Le film Germinal de Claude Berri est pour nos élèves un film pornographique

Quand je l'ai montré à mes élèves dans le cadre de la littérature naturaliste, les scènes de nus dans le baquet les ont particulièrement choqués. Les filles mettaient les mains devant leurs yeux pour ne pas voir quand c'était un homme qui se lavait, même chose pour les garçons dans l'autre sens. Ils m'ont dit alors que c'était un film érotique, et certains jusqu'à un film pornographique. C'est quoi le problème avec ces mômes ? Je leur ai dit que j'avais face à moi une classe de Tartuffes, d'hypocrites. Quand le film est sorti rien de tout ça ne choquait, et pourtant le public était le même niveau âge.

C'est déjà arrivé à d'autres ?

Et en loucedé, les mêmes visionnent des cochoncetés plaçant la femme plus bas que terre.

Une collègue d'histoire-géo s'est vu reprocher d'avoir fait visionner le film "traumatisant" une élève... J'ai contre-attaqué en expliquant que j'avais montré des extraits autrement plus choquants d'oeuvres de Lynch, et que Germinal, fallait pas exagérer non plus !

Celadon a écrit:Et en loucedé, les mêmes visionnent des cochoncetés plaçant la femme plus bas que terre.

+1
Je ne sais plus quel est le pourcentage d'élèves de primaire ayant déjà vu un film porno allors bon, les cris d'orfraie ne me paraissent pas forcément très sincères (ils n'essayaient pas de simplement faire du bruit?).
Ou alors ce seraient des élèves très religieux?

Je vous trouve un peu sévères. Qu'il y ait un peu d'hypocrisie chez eux, certes, mais il me semble qu'en groupe, et particulièrement au sein d'une classe, on n'est pas tout à fait prêt à voir et à réagir de la même façon que dans un cadre plus intime.
Puis vous savez bien le poids du regard des autres sur la manière de réagir de nos ados... La surenchère y a la part belle.
Après je trouve que le rôle du professeur est justement de révéler leur hypocrisie et de remettre les choses en perspective -avec humour- par rapport à ce qu'ils sont capables de regarder entre potes et sans le moindre filtre.

Et pour en revenir à Germinal même, je dois reconnaître qu'ayant vu le film à peu près à l'âge de vos élèves, je me souviens encore crûment des deux scènes de nu du film (le bain du grand Gérard et la scène d'émasculation) : il y a un effet de surprise qui provoque une forte réaction, j'imagine d'ailleurs que ce doit être fort intéressant à commenter en classe.

slynop a écrit:Quand je l'ai montré à mes élèves dans le cadre de la littérature naturaliste, les scènes de nus dans le baquet les ont particulièrement choqués. Les filles mettaient les mains devant leurs yeux pour ne pas voir quand c'était un homme qui se lavait, même chose pour les garçons dans l'autre sens. Ils m'ont dit alors que c'était un film érotique, et certains jusqu'à un film pornographique. C'est quoi le problème avec ces mômes ? Je leur ai dit que j'avais face à moi une classe de Tartuffes, d'hypocrites. Quand le film est sorti rien de tout ça ne choquait, et pourtant le public était le même niveau âge.

C'est déjà arrivé à d'autres ?

Ce sont des élèves de quel âge ?
En collège, je zapperais sur les 2 scènes concernées.

Parfois les élèves aiment bien avoir matière à embarrasser les profs.

Ils m'énervent aussi avec cela les élèves. Comme si la nudité et parfois le sexe dans les livres devenaient tabous car évoqués devant du monde. Je ne suis pas persuadée que lorsqu'il y a fréquentation du porno ce ne soit pas totalement solitaire.

ipomee a écrit:Parfois les élèves aiment bien avoir matière à embarrasser les profs.

Pfff.
J'avais lu embrasser les profs. :abb:

ipomee a écrit:Parfois les élèves aiment bien avoir matière à embarrasser les profs.

Frisouille a écrit:Je vous trouve un peu sévères. Qu'il y ait un peu d'hypocrisie chez eux, certes, mais il me semble qu'en groupe, et particulièrement au sein d'une classe, on n'est pas tout à fait prêt à voir et à réagir de la même façon que dans un cadre plus intime.
Puis vous savez bien le poids du regard des autres sur la manière de réagir de nos ados... La surenchère y a la part belle.
Après je trouve que le rôle du professeur est justement de révéler leur hypocrisie et de remettre les choses en perspective -avec humour- par rapport à ce qu'ils sont capables de regarder entre potes et sans le moindre filtre.

Et pour en revenir à Germinal même, je dois reconnaître qu'ayant vu le film à peu près à l'âge de vos élèves, je me souviens encore crûment des deux scènes de nu du film (le bain du grand Gérard et la scène d'émasculation) : il y a un effet de surprise qui provoque une forte réaction, j'imagine d'ailleurs que ce doit être fort intéressant à commenter en classe.

Bien d'accord.
Et puis ça montre que Zola a encore un rôle à jouer car la présence et la reconnaissance du corps dans ses romans est un des  enjeux du naturalisme.
Apres, si on parle de l'âge bête c'est pas pour rien non plus. :lol: :lol:

Fesseur Pro a écrit:

ipomee a écrit:Parfois les élèves aiment bien avoir matière à embarrasser les profs.

Pfff.
J'avais lu embrasser les profs. :abb:

C'aurait été de circonstance

Lors d'un voyage scolaire récent avec des élèves de terminale à l'étranger, j'ai expliqué qu'avant d'aller visiter le site prévu, nous ferions un petit tour en ville pour que les filles puissent acheter les produits d’hygiène dont elles ont besoin. L'un des élèves m'a demandé de quoi il s’agissait. Je lui ai dit des protections, des Tampax et alors là, plusieurs garçons ont dit "mais c'est dégueulasse, pourquoi vous nous parlez de ça."  Ah ce moment là une gamine très (trop) discrète qui ne parle jamais a pris la parole et leur a dit c'est surement moins dégueulasse que les pornos que vous regardez en boucle... Les garçons ont baissé la tête et sont passés à autres choses.
Un collègue d' H/G à dit l'autre jour à une gamine qui voulait sortir de classe en plein cours pour un problème féminin "les filles quand vous avez vos règles bien sur que je vous autorise à sortir exceptionnellement  du cours " et bien les mecs ont été extrêmement choqués de l 'usage du mot "règles". Mon collègue leur a dit qu'avec 4 sœurs à la maison pour lui c'est un mot banal, du quotidien.
Sont chochottes nos garçons...
En SES je leur donne des chiffres de l INED qui expliquent où ils connaîtront leur 1 er partenaire sexuel, leur 1 er conjoint et bien mes élèves musulmans (filles et garçons) sont choqués

https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19164/population_societes_2013_496_lieux_rencontre.fr.pdf

Il faudrait, face à ces images, mettre le texte "correspondant" de Zola en face. Et ainsi, montrer comment les auteurs, cinéastes et écrivains, brisent les tabous chacun à leur époque, et s'interroger à quel dessein.

Je me souviens de certaines lectures de Claudine (Colette) qui ne seraient plus possibles aujourd'hui

mamieprof a écrit:Lors d'un voyage scolaire récent avec des élèves de terminale à l'étranger, j'ai expliqué qu'avant d'aller visiter le site prévu, nous ferions un petit tour en ville pour que les filles puissent acheter les produits d’hygiène dont elles ont besoin. L'un des élèves m'a demandé de quoi il s’agissait. Je lui ai dit des protections, des Tampax et alors là, plusieurs garçons ont dit "mais c'est dégueulasse, pourquoi vous nous parlez de ça."  Ah ce moment là une gamine très (trop) discrète qui ne parle jamais a pris la parole et leur a dit c'est surement moins dégueulasse que les pornos que vous regardez en boucle... Les garçons ont baissé la tête et sont passés à autres choses.
Un collègue d' H/G à dit l'autre jour à une gamine qui voulait sortir de classe en plein cours pour un problème féminin "les filles quand vous avez vos règles bien sur que je vous autorise à sortir exceptionnellement  du cours " et bien les mecs ont été extrêmement choqués de l 'usage du mot "règles". Mon collègue leur a dit qu'avec 4 sœurs à la maison pour lui c'est un mot banal, du quotidien.
Sont chochottes nos garçons...

Pas seulement les garçons... Une fille m'a regardée d'un air scandalisée il n'y a pas très longtemps, quand je l'ai retenue à la fin d'un cours pour lui rappeler que "avoir ses règles n'était pas une raison pour sécher les cours de natation". Regard estomaqué, bredouillements : "Mais, madame, on ne parle pas de ça !" - alors que j'étais seule avec elle dans la salle.

Et même pas une élève musulmane ou particulièrement croyante, juste une fille banale de 16 ans

On me l'a montré en CM1 (j'habitais pas loin du lieu de tournage) et je m'en serais bien passé.

Je le montrais aux élèves avant. Je laissais la nudité (pour montrer la promiscuité) de la baignoire, mais j'enlevais la scène du "dessert", et celle du viol. Je laissais l'emasculation par contre.

Jamais eu particulièrement de problèmes, malgré mes 80 % d'élèves musulmans. Je prévenais avant, certains se cachaient les yeux.

J'ai fait passer le "problème" des règles par l'intermédiaire d'un roman jeunesse en novembre. Les garçons étaient entre le gloussement et la grimace. Mais ça a été.

Il y a un mois, une de mes bonnes élèves a levé la main en plein cours.
- "Oui, L. ?"
- "Euh, monsieur, je ne peux pas en parler comme cela, vous voulez vous approcher ?"
Je m'exécute et elle me dit à voix basse
- "C'est pas pour moi, c'est R., elle a un problème, vous savez... comme Briséis. Je peux l'accompagner aux toilettes ?"

Briséis était l'héroïne du roman en question et qui, au début de l'histoire, avait ses premières règles. Les petites sont sorties puis revenues peu après. A mon regard, elles ont répondu par le leur, enfin surtout L. : "ça va." R. a évité de me regarder. Mais le lendemain, elle était toute guillerette.

Danska a écrit:

mamieprof a écrit:Lors d'un voyage scolaire récent avec des élèves de terminale à l'étranger, j'ai expliqué qu'avant d'aller visiter le site prévu, nous ferions un petit tour en ville pour que les filles puissent acheter les produits d’hygiène dont elles ont besoin. L'un des élèves m'a demandé de quoi il s’agissait. Je lui ai dit des protections, des Tampax et alors là, plusieurs garçons ont dit "mais c'est dégueulasse, pourquoi vous nous parlez de ça."  Ah ce moment là une gamine très (trop) discrète qui ne parle jamais a pris la parole et leur a dit c'est surement moins dégueulasse que les pornos que vous regardez en boucle... Les garçons ont baissé la tête et sont passés à autres choses.
Un collègue d' H/G à dit l'autre jour à une gamine qui voulait sortir de classe en plein cours pour un problème féminin "les filles quand vous avez vos règles bien sur que je vous autorise à sortir exceptionnellement  du cours " et bien les mecs ont été extrêmement choqués de l 'usage du mot "règles". Mon collègue leur a dit qu'avec 4 sœurs à la maison pour lui c'est un mot banal, du quotidien.
Sont chochottes nos garçons...

Pas seulement les garçons... Une fille m'a regardée d'un air scandalisée il n'y a pas très longtemps, quand je l'ai retenue à la fin d'un cours pour lui signaler clairement que "avoir ses règles n'était pas une raison pour sécher les cours de natation". Regard estomaqué, bredouillements : "Mais, madame, on ne parle pas de ça !" - alors que j'étais seule avec elle dans la salle.

Et même pas une élève musulmane ou particulièrement croyante, juste une fille banale de 16 ans

Ben pour le dire franchement, je trouve aussi que ces remarques franchissent un peu (trop)  à mon sens, les frontières de l'intime! (dit sans tabou!   )

Je le montre à mes 2des : il y a toujours quelques cris offusqués, mais ça les fait plutôt rigoler et je n'ai jamais eu la moindre remarque...
Et quand je relève quelques allusions sexuelles dans les textes littéraires et que certains élèves font semblant d'être choqués, je leur rétorque : "ça va, je sais très bien quels films vous regardez le soir sur internet" ! Pas un ne proteste jamais et ça clôt la discussion.
Il faut dire que je me suis acquis une réputation de pervers en étudiant Madame Bovary et les Fleurs du mal : d'ailleurs, c'est intéressant de leur montrer que ce qui était interdit au XIXe siècle est étudié aujourd'hui et ils sont bien plus souvent choqué par la censure que par le reste...

Danska a écrit:

mamieprof a écrit:Lors d'un voyage scolaire récent avec des élèves de terminale à l'étranger, j'ai expliqué qu'avant d'aller visiter le site prévu, nous ferions un petit tour en ville pour que les filles puissent acheter les produits d’hygiène dont elles ont besoin. L'un des élèves m'a demandé de quoi il s’agissait. Je lui ai dit des protections, des Tampax et alors là, plusieurs garçons ont dit "mais c'est dégueulasse, pourquoi vous nous parlez de ça."  Ah ce moment là une gamine très (trop) discrète qui ne parle jamais a pris la parole et leur a dit c'est surement moins dégueulasse que les pornos que vous regardez en boucle... Les garçons ont baissé la tête et sont passés à autres choses.
Un collègue d' H/G à dit l'autre jour à une gamine qui voulait sortir de classe en plein cours pour un problème féminin "les filles quand vous avez vos règles bien sur que je vous autorise à sortir exceptionnellement  du cours " et bien les mecs ont été extrêmement choqués de l 'usage du mot "règles". Mon collègue leur a dit qu'avec 4 sœurs à la maison pour lui c'est un mot banal, du quotidien.
Sont chochottes nos garçons...

Pas seulement les garçons... Une fille m'a regardée d'un air scandalisée il n'y a pas très longtemps, quand je l'ai retenue à la fin d'un cours pour lui rappeler que "avoir ses règles n'était pas une raison pour sécher les cours de natation". Regard estomaqué, bredouillements : "Mais, madame, on ne parle pas de ça !" - alors que j'étais seule avec elle dans la salle.

Et même pas une élève musulmane ou particulièrement croyante, juste une fille banale de 16 ans

C'est marrant parce qu'ici les filles sont totalement décomplexées par rapport au mot même, le motif "règles douloureuses" revient régulièrement dans les justificatifs d'absence. Dès la 6e certaines n'hésitent pas à demander à sortir à voix haute pour se rendre aux toilettes.
Tant de liberté par rapport à cette question que c'est moi qui étais choquée au début. :lol:

Fesseur Pro, ce sont des 4e.

Par rapport à ces réactions, non seulement je ne vais rien changer concernant le film, mais en parallèle je leur ferai étudier une ou deux scènes correspondantes du roman.

Je leur ferai aussi découvrir L'origine du monde de Courbet.

Je pense que l'année prochaine je vais faire une séquence sur l'hypocrisie dans les moeurs et la société puisque l'on a une séquence dont le choix est libre, avec Tartuffe en OI.  Si vous avez des idées, je suis preneur  

Tem-To, pourrais-tu m'indiquer la référence de l'oeuvre avec Briséis ?

slynop a écrit:Fesseur Pro, ce sont des 4e.

Par rapport à ces réactions, non seulement je ne vais rien changer concernant le film, mais en parallèle je leur ferai étudier une ou deux scènes correspondantes du roman.

Je leur ferai aussi découvrir L'origine du monde de Courbet.

Je pense que l'année prochaine je vais faire une séquence sur l'hypocrisie dans les moeurs et la société puisque l'on a une séquence dont le choix est libre, avec Tartuffe en OI.  Si vous avez des idées, je suis preneur  

Tem-To, pourrais-tu m'indiquer la référence de l'oeuvre avec Briséis ?

Punaise, en quatrième, vous y allez fort!
:shock:
Dire que sur un autre fil on trouvait l'échange de poèmes de Musset et Sand déplacé en lycée!

slynop :

CHRISTINE FÉRET-FLEURY
Les cendres de Pompéi. Journal d'une esclave, an 79
Collection Mon Histoire, Gallimard Jeunesse

Ca me rappelle une collègue qui passait en accéléré une captation de Phèdre où celle-ci déchire sa tunique et on voit sa poitrine nue : ça faisait trop marrer les élèves...