne nous attaqueront pas là-dessus. Quand bien même ça glisserait sur moi.[...]
Je me permets d'intervenir : la discussion est très intéressante.
Malheureusment, Lefteris dit vrai. De plus en plus d'élèves sont focalisés sur l'argent, l'argent qu'on gagne en tant qu'enseignant, l'argent gagné par les auteurs, l'argent gagné par les célébrités, etc... Beaucoup baignent dans le monde des influenceurs et des You Tubeurs, le monde de l'apparence et de l'argent. C'est très triste mais beaucoup d'élèves espèrent devenir influenceurs ou gagner de l'argent facile sans faire d'efforts (efforts qu'ils ne peuvent pas faire car ils n'ont plus les capacités de mémorisation, de concentration, etc...), ils savent qu'ils auront le brevet grâce au contrôle continu, qu'ils entreront en 2nde même s'ils n'ont pas le niveau et qu'ils auront leur bac. Et puis, beaucoup plus tard tomberont dans le piège de la consommation et des crédits pour vivre dans un confort qu'ils ne peuvent pas se payer avec leur salaire. Les jeunes de banlieue sont particulièrement la cible de "cet argent facile". Médiapart a publié un article il y a quelques semaines sur les paris sportifs : de plus en plus de jeunes de banlieue s'endettent pour jouer à ces paris, certains lâchent leur salaire en une journée afin de gagner plus pour s'acheter ce dont ils rêvent.
[...]
Mais là où ça devient violent pour eux et cette violence, ils peuvent nous la renvoyer au quotidien dans leur refus de travailler, dans leurs remarques ou jugements, c'est qu'ils savent qu'au-delà du bac, ils ne pourront pas accéder aux prépas ou grandes écoles parce qu'ils ont eu leur bac dans tel établissement et pas dans un établissement réputé. On le voit dans mon établissement parce que de très bons élèves qui ont eu le bac avec mention TB et qui ont eu un excellent parcours au lycée n'ont pas été acceptés dans des prépas de grandes villes. D'année en année, ça pose question.
On dérive un peu du sujet de la rémunération seule mais Stel6584 décrit une triste réalité (que ce soit pour le rêve d'être influenceurs, la discrimination des grandes écoles, les crédits à la consommation).
Après on ne peut tout généraliser. En LP nous avons surtout des élèves issus de quartiers défavorisés (même dans ces quartiers on est là de la situation de l'IDF ou d'autres banlieues, mais avec des situation parfois similaires, même pour des gamins de zones rurales) et il y en a qui ont une volonté incroyable de réussir et y arrive en surmontant des situations familiales désastreuses. Des branleurs j'en ai plein, évidemment, mais nous avons aussi des gamins qui valent vraiment le coup et se battent.
Juste un exemple, j'ai depuis trois ans une gamine, arrivée à 9 ans en France en baragouinant seulement un peu la langue, mère illettrée, père dans le pays d'origine, misère financière qui bosse de façon incroyablement courageuse. Tous les weekends et toutes les vacances depuis qu'elle a l'âge elle bosse en maison de retraite pour se financer son permis de conduire seule puis une voiture (certainement à crédit) parce que sans voiture, pas de boulot. Pendant ces deux mois de stage (en maison de retraite) elle bossait le weekend en plus (donc 7 jours sur 7) et après son stage n'a pas pris de vacances en décembre pour continuer à bosser (toujours dans la même maison de retraite). Elle a refait la même chose pour son stage entre janvier et les vacances de février et là c'est moi (et peut-être d'autres collègues) qui lui ont dit qu'il fallait impérativement qu'elle s'accorde une semaine sur les deux des vacances d'hivers parce qu'on voyait que physiquement elle en tenait plus. Rien que pour ces gamins ça vaut encore le coup et on peut être fiers de certaines et (plus souvent) certaines.
Effectivement ils sont bien surpris lorsqu'ils savent ce que l'on gagne. D'ailleurs quand ils me le demandent je ne cache rien. Pas honte. Je leur dis que je n'ai pas fait ce boulot pour l'argent mais que, n'ayant pas fait vœu de pauvreté, cela ne me dérangerait pas d'être un peu mieux payé. Je leur parle parfois de l'Agreg qui permet une meilleure rémunération et je leurs dis que je ne souhaite pas le passer car je veux rester en lycée professionnel parce que j'aime mieux ces gamins que les autres (idées préconçues, mais leur profil me rappelle parfois le mien quand j'étais au collège-lycée - un vrai emmerdeur que j'étais). Là j'ai un gamin de CAP qui a trouvé sa voie et veut partir en apprentissage pour être électricien. Je l'ai fait marrer quand je lui ai dit qu'il aurait toujours du boulot là-dedans et qu'en se débrouillant il gagnerait peut-être mieux sa vie que moi.
Et puis, oui, on peut faire des études sans gagner ensuite des 100 et des 1000 (même si je préfère 1000 que 100, ne me faites pas dire l'inverse de ce que j'ai écrit). C'est aussi bien de le dire parce que mes élèves sont persuadés qu'avec un BTS ça y est on gagne plein d'argent. Ben non mon gars, tu vas faire ton BTS NDRC et puis ensuite peut-être que ton premier boulot ce sera de faire de la mise en rayon en grande surface. Et là ils tombent des nues : "à quoi ça sert alors de faire des études ?" Ben oui, ton BTS fera que tu seras embauché et ensuite si tu t'arraches les fesses au travail du pourra progresser dans la hiérarchie.
Par contre ce qui m'énerve c'est quand qu'ils demandent "vous avez fait combien d'années d'études ?". Je réponds qu'à mon époque il suffisait d'un bac+3 et que j'ai un bac+4 plus les années de concours et là, horrifiés, ils répondent : "COMMENT ? SEULEMENT ?" C'est là que l'on mesure l'effondrement du niveau de qualification et donc la surenchère actuelle des bac+ X ou Y (dont le fameux "master two") pour un niveau plus faible à la fin.
EDIT : bien d'accord avec le message de Dame Jouanne
Je suis bien d'accord avec toi @Jacq quand tu dis qu'il ne faut pas généraliser (je parlais à partir de mon expérience et souvent on a tendance à généraliser dans ce cas) et comme tu le dis, il y a aussi beaucoup d'élèves qui s'accrochent et essayent de s'en sortir malgré des situations personnelles catastrophiques, comme tu le décris, ou aussi poussés par leurs parents qui croient encore en la réussite par l'école (Je me souviens d'un élève très travailleur qui ne voyait pas beaucoup sa maman (maman qui vivait seule) car elle travaillait en horaires décalés. Néanmoins, c'était un élève très suivi et qui voulait réussir. Il avait les meilleurs résultats de sa classe, ses résultats étaient mérités et j'espère qu'il va réussir les études qu'il souhaite suivre).
Par contre, là où ça se complique et je reviens sur nos conditions de travail, c'est quand on se retrouve face à des élèves qui n'ont pas envie de travailler et qui par leur attitude (pas explosive mais par des petites remarques, des petits sarcasmes, des bruits...) imposent une dynamique négative en classe, il peut y avoir des heures de cours longues et pas faciles à mener. Du coup, les élèves travailleurs s'effacent et on ne finit par voir et entendre que ceux qui ne veulent pas travailler. Et ce genre d'ambiance de classe, qui n'est pas celle que l'on s'imagine dans les établissements difficiles où l'on pense plutôt à des classes parfois bordélisées, ça fait autant de dégâts, notamment pour les élèves qui veulent réussir. A l'opposé, il y a aussi des élèves "méprisants" dans des établissements cossus, j'en ai fait l'expérience à mes débuts, mais par contre, qui bossent et qui n'ont pas les problèmes des élèves des zones prioritaires. Des élèves d'une de mes classes m'avaient bien fait comprendre que je n'étais que prof mais comme ils bossaient beaucoup et qu'ils avaient des capacités pour réussir, ce mépris était moins dur je trouve.
Tu as aussi raison d'être francs avec tes élèves, oui, ils sont surpris de savoir combien on gagne, le nombre d'années d'étude suivies, ça remet parfois les pendules à l'heure. Il faut aussi avoir un discours réaliste sur le niveau de rémunération même en ayant fait des études et à l'inverse, comme tu le dis, on peut avoir fait peu d'études et très bien gagner sa vie.
Pour revenir aux conditions du métier en général, c'est un beau métier mais qui est très difficile. C'est beau de transmettre un savoir mais quand on n'a plus les conditions favorables pour transmettre ce savoir (classes surchargées, accroissement des difficultés scolaires et sociales des élèves, succession des réformes, gel du point d'indice, baisse du niveau de vie, difficultés à muter, et tous les constats cités précédemment), il faut être sûr de soi pour faire carrière dans ce métier. Avec plusieurs de mes amis profs on se demande si on va continuer ou si on ne va pas se reconvertir : mais est-ce que l'herbe est plus verte ailleurs ? Pas sûr du tout, il y a une tendance à la paupérisation de la société français en général et j'ai bien peur qu'il soit de plus en plus difficile de trouver un métier épanouissant et rémunérateur à la fois. J'espère me tromper...
- postulatNiveau 7
Concernant les réunions, vous en faîtes tant que cela ? J'ai peut-être de la chance dans mon bahut mais j'en fais très peu : trois cette année (que j'aurais très bien pu faire sauter si je n'étais pas coordo). Faut dire aussi que j'ai toujours refusé d'être PP : de mon point de vue, cela apporte beaucoup d'ennuis pour une prime ridicule... Jamais par ailleurs de projets : ma matière ne s'y prête pas tellement et ce n'est pas trop mon truc...
- LefterisEsprit sacré
Oui orchestré totalement par l'Etat. Pour être ministre aujourd'hui, il faut avoir la haine des fonctionnaires, avoir adopté l'idéologie voyantr le service public comme quelque chose de trop coûteux, qu'il faut "externaliser" au besoin, et si on ne le peut pas, "manager" pour tirer de ces feignasses le maximum sans un rond. Il n'y a d'ailleurs plus de mnistère de la fonction publique, mais de "l'Action et des comptes publics". Agir, oui, mais si possible avec peu de fonctionnaires, a vec des délégataires. Et surtout veiller aux comptes, le capital financier, qui est derrière tout ça, ne veut pas de dépenses jugées superflues, qui pèseraient sur les impôts, donc les dividendes...Dans le rapport annuel de la FP, je m'étais amusé à compter le nombre d'occurrence du terme management dans l'introduction. Il revenait près de 80 fois sur une soixantaine de pages. Une vraie obsession, pour une fonction publique "agile" "flexible" "réactive", mots dont tout un chacun connaît la traduction.CarmenLR a écrit:Comme tout cela est savamment orchestré par l'Etat à coup de fraises et autres fredaines, je dirais qu'il s'agit d'un cas de discrimination systémique à l'égard d'une communauté, ici professionnelle.
J'ai récemment signalé un commentaire Facebook pour incitation à la haine "C****** de profs". Refusé, car jugé commenon discriminatoire. Je pense que "C******* de journalistes" génèrerait immédiatement les foudres.
Bon, je suis dans un établissement où hormis quelques uns, j'ai quand même le fond du panier, une bonne partie formera le Lumpenproletariat de demain. Des élèves qui ne se connaissent pas , sur plusieurs années, réagissent comme ça. Ils sont gavés de sous culture, admirent les *** de téléréalité et du showbiz. C'est plutôt ça qui est inquiétant, à grande échelle.Et ? L'argent est ton moteur ? Si non je ne vois pas en quoi ça peut te gêner qu'ils pensent ça.
Un élève me dirait ça, je lui dirais que l'argent ne fait pas tout dans la vie. Si tu démarres au quart de tour quand ils disent un truc comme ça, alors ils continueront, juste pour rire.
Oui, sur le principe. Je pense la même chose, et je le dis même. Mais dans la réalité, qui est celle de la société qui nous piétine, nous sommes des déclassés. Il faut adopte, par nécessité, un point de vue schizophrène. Ce qu'on voit n'est pas vu de la même façon par les autres, et il faut le savoir.Mes élèves (et certains profs) peuvent bien penser ce qu'ils veulent, pour moi la fonction de prof reste quelque chose à la fois de prestigieux ET de valeureux. On est au plus près du terrain, on ne se planque pas nous. On est les descendants d'une riche histoire de l'école républicaine. Libre à vous de vous voir déclassés, moi je suis fier d'être prof (et enfant de prof et frère de prof).
Si les élèves ressentent qu'on est à notre place et heureux d'être là, ils ne nous attaqueront pas là-dessus. Quand bien même ça glisserait sur moi.
Ils peuvent finir millionnaires, si ce sont des *** finis, ce seront des *** finis.
En tous cas REP ou pas, on ne m'a jamais tenu ce discours-là dans une classe.
Exactement, j'y aussi droit aux influenceurs, qu'ils veulent être. Et au quart d'heure de pseudo gloire dont ils rêvent :" Vous me verrez à la télé". Et ils ne supportent pas qu'on les ramène sur terre, qu'on leur laisse entendre que peut-être, ils ne seront pas influenceurs, pas footballeurs, et qu'ils n'auront pas non plus de vrais diplômes.Stel6584 a écrit:Je me permets d'intervenir : la discussion est très intéressante.
Malheureusment, Lefteris dit vrai. De plus en plus d'élèves sont focalisés sur l'argent, l'argent qu'on gagne en tant qu'enseignant, l'argent gagné par les auteurs, l'argent gagné par les célébrités, etc... Beaucoup baignent dans le monde des influenceurs et des You Tubeurs, le monde de l'apparence et de l'argent. C'est très triste mais beaucoup d'élèvent espèrent devenir influenceurs ou gagner de l'argent facile sans faire d'efforts (efforts qu'ils ne peuvent pas faire car ils n'ont plus les capacités de mémorisation, de concentration, etc...), ils savent qu'ils auront le brevet grâce au contrôle continu, qu'ils entreront en 2nde même s'ils n'ont pas le niveau et qu'ils auront leur bac.
Mais l'institution leur ment aussi. D'une part, on leur dit que tout ira bien, que tous les lycées se valent. D'autre part, on en envoie certains aux cordés de la réussite, ce qui implicitement signifie qu'il y a la crème et la lie. Ils voient aussi que les meilleurs vont dans les mêmes lycées, et que les derniers prennent ce qui reste (dans mon établissement, 60 % vont en lycée GT, certains en sachant à peine écrire, mais il faurt leur "donner leur chance" être "bienveillants" ). Sans pouvoir le formuler clairement, en essayant de se persuader qu'"une seconde = une seconde et un bac = un bac", ils sentent que le lycée va être déterminant, surtout avec la réforme Blanquer où le bac n'ouvrira plus un droit aux études supérieures, même de seconde zone.ils ne pourront pas accéder aux prépas ou grandes écoles parce qu'ils ont eu leur bac dans tel établissement et pas dans un établissement réputé. On le voit dans mon établissement parce que de très bons élèves qui ont eu le bac avec mention TB et qui ont eu un excellent parcours au lycée n'ont pas été acceptés dans des prépas de grandes villes. D'année en année, ça pose question.
On peut effectivement les limiter en faisant comme toi, mais il en reste quand même pas mal, toujours trop vu que rien ne sert à rien, même le rituel des conseils de classe qui ne servent qu'à attribuer des "récompenses". Moi non plus, plus jamais PP depuis la réforme, plus aucun projet, même associé à quelqu'un. Je suis pourtant un champion du bénévolat, que ce soit au syndicat ou par le biais associatif, mais dans cette administration qui nous méprise, nous brutalise, rien, rien de rien...Postulat a écrit:Concernant les réunions, vous en faîtes tant que cela ? J'ai peut-être de la chance dans mon bahut mais j'en fais très peu : trois cette année (que j'aurais très bien pu faire sauter si je n'étais pas coordo). Faut dire aussi que j'ai toujours refusé d'être PP : de mon point de vue, cela apporte beaucoup d'ennuis pour une prime ridicule... Jamais par ailleurs de projets : ma matière ne s'y prête pas tellement et ce n'est pas trop mon truc...
_________________
"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- JacqGuide spirituel
postulat a écrit:Concernant les réunions, vous en faîtes tant que cela ? J'ai peut-être de la chance dans mon bahut mais j'en fais très peu : trois cette année (que j'aurais très bien pu faire sauter si je n'étais pas coordo). Faut dire aussi que j'ai toujours refusé d'être PP : de mon point de vue, cela apporte beaucoup d'ennuis pour une prime ridicule... Jamais par ailleurs de projets : ma matière ne s'y prête pas tellement et ce n'est pas trop mon truc...
Pas autant que cela... mais je pense que cela dépend des CDE.
- CitoyenNiveau 7
Jacq a écrit:postulat a écrit:Concernant les réunions, vous en faîtes tant que cela ? J'ai peut-être de la chance dans mon bahut mais j'en fais très peu : trois cette année (que j'aurais très bien pu faire sauter si je n'étais pas coordo). Faut dire aussi que j'ai toujours refusé d'être PP : de mon point de vue, cela apporte beaucoup d'ennuis pour une prime ridicule... Jamais par ailleurs de projets : ma matière ne s'y prête pas tellement et ce n'est pas trop mon truc...
Pas autant que cela... mais je pense que cela dépend des CDE.
Il y en a plus dans le privé : un moyen pour les CDE de tester la "docilité" de leur équipe. En général cela marche et il y a peu d'absents...Il y est très rarement question de pédagogie (au vrai sens du terme), mais de projets, de sorties, de perspectives, de préparation des portes ouvertes,...les cours et l'activité d'enseignement sont accessoires dans ces réunions. De plus certains courent bien dans cette direction pour se faire bien voir.
- LefterisEsprit sacré
Citoyen a écrit:
Il y en a plus dans le privé : un moyen pour les CDE de tester la "docilité" de leur équipe. En général cela marche et il y a peu d'absents...Il y est très rarement question de pédagogie (au vrai sens du terme), mais de projets, de sorties, de perspectives, de préparation des portes ouvertes,...les cours et l'activité d'enseignement sont accessoires dans ces réunions. De plus certains courent bien dans cette direction pour se faire bien voir.
La réunionite est un des leviers essentiels du management. Je ne peux qu'inviter tout le monde, pour comprendre ce qui se joue et ce qu'ils vivent, à se pencher sur ces traités, ces stages, qui se refilent d'entreprise en entreprise, d'entreprise en services publics, de services publics en services publics. On teste effectivement les gens, on les fait parler, on les jauge et on les juge, on les rend acteurs de projets qu'ils finissent par mettre en oeuvre d'eux-mêmes, sous cette indéfinissable pression du groupe et de l'oeil du maître, qui leur fait faire en faisant croire qu'ils décident. On les met aussi en concurrence,car il faut faire émerger des leaders pour remplir les contrats d'objectifs. Je mets en italique quelques éléments de la phraséologie en usage, partout et à tous les niveaux. Toutes les administrations fonctionnent selon ces schémas, tout le monde, dès qu'il y a encadrement, est formé comme ça ( tout manager est lui-même managé, mot dont la racine est la même que "manier" et "manipuler"). Certains rejettent fortement cette injonction , comme un de mes amis, cadre au Minef, avec qui j'en parlais récemment, mais d'autre parlent parfaitement cette langue de la conduite du changement par projet ou l'acceptent. Le problème des enseignants est que contrairement aux autres cadres, ils sont au bas de l'échelle et ne connaissent pas ces éléments de langage, sauf à s'y intéresser ou venir d'une autre administration. Ils ne voient donc pas tous les ficelles par lesquelles on les meut.
Il n'est pas étonnant que le privé en soit plus victime : la réunionite est à mesure du rapport hiérarchique. Il est plus pesant dans le privé, où l'on nomme même des caporaux flattés d'être choisis (directeurs de cycle, de niveau...).
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- Une passanteEsprit éclairé
Lefteris, ton explication est limpide, et totalement déprimante, comment lutter à l'échelle individuelle ? Est-ce seulement possible ?
- Clecle78Bon génie
Oui c'est tout à fait ça. Depuis que je ne suis plus pp ni coordonnatrice je me sens bien plus légère. Il ne faut faire que les reunions que nous jugeons indispensables
- Stel6584Niveau 7
Lefteris a écrit:Citoyen a écrit:
Il y en a plus dans le privé : un moyen pour les CDE de tester la "docilité" de leur équipe. En général cela marche et il y a peu d'absents...Il y est très rarement question de pédagogie (au vrai sens du terme), mais de projets, de sorties, de perspectives, de préparation des portes ouvertes,...les cours et l'activité d'enseignement sont accessoires dans ces réunions. De plus certains courent bien dans cette direction pour se faire bien voir.
La réunionite est un des leviers essentiels du management. Je ne peux qu'inviter tout le monde, pour comprendre ce qui se joue et ce qu'ils vivent, à se pencher sur ces traités, ces stages, qui se refilent d'entreprise en entreprise, d'entreprise en services publics, de services publics en services publics. On teste effectivement les gens, on les fait parler, on les jauge et on les juge, on les rend acteurs de projets qu'ils finissent par mettre en oeuvre d'eux-mêmes, sous cette indéfinissable pression du groupe et de l'oeil du maître, qui leur fait faire en faisant croire qu'ils décident. On les met aussi en concurrence,car il faut faire émerger des leaders pour remplir les contrats d'objectifs. Je mets en italique quelques éléments de la phraséologie en usage, partout et à tous les niveaux. Toutes les administrations fonctionnent selon ces schémas, tout le monde, dès qu'il y a encadrement, est formé comme ça ( tout manager est lui-même managé, mot dont la racine est la même que "manier" et "manipuler"). Certains rejettent fortement cette injonction , comme un de mes amis, cadre au Minef, avec qui j'en parlais récemment, mais d'autre parlent parfaitement cette langue de la conduite du changement par projet ou l'acceptent. Le problème des enseignants est que contrairement aux autres cadres, ils sont au bas de l'échelle et ne connaissent pas ces éléments de langage, sauf à s'y intéresser ou venir d'une autre administration. Ils ne voient donc pas tous les ficelles par lesquelles on les meut.
Il n'est pas étonnant que le privé en soit plus victime : la réunionite est à mesure du rapport hiérarchique. Il est plus pesant dans le privé, où l'on nomme même des caporaux flattés d'être choisis (directeurs de cycle, de niveau...).
Une passante a écrit:Lefteris, ton explication est limpide, et totalement déprimante, comment lutter à l'échelle individuelle ? Est-ce seulement possible ?
Autre question, ce fonctionnement des réunions décrit par @Lefteris est-il monnaie courante dans l'EN ou est-il en train de s'installer petit à petit ?
- A TuinVénérable
Lefteris a écrit:Le problème des enseignants est que contrairement aux autres cadres, ils sont au bas de l'échelle et ne connaissent pas ces éléments de langage, sauf à s'y intéresser ou venir d'une autre administration.
Ola si, justement. c'est bien assez gros hélas.
- trompettemarineMonarque
C'est devenu monnaie courante.
- Philomène87Grand sage
Citoyen a écrit:Jacq a écrit:postulat a écrit:Concernant les réunions, vous en faîtes tant que cela ? J'ai peut-être de la chance dans mon bahut mais j'en fais très peu : trois cette année (que j'aurais très bien pu faire sauter si je n'étais pas coordo). Faut dire aussi que j'ai toujours refusé d'être PP : de mon point de vue, cela apporte beaucoup d'ennuis pour une prime ridicule... Jamais par ailleurs de projets : ma matière ne s'y prête pas tellement et ce n'est pas trop mon truc...
Pas autant que cela... mais je pense que cela dépend des CDE.
Il y en a plus dans le privé : un moyen pour les CDE de tester la "docilité" de leur équipe. En général cela marche et il y a peu d'absents...Il y est très rarement question de pédagogie (au vrai sens du terme), mais de projets, de sorties, de perspectives, de préparation des portes ouvertes,...les cours et l'activité d'enseignement sont accessoires dans ces réunions. De plus certains courent bien dans cette direction pour se faire bien voir.
Cela doit dépendre, car des réunions je n'en ai quasi jamais (et je suis PP).
- A TuinVénérable
Stel6584 a écrit:
Autre question, ce fonctionnement des réunions décrit par @Lefteris est-il monnaie courante dans l'EN ou est-il en train de s'installer petit à petit ?
Tout dépend des chefs qu'il y a.
- GatobyNiveau 3
Lefteris a écrit:Citoyen a écrit:
Il y en a plus dans le privé : un moyen pour les CDE de tester la "docilité" de leur équipe. En général cela marche et il y a peu d'absents...Il y est très rarement question de pédagogie (au vrai sens du terme), mais de projets, de sorties, de perspectives, de préparation des portes ouvertes,...les cours et l'activité d'enseignement sont accessoires dans ces réunions. De plus certains courent bien dans cette direction pour se faire bien voir.
La réunionite est un des leviers essentiels du management. Je ne peux qu'inviter tout le monde, pour comprendre ce qui se joue et ce qu'ils vivent, à se pencher sur ces traités, ces stages, qui se refilent d'entreprise en entreprise, d'entreprise en services publics, de services publics en services publics. On teste effectivement les gens, on les fait parler, on les jauge et on les juge, on les rend acteurs de projets qu'ils finissent par mettre en oeuvre d'eux-mêmes, sous cette indéfinissable pression du groupe et de l'oeil du maître, qui leur fait faire en faisant croire qu'ils décident. On les met aussi en concurrence,car il faut faire émerger des leaders pour remplir les contrats d'objectifs. Je mets en italique quelques éléments de la phraséologie en usage, partout et à tous les niveaux. Toutes les administrations fonctionnent selon ces schémas, tout le monde, dès qu'il y a encadrement, est formé comme ça ( tout manager est lui-même managé, mot dont la racine est la même que "manier" et "manipuler"). Certains rejettent fortement cette injonction , comme un de mes amis, cadre au Minef, avec qui j'en parlais récemment, mais d'autre parlent parfaitement cette langue de la conduite du changement par projet ou l'acceptent. Le problème des enseignants est que contrairement aux autres cadres, ils sont au bas de l'échelle et ne connaissent pas ces éléments de langage, sauf à s'y intéresser ou venir d'une autre administration. Ils ne voient donc pas tous les ficelles par lesquelles on les meut.
Il n'est pas étonnant que le privé en soit plus victime : la réunionite est à mesure du rapport hiérarchique. Il est plus pesant dans le privé, où l'on nomme même des caporaux flattés d'être choisis (directeurs de cycle, de niveau...).
Nous avons eu l'occasion d'en échanger et je ne peux qu'appuyer le propos de Lefteris.
Pour ajouter quelques éléments à la réflexion de l'auteur du sujet, il faut en effet savoir que quelle que soit l'orientation choisie (ou presque), le monde du travail prend cette direction : des objectifs creux mesurés par des cocheurs de cases eux même managés par des managers de cocheurs de cases. La dégradation des conditions d'enseignement partagée par les enseignants ici présents n'est pas propre à l'éducation nationale, même si elle est particulièrement violente dans cette administration. Professeur, analyste, manager, ingénieur ... les emplois qualifiés consistent de plus en plus à "donner du sens" (ce qui suppose que le sens des choses ne va pas de soi, soit dit en passant) pour faciliter et accélérer des réformes et des changements que les cibles (élèves, clients, salariés ...) n'accepteraient pas si elles n'étaient pas emballées avec toute la cosmétique managériale "du projet", "de l'agilité", "de la souplesse", de ...
Je réagis enfin à la phrase mise en gras dans le message de Lefteris : je ne suis pas certain que le problème est que "les professeurs sont en bas de l'échelle" : leur statut et la liberté pédagogique notamment permet encore (de moins en moins ?) d'avoir une hauteur critique sur les décisions qui sont prises (contrairement au gestionnaire en administration qui lui exécute et est contrôlé sur la qualité de l'exécution). Ils ne sont pas "en bas de l'échelle" au même sens que l'est le personnel d'exécution des entreprises et administrations. En revanche, je crois que les professeurs méconnaissent ces "éléments de langage" (EDL pour les plus aguerris) en ce leur métier a encore un contenu, et rend difficile de concevoir que les entreprises et organisations en ont de moins en moins aujourd'hui. J'y vois moins une forme d'ignorance de la réalité qu'un idéalisme que le choix d'un métier porté sur la connaissance et le fond nourrit naturellement : perdre cet idéalisme serait le dernier rempart à faire tomber pour qu'être enseignant soit aussi absurde qu'être manager, chef de projet, ou tout autre métier qualifié.
- BaldredSage
Gatoby a écrit:
Je réagis enfin à la phrase mise en gras dans le message de Lefteris : je ne suis pas certain que le problème est que "les professeurs sont en bas de l'échelle" : leur statut et la liberté pédagogique notamment permet encore (de moins en moins ?) d'avoir une hauteur critique sur les décisions qui sont prises (contrairement au gestionnaire en administration qui lui exécute et est contrôlé sur la qualité de l'exécution). Ils ne sont pas "en bas de l'échelle" au même sens que l'est le personnel d'exécution des entreprises et administrations. En revanche, je crois que les professeurs méconnaissent ces "éléments de langage" (EDL pour les plus aguerris) en ce leur métier a encore un contenu, et rend difficile de concevoir que les entreprises et organisations en ont de moins en moins aujourd'hui. J'y vois moins une forme d'ignorance de la réalité qu'un idéalisme que le choix d'un métier porté sur la connaissance et le fond nourrit naturellement : perdre cet idéalisme serait le dernier rempart à faire tomber pour qu'être enseignant soit aussi absurde qu'être manager, chef de projet, ou tout autre métier qualifié.
Merci @Gatoby pour cette analyse plus nuancée. Effectivement, c'est également un élément d'un certain discours de nous voir "en bas de l'échelle". Deux discours se sont superposés dans ce fil :
Les témoignages du vieux discours poujadiste teinté du bons sens populaire qui n'a pas sa langue dans sa poche parce que moi on ne m'enlèvera pas de l'idée que j'ai raison de penser ce que je pense et que moi à leur place je.....
Vous l'entendez chez votre coiffeur, votre kiné, je l'entendais dans une forme quasi pure chez les chauffeurs de taxi ( avant Uber...). On a sans doute tort d'y prêter trop d'attention. Il a toujours été un bruit de fond, discours souvent répété par ceux que l'école a trié du mauvais côté et qui s'en sont sorti "quand même". On a tort de négliger le fait que "nous" participons à un tri social fondé sur un "mérite scolaire" qui fait quelques dégâts chez les "triés". Et la réalité de notre travail ne les intéresse pas puisque le fils de ma cousine… a toujours raison.
Le deuxième discours, le pire, est le nôtre, celui que nous tenons sur nous-mêmes, si dépréciatif qu'en effet on se demande où les profs vont trouver la force de construire une parole revendicatrice audible. Le new public management va nous broyer, la machine administrative va nous broyer, la réforme va nous broyer : comment va ? Mais elle nous a déjà broyés. Le diable que nous avons peint sur la muraille est si réaliste qu’il nous paralyse, et nous rend sincèrement impuissants.@Gatoby parle d'un idéalisme qui nous sauverait des pratiques "sauvages" du privé et de l'absurdité et je sens qu'il a raison, même si je préférais dire que c'est notre maitrise d'un système absurde depuis longtemps qui pourra nous sauver.
- CitoyenNiveau 7
Lefteris a écrit:Citoyen a écrit:
Il y en a plus dans le privé : un moyen pour les CDE de tester la "docilité" de leur équipe. En général cela marche et il y a peu d'absents...Il y est très rarement question de pédagogie (au vrai sens du terme), mais de projets, de sorties, de perspectives, de préparation des portes ouvertes,...les cours et l'activité d'enseignement sont accessoires dans ces réunions. De plus certains courent bien dans cette direction pour se faire bien voir.
La réunionite est un des leviers essentiels du management. Je ne peux qu'inviter tout le monde, pour comprendre ce qui se joue et ce qu'ils vivent, à se pencher sur ces traités, ces stages, qui se refilent d'entreprise en entreprise, d'entreprise en services publics, de services publics en services publics. On teste effectivement les gens, on les fait parler, on les jauge et on les juge, on les rend acteurs de projets qu'ils finissent par mettre en oeuvre d'eux-mêmes, sous cette indéfinissable pression du groupe et de l'oeil du maître, qui leur fait faire en faisant croire qu'ils décident. On les met aussi en concurrence,car il faut faire émerger des leaders pour remplir les contrats d'objectifs. Je mets en italique quelques éléments de la phraséologie en usage, partout et à tous les niveaux. Toutes les administrations fonctionnent selon ces schémas, tout le monde, dès qu'il y a encadrement, est formé comme ça ( tout manager est lui-même managé, mot dont la racine est la même que "manier" et "manipuler"). Certains rejettent fortement cette injonction , comme un de mes amis, cadre au Minef, avec qui j'en parlais récemment, mais d'autre parlent parfaitement cette langue de la conduite du changement par projet ou l'acceptent. Le problème des enseignants est que contrairement aux autres cadres, ils sont au bas de l'échelle et ne connaissent pas ces éléments de langage, sauf à s'y intéresser ou venir d'une autre administration. Ils ne voient donc pas tous les ficelles par lesquelles on les meut.
Il n'est pas étonnant que le privé en soit plus victime : la réunionite est à mesure du rapport hiérarchique. Il est plus pesant dans le privé, où l'on nomme même des caporaux flattés d'être choisis (directeurs de cycle, de niveau...).
Pas mal dit du tout...Ce n'est pas le niveau de la paie qui peut servir à justifier cela car dans les entreprises privées les gens ne sont pas toujours bien payés, mais les réunions se passent le plus souvent sur leur temps de travail, en journée, et les managers évitent de faire de la réunionite pour rien, alors que dans les établissements (privés), les réunions sont gratuites, en dehors des cours...Ce qu'il faut dénoncer c'est le manque d'efficacité de ces réunions, voire leur inutilité pour améliorer la qualité pédagogique en direction des élèves. Parce que ces CDE et autres petits chefs adjoints n'ont généralement pas les compétence pour introduire de vraies actions d'amélioration et sont là pour "tenir" l'équipe, ou même pour se "faire valoir", parce que leur boulot quotidien n'est plus très enthousiasmant. Bref, ce n'est pas de cette façon qu'on va remonter le niveau de nos élèves (ce n'est d'ailleurs pas leur but...).
- CitoyenNiveau 7
Baldred a écrit:Gatoby a écrit:
Je réagis enfin à la phrase mise en gras dans le message de Lefteris : je ne suis pas certain que le problème est que "les professeurs sont en bas de l'échelle" : leur statut et la liberté pédagogique notamment permet encore (de moins en moins ?) d'avoir une hauteur critique sur les décisions qui sont prises (contrairement au gestionnaire en administration qui lui exécute et est contrôlé sur la qualité de l'exécution). Ils ne sont pas "en bas de l'échelle" au même sens que l'est le personnel d'exécution des entreprises et administrations. En revanche, je crois que les professeurs méconnaissent ces "éléments de langage" (EDL pour les plus aguerris) en ce leur métier a encore un contenu, et rend difficile de concevoir que les entreprises et organisations en ont de moins en moins aujourd'hui. J'y vois moins une forme d'ignorance de la réalité qu'un idéalisme que le choix d'un métier porté sur la connaissance et le fond nourrit naturellement : perdre cet idéalisme serait le dernier rempart à faire tomber pour qu'être enseignant soit aussi absurde qu'être manager, chef de projet, ou tout autre métier qualifié.
Merci @Gatoby pour cette analyse plus nuancée. Effectivement, c'est également un élément d'un certain discours de nous voir "en bas de l'échelle". Deux discours se sont superposés dans ce fil :
Les témoignages du vieux discours poujadiste teinté du bons sens populaire qui n'a pas sa langue dans sa poche parce que moi on ne m'enlèvera pas de l'idée que j'ai raison de penser ce que je pense et que moi à leur place je.....
Vous l'entendez chez votre coiffeur, votre kiné, je l'entendais dans une forme quasi pure chez les chauffeurs de taxi ( avant Uber...). On a sans doute tort d'y prêter trop d'attention. Il a toujours été un bruit de fond, discours souvent répété par ceux que l'école a trié du mauvais côté et qui s'en sont sorti "quand même". On a tort de négliger le fait que "nous" participons à un tri social fondé sur un "mérite scolaire" qui fait quelques dégâts chez les "triés". Et la réalité de notre travail ne les intéresse pas puisque le fils de ma cousine… a toujours raison.
Le deuxième discours, le pire, est le nôtre, celui que nous tenons sur nous-mêmes, si dépréciatif qu'en effet on se demande où les profs vont trouver la force de construire une parole revendicatrice audible. Le new public management va nous broyer, la machine administrative va nous broyer, la réforme va nous broyer : comment va ? Mais elle nous a déjà broyés. Le diable que nous avons peint sur la muraille est si réaliste qu’il nous paralyse, et nous rend sincèrement impuissants.@Gatoby parle d'un idéalisme qui nous sauverait des pratiques "sauvages" du privé et de l'absurdité et je sens qu'il a raison, même si je préférais dire que c'est notre maitrise d'un système absurde depuis longtemps qui pourra nous sauver.
Je préfère le discours de ceux qui regardent la réalité en face, qui ne fuient pas les problèmes, aux discours lénifiants de ceux qui veulent nous faire croire que tout est rose à l'école, ministre de l'Education en tête. Cela ne veut pas dire qu'il faille renouer avec l'école d'antant (on est au XXI° siècle...), mais qu'il faut partir d'un constat juste, et pas d'une autosatisfaction mielleuse, pour arrivier à une amélioration.
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