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- JohnMédiateur
Les universités de LSH n'ont pas le monopole des crabes sanguinaires et dépressifs : ce qualificatif conviendrait au même taux de collègues en classes prépas que de collègues en universités, en lycée, en collège... et au même taux que dans n'importe quelle autre profession, non ?swurm a écrit:Mais (les choses n'existant que par contraste), lorsque l'on débarque, aujourd'hui, dans ce panier de crabes sanguinaires et dépressifs qu'est l'université en sciences humaines, les défauts de la prépa paraissent bien dérisoires...
- frankensteinVénérable
- superheterodyneNiveau 9
swurm a écrit:Pour ce qui concerne l'URSS...
Le système d'alphabétisation mis en œuvre a, par exemple, été extrêmement efficace.
Mais il s'est accompagné d'une telle emprise idéologique qu'il est injustifiable (ce n'est d'ailleurs pas ce que fait Aurore). Les méthodes d'enseignement méritent toutefois d'être étudiés de près.
En maths, par exemple, de nombreux livres soviétiques restent des modèles de pédagogie encore utilisés de nos jours (ex. le Calcul différentiel et intégral de N. Piskounov).
La réalité soviétique était quand même un poil plus complexe que le récit qu'en a fait Aurore. Par exemple, les expériences de Makarenko ont obtenu en 1936 une reconnaissance officielle. Et rien ne dit que Staline ait explicitement fait référence à la France dans les choix qu'il a opérés (d'il y a des documents en ce sens, je suis intéressé par des références).
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« Tout agent, quelle que soit sa fonction, doit obéissance passive et immédiate aux signaux le concernant. »
- frankensteinVénérable
Ouais, mais attention aux conclusions hâtives et il faut se ressituer selon les époques...Certains vous diront que l'école Freinet était ultra-performante (ce dont je doute) où que Jules Ferry s'était inspiré du modèle prussien (c'est possible...)superheterodyne a écrit:swurm a écrit:Pour ce qui concerne l'URSS...
Le système d'alphabétisation mis en œuvre a, par exemple, été extrêmement efficace.
Mais il s'est accompagné d'une telle emprise idéologique qu'il est injustifiable (ce n'est d'ailleurs pas ce que fait Aurore). Les méthodes d'enseignement méritent toutefois d'être étudiés de près.
En maths, par exemple, de nombreux livres soviétiques restent des modèles de pédagogie encore utilisés de nos jours (ex. le Calcul différentiel et intégral de N. Piskounov).
La réalité soviétique était quand même un poil plus complexe que le récit qu'en a fait Aurore. Par exemple, les expériences de Makarenko ont obtenu en 1936 une reconnaissance officielle. Et rien ne dit que Staline ait explicitement fait référence à la France dans les choix qu'il a opérés (d'il y a des documents en ce sens, je suis intéressé par des références).
- User7570Niveau 6
John a écrit:Les universités de LSH n'ont pas le monopole des crabes sanguinaires et dépressifs : ce qualificatif conviendrait au même taux de collègues en classes prépas que de collègues en universités, en lycée, en collège... et au même taux que dans n'importe quelle autre profession, non ?swurm a écrit:Mais (les choses n'existant que par contraste), lorsque l'on débarque, aujourd'hui, dans ce panier de crabes sanguinaires et dépressifs qu'est l'université en sciences humaines, les défauts de la prépa paraissent bien dérisoires...
Non.
Et non.
- JohnMédiateur
A quelles parties de la phrase ???
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- User7570Niveau 6
Un premier non : je refuse de mettre sur le même plan la pédagogie dévouée des profs de prépa (la plupart, du moins) et l'attitude cavalière, méprisante et individualiste des enseignants-chercheurs (la plupart, du moins). Je refuse de mettre sur le même plan l'ouverture d'esprit, la maîtrise véritable, d'une part, et de l'autre l'étroitesse de vues, la fumisterie d'egos s'admirant entre eux et se complaisant dans leur médiocrité, de colloque en colloque, de séminaire en séminaire.
Je suis convaincu que tout étudiant ayant connu, récemment, et en LSH, les deux systèmes abondera dans mon sens.
Notre génération est unanime sur ce point.
Elle a trop souffert du système de l'université, incarnée par son administration destructrice et ses enseignants-chercheurs immoraux, pour se permettre d'être indulgente.
Un deuxième non : je refuse d’identifier le problème spécifique à l'université et celui de n'importe quelle autre profession. Ce n'est pas ainsi qu'on apportera les réponses adaptées.
Je suis convaincu que tout étudiant ayant connu, récemment, et en LSH, les deux systèmes abondera dans mon sens.
Notre génération est unanime sur ce point.
Elle a trop souffert du système de l'université, incarnée par son administration destructrice et ses enseignants-chercheurs immoraux, pour se permettre d'être indulgente.
Un deuxième non : je refuse d’identifier le problème spécifique à l'université et celui de n'importe quelle autre profession. Ce n'est pas ainsi qu'on apportera les réponses adaptées.
- AuroreEsprit éclairé
Cela n'enlève rien à la validité de l'info, ni à son actualité, ni enfin et surtout au fait que dans cette histoire on est en train se payer notre tête...superheterodyne a écrit:Aurore a écrit:Au fait, pour revenir au sujet du post, sait-on ici dans quel lycée - unique à bien des égards - certain(e)s parmi les dirigeant(e)s d'EELV scolarisent leur progéniture ?
Car il me semble utile de disposer de toutes les données du problème pour juger correctement de leur proposition... [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Oh, c'est vrai que depuis la dernière fois que tu nous as annoncé cette information, il a bien dû s'écouler, allez, onze jours ! :lol:
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- AuroreEsprit éclairé
superheterodyne a écrit:swurm a écrit:Pour ce qui concerne l'URSS...
Le système d'alphabétisation mis en œuvre a, par exemple, été extrêmement efficace.
Mais il s'est accompagné d'une telle emprise idéologique qu'il est injustifiable (ce n'est d'ailleurs pas ce que fait Aurore). Les méthodes d'enseignement méritent toutefois d'être étudiés de près.
En maths, par exemple, de nombreux livres soviétiques restent des modèles de pédagogie encore utilisés de nos jours (ex. le Calcul différentiel et intégral de N. Piskounov).
La réalité soviétique était quand même un poil plus complexe que le récit qu'en a fait Aurore. Par exemple, les expériences de Makarenko ont obtenu en 1936 une reconnaissance officielle. Et rien ne dit que Staline ait explicitement fait référence à la France dans les choix qu'il a opérés (d'il y a des documents en ce sens, je suis intéressé par des références).
C'est la raison pour laquelle j'avais écrit "pour aller vite"...
De même, cette réalité ne s'est effectivement pas incarnée de manière homogène et immédiate. Et toutes les disciplines n'ont pas été logées à la même enseigne, certaines d'entre elles (la philosophie, l'histoire, les études littéraires) ayant considérablement souffert de leur réécriture officielle. Sans oublier la détestable finalité de toute cette entreprise : démontrer au monde entier la supériorité du modèle socialiste par les éclatantes réussites de ses artistes, scientifiques, sportifs, etc., quitte à exploiter honteusement ces derniers (voir par exemple le film de Bruno Monsaingeon sur David Oistrakh).
Il n'empêche que si l'on prend une école primaire soviétique des années 80 et qu'on la compare à son équivalent français (quartier chic de la banlieue parisienne, qui plus est), il n'y a pas photo quant au niveau atteint par les élèves et les exigences demandées en matière de travail à âge égal, sachant que les écoliers soviétiques commençaient alors à 7 ans tout en subissant des conditions de vie bien plus précaires. De même, entre une école de musique russe et un conservatoire français (CNSM de Paris exclu) il y a également un monde. Et enfin, pour rejoindre le propos de Swurm, entre la littérature pédagogique musicale russe (par ex. la bible que constitue l'Art du violon de Yuri Yankelevitch, immense professeur du Conservatoire de Moscou ayant formé une génération entière de violonistes de tout premier ordre) et l'indigente prose meiriolesque des CEFEDEM français, la distance se mesure en années lumière...
- AuroreEsprit éclairé
La référence à la France, par le prestige de son École publique et gratuite, de sa Révolution et de la Commune, était déjà très présente dans les cercles cultivés d'avant la révolution de 1917, très francophiles. Mais elle n'a fait que s'amplifier au début de l'ère soviétique : il faut dire que les autorités n'y étaient pas étrangères... On prénommait alors ses enfants Vladlen, mais aussi Marat ou Jaurès, ce n'est pas anodin !
- SchéhérazadeNiveau 10
Aurore, ce que tu nous apprends sur la Russie et son système éducatif est très intéressant. Aussi je me permets de renouveler ma demande: pourrais-tu nous indiquer des livres qui nous permettraient d'en savoir plus?
Je reconnais que pour moi, c'est terre inconnue.
Je reconnais que pour moi, c'est terre inconnue.
- UlrichNiveau 6
petite précision : le CEFEDEM est l'équivalent pour la musique de l'IUFMAurore a écrit: l'indigente prose meiriolesque des CEFEDEM français
[pour la prose meiriolesque, un échantillon ici en provenance du Cefedem Rhône-Alpes (tiens donc !!!!) : "La pédagogie par situation-problème ; modélisation d'une démarche" : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Hmmmmmm, rien que le titre !!!! ]
- Spinoza1670Esprit éclairé
Extraits d'un livre sur Google Books : La soviétisation de l'école russe: 1917 - 1931 Par Wladimir Bérélowitch
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« Let not any one pacify his conscience by the delusion that he can do no harm if he takes no part, and forms no opinion. Bad men need nothing more to compass their ends, than that good men should look on and do nothing. » (John Stuart Mill)
Littérature au primaire - Rédaction au primaire - Manuels anciens - Dessin au primaire - Apprendre à lire et à écrire - Maths au primaire - école : références - Leçons de choses.
- AuroreEsprit éclairé
Schéhérazade a écrit:Aurore, ce que tu nous apprends sur la Russie et son système éducatif est très intéressant. Aussi je me permets de renouveler ma demande: pourrais-tu nous indiquer des livres qui nous permettraient d'en savoir plus?
Je reconnais que pour moi, c'est terre inconnue.
Au vu des orientations pédagogiques dominantes en France, je doute fort que ces ouvrages, s'ils existent, soient traduits en Français. Concernant mes informations, elles proviennent essentiellement de mon expérience personnelle et du milieu des immigrés russes (principalement musical et plus largement artistique) que j'ai régulièrement l'occasion de fréquenter.
N'hésite pas à m'envoyer un MP si tu as des questions précises.
- AuroreEsprit éclairé
Merci ! Je connaissais l'auteur (c'est du sérieux) mais pas l'ouvrage.Spinoza1670 a écrit:Extraits d'un livre sur Google Books : La soviétisation de l'école russe: 1917 - 1931 Par Wladimir Bérélowitch
- Spinoza1670Esprit éclairé
Sinon, je ne l'ai pas encore lu sinon en diagonale, mais ça a l'air de correspondre par endroits avec le sujet :
A Russian Teacher In America by Andrei Toom
A Russian Teacher In America by Andrei Toom
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« Let not any one pacify his conscience by the delusion that he can do no harm if he takes no part, and forms no opinion. Bad men need nothing more to compass their ends, than that good men should look on and do nothing. » (John Stuart Mill)
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- AevinHabitué du forum
Je ne dois pas être de la même génération que toi, je suis passé à l'université à la fin des années 90 et j'ai eu des profs géniaux. Pas tous, il y en avaient qui étaient très mauvais, mais j'en ai eu qui étaient excellents.swurm a écrit:Un premier non : je refuse de mettre sur le même plan la pédagogie dévouée des profs de prépa (la plupart, du moins) et l'attitude cavalière, méprisante et individualiste des enseignants-chercheurs (la plupart, du moins). Je refuse de mettre sur le même plan l'ouverture d'esprit, la maîtrise véritable, d'une part, et de l'autre l'étroitesse de vues, la fumisterie d'egos s'admirant entre eux et se complaisant dans leur médiocrité, de colloque en colloque, de séminaire en séminaire.
Je suis convaincu que tout étudiant ayant connu, récemment, et en LSH, les deux systèmes abondera dans mon sens.
Notre génération est unanime sur ce point.
Elle a trop souffert du système de l'université, incarnée par son administration destructrice et ses enseignants-chercheurs immoraux, pour se permettre d'être indulgente.
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Automate - et fier de l'être [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
"Well, the travelling teachers do come through every few months," said the Baron.
"Yes, sir, I know sir, and they're useless. They teach facts, not understanding. It's like teaching people about forests by showing them a saw. I want a proper school, sir, to teach reading an writing, and most of all thinking, sir [...]"
Terry Pratchett - I Shall Wear Midnight
... und wer Fehler findet, kann sie behalten!
- Spinoza1670Esprit éclairé
MATHEMATICAL EDUCATION AND SOCIETY -an outlook from Russia and into Russia by Igor F. Sharygin
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- AuroreEsprit éclairé
Ulrich a écrit:petite précision : le CEFEDEM est l'équivalent pour la musique de l'IUFMAurore a écrit: l'indigente prose meiriolesque des CEFEDEM français
[pour la prose meiriolesque, un échantillon ici en provenance du Cefedem Rhône-Alpes (tiens donc !!!!) : "La pédagogie par situation-problème ; modélisation d'une démarche" : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Hmmmmmm, rien que le titre !!!! ]
un détail très intéressant : page 5 du document, l'auteur associe très explicitement Meirieu et sa clique à l'enseignement par compétences. Moi qui croyais que le Primat était justement parti en croisade contre ces mêmes compétences...
- UlrichNiveau 6
C'est curieux chez les lyonnais ce besoin de se contredire périodiquement.
... Du reste, cette situation ne semble pas être trop "problématique" pour Phi-Phi et ses camarades d'EELV !
... Du reste, cette situation ne semble pas être trop "problématique" pour Phi-Phi et ses camarades d'EELV !
- frankensteinVénérable
C'est vrai que ça ressemble vachement au style "IUFMesque". :lol:
C'est exactement les mêmes démarches qui y sont prônées !
Pour Meirieu, le revirement est assez récent, puis est-il vraiment officiel ?
C'est exactement les mêmes démarches qui y sont prônées !
Pour Meirieu, le revirement est assez récent, puis est-il vraiment officiel ?
- Spinoza1670Esprit éclairé
Pour voir le revirement de Meirieu (si revirement il y a eu), les débats, articles, etc. jusqu'au 5 octobre sont à Les suites des débats Meirieu-Gauchet sur l’éducation.
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« Let not any one pacify his conscience by the delusion that he can do no harm if he takes no part, and forms no opinion. Bad men need nothing more to compass their ends, than that good men should look on and do nothing. » (John Stuart Mill)
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- Spinoza1670Esprit éclairé
Extrait de l'entretien publié en sept 2011 sur le site du Café pédagogique : "Meirieu : "Je ne peux accepter que l’idéologie des compétences devienne une « théorie de l’apprentissage" "
Vous êtes assez critique dans votre ouvrage sur la « tyrannie des référentiels de compétences ». Quel regard jetez vous sur la façon dont se met en place le socle et le livret des compétences ? Et assumez-vous vraiment les attaques que vous avez portées dans Le Monde daté du samedi 3 septembre ( [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ) qui ont surpris certains de vos amis pédagogues, étonnés de positions qu’ils jugent réactionnaires, vous accusant d’avoir « tourné votre veste » ?
Sur cette question, je n’ai pas bougé d’un iota depuis mon premier ouvrage paru en 1985, Apprendre en groupe ? (Chronique sociale). Je considère la notion de « compétence » comme un salutaire antidote à la psychologie des dons. Je trouve que c’est un bon moyen de se dégager de la tyrannie de la performance observable pour se centrer sur les acquisitions à long terme, un bon tremplin pour penser la transférabilité des acquis et un bon outil, heuristique, pour travailler, en amont, sur l’élaboration des curricula. Mais je ne peux accepter que l’idéologie des compétences devienne une « théorie de l’apprentissage ». On trouvera, sur mon site, de nombreux textes qui développent très concrètement ce point de vue ( [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ).
Ma position, c’est qu’on n’apprend pas « par compétences », même quand on acquiert des compétences. « Apprendre par compétences », c’est réduire l’apprentissage au couple « objectif/évaluation » indéfiniment multiplié. C’est écraser complètement l’historicité des apprentissages et oublier la manière dont les histoires singulières s’approprient les savoirs. C’est abolir la notion de « situation d’apprentissage », comme cadre structurant de contraintes et de ressources au sein duquel un sujet s’engage dans l’aventure d’apprendre. « Apprendre par compétences », c’est tourner le dos à toute la pédagogie « active », à tout ce qu’on a pu nommer – maladroitement, je l’avoue – la « pédagogie de projet ». « Apprendre par compétences », c’est la version technocratique de l’illusion qui fonde l’éloge aveugle du « cours traditionnel » : l’énoncé des savoirs suffirait à leur acquisition. En réalité, « apprendre par compétences », c’est évacuer, en même temps, la question du désir et celle de la culture. C’est faire l’impasse sur la transmission proprement dite, qui est, précisément, la « reliance » du désir et de la culture.
Pour autant, bien sûr, je ne suis pas hostile, à « l’accompagnement personnalisé », bien au contraire. Mais je pense que le « livret de compétences » en est une caricature ! Accompagner un élève, ce n’est pas valider ses acquis selon des méthodes plus ou moins « scientifiques », c’est travailler au côte à côte avec lui, afin de lui permettre de comprendre là où il butte et pourquoi, comment il pourrait progresser et qu’est-ce qu’il faut qu’il fasse « dans sa tête » pour y arriver. « Savoir rédiger un récit au passé en utilisant le passé simple et l’imparfait » peut être considéré comme une compétence (quoiqu’en réalité cela se discute et manque terriblement de précisions)… mais il faut savoir comment on aide un élève à comprendre ce qu’est un récit, à le penser dans le passé, à faire un premier brouillon, à se décentrer pour le critiquer, à l’améliorer, etc. Je sais bien que la plupart des enseignants font cela, mais je trouve que le « livret de compétences » peut les entrainer vers une frénésie béhavioriste qui est aux antipodes de la manière dont je conçois l’éducation : comme une aide, à travers des situations d’apprentissage, à l’émergence d’un sujet.
Vous êtes assez critique dans votre ouvrage sur la « tyrannie des référentiels de compétences ». Quel regard jetez vous sur la façon dont se met en place le socle et le livret des compétences ? Et assumez-vous vraiment les attaques que vous avez portées dans Le Monde daté du samedi 3 septembre ( [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ) qui ont surpris certains de vos amis pédagogues, étonnés de positions qu’ils jugent réactionnaires, vous accusant d’avoir « tourné votre veste » ?
Sur cette question, je n’ai pas bougé d’un iota depuis mon premier ouvrage paru en 1985, Apprendre en groupe ? (Chronique sociale). Je considère la notion de « compétence » comme un salutaire antidote à la psychologie des dons. Je trouve que c’est un bon moyen de se dégager de la tyrannie de la performance observable pour se centrer sur les acquisitions à long terme, un bon tremplin pour penser la transférabilité des acquis et un bon outil, heuristique, pour travailler, en amont, sur l’élaboration des curricula. Mais je ne peux accepter que l’idéologie des compétences devienne une « théorie de l’apprentissage ». On trouvera, sur mon site, de nombreux textes qui développent très concrètement ce point de vue ( [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ).
Ma position, c’est qu’on n’apprend pas « par compétences », même quand on acquiert des compétences. « Apprendre par compétences », c’est réduire l’apprentissage au couple « objectif/évaluation » indéfiniment multiplié. C’est écraser complètement l’historicité des apprentissages et oublier la manière dont les histoires singulières s’approprient les savoirs. C’est abolir la notion de « situation d’apprentissage », comme cadre structurant de contraintes et de ressources au sein duquel un sujet s’engage dans l’aventure d’apprendre. « Apprendre par compétences », c’est tourner le dos à toute la pédagogie « active », à tout ce qu’on a pu nommer – maladroitement, je l’avoue – la « pédagogie de projet ». « Apprendre par compétences », c’est la version technocratique de l’illusion qui fonde l’éloge aveugle du « cours traditionnel » : l’énoncé des savoirs suffirait à leur acquisition. En réalité, « apprendre par compétences », c’est évacuer, en même temps, la question du désir et celle de la culture. C’est faire l’impasse sur la transmission proprement dite, qui est, précisément, la « reliance » du désir et de la culture.
Pour autant, bien sûr, je ne suis pas hostile, à « l’accompagnement personnalisé », bien au contraire. Mais je pense que le « livret de compétences » en est une caricature ! Accompagner un élève, ce n’est pas valider ses acquis selon des méthodes plus ou moins « scientifiques », c’est travailler au côte à côte avec lui, afin de lui permettre de comprendre là où il butte et pourquoi, comment il pourrait progresser et qu’est-ce qu’il faut qu’il fasse « dans sa tête » pour y arriver. « Savoir rédiger un récit au passé en utilisant le passé simple et l’imparfait » peut être considéré comme une compétence (quoiqu’en réalité cela se discute et manque terriblement de précisions)… mais il faut savoir comment on aide un élève à comprendre ce qu’est un récit, à le penser dans le passé, à faire un premier brouillon, à se décentrer pour le critiquer, à l’améliorer, etc. Je sais bien que la plupart des enseignants font cela, mais je trouve que le « livret de compétences » peut les entrainer vers une frénésie béhavioriste qui est aux antipodes de la manière dont je conçois l’éducation : comme une aide, à travers des situations d’apprentissage, à l’émergence d’un sujet.
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- UlrichNiveau 6
Au fond, on dirait qu'il n' y a que lui qui se comprenne vraiment...
- CelebornEsprit sacré
La « reliance » ? Diable… (et avec des guillemets, de surcroît !)
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- frankensteinVénérable
Il y a un passage qui m'a bien fait marrer :
Mais peut-être mes collègues craignent-ils que je promeuve une vision passéiste de la culture, réduite à la seule rencontre des œuvres littéraires académiques appelées jadis « humanités » ? A ce sujet, ils notent que mon texte « devient étrange (…) quand, par exemple, il propose la méditation des œuvres scientifiques comme modalité de l’enseignement des sciences ». Etrange lapsus calami de leur part : moi-même (puisque c’est moi qui intervient ici dans l’entretien) ne parle évidemment pas de « méditation », mais de « médiation ». Et il me semble, si mes collègues veulent bien regarder ce que je dis vraiment, qu’il y a là quelque chose de parfaitement entendable : un interrupteur comme un moteur à explosion, un composant électronique comme un circuit électrique sont bien, au beau sens du mot, des « œuvres » de l’intelligence humaine et peuvent bien constituer des médiations pour entrer dans la compréhension technologique et scientifique des choses.
:lol!: Ce qui prouve qu'en "sciences éduc", les "chercheurs" ne se comprennent même plus...
La fin est d'une grande originalité...
Dire de l’école qu’elle doit avoir une ambition culturelle – dans tous les domaines de la culture -, affirmer qu’elle doit aider à se concentrer, à penser, à examiner de manière exigeante les vulgates en circulation, ne relève nullement de la déploration nostalgique. Soyons clairs : l’école française n’a jamais fait cela, ou alors, de manière marginale, dans quelques enclaves pour héritiers… Mais elle doit, aujourd’hui, l’ambitionner pour tous. Il n’est pas question pour moi de revenir en arrière : la construction d’une école exigeante et émancipatrice pour tous, avec une « pédagogie des situations », mobilisatrice et rigoureuse, reste à faire. C’est même un beau chantier d’avenir. Le plus beau ?
Philippe Meirieu
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Mais peut-être mes collègues craignent-ils que je promeuve une vision passéiste de la culture, réduite à la seule rencontre des œuvres littéraires académiques appelées jadis « humanités » ? A ce sujet, ils notent que mon texte « devient étrange (…) quand, par exemple, il propose la méditation des œuvres scientifiques comme modalité de l’enseignement des sciences ». Etrange lapsus calami de leur part : moi-même (puisque c’est moi qui intervient ici dans l’entretien) ne parle évidemment pas de « méditation », mais de « médiation ». Et il me semble, si mes collègues veulent bien regarder ce que je dis vraiment, qu’il y a là quelque chose de parfaitement entendable : un interrupteur comme un moteur à explosion, un composant électronique comme un circuit électrique sont bien, au beau sens du mot, des « œuvres » de l’intelligence humaine et peuvent bien constituer des médiations pour entrer dans la compréhension technologique et scientifique des choses.
:lol!: Ce qui prouve qu'en "sciences éduc", les "chercheurs" ne se comprennent même plus...
La fin est d'une grande originalité...
Dire de l’école qu’elle doit avoir une ambition culturelle – dans tous les domaines de la culture -, affirmer qu’elle doit aider à se concentrer, à penser, à examiner de manière exigeante les vulgates en circulation, ne relève nullement de la déploration nostalgique. Soyons clairs : l’école française n’a jamais fait cela, ou alors, de manière marginale, dans quelques enclaves pour héritiers… Mais elle doit, aujourd’hui, l’ambitionner pour tous. Il n’est pas question pour moi de revenir en arrière : la construction d’une école exigeante et émancipatrice pour tous, avec une « pédagogie des situations », mobilisatrice et rigoureuse, reste à faire. C’est même un beau chantier d’avenir. Le plus beau ?
Philippe Meirieu
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