Les auteurs (français ou francophones) du XXIe siècle ? La Littérature actuelle ?

Longtemps je me suis plongée dans les auteurs anciens. J'aime - vraiment- Balzac, Hugo, Zola. J'adore Proust et Maupassant, je vibre aux vers de Corneille, ai même fini par apprécier ceux de Ronsard et me plonge occasionnellement dans les romans de chevalerie. Vous voyez donc où est le problème: la littérature s'arrête pour moi avec le nouveau roman - avant ou pendant, cela dépend des auteurs . Je confesse avoir surtout du mal à évaluer un livre contemporain. Autant je peux classer un auteur "mineur" du 19e - et expliquer en quoi il est mineur  et donc peu utile à mes élèves- autant j'ai beaucoup de mal à analyser le peu que je lis de la production actuelle - peu par goût et aussi souci d'efficacité, considérant toujours que je dois "combler mes lacunes" en auteurs patrimoniaux ( je la finirai un jour cette Nouvelle Héloïse, promis! ). Je reconnais un intérêt coupable pour Amélie Nothomb - que je rapprocherais de celui pour Stephen King, dont l'écriture en anglais me semble néanmoins un peu plus complexe - comprendre je dois chercher des mots dans le dico - j'ai apprécié Art au théâtre, je lis occasionnellement des textes d'Eco,  mais Modiano et Le Clézio me tombent habituellement des mains -honte à moi, puisqu'ils sont nobles nobels...
Mais voilà qu'un matin en me rasant, m'épilant, je me suis avisée que nous étions quand même en 2020, scrognegneu, et que mes scrupules et mon manque de confiance dans mon jugement faisaient de moi une piètre enseignante de Lettres modernes, puisque je n'étais pas capable de parler de la littérature des 50 dernières années aux chers têtes blondes, brunes, noires ou rousses que l'E.N me confiait si imprudemment...

Bref, chers collègues, j'en appelle à vos lumières: en théâtre, en poésie, en roman, en littérature d'idées, quels sont selon vous les grands noms, les grandes oeuvres  ( en français principalement, mais un ou deux étrangers m'intéressent aussi) qu'il faut avoir lues et surtout pourquoi ? En quoi sont ils importants, quels rapports ont-ils avec ceux qui les ont précédés, en quoi proposent-ils quelque chose de nouveau ? Qu'est-ce que la littérature française du 21e siècle?
En vrai, si vous n'avez pas envie de faire une dissertation, mais juste de me donner quelques titres, je prends aussi.
Merci d'avance pour vos pistes

Je ne vais pas t'aider, je lis très peu de contemporain et tout ce que j'ai lu du XXIe me tombe un peu des mains. Je regarderai ce soir à la maison si je n'ai pas quand même quelques titres qui vaillent le coup

Ma sainte triade du XXe c'est Saint-Exupéry / Gary / Kessel... Le Nouveau roman, je fais une allergie depuis ma jeunesse

Je comprends Sphinx: j'arrive à apprécier les premiers Duras - principalement Moderato Cantabile pour être honnête- j'avais beaucoup aimé la captation /réalisation ? de Pour un oui ou pour un non avec Dussolier, mais Butor ou Robbe-Grillet Merci en tout cas - beaucoup passent sur le fil mais sans nécessairement oser poster ce qui est peut-être la même position que la vôtre.

Pour le 21e j'arrive à en lire mais j'ai du mal à l' évaluer, la critiquer -probablement parce que je n'en lis pas assez et ne peux me représenter ce qu'est la production actuelle. J'ai l'impression de ne pas avoir de prise. Par exemple, pour le peu que j'ai parcouru de Le Clézio, je vois le travail du style, le tissage de la narration, mais il y a un côté un peu trop "propre", trop lisse, un peu sucré. Dans le dernier par exemple - Bitna sous le ciel de Séoul- l'architecture narrative est intéressante, mais je trouve que les personnages manquent de profondeur - il y a des trous, je ne sais pas le décrire autrement. Par exemple, l'un des personnages subit un viol: pas de description, ok, je peux comprendre, Faulkner Sanctuary etc. Mais l'effet n'est qu'à peine évoqué comme si ce n'était qu'un "incident" qui avait une fonction narrative, mais pas tant que cela psychologique dans la construction du personnage qui reste un peu une marionnette à la limite du cliché. À la première lecture, cela passe presque- parce que l'on est entraîné par le conte - il y a emboîtement de récits- on l'excuse parce que c'est dans un récit secondaire, mais finalement même le personnage principal de la conteuse/narratrice souffre du même travers.Je veux bien entendre que ce soit volontaire, mais une fois le livre refermé, j'ai un peu l'impression de m'être fait avoir - enfin pas totalement. Je ne demande pas de la sueur ou de la crasse, mais si je compare à Huis-clos -théâtre philosophique, à thèse, donc pas précisément le lieu pour "Peser des œufs de mouche dans des balances en toile d'araignée" - il y a une humanité et une vérité psychologique bien plus grandes me semble-t-il dans cette pièce que dans le roman...

Comme je dis toujours, quelle que soit l'époque, rien de tel qu'une bonne anthologie pour se faire une idée. En ce qui concerne les dernières décennies, le recul n'est bien sûr pas suffisant (et je croise parfois dans les manuels récents des auteurs dont je crois (j'espère ?) qu'ils seront vite oubliés), mais on trouve quand même de quoi se faire une idée.

Ta question porte uniquement sur le XXIème siècle, mais en poésie Yves di Manno et Isabelle Garron ont sorti un incontournable avec "Un nouveau monde : Poésie en France 1960-2010". Énorme pavé dont je n'ai toujours pas fait le tour. Des extraits copieux qui permettent réellement d'appréhender les œuvres. Les bornes sont larges et la part du XXIème siècle est finalement très mince, mais force est de constater que passé Ponge, beaucoup de profs semblent ignorer la suite des événements (même Bonnefoy n'est pas toujours bien connu). On peut en outre se demander si après l'an 2000 il est encore possible de faire une histoire de la poésie, tant la production est éclatée et la disparition des écoles / courants apparemment définitive.

Pour le roman, Dominique Viart a proposé une "Anthologie de la littérature contemporaine depuis 1980 : Romans et récits" qui propose un tour d'horizon rapide (un ou deux textes d'une page seulement pour chaque auteur) mais assez utile (les introductions présentent de façon claire l'originalité de chacun) de la production jusqu'en 2010 environ.

A ma connaissance il n'existe malheureusement pas pour le théâtre d'anthologie qui aborde notre début de siècle, c'est bien regrettable. Le mieux qu'on puisse trouver, ce sont les trois volumes "De Godot à Zucco : Anthologie des auteurs dramatiques de langue française 1950-2000" de Michel Azama.

Avec ça tu as déjà de quoi faire !

Merci beaucoup pour ces titres que je m'en vais commander de ce pas. Que cela n'empêche pas nos collègues de donner leur top 10 personnel...
Edit: le Viart est -déjà- épuisé et très demandé en occasion ainsi que le deuxième tome de l'anthologie théâtrale..

Sujet intéressant, je note.

La plupart des contemporains ne passe pas mon seuil de tolérance à la pose dès l'incipit malheureusement.

Une exception : l'oeuvre romanesque et autobiographique de François Sureau depuis Inigo (2009), autour de la figure d'Ignace de Loyola. Soit également : Je ne pense plus voyager, autour de Charles de Foucauld, et le très court et très beau témoignage Le chemin des morts (2011).

Je n'ai pas lu ses plaidoiries contre l'état d'urgence.

Actuellement j'attends la parution (retardée par des problèmes d'impression) de L'or du temps, qui devrait me combler (pavé de digressions en vue, chic !)

Autres bouquins contemporains que j'ai terminés :
- Jonquille de Jean Michelin (2012) : récit par un officier français d'une campagne militaire en Afghanistan
- Anquetil tout seul de Paul Fournel. Pas exaltant mais de facture honnête, ce qui est déjà beaucoup.
- La Horde du contrevent d'Alain Damasio.

C'est tout pour le moment.

J'avoue avoir un peu le même souci que toi... le lis des choses, certaines bonnes, d'autres franchement pas terribles, mais je n'arrive pas à me dire que ce seront les grandes oeuvres de demain...
Pour le XXème siècle, mes essais avec le nouveau roman se sont avérés fort peu concluants. En revanche, la rencontre avec l'Oulipo (via Georges Perec et Raymond Queneau, estampillés XXème, mais pas seulement) a changé ma vie: il faut découvrir Jacques Jouet, Jacques Roubaud, Hervé Le Tellier...
J'ai beaucoup aimé aussi découvrir Nicolas Bouvier (mais toujours XXème) quand j'ai passé l'agrégation.
J'ai lu un peu de Le Clézio, que j'ai apprécié mais... pas au point d'y revenir. J'ai lu un peu de Jean d'Ormesson. Je sais que Maylis de Kérangal n'est pas toujours appréciée, mais personnellement j'ai beaucoup aimé, surtout son dernier. J'aime bien Foenkinos aussi.

Bon, voilà, rien de bien original... et de là à dire que ce sont de "grands" auteurs, je pense que nous n'avons pas le recul suffisant.

Merci Tangleding !
Sifi, si le Kérangal est Chemin de tables, je viens de le finir et j'ai bien aimé aussi. D'une part à cause du sujet -l'itinéraire d'un "cuisinier", ceux qui liront comprendront les guillemets- mais surtout à cause de la forme, entre journalisme, récit à la limite du romanesque avec la narratrice homodiégétique mais témoin, sur le côté de l'histoire avec néanmoins une attention portée à l'évocation des sensations, du goût - logique...- du corps en général. Tout ce que, précisément, n'est pas le Le Clézio que j'ai pu lire. Un chouette petit - au sens de court- livre, qui justement parle de notre époque - un contrepoint intéressant aux émissions de cuisine qui foisonnent- et qui construit un "personnage". Cela me fait penser, dans un genre à la fois proche et très différent à Bérézina de Tesson - que j'ai lu en même temps- parce qu'il y a, à mon sens le même témoignage à la première personne, avec, en parallèle une histoire plus importante- L'Histoire très documentée de la retraite de Russie- en mode beaucoup plus baroudeur pour Tesson - mon compagnon l'a qualifié de "texte de mec" et je vois ce qu'il veut dire. Moi non plus, je ne sais pas si c'est un livre qui restera, mais je suis contente de l'avoir lu et je n'hésiterai pas à le recommander - comme le Tesson, parce que dans les deux cas, il y a une "voix" qui nous parle - c'est d'ailleurs ce qui me fait aimer Nothomb: son "grain", même s'il est prévisible et un peu mécanique. Et je trouve intéressant ces textes qui ne sont pas exactement de l'auto-fiction me semble-t-il mais où l'écrivain se situe dans un espace qui n'est ni le roman, ni le documentaire, ni l'autobiographie traditionnelle mais une sorte de transfiguration du réel par l'écriture.

Le premier titre qui me vient mais du siècle dernier :  Yourcenar , Les mémoires d'Hadrien.

Bon alors, je n'irai pas jusqu'au XXIe siècle, mais je commencerais par essayer d'y voir plus clair dans le XXe siècle.
D'abord Simenon.
Ensuite Kourouma. Mais il ne vient ensuite que parce qu'il est plus jeune. [Oui, je sais, je fais une fixette !]
Peut-être Duras, qui m'a fasciné... mais dont je trouve aujourd'hui la dégoulinure savamment insinuée très répugnante. Peut-être c'est pour ça que c'est un auteur important.
Pour le théâtre, j'aurais tendance à passer au cinéma pourvu de dialogues dignes de ce nom. Donc Audiard.
Pour la poésie, ce qui passe le cap de la chanson : Aragon. Mais il faut aller voir du côté des paroliers aussi.
Il faudrait peut-être étudier aussi les textes des humoristes qui font des one-man-show.
Quant à Amélie, qui nous tombe... des mains, je ne sais pas comment tu fais !

NLM76 a écrit:Bon alors, je n'irai pas jusqu'au XXIe siècle, mais je commencerais par essayer d'y voir plus clair dans le XXe siècle.
D'abord Simenon.
Ensuite Kourouma. Mais il ne vient ensuite que parce qu'il est plus jeune. [Oui, je sais, je fais une fixette !]
Pour le théâtre, j'aurais tendance à passer au cinéma pourvu de dialogues dignes de ce nom. Donc Audiard.
Pour la poésie, ce qui passe le cap de la chanson : Aragon. Mais il faut aller voir du côté des paroliers aussi.

J'ai lu tous les Maigret, mais je veux bien un titre pour commencer Kourouma.
En revanche Claude Simon, je veux bien - me perdre sur La route des Flandres.... Roubaud, Alain Bosquet - ses Sonnets pour une fin de siècle sont un régal pour moi- sans problème. Et votre remarque sur les paroliers et les scénaristes est intéressante, même si l'Institution ne pousse pas dans cette direction là.

pour le XXème: Céline Sartre Camus Proust Prévert Ponge en + moderne Guillevic (j'ai découvert sa poésie par hasard et ai bien aimé) Sarraute.
fin XXème et XXième: j'aime bien nothomb, Gaudé Claudel (Philippe) Christian Bobin Yasmina Reza ...

J'ai été soufflé par Allah n'est pas obligé, sur les enfants-soldats en Afrique de l'Ouest dans les années 1990. En attendant le vote des bêtes sauvages, sur les tyrans de la décolonisation, est génial aussi. Ça dézingue à tout va. Et la vie malgré tout qui surnage au milieu des folies meurtrières. Mais avec une puissance que je ne saurais dire... même si j'en rêve la version dite vraiment par un aède mandingue.

Pour le Kerangal dont je parlais, c'est Un monde à portée de main, qui m'a mis une claque, je ne sais pas trop pourquoi. Cette espèce de parcours initiatique intérieur par le biais de l'art... le trompe-l'oeil qui finalement révèle des vérités... un univers que je ne connaissais pas du tout... ce style si riche et particulier...
Mais merci pour l'idée, @Ponocrates , je viens d'ajouter un ouvrage à ma pile pour cet été!

Claude Simon en revanche... je l'ai travaillé pour l'agreg, mais même s'il m'a indéniablement marquée, le fait de mettre un point toutes les 20 pages est assez rédhibitoire en ce qui me concerne.
Sinon je me lance dans la découverte d'auteurs étrangers: 100 ans de solitude, la quadrilogie de Ruiz Zafon...
J'aime beaucoup Margaret Atwood aussi.

Allah n'est pas obligé, mis de côté par mon libraire. Merci !
Sifi, le Kerangal fait 106 pages, c'est une mise en bouche plus qu'un plat de résistance...

Je m’étonne de ne pas voir le nom de Kundera mais c’est sans doute déjà un classique.
Beaucoup aimé  Les Onze de Michon.
Tanguy-Viel pas mal aussi
Robillard Chevillard! ( pfff) , Echenoz ( pas le dernier, la vie de Gérard Fulmardil m’est un peu tombé des mains malgré quelques passages réjouissants.)
Cela dit j’ai de plus en plus de mal à terminer les romans....
Et d’accord pour ce Kourouma( je ne connais aucun autre...)
Mais tout ça c’est plus fin XXe...

P.Jaenada, J. Chessex, F. Bouysse...

Chessex oui, je retiens aussi. Mais il me semble que c'est surtout la fin du XXe.

Jaenada, j'ai eu aimé (Le chameau sauvage, puis un autre dont j'ai oublié le titre, Le cosmonaute ?), mais pour y avoir jeté un coup d'oeil quelques années après, j'ai trouvé ça faible, finalement.

J'essaie de faire découvrir des auteurs actuels aux lycéens (des auteurs "pas morts" comme disent les élèves !) en leur proposant des écrivains que j'apprécie.
C'est évidemment très subjectif et très incomplet car le temps me manque pour en découvrir davantage.
Ecrivains français (essentiellement des romanciers) :
Tahar BEN JELLOUN, La nuit sacrée, L’Enfant de sable, Amours sorcières, Sur ma mère, Eloge de l’amitié, ombre de la trahison
Philippe CLAUDEL, La Petite Fille de Monsieur Linh, Le Rapport de Brodeck, Les Âmes grises
Raphaël CONFIANT, Le Nègre et l’Amiral, Bassin des ouragans
Jean ÉCHENOZ, Je m’en vais, Les grandes blondes
Mathias ÉNARD, Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants ; Remonter l'Orénoque
Annie ERNAUX, La Place, La femme gelée, Passion simple, Regarde les lumières mon amour, L’occupation
Jérôme FERRARI, Le Sermon sur la chute de Rome, A son image
David FOENKINOS, Je vais mieux, Charlotte, La délicatesse
Laurent GAUDÉ, Le Soleil des Scorta (le reste me tombe des mains mais les élèves aiment bien)
Dany LAFFERIÉRE, Chronique de la dérive douce
Carole MARTINEZ, Du domaine des Murmures, Le Cœur cousu
Patrick MODIANO
Marie NDIAYE, Trois femmes puissantes
Jean ROUAUD, Pour vos cadeaux, Kiosque
Tanguy VIEL, Paris-Brest, Insoupçonnable
Delphine DE VIGAN
Alice ZENITER, Juste avant l’Oubli, L’Art de perdre

Quelques auteurs étrangers :
Milena AGUS, Sens dessus dessous, Mal de pierres, Terres promises
Paul AUSTER, L’invention de la solitude
Alessandro BARRICO, Soie
Alan BENNETT, La Reine des lectrices
Tracy CHEVALIER, Le récital des anges
Katarina MAZETTI, Ma vie de pingouin, Mon doudou divin
Aki SHIMAZAKI, Tonbo, Mitsuba
Durian SUKEGAWA, Les délices de Tokyo
Graham SWIFT, Le dimanche des mères

Si Dorine passe par là, elle devrait nous donner des idées : sur le fil "Que faire lire à nos élèves de seconde ?" elle écrit qu'elle a une liste d'oeuvres "contemporaines" destinées aux futures premières.  

Comme souvent, Francois Cheng n’est pas mentionné... vraiment je suis étonnée...

... ni Patrick Chamoiseau...

Merci beaucoup pour tous ces noms. J'abuse, mais pourriez-vous s'il vous plait, indiquer un titre représentatif selon vous de chaque auteur ?

Pour Cheng, en roman L’Eternité n’est pas de trop; en poésie, À l’orient de tout; en essai ses Méditations sur la mort, ou celles sur la beauté.

Curieusement, vos listes ne comportent que des leucodermes !
Alain Mabanckou, Dany Laferrière, feu Amadou Kourouma, Raphaël Confiant, Gisèle Pineau méritent bien un peu d'attention.

Et Pierre Lemaître (Au revoir là-haut, Couleurs de l'incendie, Miroirs de nos peines ?