- William FosterExpert
Pandawan a écrit:J'ai trop de connaissances adultes qui me racontent des histoires similaires : ils ont été dégoûtés des maths un jour parce que leur prof a déchiré leur devoir devant tout le monde car il était rédigé sur une petite copie double au crayon au lieu de l'être sur une grande feuille simple au stylo. Alors oui, on peut dire que l'enseignant avait des exigences élevées, mais pour quel résultat ? Peut-être que les très fortes exigences fonctionnent avec certains élèves, peut-être qu'elles sont dévastatrices pour beaucoup d'autres. Je dis bien "peut-être".
Je crois que cette "excuse" est la plus fréquente, presque ex æquo avec l'hérédité de la bosse des maths.
Un adulte qui sort ce genre d'ânerie renonce simultanément :
- à sa responsabilité dans ce qu'il est devenu (et je ne parle pas ici que des maths), en chargeant un bouc émissaire plus ou moins fantasmé mais très pratique,
- et à sa capacité à corriger ce qu'il n'accepte pas... Le prof de maths trop méchant qui l'a dégoûté n'est plus là, pourquoi ne pas ouvrir un bouquin et chercher à progresser par soi-même ? Je dis ça parce que je connais aussi ce genre de personnes (si ça se trouve on en a en commun ) et que, même si je ne prétends pas que mon échantillon puisse être représentatif, 100% de ces gens refusent de chercher à comprendre un raisonnement un tant soit peu mathématique, en invoquant le démon qui jadis leur causa si grand tort. D'ailleurs, la plupart du temps, ils sont très fiers de leur médiocrité en maths qui ne les a pas empêché de réussir leur vie professionnelle.
Peut-être que certaines exigences sont dévastatrices. Peut-être aussi que certains trouvent un confort malsain à être (vite) dévastés. :|
- BalthazaardVénérable
Chaque fois que quelque chose en va pas, on peut invoquer une cause extérieure....rien de nouveau sous le soleil.
- BalthazaardVénérable
Moonchild a écrit:Pandawan a écrit:Cela dépend des copies, mais si je vois des équations qui se transforment pour aboutir à une équation de type "x=a", je valorise le fait que l'élève a compris que résoudre une équation, c'était transformer cette équation en une équation plus simple, jusqu'à aboutir à l'équation triviale "x=a". Si de plus, ces transformations semblent obéir à une certaine logique, i.e. que je vois des calculs qui ont visiblement pour but de supprimer des termes pour isoler l'inconnue, alors je valorise encore.
Ou alors il se sera souvenu que le prof a dit et répété encore et encore que pour résoudre une équation il fallait mettre le x d'un côté et le reste de l'autre ; alors quand il voit le mot équation, l'élève met le x d'un côté et le reste de l'autre, même si toutes les étapes intermédiaires relèvent pour lui d'un tour de prestidigitation. Je serais assez enclin à penser que c'est davantage un réflexe pavlovien qu'un raisonnement.Pandawan a écrit:Selon moi, toutes ces nuances sont importantes. Mettre 0 à une copie d'élève qui développe de manière incorrecte, qui ajoute des quantités sans tenir compte des priorités opératoires, qui ne respecte pas les conventions d'écritures algébriques avec la lettre, mais qui en fin de compte aura quand même visiblement cherché à isoler l'inconnue pour résoudre l'équation, c'est nier tous les efforts fournis par cet élève et mettre autant de point (0) qu'à la copie d'un autre élève qui n'aurait rien fait ou qui n'aurait songé ni à développer, ni à utiliser les propriétés de conservation de l'égalité pour isoler l'inconnue. Je dirais même que mettre 0 à la copie d'un élève qui aurait fait tout cela, c'est justement leurrer cet élève sur son "niveau" réel, qui est au-dessus du "niveau" d'un élève qui n'aurait ni développé, ni cherché à isoler l'inconnue (et qui aurait eu 0 lui aussi).
Dans ce cas, autant dire franchement qu'on met des points pour l'encre afin de valoriser celui qui aura tenté d'écrire quelque chose qui ressemble vaguement à des maths - quitte à ce que ce soit n'importe quoi - par rapport à celui qui se sera contenté de simplement recopier l'énoncé ou qui aura profité du contrôle pour faire une sieste ou pour dessiner son personnage favori de manga.
C'est exactement ce qui se passe! Distinguer un conditionnement opérant (Burrhus Frederic Skinner et non pas Pavlov pour la petite histoire...) d'un raisonnement, cela devrait être notre premier devoir, mais nous sommes tellement contents de voir les élèves réussir quelque chose que nous feignons de n'y voir que du bleu. Certains arrivent même à se persuader de la réussite de leur pédagogie.
- BalthazaardVénérable
IL y a d'ailleurs d'autres exemples de conditionnement opérant,
Le delta du second degré (dés qu'un polynôme du second degré se pointe on "fait" delta au cas où....)
Les tableaux de signes en seconde (où on écrit le "résultat" du tableau (ie la ligne produit!) quelle que soit la question posée..)
etc..
Le delta du second degré (dés qu'un polynôme du second degré se pointe on "fait" delta au cas où....)
Les tableaux de signes en seconde (où on écrit le "résultat" du tableau (ie la ligne produit!) quelle que soit la question posée..)
etc..
- William FosterExpert
Balthazaard a écrit:Chaque fois que quelque chose en va pas, on peut invoquer une cause extérieure....rien de nouveau sous le soleil.
Je ne le nie pas, mais j'ai l'impression que c'est encore plus prégnant pour l'école en général et plus encore pour les matières que je qualifierai de "clivantes" en particulier.
Et les causes extérieures à la médiocrité en maths ne sont pas très originales : génétique, prof dégoûtant, et... c'est un peu tout (avec cependant une montée en puissance de la dyscalculie peut-être trop récente pour servir d'excuse à des adultes actuels).
Et pourrait-il en être autrement quand dans sa vie d'élève on se voit répéter que ce qu'on fait "n'est pas si mal", jusqu'au jour où ça ne passe plus ? Au moment où tu vas choisir entre réaliser que tu n'as pas assez bossé ou trouver un bouc émissaire, qui va faire l'effort de se remettre en question quand tant d'autres (camarades, parents) vont choisir la facilité et accuser le messager qui t'annonce la mauvaise nouvelle ?
D'ailleurs, élève, combien de mes profs ai-je qualifié de "nuls" alors qu'ils ne l'étaient peut-être même pas (tous) ?
Et entre les discours des IPR, les consignes de correction des examens nationaux, le comptage des points par compétences au DNB, les promesses faites aux élèves qu'un PPRE magique va compenser l'an prochain leur niveau pourri de cette année... Comment ne pas avoir envie de dire "Allez, ce n'est pas si mal" en tordant notre vision de la réalité ?
Ne plus faire redoubler, sur-valoriser epsilon et iota, accepter les discours de déresponsabilisation individuelle... Ce n'est qu'un jeu de patate chaude finalement.
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Tout le monde me dit que je ne peux pas faire l'unanimité.
"Opinions are like orgasms : mine matters most and I really don't care if you have one." Sylvia Plath
Vérificateur de miroir est un métier que je me verrais bien faire, un jour.
- BalthazaardVénérable
Je ne crois pas que ce soit plus prégnant pour l'école par nature...l'école est obligatoire, c'est ce qui cloche.
Un gamin qui fait du piano/tennis/poney/foot....etc et qui n'accroche pas va peut-être accuser le prof, mais il abandonnera (parfois pour le soulagement des parents) et on passera à autre chose, et sauf dans quelques cas pathologiques cela ne portera pas à conséquence (je vis en montagne, le ski est une chose avec laquelle on ne plaisante pas, 99% des gamins du cru vont en ski club ou si chanceux sport étude, où j'ai enseigné, certains sont dégoutés à vie du ski et de la compétition...)
Maintenant je suis aussi d'accord avec tes arguments...en plus!
Un gamin qui fait du piano/tennis/poney/foot....etc et qui n'accroche pas va peut-être accuser le prof, mais il abandonnera (parfois pour le soulagement des parents) et on passera à autre chose, et sauf dans quelques cas pathologiques cela ne portera pas à conséquence (je vis en montagne, le ski est une chose avec laquelle on ne plaisante pas, 99% des gamins du cru vont en ski club ou si chanceux sport étude, où j'ai enseigné, certains sont dégoutés à vie du ski et de la compétition...)
Maintenant je suis aussi d'accord avec tes arguments...en plus!
- JPhMMDemi-dieu
Externalisation des causes de l'échec, vieux comme le monde.Balthazaard a écrit:Chaque fois que quelque chose en va pas, on peut invoquer une cause extérieure....rien de nouveau sous le soleil.
Tiens... j'ai l'impression d'avoir écrit la même chose il y a peu, à propos d'un autre sujet.
Bref. Principe universel.
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- PandawanNiveau 2
Hm. Ou bien peut-être que nous, enseignants, cherchons aussi à externaliser les causes de notre échec en accusant les élèves et leur manque de travail, les parents démissionnaires, les programmes peu exigeants, le système laxiste, les IPR déconnectés, les formateurs idiots, les pédagogues décalés, voire même les autres collègues qui font forcément plus mal que nous le faisons... et nous développons finalement les mêmes mécanismes de défense que nous dénonçons chez les dégoûtés des maths qui n'arrivent plus à ouvrir un livre d'algèbre parce que cela leur rappelle trop les humiliations subies en classe, nous ne nous remettons plus en question, nous nous défoulons sur des forums...
- JPhMMDemi-dieu
Non, ça c'est la rhétorique de Castaner.Anaxagore a écrit:Nul besoin de faire un tableau avec "pédaler du pied gauche" et "pédaler du pied droit".
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- William FosterExpert
Pandawan a écrit:Hm. Ou bien peut-être que nous, enseignants, cherchons aussi à externaliser les causes de notre échec en accusant les élèves et leur manque de travail, les parents démissionnaires, les programmes peu exigeants, le système laxiste, les IPR déconnectés, les formateurs idiots, les pédagogues décalés, voire même les autres collègues qui font forcément plus mal que nous le faisons... et nous développons finalement les mêmes mécanismes de défense que nous dénonçons chez les dégoûtés des maths qui n'arrivent plus à ouvrir un livre d'algèbre parce que cela leur rappelle trop les humiliations subies en classe, nous ne nous remettons plus en question, nous nous défoulons sur des forums...
Et bien je crois que tu ne devrais pas ainsi chercher à externaliser les causes de notre échec. Ressaisis-toi, que diable ! :|
Sinon, pour changer un peu et être sérieux, en quoi se défouler sur un forum et chercher à déterminer l’ensemble des causes d’un échec empêche-t-il de se remettre en question soi-même ? Que sais-tu de mes pratiques qui te permette de sous-entendre que je ne cherche pas à améliorer les choses avec la même fougue que toi ?
Je suis d’accord avec toi pour dire que le travail que fournissent les élèves est insuffisant, que de plus en plus de parents se fichent de l’instruction de leurs enfants quand ils ne jouent pas clairement contre nous, que l’indigence des programmes est une honte, que le système est devenu excessivement permissif, que nombres d’IPR ne savent plus quoi inventer pour tenter de se montrer utiles, que les formateurs qui cherchent à piquer le travail des stagiaires qu’ils encadrent devraient avoir honte, que les gourous des sciences de l’éducation sont une plaie ouverte... Et que nous sommes nombreux à nous plaindre de tout cela, souvent.
Par contre je ne suis pas d’accord pour dire que les collègues font plus mal que nous : ils sont dans la même galère à essayer chacun de leur côté de faire au mieux, à lutter contre des éléments qui ne sont pas de leur fait. Certains le clament haut et fort pensant montrer l’exemple, d’autres sont plus discrets. Chacun son style
Moi je te vois un peu comme un gars qui lutte contre la montée des eaux avec une louche qu’il trouve forcément plus efficace qu’un écumoire. Je m’en amuse... et puis je retourne lutter moi aussi parce que je refuse de désespérer, mais avec mon éponge, tellement plus efficace
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Tout le monde me dit que je ne peux pas faire l'unanimité.
"Opinions are like orgasms : mine matters most and I really don't care if you have one." Sylvia Plath
Vérificateur de miroir est un métier que je me verrais bien faire, un jour.
- MoonchildSage
William Foster a écrit:Moi je te vois un peu comme un gars qui lutte contre la montée des eaux avec une louche qu’il trouve forcément plus efficace qu’un écumoire. Je m’en amuse... et puis je retourne lutter moi aussi parce que je refuse de désespérer, mais avec mon éponge, tellement plus efficace
Moi, pour lutter contre la montée des eaux et la baisse du niveau, j'utilise une passoire :
- PrezboGrand Maître
Je réponds, en groupe, à quelques points qui me semblent intéressants.
Je sais que le thème de l'"analyse d'erreur" est très présent en didactique des mathématiques, mais, avec le temps, j'en suis venu à me demander si c'est ce qu'il est le plus rentable de faire.
Il y a des erreurs qu'il peut être intéressant de commenter, si elles sont communes et permettent d'insister sur un point particulier. Par exemple, l'élève qui confond encore (-2)^2 et -2^2. (Et encore, si ça fait trois ou quatre ans qu'on lui réexplique tous les ans, le problème n'est peut-être pas un défaut d’explication.)
Mais quand l'élève emploie des règles arbitraires au fur et à mesure de ses besoins...Autant lui redonner explicitement la bonne méthode, en expliquant pourquoi c'est la bonne, plutôt que de dépense une énergie intellectuelle folle à comprendre quelle logique il a bien pu pouvoir suivre. (Travail qui sera, au passage, peu ré-exploitable s'il concerne une erreur difficile à reproduire.)
Exemple très concret : ce matin, une élève de seconde m'a dit qu'elle ne comprenait pas pourquoi on ne pouvait pas écrire 0,1^4 = 1^3, parce qu'on "décalait la virgule". J'avoue, j'ai répondu qu'on ne pouvait pas, sans pouvoir prendre le temps de comprendre comment elle décalait la virgule et pourquoi ça faisait baisser la puissance. Il est possible que la réponse l'ait un peu frustré, mais que réexpliquer ici -en classe pleine, et avec une classe que je ne peux par ailleurs lâcher très longtemps ?-.
Dans la même classe un peu plus tôt, deux autres élèves m'ont demandé si on pouvait simplifier une fraction du type 13/39 en "barrant les 3", pour écrire 13/39=1/9. J'avoue, ma première réponse a été "non".
Il faut être prudent avant d'interpréter ce type d'anecdotes, vraies ou réécrites a postériori.
Je ne jurerais pas que ce genre d'incident n'est jamais arrivé, mais ces pratiques me semblent devenues rares.
Qu'est-ce qui crée un sentiment d'humiliation en mathématiques ? Personnellement, je pense que c'est d'abord le sentiment d'échec, le sentiment de ne pas comprendre et ne pas y arriver. Que des enseignants l'amplifient par personnalité, par maladresse ou par fatigue professionnelle (Qui peut jurer ici ne jamais avoir eu une réaction d'humeur ?), c'est possible. Mais encore une fois, il faut faire la part des choses dans ce qui est exact et ce qui a été ressenti.
Personnellement, je serais d'avis à valoriser des résultats d'élèves même modestes lorsqu'il y a quelque chose à valoriser, c'est-à-dire lorsque l'élève arrive à comprendre et réinvestir une méthode ou un résultat.
Avec (par exemple) certaines consigne de correction au bac, il me semble qu'on sort de cette exigence et qu'on valorise sur certaines questions, un élève dont on peut parfois penser qu'il n'a rien compris.
Il existe inversement un écueil, commun chez beaucoup de collègues, et au besoin entretenu par une partie de la hiérarchie intermédiaire : culpabiliser en pensant qu'on a forcément fait quelque chose de mal, sans avoir de recul global sur la situation.
Personnellement, c'est quand j'ai une classe qui fonctionne bien (ça arrive, mais c'est devenu rare) que je me rappelle que ce n'est pas exclusivement de ma faute si pas mal de classes fonctionnent mal.
Pandawan a écrit:
Tu me dis si je me trompe, mais tu sembles partir du postulat que les élèves peuvent faire n'importe quoi. Je pars d'un postulat différent : je pense que les erreurs obéissent toutes à une logique. Je ne crois pas que les élèves manipulent au hasard des symboles, je crois au contraire qu'ils les manipulent selon des règles logiques. Soit ces règles sont incorrectes, soit elles sont correctes mais c'est leur application qui ne l'est pas. En cherchant à comprendre ces logiques, j'ai l'impression d'accorder du sens à ce que font les élèves, et donc au contraire d'être loin d'un quelconque nihilisme - ou bien peut-être que je n'entends pas ce mot comme tu l'entends.
Je sais que le thème de l'"analyse d'erreur" est très présent en didactique des mathématiques, mais, avec le temps, j'en suis venu à me demander si c'est ce qu'il est le plus rentable de faire.
Il y a des erreurs qu'il peut être intéressant de commenter, si elles sont communes et permettent d'insister sur un point particulier. Par exemple, l'élève qui confond encore (-2)^2 et -2^2. (Et encore, si ça fait trois ou quatre ans qu'on lui réexplique tous les ans, le problème n'est peut-être pas un défaut d’explication.)
Mais quand l'élève emploie des règles arbitraires au fur et à mesure de ses besoins...Autant lui redonner explicitement la bonne méthode, en expliquant pourquoi c'est la bonne, plutôt que de dépense une énergie intellectuelle folle à comprendre quelle logique il a bien pu pouvoir suivre. (Travail qui sera, au passage, peu ré-exploitable s'il concerne une erreur difficile à reproduire.)
Exemple très concret : ce matin, une élève de seconde m'a dit qu'elle ne comprenait pas pourquoi on ne pouvait pas écrire 0,1^4 = 1^3, parce qu'on "décalait la virgule". J'avoue, j'ai répondu qu'on ne pouvait pas, sans pouvoir prendre le temps de comprendre comment elle décalait la virgule et pourquoi ça faisait baisser la puissance. Il est possible que la réponse l'ait un peu frustré, mais que réexpliquer ici -en classe pleine, et avec une classe que je ne peux par ailleurs lâcher très longtemps ?-.
Dans la même classe un peu plus tôt, deux autres élèves m'ont demandé si on pouvait simplifier une fraction du type 13/39 en "barrant les 3", pour écrire 13/39=1/9. J'avoue, ma première réponse a été "non".
Pandawan a écrit:
J'ai trop de connaissances adultes qui me racontent des histoires similaires : ils ont été dégoûtés des maths un jour parce que leur prof a déchiré leur devoir devant tout le monde car il était rédigé sur une petite copie double au crayon au lieu de l'être sur une grande feuille simple au stylo. Alors oui, on peut dire que l'enseignant avait des exigences élevées, mais pour quel résultat ? Peut-être que les très fortes exigences fonctionnent avec certains élèves, peut-être qu'elles sont dévastatrices pour beaucoup d'autres. Je dis bien "peut-être".
Il faut être prudent avant d'interpréter ce type d'anecdotes, vraies ou réécrites a postériori.
Je ne jurerais pas que ce genre d'incident n'est jamais arrivé, mais ces pratiques me semblent devenues rares.
Qu'est-ce qui crée un sentiment d'humiliation en mathématiques ? Personnellement, je pense que c'est d'abord le sentiment d'échec, le sentiment de ne pas comprendre et ne pas y arriver. Que des enseignants l'amplifient par personnalité, par maladresse ou par fatigue professionnelle (Qui peut jurer ici ne jamais avoir eu une réaction d'humeur ?), c'est possible. Mais encore une fois, il faut faire la part des choses dans ce qui est exact et ce qui a été ressenti.
Personnellement, je serais d'avis à valoriser des résultats d'élèves même modestes lorsqu'il y a quelque chose à valoriser, c'est-à-dire lorsque l'élève arrive à comprendre et réinvestir une méthode ou un résultat.
Avec (par exemple) certaines consigne de correction au bac, il me semble qu'on sort de cette exigence et qu'on valorise sur certaines questions, un élève dont on peut parfois penser qu'il n'a rien compris.
Pandawan a écrit:Hm. Ou bien peut-être que nous, enseignants, cherchons aussi à externaliser les causes de notre échec en accusant les élèves et leur manque de travail, les parents démissionnaires, les programmes peu exigeants, le système laxiste, les IPR déconnectés, les formateurs idiots, les pédagogues décalés, voire même les autres collègues qui font forcément plus mal que nous le faisons... et nous développons finalement les mêmes mécanismes de défense que nous dénonçons chez les dégoûtés des maths qui n'arrivent plus à ouvrir un livre d'algèbre parce que cela leur rappelle trop les humiliations subies en classe, nous ne nous remettons plus en question, nous nous défoulons sur des forums...
Il existe inversement un écueil, commun chez beaucoup de collègues, et au besoin entretenu par une partie de la hiérarchie intermédiaire : culpabiliser en pensant qu'on a forcément fait quelque chose de mal, sans avoir de recul global sur la situation.
Personnellement, c'est quand j'ai une classe qui fonctionne bien (ça arrive, mais c'est devenu rare) que je me rappelle que ce n'est pas exclusivement de ma faute si pas mal de classes fonctionnent mal.
- cassiopellaNiveau 9
Ah les élèves et les questions inattendues.Prezbo a écrit:
Exemple très concret : ce matin, une élève de seconde m'a dit qu'elle ne comprenait pas pourquoi on ne pouvait pas écrire 0,1^4 = 1^3, parce qu'on "décalait la virgule". J'avoue, j'ai répondu qu'on ne pouvait pas, sans pouvoir prendre le temps de comprendre comment elle décalait la virgule et pourquoi ça faisait baisser la puissance. Il est possible que la réponse l'ait un peu frustré, mais que réexpliquer ici -en classe pleine, et avec une classe que je ne peux par ailleurs lâcher très longtemps ?-.
Dans la même classe un peu plus tôt, deux autres élèves m'ont demandé si on pouvait simplifier une fraction du type 13/39 en "barrant les 3", pour écrire 13/39=1/9. J'avoue, ma première réponse a été "non".
A quel niveau ils ont posé ces questions? Quand vous appreniez les puissances et les fractions ou en lycée, où ces notions sont supposées être connues depuis (très) longtemps?
J'essaye de répondre au maximum à ces questions, hélas, bien nombreuses (L2, anciens ES). Mais uniquement quand il y a une logique et/ou une réelle tentative de comprendre. Dans vos deux exemples je trouve qu'il y a une certaine logique. Dans le premier la logique est bonne, mais l'élève a fait 2 erreurs de calcul. Dans le second la "logique" n'est pas bonne. Je réponds aussi aux questions du niveau CE1-CM2 si c'est rapide. Cela évite de lire des copies avec 1-0.05/2=0.475, par exemple. Je perds quelques secondes, mais tout le monde y gagne. D'ailleurs, j'ai été étonné, que les simples rappels ont été si efficaces.
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Moi et l'orthographe, nous ne sommes pas amis. Je corrige les erreurs dès que je les vois. Je m'excuse pour celles que je ne vois pas...
- mathmaxExpert spécialisé
Pour la première question je pense que c'est une confusion entre ^4 et « x 10^4 », aggravée par la notation E4 des calculatrices. Pour l'autre, c'est assez courant, et usant . ; il faudrait arrêter de barrer, c'est trop « magique » , et passer par l'étape a/b = a:k/b:k mais jusqu'à quand ?
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« Les machines un jour pourront résoudre tous les problèmes, mais jamais aucune d'entre elles ne pourra en poser un ! »
Albert Einstein
- PrezboGrand Maître
mathmax a écrit:Pour la première question je pense que c'est une confusion entre ^4 et « x 10^4 », aggravée par la notation E4 des calculatrices.
Oui, mais pourquoi le puissance 3 ?
La logique des élèves, c'est pas simple.
- Mrs HobieGrand sage
Ben si, c'est logique : 0.1^4 = 1^3 parce que tu "prends" un 0,1, tu décales la virgule et il t'en reste 3, des 0,1. Le raisonnement de l'élève tient la route. C'est "juste" qu'il faut décaler vers la gauche et non vers la droite ...
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Plus tu pédales moins vite, moins t'avances plus vite.
Et même que la marmotte, elle met les stylos-plumes dans les jolis rouleaux
Tutylatyrée Ewok aux Doigts Agiles, Celle qui Abrite les Plumes aux Écrits Sagaces, Rapide Chevalier sur son Coursier Mécanique
- PrezboGrand Maître
Mrs Hobie a écrit:Ben si, c'est logique : 0.1^4 = 1^3 parce que tu "prends" un 0,1, tu décales la virgule et il t'en reste 3, des 0,1. Le raisonnement de l'élève tient la route. C'est "juste" qu'il faut décaler vers la gauche et non vers la droite ...
En fait, la brève et laborieuse discussion que j'ai eu avec l'élève me laisse penser qu'elle a fait quelque chose de ce type, sans parvenir à l'expliciter clairement, oui.
- PrezboGrand Maître
cassiopella a écrit:
Ah les élèves et les questions inattendues.
A quel niveau ils ont posé ces questions? Quand vous appreniez les puissances et les fractions ou en lycée, où ces notions sont supposées être connues depuis (très) longtemps?
J'essaye de répondre au maximum à ces questions, hélas, bien nombreuses (L2, anciens ES). Mais uniquement quand il y a une logique et/ou une réelle tentative de comprendre. Dans vos deux exemples je trouve qu'il y a une certaine logique. Dans le premier la logique est bonne, mais l'élève a fait 2 erreurs de calcul. Dans le second la "logique" n'est pas bonne. Je réponds aussi aux questions du niveau CE1-CM2 si c'est rapide. Cela évite de lire des copies avec 1-0.05/2=0.475, par exemple. Je perds quelques secondes, mais tout le monde y gagne. D'ailleurs, j'ai été étonné, que les simples rappels ont été si efficaces.
Elèves niveau seconde...Mais depuis quelques années, je suis sans illusion sur le fait que la majorité des élèves arrivent au lycée sans maîtriser suffisamment ces questions, avec des grosses disparités selon les élèves, le collège et la classe d'origine.
Je fais quelques révisions en introduction de certains chapitres, mais ça fonctionne assez mal : on refait tout trop vite pour ceux chez qui tout est à refaire, et les quelques-un qui ont tout compris s'ennuient. (Je suis en train de corriger ma première interro sur le sujet : quelques 9/10 et 10/10, une majorité de copie qui vont de "médiocre, approximatif dans les méthodes et la rédaction" à "grand n'importe quoi".)
Je me demande si je ne vais pas faire (re)travailler ces notions de façon brève mais régulière tout une partie de l'année.
- cassiopellaNiveau 9
C'est magique parce que les pgdc et ppmc ne sont plus au programme. J'ai vu l'année dernière l'article qui critiquait les manuels actuels et le programme: on demande d'apprendre aux élèves comment réduire les fractions... sans donner de méthodes pour le faire. La technique dans sésamath, par exemple, c'est "devine!" Dans le manuel de 5ième j'ai vu pleins de .... heu.... "fractions" du genre: 3.5/0.3. Tout un chapitre!mathmax a écrit: Pour l'autre, c'est assez courant, et usant . ; il faudrait arrêter de barrer, c'est trop « magique » , et passer par l'étape a/b = a:k/b:k mais jusqu'à quand ?
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Moi et l'orthographe, nous ne sommes pas amis. Je corrige les erreurs dès que je les vois. Je m'excuse pour celles que je ne vois pas...
- KirthNiveau 9
Prezbo a écrit:Mrs Hobie a écrit:Ben si, c'est logique : 0.1^4 = 1^3 parce que tu "prends" un 0,1, tu décales la virgule et il t'en reste 3, des 0,1. Le raisonnement de l'élève tient la route. C'est "juste" qu'il faut décaler vers la gauche et non vers la droite ...
En fait, la brève et laborieuse discussion que j'ai eu avec l'élève me laisse penser qu'elle a fait quelque chose de ce type, sans parvenir à l'expliciter clairement, oui.
Elle a probablement confondu avec les puissances de 10. Elle décale la virgule à droite donc baisse la puissance, comme on le fait dans les conversions.
- MathadorEmpereur
Prezbo a écrit:Je me demande si je ne vais pas faire (re)travailler ces notions de façon brève mais régulière tout une partie de l'année.
C'est en gros la conclusion à laquelle j'étais arrivé. J'avais déjà proposé une fiche (accessible sur mon profil) qui pourrait occuper le début de l'année, en faisant une série par séance de calcul mental (sans mettre la suite à la disposition des élèves ).
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"There are three kinds of lies: lies, damned lies, and statistics." (cité par Mark Twain)
« Vulnerasti cor meum, soror mea, sponsa; vulnerasti cor meum in uno oculorum tuorum, et in uno crine colli tui.
Quam pulchrae sunt mammae tuae, soror mea sponsa! pulchriora sunt ubera tua vino, et odor unguentorum tuorum super omnia aromata. » (Canticum Canticorum 4:9-10)
- Pat BÉrudit
J'ai un nombre hallucinant d'élèves qui n'ont pas intégré qu'un losange (ou rectangle, ou carré) est un parallélogramme... Ceux qui arrivent cette année l'ont pourtant vu en 5ème non ? Et c'est toujours au programme malgré la réforme ? (j'ai même vu des fiches de CM2 qui l'expliquaient, alors que c'est clairement trop tôt!)
Et bien sûr, un nombre trop important ne sait plus faire le moindre calcul de tête, mais c'était déjà le cas les deux dernières années. Par contre, je n'avais pas ce problème de parallélogramme (du moins, pas chez autant d'élèves).
Et ils ont enlevé "triangles rectangles et cercles"... dommage, j'avais plein d'exercices qui l'utilisaient...
Et bien sûr, un nombre trop important ne sait plus faire le moindre calcul de tête, mais c'était déjà le cas les deux dernières années. Par contre, je n'avais pas ce problème de parallélogramme (du moins, pas chez autant d'élèves).
Et ils ont enlevé "triangles rectangles et cercles"... dommage, j'avais plein d'exercices qui l'utilisaient...
- William FosterExpert
Pat B a écrit:
Et ils ont enlevé "triangles rectangles et cercles"... dommage, j'avais plein d'exercices qui l'utilisaient...
Du coup le théorème du triangle rectangle inscrit dans un cercle, je l’ai mis dans mon chapitre sur les parallèlos particuliers en 5ème... marre d’enlever des trucs que les élèves arrivent à faire :|
Mais le cours sur les parallélogrammes de 5ème, s’il n’est pas réinvesti les années suivantes, les élèves l’oublient naturellement. Ils ont déjà du mal à se rappeler ce qu’ils ont vu hier ou avant-hier
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Tout le monde me dit que je ne peux pas faire l'unanimité.
"Opinions are like orgasms : mine matters most and I really don't care if you have one." Sylvia Plath
Vérificateur de miroir est un métier que je me verrais bien faire, un jour.
- JPhMMDemi-dieu
Nous en arrivons à nous demander "ils ont laissé 2+3, mais 2+5 y est-il encore ?" ... que nous ont-ils fait ?
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- BalthazaardVénérable
Pandawan a écrit:Hm. Ou bien peut-être que nous, enseignants, cherchons aussi à externaliser les causes de notre échec en accusant les élèves et leur manque de travail, les parents démissionnaires, les programmes peu exigeants, le système laxiste, les IPR déconnectés, les formateurs idiots, les pédagogues décalés, voire même les autres collègues qui font forcément plus mal que nous le faisons... et nous développons finalement les mêmes mécanismes de défense que nous dénonçons chez les dégoûtés des maths qui n'arrivent plus à ouvrir un livre d'algèbre parce que cela leur rappelle trop les humiliations subies en classe, nous ne nous remettons plus en question, nous nous défoulons sur des forums...
Pas d'accord car les (très) vieux comme moi se souviennent d'une époque où l'on faisait à peu près des maths avec des classes qui tenaient la route et où ce qui est impensable aujourd'hui fonctionnait. A cette époque, il est vrai, on voyait poindre sans y croire les prémisses du désastre que nous vivons. L’échec auquel tu fait allusion n'existe que depuis une vingtaine d'années. Avant cela marchait, j'ai commencé ma carrière avec une troisième qui pouvait damer le pion a beaucoup de 1ère S d'aujourd'hui, et, avec nostalgie, je n'ai aucun souvenir de "bonne classe" au sens mathématique du terme postérieure aux années 2000 (et encore) seuls quelques cas d'élèves isolés surnagent. Notre échec est celui d'une politique que pour ma part je subis sans y adhérer.
Maintenant, tu peux aussi dire , comme un formateur bidon que j'ai croisé "on a bien évolué depuis cette époque"....
Et encore je ne te parle pas de celle où j'étais élève!!! Je ne résiste pas à te citer le 1er exo (et il y avait intérêt à avoir une bonne raison pour ne pas le faire) donné à la maison en 1ere C pour le lendemain après UNE heure de cours sur les limites.
Démontrer (avec epsilon et alpha) que la fonction x-E(x) (partie entière) est périodique et discontinue à gauche en tout point de grand Z
Je suis très mauvaise langue mais curieux de savoir combien de candidats au capes d'aujourd'hui, a défaut de le traiter, comprendraient l'énoncé
- VinZTDoyen
Ils ont mis Scratch !JPhMM a écrit:Nous en arrivons à nous demander "ils ont laissé 2+3, mais 2+5 y est-il encore ?" ... que nous ont-ils fait ?
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« Il ne faut pas croire tout ce qu'on voit sur Internet » Victor Hugo.
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