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User5899
Demi-dieu

Kierkegaard : "La Maladie à la mort" (un exposé psychologique chrétien pour l'édification et le réveil)  - Page 4 Empty Re: Kierkegaard : "La Maladie à la mort" (un exposé psychologique chrétien pour l'édification et le réveil)

par User5899 Dim 8 Mar 2015 - 11:50
Gryphe a écrit:
Parménide a écrit:Je me sens perdu... je ne sais pas quoi lire, qui croire dans ce que je lis, ni rien... Sad

Là justement, dans cette lecture, je me heurte à la même chose que ce à quoi je me heurte depuis 8 ans... Sad
Pourtant les explications données par les collègues expérimentés ci-dessus sont lumineuses.
Si tu n'y arrives pas, sérieusement, fais autre chose. Ou alors c'est lié à une impossibilité passagère (troubles obsessionnels, dépression, etc.) sur laquelle nous ne pouvons nous prononcer et pour laquelle tu dois faire un gros travail. Mais en l'état, dire "je ne sais pas quoi lire" alors que tu as un livre en main et des éclaircissements donnés par les philosophes du forum qui prennent du temps pour t'aider, ce n'est pas acceptable. Et si tu te sens perdu... Je comprends ce sentiment, mais il faut faire un vrai travail dessus jusqu'à ce que tu trouves ta voie.  fleurs

Kierkegaard : "La Maladie à la mort" (un exposé psychologique chrétien pour l'édification et le réveil)  - Page 4 Tintin-Lao-Tzeu
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par Gryphe Dim 8 Mar 2015 - 11:52
Parménide a écrit:Non mais cette histoire d'instant qui n'en est pas tout en l'étant... je ne comprends pas du tout. Comment fait-on l'expérience de cet instant s'il n'est pas juste l'instant mathématique?  

Il fait beau ?
Tu sors au grand air. Tu respires profondément. Tu écoutes les oiseaux chanter le printemps qui arrive. Tu oublies tout. Tu respires à nouveau. Tu sens les rayons du soleil sur ta peau. Tu te sens bien, en harmonie avec la terre, l'univers, le cosmos. C'est un beau moment, c'est un instant un peu magique, qui dépasse infiniment le cadre de "dimanche 08/03/2015, 11:53:26 GMT".
Voilà.

Faire la même expérience avec un beau morceau de musique doit être possible. Very Happy

En fait, tu essayes de comprendre intellectuellement alors que j'ai l'impression qu'il s'agit de sentir le truc presque corporellement avec tous ses sens. (Mais je peux me tromper.)
Carnyx
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par Carnyx Dim 8 Mar 2015 - 11:53
Allez ! Il n'y a encore que 4 pages pour l'instant ! Very Happy

_________________
Of all tyrannies, a tyranny sincerely exercised for the good of its victims may be the most oppressive. It would be better to live under robber barons than under omnipotent moral busybodies. The robber baron’s cruelty may sometimes sleep, his cupidity may at some point be satiated; but those who torment us for our own good will torment us without end for they do so with the approval of their own conscience.
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par Parménide Dim 8 Mar 2015 - 12:01
Gryphe a écrit:
En fait, tu essayes de comprendre intellectuellement alors que j'ai l'impression qu'il s'agit de sentir le truc presque corporellement avec tous ses sens. (Mais je peux me tromper.)

Attention, je travaille la philosophie, je ne concours pas pour le printemps des poètes !  professeur

Faire de la philosophie, rédiger une dissertation, faire cours, etc... ce n'est pas sentir, c'est penser !

Cripure a écrit:
Parménide a écrit:Non mais cette histoire d'instant qui n'en est pas tout en l'étant... je ne comprends pas du tout. Comment fait-on l'expérience de cet instant s'il n'est pas juste l'instant mathématique?  
Pensez aux instances : ces structures administratives qui se tiennent droit à l'endroit fixé par la constitution, le règlement. Le mot en latin peut à la fois être locatif (celui qui se tient à un endroit précis) et temporel.

Oui, donc ça irait dans le sens de la durée, l'instant kierkegaardien serait un quasi synonyme de durée. C'est ce que disait Robin au début, en fait.

***

Ce texte est vraiment très riche et touffu... Il y a énormément de choses et c'est très spéculatif. Je n'ai surement pas choisi le texte de K. le plus accessible mais bon... C'est le fait qu'il y ait un dossier, un commentaire, etc, avec, qui m'a poussé à l'acheter.

Et puis en lisant j'ai commencé à voir des contradictions :  tantôt il est dit que le pire désespoir est celui dont on n'a pas conscience, tantôt que c'est celui dont on a conscience. Et puis il y a une conception inauthentique du désespoir et une conception authentique... Kierkegaard : "La Maladie à la mort" (un exposé psychologique chrétien pour l'édification et le réveil)  - Page 4 3795679266

_________________
"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)

"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)

"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)

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par Gryphe Dim 8 Mar 2015 - 12:05
faire cours, etc... ce n'est pas sentir, c'est penser !

Si tu comptes faire cours avec ta seule pensée, excuse-moi, mais tu te mets le doigt dans l’œil.
Faire cours exige la mobilisation de toutes tes capacités, intellectuelles, sensibles, physiques.
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par henriette Dim 8 Mar 2015 - 12:07
Parménide a écrit:
Gryphe a écrit:
En fait, tu essayes de comprendre intellectuellement alors que j'ai l'impression qu'il s'agit de sentir le truc presque corporellement avec tous ses sens. (Mais je peux me tromper.)

Attention, je travaille la philosophie, je ne concours pas pour le printemps des poètes !  professeur

Faire de la philosophie, rédiger une dissertation, faire cours, etc... ce n'est pas sentir, c'est penser !


Cripure a écrit:
Parménide a écrit:Non mais cette histoire d'instant qui n'en est pas tout en l'étant... je ne comprends pas du tout. Comment fait-on l'expérience de cet instant s'il n'est pas juste l'instant mathématique?  
Pensez aux instances : ces structures administratives qui se tiennent droit à l'endroit fixé par la constitution, le règlement. Le mot en latin peut à la fois être locatif (celui qui se tient à un endroit précis) et temporel.

Oui, donc ça irait dans le sens de la durée, l'instant kierkegaardien serait un quasi synonyme de durée. C'est ce que disait Robin au début, en fait.

***

Ce texte est vraiment très riche et touffu... Il y a énormément de choses et c'est très spéculatif. Je n'ai surement pas choisi le texte de K. le plus accessible mais bon... C'est le fait qu'il y ait un dossier, un commentaire, etc, avec, qui m'a poussé à l'acheter.

Et puis en lisant j'ai commencé à voir des contradictions :  tantôt il est dit que le pire désespoir est celui dont on n'a pas conscience, tantôt que c'est celui dont on a conscience. Et puis il y a une conception inauthentique du désespoir et une conception authentique... Kierkegaard : "La Maladie à la mort" (un exposé psychologique chrétien pour l'édification et le réveil)  - Page 4 3795679266
Je n'en suis pas si sûre, et je te trouve bien condescendant.
Le problème vient peut-être de là, du reste. On n'est pas de purs esprits, et nier la partie sensible de l'être et de la conscience, c'est une aberration.

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"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
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par philopoussin Dim 8 Mar 2015 - 12:12
Voilà que sentir et penser vont s' exclure maintenant. Et que la philosophie va congédier le premier. L'amatrice de philosophie esthétique en moi frémit. 
Jésus-Marie-Georgette, pardonnez-lui, il ne sait pas ce qu'il dit...

et si tu nous expliquais cette partition entre désespoir authentique et inauthentique? Embarassed
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par Parménide Dim 8 Mar 2015 - 12:13
henriette a écrit:
Parménide a écrit:
Gryphe a écrit:
En fait, tu essayes de comprendre intellectuellement alors que j'ai l'impression qu'il s'agit de sentir le truc presque corporellement avec tous ses sens. (Mais je peux me tromper.)

Attention, je travaille la philosophie, je ne concours pas pour le printemps des poètes !  professeur

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Cripure a écrit:
Pensez aux instances : ces structures administratives qui se tiennent droit à l'endroit fixé par la constitution, le règlement. Le mot en latin peut à la fois être locatif (celui qui se tient à un endroit précis) et temporel.

Oui, donc ça irait dans le sens de la durée, l'instant kierkegaardien serait un quasi synonyme de durée. C'est ce que disait Robin au début, en fait.

***

Ce texte est vraiment très riche et touffu... Il y a énormément de choses et c'est très spéculatif. Je n'ai surement pas choisi le texte de K. le plus accessible mais bon... C'est le fait qu'il y ait un dossier, un commentaire, etc, avec, qui m'a poussé à l'acheter.

Et puis en lisant j'ai commencé à voir des contradictions :  tantôt il est dit que le pire désespoir est celui dont on n'a pas conscience, tantôt que c'est celui dont on a conscience. Et puis il y a une conception inauthentique du désespoir et une conception authentique... Kierkegaard : "La Maladie à la mort" (un exposé psychologique chrétien pour l'édification et le réveil)  - Page 4 3795679266
Je n'en suis pas si sûre, et je te trouve bien condescendant.
Le problème vient peut-être de là, du reste. On n'est pas de purs esprits, et nier la partie sensible de l'être et de la conscience, c'est une aberration.

Je ne voulais pas être condescendant, mais ça me fait peur, le fait de vouloir se rabattre sur du ressenti dans les cas où l'on ne comprend pas intellectuellement.

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par philopoussin Dim 8 Mar 2015 - 12:18
Se rabattre? Comment? Pardon? affraid
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par Parménide Dim 8 Mar 2015 - 12:30

philopoussin a écrit:Se rabattre? Comment? Pardon? affraid

Qu'ai je dit de si affreux?

philopoussin a écrit:
et si tu nous expliquais cette partition entre désespoir authentique et inauthentique? Embarassed

Justement, je ne suis pas sur de comprendre. L'authentique serait plutôt celui dont on n'est pas conscient. Mais le texte se contredit sans arrêt, alors bon... heu

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par Robin Dim 8 Mar 2015 - 12:40
Parménide a écrit:
philopoussin a écrit:Se rabattre? Comment? Pardon? affraid

Qu'ai je dit de si affreux?  

philopoussin a écrit:
et si tu nous expliquais cette partition entre désespoir authentique et inauthentique? Embarassed

Justement, je ne suis pas sur de comprendre. L'authentique serait plutôt celui dont on n'est pas conscient. Mais le texte se contredit sans arrêt, alors bon...  heu

L'homme qui désespère a un "sujet" de désespoir. Mais ce n'est pas là, pour Kierkegaard, le véritable désespoir. Il prend l'exemple d'un ambitieux qui voudrait être César. L'ambitieux n'est pas désespéré de ne pas être être César, mais d'être encore lui-même, de ne pas avoir réussi à se défaire de son moi. Autre exemple : la jeune fille qui désespère de la perte de son ami, mort ou volage, ne désespère pas de cette perte, mais désespère d'elle-même.

Désespérer d'une chose (précise) n'est pas le véritable désespoir, mais c'en est le début.

Le désespoir se présente donc sous deux formes :

désespérer de soi, vouloir se défaire de soi
vouloir être soi.

L'universalité du désespoir

Tous les hommes, qu'ils soient chrétiens (sauf à l'être intégralement) ou non, ont un grain de désespoir. Presque tous les hommes sont désespérés, y compris (et surtout ceux) qui pensent être exempts de désespoir. "C'est une forme de désespoir que d'être inconscient d'être désespéré."

Ne pas être désespéré n'est pas la même chose qu'être en bonne santé. Dans le domaine de la santé et de la maladie, le médecin ne se fie pas à la parole du patient. Il en est de même du psychologue en ce qui concerne cette maladie du moi qu'est le désespoir. Ceux qui se disent désespérés ne le sont pas toujours : le désespoir peut n'être qu'une forme de snobisme, de pause romantique, même s'il s'agit là, malgré ou plutôt à cause de son insignifiance, d'une forme de désespoir (stade esthétique).

"Le désespoir est une catégorie de l'esprit suspendu à l'éternité et par conséquent un peu d'éternité entre dans sa dialectique." (p. 81)

Dans la maladie, le malaise réside dans la maladie même, alors que dans le désespoir, le malaise est dialectique. Ne jamais avoir ressenti le désespoir, c'est le désespoir même.

Le désespoir est difficile à diagnostiquer. Un même symptôme (par exemple le calme, la sérénité) peut signifier deux états diamétralement opposés : l'absence de désespoir (l'état animal, le stade esthétique) ou le désespoir surmonté (le stade religieux). Il n'y a pas de santé immédiate de l'esprit.

Le désespoir est l'inconscience où sont les hommes de leur destinée spirituelle.

"Justement, en effet, parce qu'il n'est que dialectique, le désespoir est la maladie, peut-on dire que le pire des malheurs est de n'avoir pas eue... et c'est une chance divine de l'attraper, quoiqu'elle soit de toutes la plus nocive, quand on ne veut en guérir. Tant il est vrai que, sauf en ce cas, guérir est un bonheur, et que c'est la maladie le malheur." (p. 83)

Cependant, la plupart des gens vivent sans grande conscience de leur destinée spirituelle. Ceux qui se disent désespérés sont de deux sortes :

ceux qui ont assez de profondeur pour prendre conscience de leur destinée spirituelle.
ceux qui ont été éprouvés par de durs événements ou d'âpres décisions (par exemple la décision que prit Kierkegaard de rompre ses fiançailles avec Régine Olsen).

Cependant, les épreuves personnelles ne suffisent pas à "convertir" le moi : "Oh ! je sais bien tout ce qui se dit de la détresse humaine... et j'y prête l'oreille, j'en ai aussi connu plus d'un cas de près ; que ne dit-on pas d'existences gâchées ! Mais seule se gaspille celle que leurrent tant les joies ou les peines de la vie, qu'elle n'arrive jamais, comme un gain décisif pour l'éternité, à la conscience d'être un esprit, un moi, autrement dit jamais à remarquer ou à ressentir à fond l'existence d'un Dieu ni qu'elle-même ; "elle", son moi, existe pour ce Dieu ; mais cette conscience, ce gain de l'éternité, ne s'obtient qu'au-delà du désespoir." (p. 84)
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par philopoussin Dim 8 Mar 2015 - 12:42
Je veux dire d’une part que les explications des membres du forum, et éventuellement l’article que j’ai posté , insistent sur le fait que la philosophie de K. - comprise comme un existentialisme - relève autant du sentir que du penser, pour ne pas dire qu’elle s'enracine profondément dans l'expérience que tu sembles tant dédaigner, sans pour autant rejoindre le mysticisme que tu as rapidement évoqué. Je veux dire d’autre part que toutes les explications fournies me semblent raisonnables - et qu’il ne s’agit nullement d’un "printemps des poètes" que tu sembles dédaigner également. Bref, on ne se "rabat" pas sur le sensible, le vécu,  l'émotion,  tout ce que tu sembles mettre dans le grand sac à poubelle.

Je t’incitais à tenter de penser la difficulté authentique/inauthentique parce que c’est précisément quand ça grince, avec un texte, que l’on commence le travail. Et avant d’accuser le texte, le lecteur, c’est une question de probité, je crois que tu aimes Nietzsche? - fait au moins l’effort de le mettre à plat et de le considérer "dans la dentelle" avec une attention patiente.
Sur ce, bon travail, j’ai du Maldiney sur le feu...

EDIT : Il ne suffit pas de lire que les sables des plages sont doux ; je veux que mes pieds nus le sentent (...) pingouin
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par Parménide Dim 8 Mar 2015 - 12:52
Philopoussin : faire de la philosophie c'est quand même une activité rationnelle. Je ne vais pas endosser un rôle de poète inspiré pour rédiger une dissertation ou plus tard pour faire cours, alors même que régulièrement les correcteurs reprochent dans les copies les envolées lyriques !

En quoi le mysticisme est il différent de de la perception de Kierkegaard?

***

Vouloir être soi et vouloir ne pas être soi, K. dit à un moment que ça revient au même, en fait.

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par henriette Dim 8 Mar 2015 - 13:00
Parménide a écrit:
philopoussin a écrit:Se rabattre? Comment? Pardon? affraid

Qu'ai je dit de si affreux?  
Tu en parles comme d'un pis-aller, d'un truc moins bien. Tu te trompes sur toute la ligne, là, et du coup, forcément, tu ne peux pas comprendre cette philosophie.

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par Robin Dim 8 Mar 2015 - 13:22
Parménide a écrit:Philopoussin : faire de la philosophie c'est quand même une activité rationnelle. Je ne vais pas endosser un rôle de poète inspiré pour rédiger une dissertation ou plus tard pour faire cours, alors même que régulièrement les correcteurs reprochent dans les copies les envolées lyriques !

En quoi le mysticisme est il différent de de la perception de Kierkegaard?

***

Vouloir être soi et vouloir ne pas être soi, K. dit à un moment que ça revient au même, en fait.

Parménide. Si vous voulez comprendre quelque chose à Kierkegaard, il faut partir, comme l'a indiqué Aspasie de la notion de paradoxe, qui n'est pas un simple paradoxe logique, mais un paradoxe, encore une fois existentiel, vécu. Ainsi, lorsque dans le Traité du désespoir, K. nous dit que le désespoir absolu, c'est de ne pas être conscient d'être désespéré. Pensez au mythe de la caverne de Platon. Les prisonniers à l'intérieur de la caverne n'éprouvent aucun désespoir. Ils sont contents, ils ne sont pas conscients d'être prisonniers, ils se croient libres. Ils n'imaginent même pas qu'il existe un autre monde, en dehors de la caverne avec de vrais arbres, de vrais chevaux, le vrai soleil et pas des ombres et des échos.

Il en est de même de celui qui ne vit que pour le plaisir, d'instant en instant (comme don Juan). Ce n'est pas que le plaisir soit mauvais en soi. Ce n'est pas ce que dit Kierkegaard. K. n'est pas un puritain et il se plaint de son éducation protestante qui l'a empêché "d'avoir un corps". Mais celui qui vit au stade esthétique ne connaît pas la vraie joie, le vraie bonheur. Ce qui peut lui arriver de mieux, c'est de se réveiller après avoir fait la bringue toute la nuit et de se demander ce qu'il fait sur terre, de penser à la mort et de dire qu'il a beau accumuler les plaisirs, qu'ils fondent les uns après les autres comme neige au soleil.

Donc, peut être que ce gars-là va se dire : bon, je vais essayer de devenir sérieux, je vais me marier, me ranger, avoir des enfants, etc.

Mais au bout d'un moment, il va en avoir assez de cette vie rangée, regretter sa vie de plaisirs et se demander aussi à quoi ça rime tous ces devoirs qu'il s'est imposés et qui ne le rendent pas plus heureux. Kierkegaard ne privilégie pas le "stade éthique", la morale du devoir chère à Kant. Désespérer du devoir, pour lui, c'est aussi une chance.

Alors peut-être qu'il va se dire. Bon, je n'y comprends rien. Je renonce à cherche un sens à ma vie aussi bien dans le plaisir que dans le devoir. Et c'est à ce moment-là (à cet instant-là) qu'il a une chance de sortir de la prison de la finitude.

Mais c'est comme dans le mythe de la caverne. Il ne s'agit pas de contempler les "essences éternelles", il faut redescendre (en soi) et retrouver ce à quoi on avait renoncé (ne plus vouloir être soi et puis vouloir être soi) : le plaisir de vivre, tout bêtement vivre et le sérieux de l'engagement. Mais désormais, tout cela prend un sens nouveau.


Dernière édition par Robin le Dim 8 Mar 2015 - 15:07, édité 1 fois
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par philopoussin Dim 8 Mar 2015 - 14:38
Ah oui. Parce que la philosophie de l’existence mène nécessairement à l'envolée lyrique, c’est bien connu.
Je ne sais pas ce que tu as contre les poètes, décidément...
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par Parménide Dim 8 Mar 2015 - 15:24
philopoussin a écrit:
Je ne sais pas ce que tu as contre les poètes, décidément...

Mais rien, bien au contraire !

Ce n'est pas ma faute si en prépa on nous a par exemple constamment rappelé la nécessité de la maitrise de la méthode. Ce qui explique que j'en parle tant aujourd'hui, d'ailleurs.

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par Gryphe Dim 8 Mar 2015 - 15:28
Mais ton correcteur t'a dit que c'était OK pour la méthode. Donc c'est le reste qu'il faut travailler à présent. Smile
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par Parménide Dim 8 Mar 2015 - 15:35
Gryphe a écrit:Mais ton correcteur t'a dit que c'était OK pour la méthode.

Comment ça pourrait être vraiment OK dès lors que je ressens un malaise par rapport à ça au plus profond de moi même?

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par Gryphe Dim 8 Mar 2015 - 15:40
Parménide a écrit:
Gryphe a écrit:Mais ton correcteur t'a dit que c'était OK pour la méthode.

Comment ça pourrait être vraiment OK dès lors que je ressens un malaise par rapport à ça au plus profond de moi même?

Taratata. Transfert d'un malaise encore plus profond vers un objet objectif pour ne pas éprouver le vrai grand malaise existentiel du désespoir...
De toute façon, dès que je tente de dire des choses vraiment sérieuses, tu ne les écoutes pas. Wink
philopoussin
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par philopoussin Dim 8 Mar 2015 - 16:03
Parménide a écrit:
philopoussin a écrit:
Je ne sais pas ce que tu as contre les poètes, décidément...

Mais rien, bien au contraire !

Ce n'est pas ma faute si en prépa on nous a par exemple constamment rappelé la nécessité de la maitrise de la méthode. Ce qui explique que j'en parle tant aujourd'hui, d'ailleurs.
Je ne vois pas du tout le rapport entre la rigueur de la prepa et la réduction de la philosophie, dès lors qu'elle s' attache aux vécus,  à des envolées lyriques. Du tout. Faut-il ajouter que K. Se qualifiait de poète-dialecticien?
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par Robin Lun 9 Mar 2015 - 2:51
Parménide a écrit:Philopoussin : faire de la philosophie c'est quand même une activité rationnelle. Je ne vais pas endosser un rôle de poète inspiré pour rédiger une dissertation ou plus tard pour faire cours, alors même que régulièrement les correcteurs reprochent dans les copies les envolées lyriques !

En quoi le mysticisme est il différent de de la perception de Kierkegaard?

***

Vouloir être soi et vouloir ne pas être soi, K. dit à un moment que ça revient au même, en fait.

"En quoi le mysticisme est-il différent de la perception de K. ?"

Je ne me suis peut-être pas exprimé assez clairement, d'autant que cette question du rapport à l'éternité (à Dieu, à la Transcendance) n'est pas évidente chez K. et que nous quittons le domaine de la philosophie pure. Mais c'est la même chose chez Pascal. La philosophie, la pensée conceptuelle n'est pas tout. Dans la pensée grecque (chez Platon et Aristote), elle "fleurit" en quelque sorte dans la contemplation.

Chez Heidegger, la pensée philosophique se tait pour laisser la place à la parole poétique (G.Trakl, Hölderlin) et à l'art ; chez K., ma foi, je ne sais pas trop. K. Ne parle pas trop de la manière de s'évader du temps et de l'espace pour toucher l'éternité, mais ce sont des choses bien connues dans les différentes traditions religieuses. Il parle par exemple de la prière qui n'est pas la prière de demande, mais la prière d'oraison qui se plonge dans le silence et l'absence de représentation (cf. Le nuage d'inconnaissance par un mystique anglais inconnu du XVIème siècle).

Donc, oui, il y a quelque chose qui relève de la mystique, mais nous ne devons pas nous y complaire, nous y attarder. Il faut bien comprendre que la notion de Dieu n'est plus évidente, comme elle l'était, mettons au XIII ème siècle du temps de Thomas d'Aquin parce qu''un certain Emmanuel Kant est passé par là et Kierkegaard hérite, comme toute la philosophie après lui, de la clôture métaphysique établie par la Critique de la Raison Pure ("J'ai borné la raison pour laisser une place à la Foi.").

Je dirais donc qu'il s'agit d'une "mystique ponctuelle".

'Vouloir être soi et ne pas vouloir être soi revient au même."

Oui, c'est paradoxal, mais la pensée de K. est fondée sur le paradoxe. La vie spirituelle consiste en un double mouvement de sortie hors de soi (la prière, l'éternité, l'infini, la Grâce) et de retour à soi (la vie quotidienne, le temps, la finitude). Ne pas vouloir être soi, c'est le mysticisme (qui provient du désespoir), vouloir être soi, c'est la clôture existentielle qui se sait ou ne se sait pas désespérée. La vie spirituelle qui est la seule chose qui compte pour K. est le double mouvement, pour ainsi dire respiratoire, d'évasion hors du monde et de retour au monde. Les deux mouvements sont complémentaires et inséparables et ne peuvent s'effectuer que dans la dimension de l'instant.
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par Robin Lun 9 Mar 2015 - 10:24
@ Parménide

La division entre "ce qui est philosophique" et ce qui ne l'est pas n'est pas philosophique. Voici un texte de Marcel Conche sur la contemplation. Je précise que Marcel Conche se dit athée et qu'il ne s'agit donc pas d'une expérience réligieuse stricto sensu (au cas où le mot "mystique" à propos de la pensée de Kierkegaard vous ait rebuté). Philosophie et Poésie "existent, dit Heidegger, sur des monts séparés", mais cela ne veut pas dire qu'elles sont étrangères l'une à l'autre.

"Contempler la tourterelle, la pie, la grenouille, la mouche, c'est se placer, en mystique, devant le mystère de la vie, c'est éprouver, devant la tourterelle que l'on voit, et qui vit le monde en tourterelle d'une manière pour nous totalement inconnaissable... le sentiment du sacré.

Contempler, c'est ne pas aller au-delà de la chose même pour la réduire à ce qu'elle signifie, à une interprétation, à une connaissance. C'est prendre le monde tel qu'il est, sans vouloir l'expliquer par une cause ou une fin. Je vois ce monde comme n'ayant ni cause explicative, ni fin, ni modèle, ni fond caché, et, à chaque instant comme venant de naître. Il n'y a pas d'arrière-monde, et le monde ne recèle aucun mystère. Il est lui-même le mystère. Ce mystère est si voyant qu'il faut l'homme pour ne pas le voir. Car l'homme ne voit que l'homme.

Ce qui ne se donne qu'à la dépréoccupation, la préoccupation ne peut le rencontrer. Ne soyons plus qu'un regard pur et sans intention. Alors, ce qui nous est le plus proche cesse de nous être lointain.

Le vouloir qui arraisonne les choses, l'entreprise de la vie font obstacle à l'ouverture accueillante de ce qui existe, de ce qu'il y a. Mais, comme l'âme dans l'état mystique s'oublie elle-même, oublions l'homme en nous, et, dans l'extase mondaine, laissons le mystère se livrer à nous. La chose en soi n'ayant pas de rôle à jouer, ne renvoyant à rien au-delà d'elle-même, se montre alors avec l'insistance de sa singularité.

Ici, la pensée du philosophe et celle du poète s'orientent différemment. Le philosophe, qui ne peut résister à l'appel de l'universel, voit, représentée dans cette chose singulière, la condition de toutes les choses singulières. Sa précarité, sa périssabilité sont celles de toutes et de tout... C'est un autre chemin que suit le poète. Il ne philosophe pas, mais il cède à un charme. Car toute chose singulière dégage une sorte de charme pour qui sait aimer... Être poète suppose une capacité de sympathie, d'empathie, grâce à laquelle on est sensible à ce qu'apporte chaque chose singulière et qu'elle est seule à apporter. Le langage conceptuel est comme un filet aux mailles trop larges pour retenir le poisson. Le poète défie le concept, le supplée par l'image.

Pour le poète et le philosophe cependant, contempler, c'est refuser d'intervenir dans la vie du monde ; c'est laisser libre ce qui est au monde ; c'est se perdre dans l'admiration de ce monde, riche, au-delà du monde humain, de mondes innombrables."

Marcel Conche, Vivre et philosopher (PUF - 1993).
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par Levincent Lun 9 Mar 2015 - 11:33
Parménide a écrit: Comment fait-on l'expérience de cet instant s'il n'est pas juste l'instant mathématique?  

Déjà, pourquoi pars-tu du principe que l'instant mathématique devrait être le seul instant dont nous pouvons faire l'expérience ? Observe sincèrement la manière dont tu vis et ressens les choses au niveau de ta subjectivité : est-ce que le déroulement du temps te semble véritablement être la succession régulière d'instants de durée infinitésimale ? Ou bien plutôt n'expérimentes-tu pas, comme tout le monde j'imagine, que le temps est variable, qu'il passe plus vite quand tu t'amuses, plus lentement quand tu t'ennuies, que la plupart du temps tu vis non pas dans l'instant mais dans un mélange de passé et de futur proches, qu'une année maintenant te semble courte alors que quand tu étais enfant ça te semblait une période de temps démesurément longue ? Si tu es dans ce cas, alors il faut reconnaître que, de notre point de vue, c'est la conscience qui est première, et que, n'étant nous-mêmes pas des objets, c'est le temps subjectif qui doit être considéré dans une démarche philosophique de type phénoménologique (même si je ne pense pas que Kierkegaard appartienne à cette classe, mais bon), et que l'objet mathématiques "temps" doit être laissé aux disciplines qui étudient les phénomènes extérieurs, objectifs.
C'est donc l'expérience subjective qui est privilégiée ici, et la définition que nous donnons à l'instant pose la question : que signifie pour nous que le temps s'écoule ? Nous avons souvent l'impression que le temps nous échappe, qu'il nous coule entre les doigts sans qu'on puisse le retenir, et il n'est pas rare d'entendre les gens se plaindre, le jour de leur anniversaire, d'être déjà si vieux. Le passé n'existe plus que dans nos souvenirs, le futur n'existe en nous qu'à l'état de projet, et nous habitons rarement ce qui se trouve entre les deux, à savoir l'instant présent. Nous sommes rarement à ce que nous faisons au moment présent, nous sommes distraits, pensons à autre chose, et, faute d'avoir été suffisamment présent au moment où on quittait la maison pour partir en vacance, nous nous demandons si nous avons bien pensé à couper le gaz. Cependant, il arrive des moments où notre vécu subjectif se resserre autour du moment présent. Ce sont par exemple les états de grande tension émotionnelle, lorsque nous sommes physiquement en danger par exemple, et que toutes nos capacités perceptives sont mobilisées dans la saisie immédiate des données présentes. A ce moment, nous vivons ce qu'on peut appeler la présence à soi, et ce qui est expérimenté, c'est, en même temps qu'un rétrécissement autour d'un instant très court, une plénitude. Car en effet, le temps, dans ces moments-là, semble être arrêté, ou ralenti à l'extrême, et ce temps qui d'habitude échappe à notre emprise, nous avons l'impression de le tenir, là, entre les mains. Mais c'est paradoxal puisque nous avons l'impression de saisir le temps précisément au moment où celui-ci devient sans épaisseur, infime, où il prend les dimensions d'un instant. C'est à mon avis d'une constatation de ce genre que Kierkegaard développe sa réflexion sur l'instant : il a dû voir la contradiction entre cette plénitude subjective et cette petitesse objective. Il y a donc dans l'instant véritablement vécu une part d'éternité, d'où vient le sentiment de plénitude, et une part temporelle, qui lui est intrinsèquement rattachée, puisque l'instant se trouve forcément pris dans le déroulement du temps.
C'est comme ça que je le comprends en tout cas.
Parménide
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par Parménide Lun 9 Mar 2015 - 15:07
Robin et Levincent: Merci pour tout ce que vous dites Very Happy  

Mais si je devais faire une fiche de ce que vous dites, et aussi des fiches de ma lecture actuelle sur K., je ne pense pas que je saurais mettre tout ça en ordre et faire en sorte que tout s'agence bien pour constituer quelque chose de clair et cohérent. C'est tellement le chaos dans mon esprit, parfois, en travaillant cafe .

_________________
"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)

"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)

"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)

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par Levincent Lun 9 Mar 2015 - 15:22
Oui, enfin, attention, je ne donne ici que mon interprétation personnelle, qui n'est pas à prendre pour argent comptant. A la différence de Robin, je ne suis pas (encore) professeur.

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« Un philosophe moderne qui n'a jamais éprouvé le sentiment d'être un charlatan fait preuve d'une telle légèreté intellectuelle que son oeuvre ne vaut guère la peine d'être lue. »
Leszek Kolakowski
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