- tannatHabitué du forum
Je compte étudier en seconde pour l'objet d'étude "La littérature d’idées et la presse du XIXe siècle au XXIe siècle", le thème de la guerre. Voyez-vous d'autres textes à étudier ? Un texte qu'il faudrait ajouter ?
1. Danton, « De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace », discours du 2 septembre 1792.
Il est bien satisfaisant, messieurs, pour les ministres du peuple libre, d'avoir à lui annoncer que la patrie va être sauvée.
Tout s'émeut, tout s'ébranle, tout brûle de combattre. Vous savez que Verdun n'est point encore au pouvoir de vos ennemis. Vous savez que la garnison a promis d'immoler le premier qui proposerait de se rendre. Une partie du peuple va se porter aux frontières, une autre va creuser des retranchements, et la troisième, avec des piques, défendra l'intérieur de nos villes. Paris va seconder ces grands efforts. Les commissaires de la Commune vont proclamer, d'une manière solennelle, l'invitation aux citoyens de s'armer et de marcher pour la défense de la patrie.
C'est en ce moment, messieurs, que vous pouvez déclarer que la capitale a bien mérité de la France entière. C'est en ce moment que l'Assemblée nationale va devenir un véritable comité de guerre.
Nous demandons que vous concouriez avec nous à diriger ce mouvement sublime du peuple, en nommant des commissaires qui nous seconderont dans ces grandes mesures. Nous demandons que quiconque refusera de servir de sa personne, ou de remettre ses armes, soit puni de mort. Nous demandons qu'il soit fait une instruction aux citoyens pour diriger leurs mouvements. Nous demandons qu'il soit envoyé des courriers dans tous les départements pour les avertir des décrets que vous aurez rendus.
Le tocsin qu'on va sonner n'est point un signal d'alarme, c'est la charge sur les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, messieurs, il nous faut de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et la France est sauvée.
2. Colette, “La revue”, Le Matin 24 avril 1914.
Je n’avais jamais vu cela. Je ne puis rapprocher ce spectacle d’aucun souvenir, d’aucune image déjà connue et enregistrée. La fourmilière ?... Non ; ni les vagues sans nombre… Je n’ai rien vu d’aussi inquiétant, qui occupe aussi totalement l’esprit que l’apparition, sur la plaine, là-bas, très loin, des premiers régiments, en marche sur nous. Il n’y a rien qui puisse inspirer une crainte aussi saine, aussi avouable, que la progression de ces parallélogrammes conscients, au mouvement insensible et sûr, sombres, ras au loin comme l’herbe, grandissants, soulignés d’une plinthe rouge -l’infanterie- barrés d’une frise d’argent fourbi- les cuirassiers…
J’ai de mauvais yeux, point de lorgnette, aussi le spectacle est-il plus beau encore pour moi. Je ne vois pas les hommes, ni les perfections de détail, ni les chevaux en ligne inflexible -je vois l’Armée… Ces atomes égrenés à son flanc, ce sont ses chefs, qu’on nomme autour de moi ? Qu’importe ? Ce qui atteint les fibres les plus désintéressées, les plus nobles, c’est la mystérieuse beauté du mouvement humain, par masses prodiguées ; c’est l’attrait du nombre, la géométrie rigide, puis tout à coup fondante, d’une multitude obéissante qui écrit, lisible sur la plaine plate, l’arabesque offensive ou défensive, la pensée d’un tout petit chef, caché quelque part.
Cela m’est bien égal que “Saint-Cyr” balance, en marchant, une main gauche que “Polytechnique” tient immobile et raide ; et je ne distingue le pas dansant des zouaves que parce qu’il met aux pieds du 4e régiment deux ailes de poussière blanche… Les rangs des lignards, je les voudrais inépuisables, pour me complaire longtemps à l’impeccable chorégraphie qu’imprime, à leurs longs sillons d’hommes, le joli pas, relevé, léger, le joli pas du fantassin français.
3. Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, chapitre 6, 1932, extrait.
Je vous le dis, petits bonshommes, couillons de la vie, battus, rançonnés, transpirants de toujours, je vous préviens, quand les grands de ce monde se mettent à vous aimer, c’est qu’ils vont vous tourner en saucissons de bataille… C’est le signe… Il est infaillible. C’est par l’affection que ça commence. Louis XIV lui au moins, qu’on se souvienne, s’en foutait à tout rompre du bon peuple. Quant à Louis XV, du même. Il s’en barbouillait le pourtour anal. On ne vivait pas bien en ce temps-là, certes, les pauvres n’ont jamais bien vécu, mais on ne mettait pas à les étriper l’entêtement et l’acharnement qu’on trouve à nos tyrans d’aujourd’hui. Il n’y a de repos, vous dis-je, pour les petits, que dans le mépris des grands qui ne peuvent penser au peuple que par intérêt ou sadisme… Les philosophes, ce sont eux, notez-le encore pendant que nous y sommes, qui ont commencé par raconter des histoires au bon peuple… Lui qui ne connaissait que le catéchisme ! Ils se sont mis, proclamèrent-ils, à l’éduquer… Ah ! ils en avaient des vérités à lui révéler ! et des belles ! Et des pas fatiguées ! Qui brillaient ! Qu’on en restait tout ébloui ! C’est ça ! qu’il a commencé par dire, le bon peuple, c’est bien ça ! C’est tout à fait ça ! Mourons tous pour ça ! Il ne demande jamais qu’à mourir le peuple ! Il est ainsi. “Vive Diderot !” qu’ils ont gueulé et puis “Bravo Voltaire !” En voilà au moins des philosophes ! Et vive aussi Carnot qui organise si bien les victoires ! Et vive tout le monde ! Voilà au moins des gars qui ne le laissent pas crever dans l’ignorance et le fétichisme le bon peuple ! Ils lui montrent eux les routes de la Liberté ! Ils l’émancipent ! Ça n’a pas traîné ! Que tout le monde d’abord sache lire les journaux ! C’est le salut ! Nom de Dieu ! Et en vitesse ! Plus d’illettrés ! Il en faut plus ! Rien que des soldats citoyens ! Qui votent ! Qui lisent ! Et qui se battent ! Et qui marchent ! Et qui envoient des baisers ! À ce régime-là, bientôt il fut fin mûr le bon peuple. Alors n’est-ce pas l’enthousiasme d’être libéré il faut bien que ça serve à quelque chose ? Danton n’était pas éloquent pour les prunes. Par quelques coups de gueule si bien sentis, qu’on les entend encore, il vous l’a mobilisé en un tour de main le bon peuple ! Et ce fut le premier départ des premiers bataillons d’émancipés frénétiques ! Des premiers couillons voteurs et drapeautiques qu’emmena le Dumouriez se faire trouer dans les Flandres !
4. Albert Camus, Combat, éditorial du 8 août 1945.
Le monde est ce qu'il est, c'est-à-dire peu de chose. C'est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d'information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique.
On nous apprend, en effet, au milieu d'une foule de commentaires enthousiastes que n'importe quelle ville d'importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d'un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l'avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l'utilisation intelligente des conquêtes scientifiques.
En attendant, il est permis de penser qu'il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte, qui se met d'abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l'homme ait fait preuve depuis des siècles. Que dans un monde livré à tous les déchirements de la violence, incapable d'aucun contrôle, indifférent à la justice et au simple bonheur des hommes, la science se consacre au meurtre organisé, personne sans doute, à moins d'idéalisme impénitent, ne songera à s'en étonner.
Les découvertes doivent être enregistrées, commentées selon ce qu'elles sont, annoncées au monde pour que l'homme ait une juste idée de son destin. Mais entourer ces terribles révélations d'une littérature pittoresque ou humoristique, c'est ce qui n'est pas supportable.
Déjà, on ne respirait pas facilement dans un monde torturé. Voici qu'une angoisse nouvelle nous est proposée, qui a toutes les chances d'être définitive. On offre sans doute à l'humanité sa dernière chance. Et ce peut-être après tout le prétexte d'une édition spéciale. Mais ce devrait être plus sûrement le sujet de quelques réflexions et de beaucoup de silence.
Au reste, il est d'autres raisons d'accueillir avec réserve le roman d'anticipation que les journaux nous proposent. Quand on voit le rédacteur diplomatique de l'Agence Reuter* annoncer que cette invention rend caducs les traités ou périmées les décisions mêmes de Potsdam*, remarquer qu'il est indifférent que les Russes soient à Koenigsberg ou la Turquie aux Dardanelles, on ne peut se défendre de supposer à ce beau concert des intentions assez étrangères au désintéressement scientifique.
Qu'on nous entende bien. Si les Japonais capitulent après la destruction d'Hiroshima et par l'effet de l'intimidation, nous nous en réjouirons. Mais nous nous refusons à tirer d'une aussi grave nouvelle autre chose que la décision de plaider plus énergiquement encore en faveur d'une véritable société internationale, où les grandes puissances n'auront pas de droits supérieurs aux petites et aux moyennes nations, où la guerre, fléau devenu définitif par le seul effet de l'intelligence humaine, ne dépendra plus des appétits ou des doctrines de tel ou tel État.
Devant les perspectives terrifiantes qui s'ouvrent à l'humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d'être mené. Ce n'est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l'ordre de choisir définitivement entre l'enfer et la raison.
5. Georges Charles Brassens, « Mourir pour des idées », Fernande, 1972.
Mourir pour des idées
L'idée est excellente
Moi j'ai failli mourir de ne l'avoir pas eue
Car tous ceux qui l'avaient
Multitude accablante
En hurlant à la mort me sont tombés dessus
Ils ont su me convaincre
Et ma muse insolente
Abjurant ses erreurs se rallie à leur foi
Avec un soupçon de déserve toutefois
Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente
Jugeant qu'il n'y a pas
Péril en la demeure
Allons vers l'autre monde en flânant en chemin
Car, à forcer l'allure
Il arrive qu'on meure
Pour des idées n'ayant plus cours le lendemain
Or, s'il est une chose
Amère, désolante
En rendant l'âme à Dieu, c'est bien de constater
Qu'on a fait fausse route, qu'on s'est trompé d'idée
Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente
Les Saint Jean bouche d'or
Qui prêchent le martyre
Le plus souvent d'ailleurs, s'attardent ici-bas
Mourir pour des idées
C'est le cas de le dire
C'est leur raison de vivre, ils ne s'en privent pas
Dans presque tous les camps
On en voit qui supplantent
Bientôt Mathusalem dans la longévité
J'en conclus qu'ils doivent se dire
En aparté, "mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente"
Des idées réclamant
Le fameux sacrifice
Les sectes de tout poil en offrent des séquelles
Et la question se pose
Aux victimes novices
Mourir pour des idées, c'est bien beau mais lesquelles?
Et comme toutes sont entre elles ressemblantes
Quand il les voit venir
Avec leur gros drapeau
Le sage, en hésitant
Tourne autour du tombeau, "mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente"
Encore s'il suffisait
De quelques hécatombes
Pour qu'enfin tout changeât, qu'enfin tout s'arrangeât
Depuis tant de "grands soirs" que tant de têtes tombent
Au paradis sur terre, on y serait déjà
Mais l'âge d'or sans cesse
Est remis aux calendes
Les dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez
Et c'est la mort, la mort
Toujours recommencée, mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente
Ô vous, les boutefeux
Ô vous les bons apôtres
Mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas
Mais de grâce, morbleu!
Laissez vivre les autres!
La vie est à peu près leur seul luxe ici-bas
Car, enfin, la Camarde
Est assez vigilante
Elle n'a pas besoin qu'on lui tienne la faux
Plus de danse macabre
Autour des échafauds, mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente
Georges Charles Brassens, « Mourir pour des idées », Fernande, 1972.
1. Danton, « De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace », discours du 2 septembre 1792.
Il est bien satisfaisant, messieurs, pour les ministres du peuple libre, d'avoir à lui annoncer que la patrie va être sauvée.
Tout s'émeut, tout s'ébranle, tout brûle de combattre. Vous savez que Verdun n'est point encore au pouvoir de vos ennemis. Vous savez que la garnison a promis d'immoler le premier qui proposerait de se rendre. Une partie du peuple va se porter aux frontières, une autre va creuser des retranchements, et la troisième, avec des piques, défendra l'intérieur de nos villes. Paris va seconder ces grands efforts. Les commissaires de la Commune vont proclamer, d'une manière solennelle, l'invitation aux citoyens de s'armer et de marcher pour la défense de la patrie.
C'est en ce moment, messieurs, que vous pouvez déclarer que la capitale a bien mérité de la France entière. C'est en ce moment que l'Assemblée nationale va devenir un véritable comité de guerre.
Nous demandons que vous concouriez avec nous à diriger ce mouvement sublime du peuple, en nommant des commissaires qui nous seconderont dans ces grandes mesures. Nous demandons que quiconque refusera de servir de sa personne, ou de remettre ses armes, soit puni de mort. Nous demandons qu'il soit fait une instruction aux citoyens pour diriger leurs mouvements. Nous demandons qu'il soit envoyé des courriers dans tous les départements pour les avertir des décrets que vous aurez rendus.
Le tocsin qu'on va sonner n'est point un signal d'alarme, c'est la charge sur les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, messieurs, il nous faut de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et la France est sauvée.
2. Colette, “La revue”, Le Matin 24 avril 1914.
Je n’avais jamais vu cela. Je ne puis rapprocher ce spectacle d’aucun souvenir, d’aucune image déjà connue et enregistrée. La fourmilière ?... Non ; ni les vagues sans nombre… Je n’ai rien vu d’aussi inquiétant, qui occupe aussi totalement l’esprit que l’apparition, sur la plaine, là-bas, très loin, des premiers régiments, en marche sur nous. Il n’y a rien qui puisse inspirer une crainte aussi saine, aussi avouable, que la progression de ces parallélogrammes conscients, au mouvement insensible et sûr, sombres, ras au loin comme l’herbe, grandissants, soulignés d’une plinthe rouge -l’infanterie- barrés d’une frise d’argent fourbi- les cuirassiers…
J’ai de mauvais yeux, point de lorgnette, aussi le spectacle est-il plus beau encore pour moi. Je ne vois pas les hommes, ni les perfections de détail, ni les chevaux en ligne inflexible -je vois l’Armée… Ces atomes égrenés à son flanc, ce sont ses chefs, qu’on nomme autour de moi ? Qu’importe ? Ce qui atteint les fibres les plus désintéressées, les plus nobles, c’est la mystérieuse beauté du mouvement humain, par masses prodiguées ; c’est l’attrait du nombre, la géométrie rigide, puis tout à coup fondante, d’une multitude obéissante qui écrit, lisible sur la plaine plate, l’arabesque offensive ou défensive, la pensée d’un tout petit chef, caché quelque part.
Cela m’est bien égal que “Saint-Cyr” balance, en marchant, une main gauche que “Polytechnique” tient immobile et raide ; et je ne distingue le pas dansant des zouaves que parce qu’il met aux pieds du 4e régiment deux ailes de poussière blanche… Les rangs des lignards, je les voudrais inépuisables, pour me complaire longtemps à l’impeccable chorégraphie qu’imprime, à leurs longs sillons d’hommes, le joli pas, relevé, léger, le joli pas du fantassin français.
3. Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, chapitre 6, 1932, extrait.
Je vous le dis, petits bonshommes, couillons de la vie, battus, rançonnés, transpirants de toujours, je vous préviens, quand les grands de ce monde se mettent à vous aimer, c’est qu’ils vont vous tourner en saucissons de bataille… C’est le signe… Il est infaillible. C’est par l’affection que ça commence. Louis XIV lui au moins, qu’on se souvienne, s’en foutait à tout rompre du bon peuple. Quant à Louis XV, du même. Il s’en barbouillait le pourtour anal. On ne vivait pas bien en ce temps-là, certes, les pauvres n’ont jamais bien vécu, mais on ne mettait pas à les étriper l’entêtement et l’acharnement qu’on trouve à nos tyrans d’aujourd’hui. Il n’y a de repos, vous dis-je, pour les petits, que dans le mépris des grands qui ne peuvent penser au peuple que par intérêt ou sadisme… Les philosophes, ce sont eux, notez-le encore pendant que nous y sommes, qui ont commencé par raconter des histoires au bon peuple… Lui qui ne connaissait que le catéchisme ! Ils se sont mis, proclamèrent-ils, à l’éduquer… Ah ! ils en avaient des vérités à lui révéler ! et des belles ! Et des pas fatiguées ! Qui brillaient ! Qu’on en restait tout ébloui ! C’est ça ! qu’il a commencé par dire, le bon peuple, c’est bien ça ! C’est tout à fait ça ! Mourons tous pour ça ! Il ne demande jamais qu’à mourir le peuple ! Il est ainsi. “Vive Diderot !” qu’ils ont gueulé et puis “Bravo Voltaire !” En voilà au moins des philosophes ! Et vive aussi Carnot qui organise si bien les victoires ! Et vive tout le monde ! Voilà au moins des gars qui ne le laissent pas crever dans l’ignorance et le fétichisme le bon peuple ! Ils lui montrent eux les routes de la Liberté ! Ils l’émancipent ! Ça n’a pas traîné ! Que tout le monde d’abord sache lire les journaux ! C’est le salut ! Nom de Dieu ! Et en vitesse ! Plus d’illettrés ! Il en faut plus ! Rien que des soldats citoyens ! Qui votent ! Qui lisent ! Et qui se battent ! Et qui marchent ! Et qui envoient des baisers ! À ce régime-là, bientôt il fut fin mûr le bon peuple. Alors n’est-ce pas l’enthousiasme d’être libéré il faut bien que ça serve à quelque chose ? Danton n’était pas éloquent pour les prunes. Par quelques coups de gueule si bien sentis, qu’on les entend encore, il vous l’a mobilisé en un tour de main le bon peuple ! Et ce fut le premier départ des premiers bataillons d’émancipés frénétiques ! Des premiers couillons voteurs et drapeautiques qu’emmena le Dumouriez se faire trouer dans les Flandres !
4. Albert Camus, Combat, éditorial du 8 août 1945.
Le monde est ce qu'il est, c'est-à-dire peu de chose. C'est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d'information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique.
On nous apprend, en effet, au milieu d'une foule de commentaires enthousiastes que n'importe quelle ville d'importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d'un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l'avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l'utilisation intelligente des conquêtes scientifiques.
En attendant, il est permis de penser qu'il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte, qui se met d'abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l'homme ait fait preuve depuis des siècles. Que dans un monde livré à tous les déchirements de la violence, incapable d'aucun contrôle, indifférent à la justice et au simple bonheur des hommes, la science se consacre au meurtre organisé, personne sans doute, à moins d'idéalisme impénitent, ne songera à s'en étonner.
Les découvertes doivent être enregistrées, commentées selon ce qu'elles sont, annoncées au monde pour que l'homme ait une juste idée de son destin. Mais entourer ces terribles révélations d'une littérature pittoresque ou humoristique, c'est ce qui n'est pas supportable.
Déjà, on ne respirait pas facilement dans un monde torturé. Voici qu'une angoisse nouvelle nous est proposée, qui a toutes les chances d'être définitive. On offre sans doute à l'humanité sa dernière chance. Et ce peut-être après tout le prétexte d'une édition spéciale. Mais ce devrait être plus sûrement le sujet de quelques réflexions et de beaucoup de silence.
Au reste, il est d'autres raisons d'accueillir avec réserve le roman d'anticipation que les journaux nous proposent. Quand on voit le rédacteur diplomatique de l'Agence Reuter* annoncer que cette invention rend caducs les traités ou périmées les décisions mêmes de Potsdam*, remarquer qu'il est indifférent que les Russes soient à Koenigsberg ou la Turquie aux Dardanelles, on ne peut se défendre de supposer à ce beau concert des intentions assez étrangères au désintéressement scientifique.
Qu'on nous entende bien. Si les Japonais capitulent après la destruction d'Hiroshima et par l'effet de l'intimidation, nous nous en réjouirons. Mais nous nous refusons à tirer d'une aussi grave nouvelle autre chose que la décision de plaider plus énergiquement encore en faveur d'une véritable société internationale, où les grandes puissances n'auront pas de droits supérieurs aux petites et aux moyennes nations, où la guerre, fléau devenu définitif par le seul effet de l'intelligence humaine, ne dépendra plus des appétits ou des doctrines de tel ou tel État.
Devant les perspectives terrifiantes qui s'ouvrent à l'humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d'être mené. Ce n'est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l'ordre de choisir définitivement entre l'enfer et la raison.
5. Georges Charles Brassens, « Mourir pour des idées », Fernande, 1972.
Mourir pour des idées
L'idée est excellente
Moi j'ai failli mourir de ne l'avoir pas eue
Car tous ceux qui l'avaient
Multitude accablante
En hurlant à la mort me sont tombés dessus
Ils ont su me convaincre
Et ma muse insolente
Abjurant ses erreurs se rallie à leur foi
Avec un soupçon de déserve toutefois
Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente
Jugeant qu'il n'y a pas
Péril en la demeure
Allons vers l'autre monde en flânant en chemin
Car, à forcer l'allure
Il arrive qu'on meure
Pour des idées n'ayant plus cours le lendemain
Or, s'il est une chose
Amère, désolante
En rendant l'âme à Dieu, c'est bien de constater
Qu'on a fait fausse route, qu'on s'est trompé d'idée
Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente
Les Saint Jean bouche d'or
Qui prêchent le martyre
Le plus souvent d'ailleurs, s'attardent ici-bas
Mourir pour des idées
C'est le cas de le dire
C'est leur raison de vivre, ils ne s'en privent pas
Dans presque tous les camps
On en voit qui supplantent
Bientôt Mathusalem dans la longévité
J'en conclus qu'ils doivent se dire
En aparté, "mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente"
Des idées réclamant
Le fameux sacrifice
Les sectes de tout poil en offrent des séquelles
Et la question se pose
Aux victimes novices
Mourir pour des idées, c'est bien beau mais lesquelles?
Et comme toutes sont entre elles ressemblantes
Quand il les voit venir
Avec leur gros drapeau
Le sage, en hésitant
Tourne autour du tombeau, "mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente"
Encore s'il suffisait
De quelques hécatombes
Pour qu'enfin tout changeât, qu'enfin tout s'arrangeât
Depuis tant de "grands soirs" que tant de têtes tombent
Au paradis sur terre, on y serait déjà
Mais l'âge d'or sans cesse
Est remis aux calendes
Les dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez
Et c'est la mort, la mort
Toujours recommencée, mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente
Ô vous, les boutefeux
Ô vous les bons apôtres
Mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas
Mais de grâce, morbleu!
Laissez vivre les autres!
La vie est à peu près leur seul luxe ici-bas
Car, enfin, la Camarde
Est assez vigilante
Elle n'a pas besoin qu'on lui tienne la faux
Plus de danse macabre
Autour des échafauds, mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente
Georges Charles Brassens, « Mourir pour des idées », Fernande, 1972.
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« Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent. » Samuel Beckett
« C'est un malheur que les hommes ne puissent d'ordinaire posséder aucun talent sans avoir quelque envie d'abaisser les autres.» Vauvenargues
- MyriamhJe viens de m'inscrire !
Bonjour,
Je réfléchis à une séquence sur la condition des animaux.
Je réfléchis à une séquence sur la condition des animaux.
- ditaNeoprof expérimenté
Le rêve américain.
- OrlandaFidèle du forum
Je me demande si je ne vais pas traiter la question du crime et du fait-divers. Camus, Zola, Gide, Flaubert, Carrère...Il y a de quoi faire!
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"Nous vivons à une époque où l'ignorance n'a plus honte d'elle-même". Robert Musil
- KirkêNiveau 5
Je pensais aux procès littéraires (à voir selon la classe).
dita : j'aime bien l'idée du rêve américain, quels textes comptes-tu aborder ?
dita : j'aime bien l'idée du rêve américain, quels textes comptes-tu aborder ?
- KhorsabadNiveau 6
Tannât > Hugo, Souvenir de la nuit du 4 ?
Pour ma part je vais bosser la condition des femmes
Pour ma part je vais bosser la condition des femmes
- ditaNeoprof expérimenté
Chimamanda Ngozi Adichie, Americanah, Obama, L'audace d'espérer, Massini, Les freres Lehman (les extraits sont dans le manuel qu'on a choisi). Il y a aussi Martin Luther King, Les Raisins de la colère, West Side Story en extraits/visionnage/écoute. Je voudrais faire lire Gatsby le magnifique. Des articles de presse : revue America, American dream, que reste-il du rêve américain.
- tannatHabitué du forum
Merci pour cette suggestion !Khorsabad a écrit:Tannât > Hugo, Souvenir de la nuit du 4 ?
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« Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent. » Samuel Beckett
« C'est un malheur que les hommes ne puissent d'ordinaire posséder aucun talent sans avoir quelque envie d'abaisser les autres.» Vauvenargues
- KhorsabadNiveau 6
tannat a écrit:Merci pour cette suggestion !Khorsabad a écrit:Tannât > Hugo, Souvenir de la nuit du 4 ?
en plus ça permet de voir comment la poésie peut être vectrice de messages forts Ravie que l'idée te plaise en tout cas !
- sinanNiveau 9
UP
Je relance ce fil : que faites-vous pour cet objet d'étude en seconde ? J'aimerais me renouveler...
-
Je relance ce fil : que faites-vous pour cet objet d'étude en seconde ? J'aimerais me renouveler...
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- trompettemarineMonarque
Je travaillais sur la figure du journaliste dans les romans et nouvelles pour pouvoir lire le plus possible des textes littéraires (mais c'est tombé pendant le confinement).
- WinterfellNiveau 3
Je travaille un groupement de textes sur l’écrivain, l’intellectuel, engagé dans la société : extrait du « Discours sur la misère » de Victor Hugo, éditorial de « Combat » d’Albert Camus sur la bombe atomique, l’éducation à la démocratie d’après Jacqueline de Romilly in Une certaine idée de la Grèce, un groupement de textes sur la Résistance (« Chant des partisans », extrait du « Veilleur du Pont au change » et « Ce cœur qui haïssait la guerre » de Desnos) avec en prime un travail sur la chanson engagée en guise d’activité introductive avec « La corrida » de Francis Cabrel.
En lecture cursive, je donne aux élèves un témoignage au choix à lire : Dans la peau d’un Noir de John Howard Griffith ou La Supplication de Svetlana Alexievitch.
Le but est d’étudier les différents domaines dans lesquels les écrivains peuvent s’engager.
En lecture cursive, je donne aux élèves un témoignage au choix à lire : Dans la peau d’un Noir de John Howard Griffith ou La Supplication de Svetlana Alexievitch.
Le but est d’étudier les différents domaines dans lesquels les écrivains peuvent s’engager.
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« L’hiver vient. »
2024-2025 : 1 seconde GT, 2 premières technologiques (STI2D et ST2S), BTS travaux publics première et deuxième année.
- NLM76Grand Maître
Je fais : Denis Mukwege, Ahmadou Kourouma, Louise Michel, "J'accuse", Ruy Blas.
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- TivinouDoyen
J'ai fait un groupement de textes sur la condamnation de la misère et j'ai choisi des textes pour travailler le résumé. Pas tellement satisfaite de ma séquence. A modifier beaucoup l'année prochaine. Je vais suivre ce fil avec intérêt.
- TailleventFidèle du forum
Il y a pas mal de textes de Zola qui sont certes littéraires mais qui s'approchent du journalisme. Je pense par exemple à de nombreux passages dans Lourdes, qui sont à la fois de la littérature d'idées et un vrai reportage sur le pèlerinage.
- trompettemarineMonarque
@tannat : Selon moi, la magnifique chanson de Brassens traite plutôt la question du fanatisme.
- Penthesilee17Niveau 2
Bonjour à tous,
Cette année, je retrouve (avec plaisir) des secondes.
J'ai bien étudié les programmes mais le chapitre sur la littérature d'idées et la presse me pose problème.
Je voulais travailler sur le fait divers, notamment sur les portraits proposés par la presse des meurtriers (j'ai trouvé quelques articles d'auteurs tels que Colette, Duras et Giono ayant apporté leur contribution à divers journaux). mon chapitre suivant porterait sur Thérèse Raquin.
Je souhaitais savoir si j'étais dans les clous ? Est-ce suffisant...je trouve des séquences tellement diverses dans les manuels et sur le net que j'en viens à ne plus savoir ce qui est attendu.
Merci d'avance de votre aide !
Cette année, je retrouve (avec plaisir) des secondes.
J'ai bien étudié les programmes mais le chapitre sur la littérature d'idées et la presse me pose problème.
Je voulais travailler sur le fait divers, notamment sur les portraits proposés par la presse des meurtriers (j'ai trouvé quelques articles d'auteurs tels que Colette, Duras et Giono ayant apporté leur contribution à divers journaux). mon chapitre suivant porterait sur Thérèse Raquin.
Je souhaitais savoir si j'étais dans les clous ? Est-ce suffisant...je trouve des séquences tellement diverses dans les manuels et sur le net que j'en viens à ne plus savoir ce qui est attendu.
Merci d'avance de votre aide !
- OxfordNeoprof expérimenté
Penthesilee17 a écrit:Bonjour à tous,
Cette année, je retrouve (avec plaisir) des secondes.
J'ai bien étudié les programmes mais le chapitre sur la littérature d'idées et la presse me pose problème.
Je voulais travailler sur le fait divers, notamment sur les portraits proposés par la presse des meurtriers (j'ai trouvé quelques articles d'auteurs tels que Colette, Duras et Giono ayant apporté leur contribution à divers journaux). mon chapitre suivant porterait sur Thérèse Raquin.
Je souhaitais savoir si j'étais dans les clous ? Est-ce suffisant...je trouve des séquences tellement diverses dans les manuels et sur le net que j'en viens à ne plus savoir ce qui est attendu.
Merci d'avance de votre aide !
L'idée de travailler sur le fait divers me paraît pertinente.
Bonne préparation !
_________________
Tutti i ghjorna si n'impara.
- Penthesilee17Niveau 2
Merci Oxford, me voilà rassurée !
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