- barègesÉrudit
J'étendrais cette observation des libertés quant à l'emploi du présent avec des passés hors de la chanson de geste. Le roman fait aussi cela. Le présent "de narration" paraît vraiment fréquent, et alterne très librement avec les passés composés et passés simples. Peut-être que les gens du Moyen Âge ressentaient plus directement les valeurs aspectuelles ?
- Fires of PompeiiGuide spirituel
Pour moi cela vient aussi du fait que ces récits sont une "performance" orale, et donc nécessairement le mélange des temps est là pour apporter de l'intensité. On imagine presque le jongleur s'adresser à la cour.
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Je ne dirai qu'une chose : stulo plyme.
- barègesÉrudit
C'est une performance orale au départ, mais l'alternance persiste aux époques où tout le monde s'accorde à penser que les textes étaient autant lus à voix basse que dits, ou n'étaient plus dits du tout. Peut-être ce jeu sur les temps était-il devenu une caractéristique du genre narratif, plus forcément reliée à une performance orale effective.
Dans certains cas, même dans les premiers textes, l'alternance est trop microscopique pour faire sens et réellement donner de l'intensité : un seul verbe est au présent dans une proposition d'une phrase alors que tout le reste est au passé ou vice versa, ou elle ne correspond plus au segment qui bénéficierait d'un éclairage ou d'une mise en avant. La liberté devait être assez associée au genre pour que le présent ou le passé soient choisis pour des raisons métriques ou prosodiques ; devant certains emplois, on n'arrive pas à déceler d'autre explication.
Dans certains cas, même dans les premiers textes, l'alternance est trop microscopique pour faire sens et réellement donner de l'intensité : un seul verbe est au présent dans une proposition d'une phrase alors que tout le reste est au passé ou vice versa, ou elle ne correspond plus au segment qui bénéficierait d'un éclairage ou d'une mise en avant. La liberté devait être assez associée au genre pour que le présent ou le passé soient choisis pour des raisons métriques ou prosodiques ; devant certains emplois, on n'arrive pas à déceler d'autre explication.
- NLM76Grand Maître
Bon. C'est précisément le sujet de ma thèse; alors je vais essayer de ne pas m'étendre. Mais justement, ce qu'affirme Barèges est ce contre quoi je me porte en faux.
L'alternance des temps est plus frappante encore dans la chanson de geste que dans le roman; elle est plus présente dans les textes les plus anciens que dans les plus récents. Elle est, lorsque le genre se sclérose, devenue une afféterie marquant un genre.Mais elle est possible et significative parce qu'elle est portée par une voix et un corps.
On voit d'ailleurs chez La Fontaine ou chez Hugo comment cette alternance peut émerger à nouveau dans la poésie, parce que celle-ci ne se précipite pas et parce qu'elle est faite pour être dite.
Enfin, je pense qu'y compris dans le roman, c'est en grande partie la capacité du romancier à faire vivre sa voix dans ce qu'il écrit, à arrêter le flux morbide des signes graphiques muets, qui fait de lui un grand romancier.
L'alternance des temps est plus frappante encore dans la chanson de geste que dans le roman; elle est plus présente dans les textes les plus anciens que dans les plus récents. Elle est, lorsque le genre se sclérose, devenue une afféterie marquant un genre.Mais elle est possible et significative parce qu'elle est portée par une voix et un corps.
On voit d'ailleurs chez La Fontaine ou chez Hugo comment cette alternance peut émerger à nouveau dans la poésie, parce que celle-ci ne se précipite pas et parce qu'elle est faite pour être dite.
Enfin, je pense qu'y compris dans le roman, c'est en grande partie la capacité du romancier à faire vivre sa voix dans ce qu'il écrit, à arrêter le flux morbide des signes graphiques muets, qui fait de lui un grand romancier.
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Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- IphigénieProphète
Je n'ai aucune connaissance dans ce débat savant et très intéressant. Je n'ai guère de formation en ancien français,( ayant cubé, je ne suis allée en fac que pour ma maîtrise- bref-)
C'est juste une question, en profitant de ce débat érudit: j'ai le souvenir d'avoir entendu dire que la lecture à voix basse est en fait une capacité très récente, on voit, d'après ce que l'on m'a dit, que les règlements des monastères conseillaient de lire à voix basse pour ne pas déranger le silence monastique.
Est-ce que ma mémoire est exacte et de quand date la lecture "des yeux"? En a-t-on une idée?
C'est juste une question, en profitant de ce débat érudit: j'ai le souvenir d'avoir entendu dire que la lecture à voix basse est en fait une capacité très récente, on voit, d'après ce que l'on m'a dit, que les règlements des monastères conseillaient de lire à voix basse pour ne pas déranger le silence monastique.
Est-ce que ma mémoire est exacte et de quand date la lecture "des yeux"? En a-t-on une idée?
- NLM76Grand Maître
C'est plus compliqué que cela. La lecture silencieuse est probablement très ancienne — elle existait dans l'antiquité. Après, c'est une question d'expansion de la pratique.
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- barègesÉrudit
nlm76 a écrit:Bon. C'est précisément le sujet de ma thèse; alors je vais essayer de ne pas m'étendre. Mais justement, ce qu'affirme Barèges est ce contre quoi je me porte en faux.
L'alternance des temps est plus frappante encore dans la chanson de geste que dans le roman; elle est plus présente dans les textes les plus anciens que dans les plus récents. Elle est, lorsque le genre se sclérose, devenue une afféterie marquant un genre.Mais elle est possible et significative parce qu'elle est portée par une voix et un corps.
On voit d'ailleurs chez La Fontaine ou chez Hugo comment cette alternance peut émerger à nouveau dans la poésie, parce que celle-ci ne se précipite pas et parce qu'elle est faite pour être dite.
Enfin, je pense qu'y compris dans le roman, c'est en grande partie la capacité du romancier à faire vivre sa voix dans ce qu'il écrit, à arrêter le flux morbide des signes graphiques muets, qui fait de lui un grand romancier.
On n'est plus vraiment dans la grammaire...
Et c'est bizarre, j'ai l'impression qu'on dit la même chose : maintien de l'alternance après ou hors du cadre de la diction à voix haute (alors, on est d'accord, que ses effets sont faits pour cette performance).
Je ne suis pas d'accord sur les termes connotés en bien ou en mal : lorsque le genre se sclérose, une afféterie. Je lis en ce moment des textes sur la chanson de geste tardive (qui s'appelle, d'ailleurs, de moins en moins chanson de geste et de plus en plus roman). Je ne parlerais pas de sclérose, le genre évolue - mise en prose, mais une prose qui cherche parfois à retrouver la musique du vers voire le rythme de la laisse, le tout dans un contexte moins féodal, évidemment moins chevaleresque, plus finement politisé... Tant d'autres phénomènes à voir, encore à étudier pour beaucoup - et on trouve de fort belles pages dans ces textes même interminables. Pareil pour l'afféterie. Pourquoi ne pas voir une valeur positive dans l'emploi de l'alternance des temps épique ailleurs que dans la chanson, dans d'autres types de textes, dans des textes plus tardifs ? C'est une façon de s'inscrire dans un héritage ou dans un genre littéraire. A cette époque, les "veïssiez" et autres démonstratifs "épiques" ont la même valeur.
Curieusement, c'est dans les romans de Chrétien de Troyes que ces décrochages m'avaient le plus frappée, parce que j'avais vu auparavant des chansons de geste, et que ma réaction de lecteur était "tiens, comme dans les chansons !". Et ces romans ont, au moins dans certains milieux, été lus sans performance orale, tout en étant appréciés.
Enfin, je pense qu'y compris dans le roman, c'est en grande partie la capacité du romancier à faire vivre sa voix dans ce qu'il écrit, à arrêter le flux morbide des signes graphiques muets, qui fait de lui un grand romancier.
Ta phrase me rappelle immédiatement ce que dit Marcel Jousse des rapports entre oral et figement graphique. Ceci dit, pour lui, le roman est déjà un genre stérilisé par le "graphisme".
- tannatHabitué du forum
Bonjour à tous,
Voilà une nouvelle question, dans la phrase suivante :
"Toutefois, la peur ne venait chez lui qu'en seconde ligne ; (...)"
Comment analyseriez-vous le segment en gras ?
ne...que est une locution adverbiale à valeur restrictive (ou "exceptive") et elle porte sur un groupe nominal prépositionnel dont je ne parviens pas à déterminer la fonction (enfin si mais je doute). Il me semble qu'il s'agit d'un complément (circonstanciel) de lieu. La locution adverbiale appartient-elle dans ce cas au CL ?
Voilà une nouvelle question, dans la phrase suivante :
"Toutefois, la peur ne venait chez lui qu'en seconde ligne ; (...)"
Comment analyseriez-vous le segment en gras ?
ne...que est une locution adverbiale à valeur restrictive (ou "exceptive") et elle porte sur un groupe nominal prépositionnel dont je ne parviens pas à déterminer la fonction (enfin si mais je doute). Il me semble qu'il s'agit d'un complément (circonstanciel) de lieu. La locution adverbiale appartient-elle dans ce cas au CL ?
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« Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent. » Samuel Beckett
« C'est un malheur que les hommes ne puissent d'ordinaire posséder aucun talent sans avoir quelque envie d'abaisser les autres.» Vauvenargues
- tannatHabitué du forum
Autre question. Dans la phrase suivante :
"En arrivant sur l'autre rive, Fabrice y avait trouvé les généraux tout seuls ; (...)"
Il me semble que la mobilité de "sur l'autre rive" n'est pas aussi importante que celle d'un autre complément.
Ainsi, quoique possible, la version qui suit me semble dissonante :
1."En arrivant, Fabrice, sur l'autre rive, avait trouvé les généraux tout seuls ;"
Toutefois, je ne parviens pas à savoir pourquoi elle sonne si mal à mon oreille alors que :
2. "Sur l'autre rive, Fabrice, en arrivant, avait trouvé les généraux tout seuls ;"
me semble plus acceptable.
De même, le déplacement suivant me semble plus acceptable que le premier :
3. "En arrivant, Fabrice avait trouvé, sur l'autre rive, les généraux tout seuls;"
Peut-être ne s'agit-il simplement que d'une question de rythme...
"En arrivant sur l'autre rive, Fabrice y avait trouvé les généraux tout seuls ; (...)"
Il me semble que la mobilité de "sur l'autre rive" n'est pas aussi importante que celle d'un autre complément.
Ainsi, quoique possible, la version qui suit me semble dissonante :
1."En arrivant, Fabrice, sur l'autre rive, avait trouvé les généraux tout seuls ;"
Toutefois, je ne parviens pas à savoir pourquoi elle sonne si mal à mon oreille alors que :
2. "Sur l'autre rive, Fabrice, en arrivant, avait trouvé les généraux tout seuls ;"
me semble plus acceptable.
De même, le déplacement suivant me semble plus acceptable que le premier :
3. "En arrivant, Fabrice avait trouvé, sur l'autre rive, les généraux tout seuls;"
Peut-être ne s'agit-il simplement que d'une question de rythme...
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- V.MarchaisEmpereur
Le complément de lieu n'est pas déplaçable sans modification du sens. Ces critères de distribution sont très peu fiables. Malheureusement, tant qu'on ne donnera qu'eux aux élèves pour identifier les fonctions syntaxiques, ils seront condamnés à l'échec.
- tannatHabitué du forum
V.Marchais a écrit:Le complément de lieu n'est pas déplaçable sans modification du sens. Ces critères de distribution sont très peu fiables. Malheureusement, tant qu'on ne donnera qu'eux aux élèves pour identifier les fonctions syntaxiques, ils seront condamnés à l'échec.
J'entends bien et, si cela peut te rassurer, je ne compte pas donner cela aux élèves.
Néanmoins pour ma culture personnelle et par goût pour la réflexion, mais aussi parce que je travaille à m'améliorer, je cherche la réponse à mes questions (aux deux posées ci-dessus, surtout pour l'instant) et je te remercie d'avoir pris le temps de me répondre.
J'ajoute que "ces critères de distribution" ne sont pas les miens mais on les trouve et dans la GMF (p.260) et dans la GF de Denis & Sancier-Chateau (p.88) dans la mesure où les CL ne sont pas distincts des autres "circonstants". Je vois bien moi qu'il y a un problème mais je ne parviens pas en déterminer la cause et je m'épuise à chercher le pourquoi du comment. Si je pose ici la question c'est parce que je sais trouver dans vos rangs (toi, Sullien, NLM76, PY, Barège, Carabas... et tant d'autres que j'oublie et qui, je l'espère, ne m'en voudront pas trop et accepteront pourtant de se pencher sur ces points) des experts plus brillants que je ne saurais l'être et qui à défaut de me donner une solution sauront me fournir des pistes...
Celle que tu me donnes, ici, me semble déjà en être une.
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- V.MarchaisEmpereur
D'abord, je ne suis pas une experte. NLM, qui a passé une agreg de grammaire, davantage, pour les autres, je ne sais pas. Pour moi, j'ai juste bossé en prenant conscience du caractère inadéquat de ma formation au sortir de l'IUFM. Comme toi, quoi.
Le fait que je matraque tout le monde avec mon militantisme ne change rien à l'affaire.
Je pense que tes exemples montrent clairement que ce fameux CL que certains veulent complément de phrase porte bel et bien sur une seule proposition, voire un seul verbe à l'intérieur de cette proposition (le participe pouvant, même s'il n'est pas noyau d'une proposition, régir toutes sortes de compléments du verbe, en brave forme verbale qu'il est).
Quand on dit : "En arrivant sur l'autre rive, Fabrice y avait trouvé les généraux tout seuls", on dit deux choses :
1°) Fabrice est arrivé sur l'autre rive.
2°) Là-bas, il a trouvé les généraux tout seuls.
Quoique le pronom "y" reprenne le CL, il y a bien deux actions distinctes qui se produisent dans un ordre précis. D'abord, Fabrice arrive, et après, fût-ce aussitôt, il constate la présence des généraux. Cet ordre (chrono)logique rendrait fort maladroit l'emploi d'un pronom cataphorique En y arrivant, Fabrice avait trouvé sur l'autre rive... Cette tournure ne permet pas au lecteur de se représenter facilement la scène.
Dans la phrase 3 que tu proposes, "sur l'autre rive" ne peut porter que sur le procès "trouver". Cela introduit une nuance de sens avec la phrase d'origine. D'ailleurs, tu as été obligée, pour déplacer ainsi le CL, de supprimer "y" qui aurait été redondant (ou maladroit, cf. supra).
À mon avis, il en est de même pour ta phrase 1, le participe présent, relevant déjà d'une prédication seconde, supportant mal d'être ainsi disloqué par un autre élément, on a tendance à considéré qu'il est achevé avant et que tout ce qui suit forme forme un tout.
La phrase 2 me paraît ambiguë, et par là maladroite : on ne sait plus très bien à quelle action relier ce "sur l'autre rive".
Le fait que je matraque tout le monde avec mon militantisme ne change rien à l'affaire.
Je pense que tes exemples montrent clairement que ce fameux CL que certains veulent complément de phrase porte bel et bien sur une seule proposition, voire un seul verbe à l'intérieur de cette proposition (le participe pouvant, même s'il n'est pas noyau d'une proposition, régir toutes sortes de compléments du verbe, en brave forme verbale qu'il est).
Quand on dit : "En arrivant sur l'autre rive, Fabrice y avait trouvé les généraux tout seuls", on dit deux choses :
1°) Fabrice est arrivé sur l'autre rive.
2°) Là-bas, il a trouvé les généraux tout seuls.
Quoique le pronom "y" reprenne le CL, il y a bien deux actions distinctes qui se produisent dans un ordre précis. D'abord, Fabrice arrive, et après, fût-ce aussitôt, il constate la présence des généraux. Cet ordre (chrono)logique rendrait fort maladroit l'emploi d'un pronom cataphorique En y arrivant, Fabrice avait trouvé sur l'autre rive... Cette tournure ne permet pas au lecteur de se représenter facilement la scène.
Dans la phrase 3 que tu proposes, "sur l'autre rive" ne peut porter que sur le procès "trouver". Cela introduit une nuance de sens avec la phrase d'origine. D'ailleurs, tu as été obligée, pour déplacer ainsi le CL, de supprimer "y" qui aurait été redondant (ou maladroit, cf. supra).
À mon avis, il en est de même pour ta phrase 1, le participe présent, relevant déjà d'une prédication seconde, supportant mal d'être ainsi disloqué par un autre élément, on a tendance à considéré qu'il est achevé avant et que tout ce qui suit forme forme un tout.
La phrase 2 me paraît ambiguë, et par là maladroite : on ne sait plus très bien à quelle action relier ce "sur l'autre rive".
- AphrodissiaMonarque
"Sur l'autre rive, Fabrice, en arrivant, avait trouvé les généraux tout seuls" suppose qu'il y a une action sur la première rive et que le regard du narrateur s'en détourne pour regarder "sur l'autre rive" où il voit Fabrice qui arrive et trouve les généraux seuls mais sans que cela signifie que Fabrice ait traversé la rivière. Il arrive, c'est tout, on ne sait pas d'où.
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Hominis mens discendo alitur et cogitando. (Cicéron)
Et puis les steaks ? Ça se rate toujours comme la tragédie. Mais à des degrés différents. (M. Duras)
- User17706Bon génie
Aucune des reformulations 1-2-3 ne me paraît dire que Fabrice est arrivé sur l'autre rive (elles sont toutes interprétables sans faire cette supposition), alors que la phrase d'origine le dit.
- AphrodissiaMonarque
Oui, PauvreYorick, tu as raison.
Je dirais plutôt qu'"en seconde ligne" est un complément de temps (ou de manière peut-être) que de lieu: pour moi, il s'agit davantage d'un ordre d'arrivée que de l'évocation d'un endroit, non?
La négation porte sur le verbe et elle exclut de son champ d'action le complément: "la peur ne venait pas chez lui sauf en seconde ligne".tannat a écrit:Bonjour à tous,
Voilà une nouvelle question, dans la phrase suivante :
"Toutefois, la peur ne venait chez lui qu'en seconde ligne ; (...)"
Comment analyseriez-vous le segment en gras ?
ne...que est une locution adverbiale à valeur restrictive (ou "exceptive") et elle porte sur un groupe nominal prépositionnel dont je ne parviens pas à déterminer la fonction (enfin si mais je doute). Il me semble qu'il s'agit d'un complément (circonstanciel) de lieu. La locution adverbiale appartient-elle dans ce cas au CL ?
Je dirais plutôt qu'"en seconde ligne" est un complément de temps (ou de manière peut-être) que de lieu: pour moi, il s'agit davantage d'un ordre d'arrivée que de l'évocation d'un endroit, non?
- User17706Bon génie
La métaphore « en seconde ligne » est militaire, c'est ça ?
- tannatHabitué du forum
Tout d'abord : Merci à vous tous.
Pour le complément de temps, j'ai hésité tout d'abord. Je trouve la formulation suffisamment ambiguë pour qu'elle puisse appartenir à l'un comme à l'autre.
Cependant le terme ligne et l'analogie avec le vocabulaire militaire (emploi métaphorique) m'ont amenée à en faire un complément de lieu. Il peut tout à la fois être gloser en" dans un second temps", ou "en seconde place", il me semble.
Enfin, la locution adverbiale restrictive porte bien sur ce complément.
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« Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent. » Samuel Beckett
« C'est un malheur que les hommes ne puissent d'ordinaire posséder aucun talent sans avoir quelque envie d'abaisser les autres.» Vauvenargues
- User17706Bon génie
C'est une question d'ordre. À partir de là, il faudrait une case « complément circonstanciel d'ordre », idéalement.
Si l'on hésite entre le lieu et le temps, le temps me semble tout de même mieux convenir, parce que si « en seconde ligne » renvoie à un arrangement spatial (je suppose que c'est bien le cas, c'est-à-dire qu'on a bien affaire à une métaphore militaire, je vois mal ce que ce serait d'autre de toute façon), c'est un arrangement spatial dont la conséquence directe est temporelle (la seconde ligne rencontre le feu après la première), côté « comparant », et côté « comparé », il semble que ce soit un ordre chronologique aussi qui est suggéré.
« En seconde place », tu y verrais forcément un CC de lieu ? Moi, ça pourrait me gêner dans de nombreux cas.
Si l'on hésite entre le lieu et le temps, le temps me semble tout de même mieux convenir, parce que si « en seconde ligne » renvoie à un arrangement spatial (je suppose que c'est bien le cas, c'est-à-dire qu'on a bien affaire à une métaphore militaire, je vois mal ce que ce serait d'autre de toute façon), c'est un arrangement spatial dont la conséquence directe est temporelle (la seconde ligne rencontre le feu après la première), côté « comparant », et côté « comparé », il semble que ce soit un ordre chronologique aussi qui est suggéré.
« En seconde place », tu y verrais forcément un CC de lieu ? Moi, ça pourrait me gêner dans de nombreux cas.
- tannatHabitué du forum
Mais dans le même ordre d'idée la seconde ligne renvoie comme tu le dis à un référent spatial donc une localisation précise, je veux bien qu'il y ait une conséquence et un effet ordre mais l'ordre impliqué peut être à la fois un temps et un lieu. Etre en position de second dans un concours n'implique pas l'idée de temps mais bien celle de position (donc localisation) tandis que le vainqueur d'une course est tout à la fois dans cette position à cause de son temps et de sa position. Enfin, je ne suis pas certaine d'être bien intelligible.PauvreYorick a écrit:C'est une question d'ordre. À partir de là, il faudrait une case « complément circonstanciel d'ordre », idéalement.
Si l'on hésite entre le lieu et le temps, le temps me semble tout de même mieux convenir, parce que si « en seconde ligne » renvoie à un arrangement spatial (je suppose que c'est bien le cas, c'est-à-dire qu'on a bien affaire à une métaphore militaire, je vois mal ce que ce serait d'autre de toute façon), c'est un arrangement spatial dont la conséquence directe est temporelle (la seconde ligne rencontre le feu après la première), côté « comparant », et côté « comparé », il semble que ce soit un ordre chronologique aussi qui est suggéré.
« En seconde place », tu y verrais forcément un CC de lieu ? Moi, ça pourrait me gêner dans de nombreux cas.
Quoi qu'il en soit merci parce que vos interventions à tous me permettent d'avancer, enfin il me semble...
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- User17706Bon génie
N'est-ce pas plutôt que, habitués que nous sommes à spatialiser, nous projetons très facilement l'idée simple de « position » sur celle, plus composée mais en un sens plus aisément représentable, de « position spatiale » ?
Être en position de second dans un concours, en fait, ça se figure aussi bien (je ne dis pas aussi facilement ni aussi spontanément) temporellement que spatialement.
Parler de « lieu » ici me gêne un peu, et, très souvent, me gênera y compris dans l'expression « en second lieu » qui est fréquemment CC de temps (me semble-t-il).
Être en position de second dans un concours, en fait, ça se figure aussi bien (je ne dis pas aussi facilement ni aussi spontanément) temporellement que spatialement.
Parler de « lieu » ici me gêne un peu, et, très souvent, me gênera y compris dans l'expression « en second lieu » qui est fréquemment CC de temps (me semble-t-il).
- barègesÉrudit
tannat a écrit:Autre question. Dans la phrase suivante :
"En arrivant sur l'autre rive, Fabrice y avait trouvé les généraux tout seuls ; (...)"
Il me semble que la mobilité de "sur l'autre rive" n'est pas aussi importante que celle d'un autre complément.
Ainsi, quoique possible, la version qui suit me semble dissonante :
1."En arrivant, Fabrice, sur l'autre rive, avait trouvé les généraux tout seuls ;"
Toutefois, je ne parviens pas à savoir pourquoi elle sonne si mal à mon oreille alors que :
2. "Sur l'autre rive, Fabrice, en arrivant, avait trouvé les généraux tout seuls ;"
me semble plus acceptable.
De même, le déplacement suivant me semble plus acceptable que le premier :
3. "En arrivant, Fabrice avait trouvé, sur l'autre rive, les généraux tout seuls;"
Peut-être ne s'agit-il simplement que d'une question de rythme...
On en revient au gros choc du cours de prépa concours il y a maintenant presque 15 ans, dans ma petite fac...
Il va à Paris. A Paris : COI.
J'ai été scandalisée, comme à peu près toute la promo. Mais dans le même genre, on pourrait dire que "sur l'autre rive" est COI et que c'est pour cela que son déplacement ou sa suppression change le sens, provoque cette impression d'inconfort...
J'ai préféré une autre formulation, vue ailleurs. Sans aller jusqu'au COI, on peut voir que le complément est "dans le programme" du verbe, qu'"arriver" appelle une notification de lieu ; qu'il y a une nette distinction, dans notre esprit de locuteurs du français, entre "arriver" tout court et "arriver" quelque part (à, dans, sur, vers). Ce complément, quelle que soit la manière dont on le nomme, est assez solidaire du verbe, et le verbe a "besoin" de lui pour assumer un de ses sens. Ce n'est pas une transitivité normale ou totale du verbe. Certains ont parlé de "semi-transitivité" pour ces verbes que l'on trouve avec ce type de compléments "locatifs". Le complément obéit à des règles moins strictes que le COI (plusieurs prépositions possibles, suppression sans rendre la phrase incorrecte) mais ce n'est plus vraiment un CC... Il serait quelque part entre les deux
Je rejoins totalement Véronique Marchais, je serais d'avis de consulter quelqu'un comme NLM là-dessus. Il aura mieux que mes vieux souvenirs de concours, qui commencent à sérieusement se faner.
- tannatHabitué du forum
barèges a écrit:
On en revient au gros choc du cours de prépa concours il y a maintenant presque 15 ans, dans ma petite fac...
Il va à Paris. A Paris : COI.
J'ai été scandalisée, comme à peu près toute la promo. Mais dans le même genre, on pourrait dire que "sur l'autre rive" est COI et que c'est pour cela que son déplacement ou sa suppression change le sens, provoque cette impression d'inconfort...
J'ai préféré une autre formulation, vue ailleurs. Sans aller jusqu'au COI, on peut voir que le complément est "dans le programme" du verbe, qu'"arriver" appelle une notification de lieu ; qu'il y a une nette distinction, dans notre esprit de locuteurs du français, entre "arriver" tout court et "arriver" quelque part (à, dans, sur, vers). Ce complément, quelle que soit la manière dont on le nomme, est assez solidaire du verbe, et le verbe a "besoin" de lui pour assumer un de ses sens. Ce n'est pas une transitivité normale ou totale du verbe. Certains ont parlé de "semi-transitivité" pour ces verbes que l'on trouve avec ce type de compléments "locatifs". Le complément obéit à des règles moins strictes que le COI (plusieurs prépositions possibles, suppression sans rendre la phrase incorrecte) mais ce n'est plus vraiment un CC... Il serait quelque part entre les deux
Je rejoins totalement Véronique Marchais, je serais d'avis de consulter quelqu'un comme NLM là-dessus. Il aura mieux que mes vieux souvenirs de concours, qui commencent à sérieusement se faner.
J'en suis arrivée à la conclusion (parce que je continue à chercher encore et toujours) qu'il s'agit d'un "circonstant intégré" à la structure valencielle du verbe. Il ne s'agit pas de transitivité mais bien de ce que le verbe admet, peut admettre ou bien encore doit admettre comme complément. Ce complément n'est à mon avis ni un CO ni un CC...
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- barègesÉrudit
Oui, le problème avec le terme de "semi-transitivité circonstancielle", c'est que ce serait une transitivité bizarre... Ou qu'on fait de la transitivité quelque chose de très abstrait. Si ça se trouve, le terme essayait de calquer une catégorie issue de la théorie des valences. Il faudrait voir de près, ce que je n'ai pas fait.
Sinon on voit le terme de "complément locatif", et du coup des verbes admettant un complément locatif.
Sinon on voit le terme de "complément locatif", et du coup des verbes admettant un complément locatif.
- tannatHabitué du forum
Alors là j'ai plus de mal. Le positionnement n'a rien là de temporel. En fait, mon raisonnement abstrait est sans doute bien inférieur au vôtre. Pour moi la place de second dans un concours d'écriture n'a rien de temporel, c'est un ordre, un rang et ce qui est de type rang est, pour moi, localisable sur un plan, dans un espace. Bref, j'ai du mal, moi aussi... mais dans l'autre sens...PauvreYorick a écrit:N'est-ce pas plutôt que, habitués que nous sommes à spatialiser, nous projetons très facilement l'idée simple de « position » sur celle, plus composée mais en un sens plus aisément représentable, de « position spatiale » ?
Être en position de second dans un concours, en fait, ça se figure aussi bien (je ne dis pas aussi facilement ni aussi spontanément) temporellement que spatialement.
On se heurte à quelque chose du même ordre que lorsqu'il s'agit de la préposition "après", non ?PauvreYorick a écrit:Parler de « lieu » ici me gêne un peu, et, très souvent, me gênera y compris dans l'expression « en second lieu » qui est fréquemment CC de temps (me semble-t-il).
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« C'est un malheur que les hommes ne puissent d'ordinaire posséder aucun talent sans avoir quelque envie d'abaisser les autres.» Vauvenargues
- tannatHabitué du forum
Je comprends et je savais bien que je pouvais compter sur vous (tous) pour me permettre de réfléchir mieux... mercibarèges a écrit:Oui, le problème avec le terme de "semi-transitivité circonstancielle", c'est que ce serait une transitivité bizarre... Ou qu'on fait de la transitivité quelque chose de très abstrait. Si ça se trouve, le terme essayait de calquer une catégorie issue de la théorie des valences. Il faudrait voir de près, ce que je n'ai pas fait.
Sinon on voit le terme de "complément locatif", et du coup des verbes admettant un complément locatif.
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« Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent. » Samuel Beckett
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