- OsmieSage
stench a écrit:Cripure a écrit:La sociologie de la profession a énormément changé. Brighelli est le prof d'une génération où les concours sélectionnaient les 8-10% des étudiants parmi les plus brillants, souvent grandes gueules et contestataires, politisés dès leurs débuts au lycée et servant à la fois de profs et de mentor (pas tous, mais on en a rencontré, quand on a été scolarisé dans les années 70-80). Aujourd'hui, on a de gentils petits élèves gentiment médiocres (sauf exception, bien sûr), qui écoutent gentiment, se laissent esclavagiser pendant l'année de stage, ont peur de M. CDE, de M. IPR, de M. FCPE, de M. monboucherquitrouvequej'aitrodevacances, trouvent qu'ils sont pleins de privilèges et ont presque honte d'exister. C'est clair que ça n'aide pas à faire évoluer par la force le système : les bonnets rouges, les camionneurs ou les paysans baissent autrement moins la tête.VicomteDeValmont a écrit:Le problème n'est-il pas tout simplement, plutôt qu'un abrutissement de la profession enseignante, un militantisme fatigué et sclérosé de l'intérieur, une inefficacité récurrente (une journée de grève, c'est inutile) des actions menées, une frilosité syndicale (jamais de rétention de notes, de refus de correction ou de surveillance aux examens)?
Quelque chose m'avait vraiment frappé quand j'étais élève : c'est le fait que quand un IPR venait inspecter mes profs, souvent il ne semblait pas à l'aise. Et j'ai assisté au moins deux fois à une mise à la porte dudit IPR de façon tonitruante par un de ces profs que nous adorions et qui n'entendaient pas se laisser marcher sur les pieds. Envisageable aujourd'hui ?
Voilà exactement ce que je pense aussi, même si je suis trop jeune pour avoir vraiment connu la génération dont tu parles.
Moi aussi.
La sociologie de nombreuses professions a changé et ce changement reflète l'époque : absence d'engagement politique et syndical, indifférence, égocentrisme, défaitisme, mépris de classe, autosatisfaction rapide, amour du pognon, vision du monde à court terme. L'ANI est passé comme une lettre à la poste en 2013, et pourtant il précarise tous les travailleurs du privé ; je ne cite que cet exemple car ils sont innombrables. Les journaux ont dû moins en parler que du têtard d'une quelconque tête couronnée ou que du dernier tweet de Loana.
La transmission de la conscience politique ne s'est pas faite d'une génération à une autre, ce qui est très grave (pour ma part, je n'ai rencontré aucun prof marquant et si j'ai apprécié l'un ou l'autre, je n'en ai adoré aucun).
Les concours de l'enseignement ne sont plus sélectifs en effet : la paupérisation voulue et orchestrée illustre assez combien il était important de saborder cette profession. Le professeur commence à 1,1 SMIC et semble parfois content de cela ("j'ai un travail, c'est déjà bien") ; les syndicats et les partis n'organisant plus (ou presque plus) de formations ou de cours du soir, il revient à chacun de se débrouiller pour se former seul. La transmission, cela existe, mais elle ne devrait pas être limitée aux savoirs liés à nos disciplines. La transmission politique, syndicale, sociale est primordiale, mais les volontaires (ou ceux qui restent encore) pour les transmettre ne sont pas légion.
- HonchampDoyen
Carnyx a écrit:
Comme disaient des formateurs : « Les enseignants à l'ancienne vont finir par disparaître comme les dinosaures, hihihi. »
Sans rire, ils le disent !
Il y a 3 ans, le stagiaire d'anglais s'est mis à rire tout seul alors que nous étions en groupe de travail, avec animateur, rapporteur et tout ça et tout ça, lors d'une journée banalisée.
Il a fini par nous dire que certain(e)s d'entre nous correspondaient tout à fait à la description faite "en formation", et envers qui les stagiaires avaient été mis en garde.
Soit les plus âgés, les plus anciens dans l'établissement, qui "râlaient contre tout" et "essayaient toujours de saboter les réunions".
"On" avait dit aux stagiaires "qu'il ne fallait pas se laisser influencer".
Je pense effectivement que le ministère compte sur la pyramide des âges des enseignants pour être débarrassé des plus anciens qui sont évoqués dans les messages précédents.
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"Tu verras bien qu'il n'y aura pas que moi, assise par terre comme ça.."
- InvitéInvité
Carnyx a écrit:
Ils comptaient sur les générations qu'ils formaient, profs bardés de pédagogie innovante, éduqués à changer l'école pour changer la société, évangélistes de la société libérale avancée, nourris à Vitgovsky (Qu'Allah le bénisse !) et éclairés par Meirieu (Qu'Allah le protège !).
Comment faut-il lire cela Carnyx ?
- henrietteMédiateur
Même interrogation que Tamerlan.
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"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
- User5899Demi-dieu
Vous n'avez jamais lu Vialatte ?Tamerlan a écrit:Carnyx a écrit:
Ils comptaient sur les générations qu'ils formaient, profs bardés de pédagogie innovante, éduqués à changer l'école pour changer la société, évangélistes de la société libérale avancée, nourris à Vitgovsky (Qu'Allah le bénisse !) et éclairés par Meirieu (Qu'Allah le protège !).
Comment faut-il lire cela Carnyx ?
- InvitéInvité
Cripure a écrit:Vous n'avez jamais lu Vialatte ?Tamerlan a écrit:Carnyx a écrit:
Ils comptaient sur les générations qu'ils formaient, profs bardés de pédagogie innovante, éduqués à changer l'école pour changer la société, évangélistes de la société libérale avancée, nourris à Vitgovsky (Qu'Allah le bénisse !) et éclairés par Meirieu (Qu'Allah le protège !).
Comment faut-il lire cela Carnyx ?
M'en fiche en l’espèce de Vialatte...
- User5899Demi-dieu
Des ouvrages sur la paranoïa, alors ?Tamerlan a écrit:Cripure a écrit:Vous n'avez jamais lu Vialatte ?Tamerlan a écrit:Carnyx a écrit:
Ils comptaient sur les générations qu'ils formaient, profs bardés de pédagogie innovante, éduqués à changer l'école pour changer la société, évangélistes de la société libérale avancée, nourris à Vitgovsky (Qu'Allah le bénisse !) et éclairés par Meirieu (Qu'Allah le protège !).
Comment faut-il lire cela Carnyx ?
M'en fiche de Vialatte...
Ou sur Zorro ?
- InvitéInvité
Cripure a écrit:Des ouvrages sur la paranoïa, alors ?Tamerlan a écrit:Cripure a écrit:Vous n'avez jamais lu Vialatte ?Tamerlan a écrit:
Comment faut-il lire cela Carnyx ?
M'en fiche de Vialatte...
Ou sur Zorro ?
La paranoïa pas besoin, Zorro oui bien sûr.
Marre de ces jeux de références pourries. N'allez pas me dire que tout cela est gratuit. Il y a des limites à la mauvaise foi.
- User5899Demi-dieu
Je pense que si on ne s'affole pas à lire "grands dieux", on ne doit pas s'affoler de tomber sur d'autres références, qu'Allah les garde vives en nos mémoires. La formule est jolie.
- CarnyxNeoprof expérimenté
C’est ainsi qu’Allah est grand !
D’ailleurs Vialatte vaut bien Vitgovsky : « Les Français, au contraire, sont pour l’incompétence. Ils la vantent, ils la prônent, ils en font une méthode. Ils élaborent des programmes de réforme pour retarder l’enseignement. Ils parlent gravement, entre spécialistes, de “l’apprentissage prématuré de la lecture” ! Le fin du fin de la pédagogie consisterait à empêcher d’apprendre. L’apprentissage prématuré de l’ignorance donnerait de si brillants résultats ! »
Alexandre Vialatte, L’Éléphant est irréfutable.
D’ailleurs Vialatte vaut bien Vitgovsky : « Les Français, au contraire, sont pour l’incompétence. Ils la vantent, ils la prônent, ils en font une méthode. Ils élaborent des programmes de réforme pour retarder l’enseignement. Ils parlent gravement, entre spécialistes, de “l’apprentissage prématuré de la lecture” ! Le fin du fin de la pédagogie consisterait à empêcher d’apprendre. L’apprentissage prématuré de l’ignorance donnerait de si brillants résultats ! »
Alexandre Vialatte, L’Éléphant est irréfutable.
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Of all tyrannies, a tyranny sincerely exercised for the good of its victims may be the most oppressive. It would be better to live under robber barons than under omnipotent moral busybodies. The robber baron’s cruelty may sometimes sleep, his cupidity may at some point be satiated; but those who torment us for our own good will torment us without end for they do so with the approval of their own conscience.
- User5899Demi-dieu
Constatons d'ailleurs, 44 ans après la disparition d'Alexandre Vialatte, que nul n'a réfuté l'éléphant
- GrypheMédiateur
Oui enfin, la mention "Allah" dans le propos ne peut que le desservir, à moins qu'il y ait quelque message subliminal à y déceler.
- CarnyxNeoprof expérimenté
Cripure a écrit:Constatons d'ailleurs, 44 ans après la disparition d'Alexandre Vialatte, que nul n'a réfuté l'éléphant
D’autant plus que l’escargot, quand même, a énormément de caractère : l’escargot ne recule jamais !
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Of all tyrannies, a tyranny sincerely exercised for the good of its victims may be the most oppressive. It would be better to live under robber barons than under omnipotent moral busybodies. The robber baron’s cruelty may sometimes sleep, his cupidity may at some point be satiated; but those who torment us for our own good will torment us without end for they do so with the approval of their own conscience.
- AshtrakFidèle du forum
Ronin a écrit:Daphné a écrit:Iphigénie a écrit:Suis même pas sûre de ce cynisme: on veut que ça ne coûte pas trop, sans dire la vérité sur les conséquences de la massification de l'enseignement sur sa qualité.
Je suis bien d'accord !
Il n'y a que les économies qui les intéressent. Point final.
Absolument pas d'accord, il y en a beaucoup qui mènent une guerre idéologique.
Parfois, j'ai l'impression que le haut de la pyramide cherche la guerre idéologique et que celle-ci n'étant pas audible aux différents relais, ceux-ci la transforment en guerre comptable, en vue de posséder des arguments qu'ils espèrent définitifs.
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Un âne dit toujours ce qu'il pense : hi-han !
- User5899Demi-dieu
Ah bon ? Il y aurait un problème ?Gryphe a écrit:Oui enfin, la mention "Allah" dans le propos ne peut que le desservir, à moins qu'il y ait quelque message subliminal à y déceler.
- stenchMonarque
Gryphe a écrit:Oui enfin, la mention "Allah" dans le propos ne peut que le desservir, à moins qu'il y ait quelque message subliminal à y déceler.
Comme avec la mention "Dieu", non?
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"Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend." Yannis Youlountas
"Ils veulent dessiner l'apartheid, on dessinera le maquis."
- User5899Demi-dieu
On voit par là qu'il n'est pas socialisteCarnyx a écrit:Cripure a écrit:Constatons d'ailleurs, 44 ans après la disparition d'Alexandre Vialatte, que nul n'a réfuté l'éléphant
D’autant plus que l’escargot, quand même, a énormément de caractère : l’escargot ne recule jamais !
- CarnyxNeoprof expérimenté
Cripure a écrit:On voit par là qu'il n'est pas socialisteCarnyx a écrit:Cripure a écrit:Constatons d'ailleurs, 44 ans après la disparition d'Alexandre Vialatte, que nul n'a réfuté l'éléphant
D’autant plus que l’escargot, quand même, a énormément de caractère : l’escargot ne recule jamais !
Allez, faut être innovant, Vialatte pour les L (en VO sous-titrée et en enlevant la dernière phrase) !
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Of all tyrannies, a tyranny sincerely exercised for the good of its victims may be the most oppressive. It would be better to live under robber barons than under omnipotent moral busybodies. The robber baron’s cruelty may sometimes sleep, his cupidity may at some point be satiated; but those who torment us for our own good will torment us without end for they do so with the approval of their own conscience.
- User5899Demi-dieu
Oh mais j'en fais lire, du Vialatte, et avec la clausule
C'est du bonheur, mais c'est vrai que c'est un humour de plus en plus difficile à faire comprendre. Un peu comme la prose du XVIIe...
C'est du bonheur, mais c'est vrai que c'est un humour de plus en plus difficile à faire comprendre. Un peu comme la prose du XVIIe...
- Vialatte:
Je chanterai le choucas, le commis voyageur, la solitude de nos provinces, et le vieillard qui se déplace trompeusement entre Château-Chinon et Vandenesse.
Rien ne m’arrachera à ces devoirs urgents.
Tout homme habite une île déserte, et les bateaux n’y passent qu’à l’horizon. L’homme meurt seul, ayant vécu seul. Son dernier mot, c’est la solitude. Car rien n’est plus semblable à l’homme qu’un autre homme, mais rien n’en est plus différent. Et c’est pourquoi Henri Pourrat prêche l’amitié ; les chrétiens préconisent l’amour et les républicains chantent la fraternité. C’est pourquoi les célibataires ont imaginé le mariage, qui est une idée de célibataire. C’est pourquoi le sous-préfet invite les fonctionnaires à danser parmi les plantes vertes avec des dames aux épaules nues. C’est pourquoi les messieurs se laissent pousser la moustache, pour chatouiller l’oreille des dames quand ils leur font des confidences (la moustache est un trait d’union). C’est pourquoi on ne peut plus circuler dans Paris. C’est pourquoi tout, ou presque tout. Et c’est pourquoi le reportage le plus tentant est celui de la solitude : les bergers de haute montagne, certains marins, les moines, les Sahariens. Ce sont des hommes qui ont rencontré l’homme et qui ont même vécu avec lui. Ils en donnent des nouvelles. Ils savent. Quelquefois même, ils consentent à parler.
Les portes de la Solitude sont des portes monumentales. Il y en a une à Ghardaïa, en plein désert. C’est une flèche ripolinée. Avec cette inscription parfaite : « Ghardaïa, 3 KM ; Tombouctou, 5000 KM ». Ça dit très bien ce que ça veut dire. On ne saurait mieux s’exprimer. Il y en a une autre à Font-d’Hurle (c’est un haut plateau, dans le Vercors) ; elle est en bois, à claire-voie, longue, basse, encastrée dans rien. Il n’y a rien à droite, rien à gauche, pas un mur, pas un fil de fer, rien par devant, rien par derrière, si loin que s’étende la vue. Seulement cette inscription grandiose : « Prière aux visiteurs de refermer derrière eux ». On ne saurait mieux dire à l’homme que, d’où qu’il vienne, où qu’il aille, il ne peut jamais ouvrir ou fermer que sur soi. Et ce qu’il y a de plus paradoxal, c’est que, précisément parce que c’est inutile (ou alors pourquoi ? … je ne sais pas), on se donne la peine de passer par la porte (Kafka en eût fait dix volumes), d’entrer dans un endroit où l’on se tient déjà !
On y trouve la Solitude. Le solitaire la personnifie. Le solitaire vit seul au sommet des montagnes, en présence de Dieu et de quelque coquille d’œuf oubliée par le prédécesseur (car il est peu de solitudes inviolées où la main de l’homme n’ait déjà posé culotte). Il connaît le nom des étoiles, vit des restes du repas de midi et se retrouve en suivant les fleuves. Il mange dans une cuvette d’émail qui lui sert à des tas d’autres choses, des nouilles mal cuites et du mouton qui sent le bouc ; son chien la nettoie d’un coup de langue. C’est un homme extraordinaire. Il mouille son doigt pour savoir d’où vient le vent.
Le dernier que j’ai trouvé vit au pied de la Victoire, dans une petite ville de province.
J’étais allé voir nos provinces. J’en suis revenu assez découragé. Il n’y a personne dans nos provinces. Il n’y a que la neige et un ciel noir. Un choucas au nord du Morvan, une jument au bord de la Loire… Çà et là un enfant martyr… (Encore ne l’est-il pas tellement…). Et un vieillard qui se déplace lentement sur la route de Château-Chinon (en ce moment, il doit être près de Vandenesse). Le reste est vide, musique des sphères, horizon noir et commis voyageurs. Le ciel est noir, la terre est blanche. Le vieillard et le choucas sont noirs. Quelquefois, il y a trois choucas. Notre province est une absence organisée. Tout le prouve. C’est une ruse de Bismarck.
Le plus étrange est qu’une foule de détails y parlent un passage de l’homme : labours, églises, lignes téléphoniques. S’agit-il d’un pays vestige ? d’une race éteinte ? Ou bien les gens viennent-ils de nuit labourer, bâtir des églises et se faire cuire de petits blaireaux noirs ?
Le solitaire est un homme charmant qui ressemble à Karl Marx en plus maigre, avec des lunettes cerclées d’or et une belle barbe de roi de pique. Il porte un pardessus vert légèrement usagé et il s’appuie sur la petite barrière qui sépare l’homme de la Victoire. Il y donne l’échelle humaine. Sa seule occupation est de porter un chignon.
D’autres m’ont expliqué que ce vieux gentleman avait conçu pour le druidisme une immense considération, que les druides portaient les cheveux longs, et qu’il ne voit pas de raison de vouloir faire mieux que les druides. Il a mis à sa maison-nette une porte en papier journal et, le premier de l’an, il pique du gui dans son chignon.
Armand Gatti revient de Chine. C’est le seul journaliste français qui soit entré à Berlin par le sud à cheval sur un cheval blanc et qui ait tenu de ce cheval des propos d’un style soutenu sur le lyrisme en général et sur plusieurs poètes d’avant-garde. À Pékin, il a fait des conférences-goûters aux artistes de l’Opéra. Un de ses confrères ayant parlé de notre théâtre tel qu’il est, il a présenté à son tour notre théâtre tel qu’il n’est pas et préconisé pour remède le Théâtre spatial avec lâcher de bêtes fauves au moment du lever du rideau. On lui a demandé ses brochures-programmes. Il a été très applaudi. Un vieil agriculteur chinois s’est détaché de la foule pour réclamer quelques détails.
Gatti assure que d’ici quarante ans le globe entier sera une colonie chinoise. Quand les Chinois arriveront en France, je suis effrayé, à la lumière de mes voyages, par ce qu’ils y trouveront sous un épais brouillard : une statue de la Victoire, un vieux gentleman à chignon, un choucas au nord du Morvan, et un vieillard enfin parvenu à Vandenesse. Il y a là certainement quelque chose qui ne va pas.
Le vieil agriculteur a demandé à Gatti, car depuis la révolution il observe la politique :
« Ce M. Ramadier, dont on a tant parlé, a-t-il bien répondu en France aux espoirs qu’on fondait sur lui ? »
Je reviens de France avec la sensation que M. Ramadier lui-même n’a pas comblé nos espérances.
Alexandre VIALATTE, Les Champignons du détroit de Behring, chronique initialement parue dans la Nouvelle Revue Française du 1er mars 1956
- Vialatte (II):
- L’Homme d’aujourd’hui
L‘homme d’aujourd’hui n’est pas ce qu’on peut imaginer platement en le voyant dans la rue épousseter sa deux-chevaux avec un petit plumeau de couleur, ou même en caresser les vitres avec une peau de chamois jaune d’or. « L’homme d’aujourd’hui, m’apprend une réclame d’éditeur, entend se comporter comme un adulte responsable. Il se méfie des idées préconçues. Ou imposées. Il recherche les faits. Il dispute, il juge, il décide par lui-même. Il veut connaître le dossier des affaires sur lesquelles il doit s’engager ».
Tel est l’homme d’aujourd’hui. Il « décide par lui-même » d’épousseter sa deux-chevaux avec une peau de chamois. Que faisait-il donc hier ? Lorsque j’étais enfant, un garçon de dix-neuf ans menait une section au feu. Et la ramenait. Autant que possible. S’il s’endormait en sentinelle, on le fusillait. Quand un garçon du même âge, aujourd’hui, plante un couteau dans le ventre d’une vieille dame, on en accuse la société. On plaint le pauvre enfant d’avoir manqué d’une mère qui le chouchoutât suffisamment. Peut-être a-t-on raison (la vieille dame dit le contraire, mais on ne peut être juge et partie ; tant pis pour elle) : peut-être donc a-t-on raison, mais on est bien obligé de constater que l’âge adulte commence plus tard.
« L’homme d’aujourd’hui se méfie des idées imposées ». Que faisait donc l’homme d’hier ? Comment s’imagine-t-on que raisonnaient Aristote, Platon, Socrate, Luther, Calvin ou Thomas ? En matière religieuse, il n’est pas d’hérésie, de schisme, d’idée biscornue, de coupage de cheveux en seize qui soient encore à inventer. La doctrine du « libre examen » coupa la chrétienté en deux. Et encore faut-il ajouter que, parmi les tenants de la simple tradition, il y en avait énormément qui le restaient par libre examen, par suite d’un raisonnement qui les amenait à se dire que la vérité avait plus de chances de se trouver du côté de la majorité des spécialistes de plusieurs siècles.
S’agirait-il de politique ? Il faut arriver à nos jours pour découvrir une théorie qui donne d’avance un blanc-seing au pouvoir. C’est un miracle de la foi, non le fait d’un esprit qui « connaît le dossier de l’affaire dans laquelle il s’engage ».
S’agit-il de commerce ou de publicité ? On vend ce qu’on veut à qui l’on veut. On crée des besoins rien qu’avec une image. Les ménagères ne marchandent plus : elles achètent 300 la tomate de Durand qui est à 200 chez Dupont, juste à côté. Pourquoi ? Dieu sait ! Certainement pas parce qu’elles ont « étudié le dossier » !
La vérité, c’est qu’on n’a jamais vu pareille docilité des masses. Parce qu’il n’y eut jamais tant de moyens de les conditionner à son gré. L’instruction elle-même y concourt, qui permet de lire le même journal à tous les hommes. L’analphabète était bien obligé d’avoir ses idées personnelles, « de disputer, de juger, de décider par lui-même ». Aujourd’hui, il en croit le prospectus général.
Le prospectus général l’assure qu’il ne cesse de devenir plus libre, plus intelligent et plus fort. Que les siècles se superposent et qu’il y voit, par conséquent, de plus en plus loin. Mais il en va de ce socle hautain comme de celui de ce procureur auquel un avocat disait : « Monsieur l’Avocat général, votre position supérieure est une erreur du menuisier ».
La superposition des siècles est une erreur de la métaphore, disons une aventure de la comparaison. Une aventure risquée. Avec une autre image, on montrerait aussi bien l’homme écrasé par le poids du temps. Depuis qu’il existe et qu’il attend l’autobus 27 sous une pluie fine, il a bien le droit d’être fatigué. Aussi fait-il la queue sans jamais protester. L’occupation, la pénurie, l’habitude de se mettre derrière, lui ont appris à tout avaler. On n’entend plus au guichet de la Poste ce client revendicateur et prêt à tout pour la joie de protester, même à marchander le timbre-poste ; cet homme têtu, grandiloquent et tatillon qui fit la fortune de Courteline.
L’évolution, s’il en est une, a agi dans le sens de la docilité. La « révolte » elle-même est un slogan. Une idée reçue avec respect et par tout le monde. Jamais époque ne fut aussi respectueuse du pour, du contre, et de tout ce qu’on veut. Je cherche en vain cet « homme d’aujourd’hui » dont m’entretiennent les prospectus comme d’un géant de l’opinion personnelle. Il faut chercher l’homme d’aujourd’hui où il se trouve. À l’arrêt de l’autobus 27. Sous une pluie fine. En chapeau mou. Il revient de son triste travail au bout d’une journée monotone. Il ne « dispute » pas, il ne « juge » pas, il ne veut ouvrir aucun « dossier ». Il veut regagner aussi vite que possible sa maison grise dans sa pluvieuse banlieue. Il demande uniquement deux choses : premièrement, de ne pas faire de guerre ; deuxièmement, une augmentation.
Tel est le fruit de sa petite expérience.
Et c'est ainsi qu'Allah est grand.
Alexandre VIALATTE, La Montagne (5 février 1967)
- PabloPEExpert
Même question en fait.. si il avait écrit que Dieu le protège nul n'aurait relevé...Cripure a écrit:Ah bon ? Il y aurait un problème ?Gryphe a écrit:Oui enfin, la mention "Allah" dans le propos ne peut que le desservir, à moins qu'il y ait quelque message subliminal à y déceler.
Bon et sinon la prochaine fois avant d'ouvrir un fil consacré à JPB je lance les paris: qui va déclarer au bout de 10 min qu'il est un affreux raciste, qui va lancer un scud sur son incompétence professionnelle, quelles sont les matières qui vont le défendre (bon ça c’est facile hein ) et quelle est celle qui va l'enfoncer systématiquement mettant à mal tous ses arguments (et quels sont les rares qui dans cette matière vont dissoner)
Ca marche à tous les coups
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"Et moi qui
me croyais tranquille pour un bout de temps avec mon chat brun."
- InvitéInvité
PabloPE a écrit:Même question en fait.. si il avait écrit que Dieu le protège nul n'aurait relevé...Cripure a écrit:Ah bon ? Il y aurait un problème ?Gryphe a écrit:Oui enfin, la mention "Allah" dans le propos ne peut que le desservir, à moins qu'il y ait quelque message subliminal à y déceler.
C'est sûr que le contexte pour analyser un texte cela ne compte pas...
PabloPE a écrit:
Bon et sinon la prochaine fois avant d'ouvrir un fil consacré à JPB je lance les paris: qui va déclarer au bout de 10 min qu'il est un affreux raciste, qui va lancer un scud sur son incompétence professionnelle, quelles sont les matières qui vont le défendre (bon ça c’est facile hein ) et quelle est celle qui va l'enfoncer systématiquement mettant à mal tous ses arguments (et quels sont les rares qui dans cette matière vont dissoner)
Ca marche à tous les coups
Bien sûr, le fil est déjà écrit. Salauds d'historiens ! (bon, pas tous hein, il y en a quand même qui lisent Vialatte!)
- ditaNeoprof expérimenté
J'ai un portrait de l'individu Brighelli ke je balance des tomate pourri dessu mdr c un facho c bouffon.
Je sui prof de françai dan un bahut ke je kiff bien, lol on fai pas bcp de françai. Pour fair voir au Elèves les formes de comic, je leur montre un chef d'oeuvre du 7 ème art, c Camping, avec Frank Dubosc. J'ai ossi une sékence sur le roman, on li Musso, Levy et leur potes, oh lala, qu'est ce que c cro bien !
Je sui passé en konseil de discipline parce ke je voulai coller un Elève qui n'avai pas voulu travaillé, heureusemen, ses parant n'ont pas était tro méchan avec moi, j'ai juste des excuse public à lui fair, et une amande de 300 euro. Ca m'apprendrat a être ailitiste.
Donc, Brighelli est un konnar car il n'a pas compri ke le nouveau collège, c ke du bonheur, qu'esce kon c'éclatent a pas bossée ! Et pis koi encore, faudrai que les Magrépasbien puissent rentrer à Thiers ? A non, alors, Madame Le Pen, notre présidente, elle a raizon, les Arabes, on les aiment bie, mais faut pas pousser, kand même.
Allez, je vai allée préparé mes nouvo cour : il fo bien ke je préparent ma rentrer 2025.
Je sui prof de françai dan un bahut ke je kiff bien, lol on fai pas bcp de françai. Pour fair voir au Elèves les formes de comic, je leur montre un chef d'oeuvre du 7 ème art, c Camping, avec Frank Dubosc. J'ai ossi une sékence sur le roman, on li Musso, Levy et leur potes, oh lala, qu'est ce que c cro bien !
Je sui passé en konseil de discipline parce ke je voulai coller un Elève qui n'avai pas voulu travaillé, heureusemen, ses parant n'ont pas était tro méchan avec moi, j'ai juste des excuse public à lui fair, et une amande de 300 euro. Ca m'apprendrat a être ailitiste.
Donc, Brighelli est un konnar car il n'a pas compri ke le nouveau collège, c ke du bonheur, qu'esce kon c'éclatent a pas bossée ! Et pis koi encore, faudrai que les Magrépasbien puissent rentrer à Thiers ? A non, alors, Madame Le Pen, notre présidente, elle a raizon, les Arabes, on les aiment bie, mais faut pas pousser, kand même.
Allez, je vai allée préparé mes nouvo cour : il fo bien ke je préparent ma rentrer 2025.
- doctor whoDoyen
(Descendez ou encensez Brighelli tant que vous voulez, mais laissez Vygotski hors de tout ça, svp.)
_________________
Mon blog sur Tintin (entre autres) : http://popanalyse.over-blog.com/
Blog pédagogique : http://pedagoj.eklablog.com
- PabloPEExpert
Le contexte ou l'état d'esprit du lecteur?Tamerlan a écrit:PabloPE a écrit:Même question en fait.. si il avait écrit que Dieu le protège nul n'aurait relevé...Cripure a écrit:Ah bon ? Il y aurait un problème ?Gryphe a écrit:Oui enfin, la mention "Allah" dans le propos ne peut que le desservir, à moins qu'il y ait quelque message subliminal à y déceler.
C'est sûr que le contexte pour analyser un texte cela ne compte pas...
Je n'ai rien dit de tel (d'autant que perso .. mais bref là n'est pas le sujet) mais force est d'avouer que sur ce forum et sur twitter (IRL les choses sont bien différentes ) à chaque fois les mêmes bondissent dès que JPB est évoqué. Et on se retrouve avec les mêmes clichés quel que soit l'article cité.Tamerlan a écrit:PabloPE a écrit:
Bon et sinon la prochaine fois avant d'ouvrir un fil consacré à JPB je lance les paris: qui va déclarer au bout de 10 min qu'il est un affreux raciste, qui va lancer un scud sur son incompétence professionnelle, quelles sont les matières qui vont le défendre (bon ça c’est facile hein ) et quelle est celle qui va l'enfoncer systématiquement mettant à mal tous ses arguments (et quels sont les rares qui dans cette matière vont dissoner)
Ca marche à tous les coups
Bien sûr, le fil est déjà écrit. Salauds d'historiens ! (bon, pas tout hein, il y a en quand même qui lisent Vialatte!)
Et j'ai encore en mémoire tous les profs d'HG uniquement qui m'expliquaient à l'époque des dindons combien nous étions sots de ne pas voir à quel point le MEN détenait LA vérité concernant l'école et que seule la réforme des rythmes scolaires était capable de sauver la France (mais pas la grammaire bouh c'est laid la grammaire épi ça ennuie les petits nenfans qui sont pris en otage de vieux profs réacs qui font rien que leur bourrer le crâne avec des trucs inutiles alors que le TAP c'est le biendézenfants).
Ca avait titillé ma curiosité et j'avoue que ça m'est resté. :lol:
A l'inverse on constate mieux les dégâts actuels dans l'EN en lisant les profs de lettres ou de maths
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"Et moi qui
me croyais tranquille pour un bout de temps avec mon chat brun."
- InvitéInvité
PabloPE a écrit:Le contexte ou l'état d'esprit du lecteur?Tamerlan a écrit:PabloPE a écrit:Même question en fait.. si il avait écrit que Dieu le protège nul n'aurait relevé...Cripure a écrit:
Ah bon ? Il y aurait un problème ?
C'est sûr que le contexte pour analyser un texte cela ne compte pas...
Les deux bien sûr, mais nous savons bien que les dérives de JPB partant systématiquement de l'Islam (il me semble que quasiment personne ne le conteste), le lecteur puisse avoir l’œil attiré sur cette formulation. Cela vous paraît-il si étrange que cela?
- ElyasEsprit sacré
PabloPE a écrit:Le contexte ou l'état d'esprit du lecteur?Tamerlan a écrit:PabloPE a écrit:Même question en fait.. si il avait écrit que Dieu le protège nul n'aurait relevé...Cripure a écrit:
Ah bon ? Il y aurait un problème ?
C'est sûr que le contexte pour analyser un texte cela ne compte pas...Je n'ai rien dit de tel (d'autant que perso .. mais bref là n'est pas le sujet) mais force est d'avouer que sur ce forum et sur twitter (IRL les choses sont bien différentes ) à chaque fois les mêmes bondissent dès que JPB est évoqué. Et on se retrouve avec les mêmes clichés quel que soit l'article cité.Tamerlan a écrit:PabloPE a écrit:
Bon et sinon la prochaine fois avant d'ouvrir un fil consacré à JPB je lance les paris: qui va déclarer au bout de 10 min qu'il est un affreux raciste, qui va lancer un scud sur son incompétence professionnelle, quelles sont les matières qui vont le défendre (bon ça c’est facile hein ) et quelle est celle qui va l'enfoncer systématiquement mettant à mal tous ses arguments (et quels sont les rares qui dans cette matière vont dissoner)
Ca marche à tous les coups
Bien sûr, le fil est déjà écrit. Salauds d'historiens ! (bon, pas tout hein, il y a en quand même qui lisent Vialatte!)
Et j'ai encore en mémoire tous les profs d'HG uniquement qui m'expliquaient à l'époque des dindons combien nous étions sots de ne pas voir à quel point le MEN détenait LA vérité concernant l'école et que seule la réforme des rythmes scolaires était capable de sauver la France (mais pas la grammaire bouh c'est laid la grammaire épi ça ennuie les petits nenfans qui sont pris en otage de vieux profs réacs qui font rien que leur bourrer le crâne avec des trucs inutiles alors que le TAP c'est le biendézenfants).
Ca avait titillé ma curiosité et j'avoue que ça m'est resté. :lol:
A l'inverse on constate mieux les dégâts actuels dans l'EN en lisant les profs de lettres ou de maths
C'est pourtant un professeur d'histoire-géographie qui a posté sur ce sujet une défense de la grammaire.
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