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- thrasybuleDevin
Tu seras capable de me foutre la honte en me posant des questions sur l'intertexte dorothéen chez Jaccottet!Violet a écrit:Moi aussi je veux suivre les cours de Thrasy !
- V.MarchaisEmpereur
thrasybule a écrit:Aucun intérêt en fait, je rebondissais sur la référence de Violet avec qui je partage un univers culturel d'une altitude incommensurable. Je travaille sur Jaccottet et je faisais un cours sur la structure du truc qu'on a au programme: et de disserter sur la catabase, le mythe orphique, l'apprentissage par la douleur et la souffrance, la tentation pascalienne du détachement absolu, les résonances baudelairiennes, j'ai cité Le Voyage à Cythère, "Les intestins pesants lui coulaient sur les cuisses", le lien avec la charogne, "Le coeur humain est creux et plein d'ordures" de Pascal, bref c'était le pied absolu. Notez que j'avais un silence religieux lorsqu'un élève ose me dire " Eh ben, c'est gai aujourd'hui", ce quoi je me suis empressé de répondre" Ben oui, on n'est pas dans un remake de Plus Belle la vie et je suis le premier à le regretter", puis j'ai enchainé sur la finitude consubstantielle à l'humain; Sympa non?Violet a écrit:thrasybule a écrit:Lol, c'est la référence que j'ai donné à mes TL aujourd'hui, vous savez pourquoi?Violet a écrit:Et sinon vous avez vu que Karim n'est pas mort dans Plus belle la vie ? :lol:
Pourquoi ?
Je vois d'ici ces demoiselles et quelques jeunes gens se pâmant devant ce beau mâle les faisant voyager à travers la culture...
- Peyrard Jean-PierreNiveau 2
Je commencerais par faire examiner d’un point de vue critique la question « Un personnage de roman peut-il se concevoir sans souffrance ni désillusion ? »
Elle concerne les ressorts de la création romanesque et sa formulation donne une réponse présentée comme évidente : si un romancier écrit, c’est pour traiter de la souffrance et de la désillusion. Pourquoi cette focalisation ? Pourquoi vouloir réduire à ces deux sentiments le dénominateur commun apparemment indispensable ? Est-ce qu’un auteur a nécessairement besoin d’imaginer un personnage souffrant et ayant perdu ses illusions ?
Présupposé : le romancier exprime ce qui est essentiel, or la souffrance et la désillusion étant essentielles, le personnage ne peut être que souffrant et ayant perdu ses illusions. Un syllogisme dont la valeur dépend de la majeure : le romancier exprime ce qui est essentiel.
On peut la considérer comme vraie (l’écriture, quelle qu’elle soit n’est pas un divertissement, même si elle en adopte l’apparence), mais encore faut-il savoir si la souffrance et la désillusion sont des constituants de cet essentiel.
Ce qui conduit à préciser le contenu des deux termes souffrance et désillusion.
La souffrance (sous toutes ses formes) étant inhérente à l’existence, il paraît en effet évident de dire qu’un héros ne peut être que souffrant.
Quelle souffrance ?
Physique : elle n’est jamais qu’un composant d’une autre souffrance plus grande et d’une autre nature [ tremblement de terre (Voltaire), guerre (Rabelais, Barbusse), travail (Zola), intolérance, dictature (Voltaire, Kessel) ] parce que le héros n’est pas comme le lecteur soumis aux contingences matérielles de la vie quotidienne ordinaire (on ne le voit pas banalement aller aux toilettes, prendre sa douche, se rendre chez le dentiste, le coiffeur etc.).
Psychique : elle est le lot commun puisqu’elle est inhérente à l’espèce humaine caractérisée par la conscience de la mort d’où proviennent (c’est une thèse) toutes les peurs. Le rapport avec cette conscience, la manière de le gérer, c’est bien ce qui est le fondement de l’écriture : quel est le roman qui ne traite pas de cette question ?
Quelle désillusion ?
En relation avec cette question majeure. Désillusion est indissociable de croire est opposé à savoir : j’éprouve une désillusion parce que ce que je croyais ne s’est pas réalisé. Et croire concerne d’abord la problématique de la mort, avec ses (rares) tentatives de sublimation (Rousseau, Hugo, Sand) et tous ses exorcismes, politiques (Balzac, Zola, Aragon), religieux (Voltaire, Diderot), financiers (Balzac), de pouvoirs (Laclos, Sade, Stendhal), « existentiels » (Camus, Sartre), fantastiques (Maupassant), dérisoires et pathétiques (Flaubert, Maupassant), merveilleux (les « chansons » moyenâgeuses, Rabelais, Carroll et les contes pour enfants si on les considère comme des « romans ») etc.
Si j’ouvre un livre c’est, consciemment ou non, essentiellement pour rencontrer cette problématique, quelle que soit la manière dont elle est traitée (voire par l’humour et le rire : Rabelais, Romains). Celui qui invente des personnages est un homme sans doute plus traumatisé par ce nœud de questionnements (plus névrosé ?) et ce qu’on appelle "art" est peut être cette capacité à donner une représentation non "finie" (sous des formes écrites ou plastiques) de la complexité humaine.
JP Peyrard
Elle concerne les ressorts de la création romanesque et sa formulation donne une réponse présentée comme évidente : si un romancier écrit, c’est pour traiter de la souffrance et de la désillusion. Pourquoi cette focalisation ? Pourquoi vouloir réduire à ces deux sentiments le dénominateur commun apparemment indispensable ? Est-ce qu’un auteur a nécessairement besoin d’imaginer un personnage souffrant et ayant perdu ses illusions ?
Présupposé : le romancier exprime ce qui est essentiel, or la souffrance et la désillusion étant essentielles, le personnage ne peut être que souffrant et ayant perdu ses illusions. Un syllogisme dont la valeur dépend de la majeure : le romancier exprime ce qui est essentiel.
On peut la considérer comme vraie (l’écriture, quelle qu’elle soit n’est pas un divertissement, même si elle en adopte l’apparence), mais encore faut-il savoir si la souffrance et la désillusion sont des constituants de cet essentiel.
Ce qui conduit à préciser le contenu des deux termes souffrance et désillusion.
La souffrance (sous toutes ses formes) étant inhérente à l’existence, il paraît en effet évident de dire qu’un héros ne peut être que souffrant.
Quelle souffrance ?
Physique : elle n’est jamais qu’un composant d’une autre souffrance plus grande et d’une autre nature [ tremblement de terre (Voltaire), guerre (Rabelais, Barbusse), travail (Zola), intolérance, dictature (Voltaire, Kessel) ] parce que le héros n’est pas comme le lecteur soumis aux contingences matérielles de la vie quotidienne ordinaire (on ne le voit pas banalement aller aux toilettes, prendre sa douche, se rendre chez le dentiste, le coiffeur etc.).
Psychique : elle est le lot commun puisqu’elle est inhérente à l’espèce humaine caractérisée par la conscience de la mort d’où proviennent (c’est une thèse) toutes les peurs. Le rapport avec cette conscience, la manière de le gérer, c’est bien ce qui est le fondement de l’écriture : quel est le roman qui ne traite pas de cette question ?
Quelle désillusion ?
En relation avec cette question majeure. Désillusion est indissociable de croire est opposé à savoir : j’éprouve une désillusion parce que ce que je croyais ne s’est pas réalisé. Et croire concerne d’abord la problématique de la mort, avec ses (rares) tentatives de sublimation (Rousseau, Hugo, Sand) et tous ses exorcismes, politiques (Balzac, Zola, Aragon), religieux (Voltaire, Diderot), financiers (Balzac), de pouvoirs (Laclos, Sade, Stendhal), « existentiels » (Camus, Sartre), fantastiques (Maupassant), dérisoires et pathétiques (Flaubert, Maupassant), merveilleux (les « chansons » moyenâgeuses, Rabelais, Carroll et les contes pour enfants si on les considère comme des « romans ») etc.
Si j’ouvre un livre c’est, consciemment ou non, essentiellement pour rencontrer cette problématique, quelle que soit la manière dont elle est traitée (voire par l’humour et le rire : Rabelais, Romains). Celui qui invente des personnages est un homme sans doute plus traumatisé par ce nœud de questionnements (plus névrosé ?) et ce qu’on appelle "art" est peut être cette capacité à donner une représentation non "finie" (sous des formes écrites ou plastiques) de la complexité humaine.
JP Peyrard
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