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Elyas
Esprit sacré

Modèle, explicitation, exemple, modelage, modélisation en pédagogie - Page 4 Empty Re: Modèle, explicitation, exemple, modelage, modélisation en pédagogie

par Elyas Mar 26 Déc 2023 - 12:36
Malaga a écrit:Merci beaucoup Elyas d'avoir pris le temps de scanner et d'expliquer ton travail. C'est très clair comme cela. J'aime beaucoup ta façon d'aborder les documents et l'idée que les élèves en fassent un récit ; je vais essayer cela à la rentrée, en prenant le temps de le faire avec eux.

Je reste toujours impressionnée par la maîtrise de l'écrit de tes élèves (j'imagine bien que tous n'ont pas ce niveau) ; quand je compare avec mes élèves, notamment en 6e, le gouffre est immense. Même lorsque je les fais écrire sur un sujet qui leur "parle" (par exemple, le harcèlement en EMC), le niveau est beaucoup plus faible pour une immense majorité. Je me bats, par exemple, pour qu'ils utilisent de la ponctuation et ne fassent pas des textes de 10 lignes sans point ni virgule.

Deux autres questions (à répondre quand tu auras le temps, évidemment) :
- lorsque tu abordes des chapitres plus court (en 3h), utilises-tu une méthode différente ?
- Comment différencies-tu ton travail pour les élèves qui ont un PAP, un PPRE ou qui font partie du dispositif ULIS ?

J'ai de tout mais scanner 30 copies prendrait un temps que je n'ai pas Smile

Un ami est en Bourgogne, il avait les mêmes soucis que toi au début de l'année avec son public (collège rural avec niveau socio-culturel très bas). Il a commencé à faire comme moi et ça a tout basculé. Il a choisi la scénarisation (ce que je ne fais pas) et ses élèves produisent comme les miens. Je ne sais pas trop comment dire mais la procédure d'initiation et d'entraînement avec les gestes pros que j'ai présentés avec, en plus, la construction par soi de ses dossiers documentaires changent tout. Après, on bosse tous les deux à peu près comme ça depuis 20 ans (mon ami en Bourgogne était en lycée jusqu'à sa mutation en Bourgogne cette année où il s'est retrouvé au collège après 15 ans de lycée et de CPGE).

Pour mes autres chapitres, oui. Soit je travaille les méthodes d'apprentissage (cours magistral suivi de travaux sur la mémorisation) soit je travaille l'imaginarium (cours en premier puis travail sur la création de corpus documentaire critique).

Pour mes PPRE, je n'ai jamais eu trop de soucis parce que mes élèves vont à leur rythme et ils savent que j'accepte ce rythme. Pour mes PAP, je suis les recommandations. J'ai des travaux un peu plus précis mais je les utilise rarement parce que mes élèves n'en ont pas besoin (et le PAP ne le recommande pas).
*Ombre*
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Modèle, explicitation, exemple, modelage, modélisation en pédagogie - Page 4 Empty Re: Modèle, explicitation, exemple, modelage, modélisation en pédagogie

par *Ombre* Lun 30 Sep 2024 - 9:56
Merci pour le lien vers ce fil, Henriette.

Thalie, cela fait des années que je réfléchis à ce que peut être une pédagogie explicite en français, mais je n'ai jamais trouvé de ressources qui soient consacrées à notre discipline, alors j'ai bricolé. Je peux rapporter ce que je fais, sans garantir que ce soit parfaitement dans la ligne théorique de la pédagogie explicite.

En grammaire, je trouve que c'est relativement simple d'appliquer cette démarche. L'essentiel en quelques mots : introduire une nouvelle notion et une seule à la fois (par exemple : pas en même temps les temps composés et les notions d'auxiliaire et de participe passé) et bien expliquer dès le départ quel est l'objectif (pour garder le même exemple : comprendre que, parfois, le verbe s'écrit en deux parties et que chacune de ces parties a un nom important à connaître) et quelle est la difficulté à surmonter (comme le verbe est en deux parties, on risque de n'en repérer qu'une seule et de penser que cette partie toute seule est le verbe). Présenter la leçon comme cela nous paraît le plus approprié. Montrer comment on fait les exercices. Accompagner les élèves dans la mise en oeuvre, puis lever cet étayage.
Pour la présentation, je n'ai pas de religion sur le sujet. Selon les chapitres, il peut être pertinent de faire observer et manipuler, d'expliquer de façon magistrale, de repartir des connaissances antérieures... Ce n'est pas cela qui importe, mais de bien lever tous les prérequis. À la fin, on rappelle les objectifs, on dit clairement ce qu'il faut retenir, et on le fait reformuler aux élèves en s'assurant qu'ils comprennent le vocabulaire employé. C'est parfois difficile tant celui-ci est abstrait : il faut intégrer (c'est tout de même plus commode) le sens de désigner, nommer, qualifier, décrire... Donc il faut beaucoup faire reformuler, au début : Un pronom désigne qqn ou qqch, ça veut dire qu'un pronom sert à parler de qqn ou de qqch. Il faut à la fois veiller à l'intégration d'un vocabulaire qui va être indispensable, et à la compréhension des définitions apprises, donc trouver un équilibre entre la reformulation avec ses propres mots, parfois trop maladroite pour faire sens, et la nécessité de réemployer des mots-clés qui font partie des attendus, donc qui doivent être signalés comme tels. Par exemple, je demande de reformuler la définition de la proposition, sans recopier celle du cours, mais en réemployant obligatoirement les mots "verbe conjugué", "groupe de mots", "idée".

Quand on passe à l'application, l'idée, c'est que le professeur montre d'abord comment il faut faire en faisant lui-même le premier exercice et en verbalisant la moindre étape du raisonnement (les ouvrages théoriques sur le sujet emploient souvent l'expression : "mettre un haut-parleur sur sa pensée"). Au fil des phrases, on peut faire verbaliser ces étapes par les élèves eux-mêmes. Ensuite, il fait faire exactement le même genre d'exercice (même consigne, dûment expliquée) aux élèves en leur demandant de faire la même chose, d'expliciter tout ce qu'ils font. A chaque erreur, pas grave, on corrige immédiatement, on rappelle pourquoi il faut faire comme ça, ou mieux, on le fait rappeler par les élèves : feedback immédiat. Et on recommence jusqu'à ce que ça roule à peu près. Enfin, les élèves font tout seuls, toujours le même genre d'exercices. Petit à petit, on complexifie : on passe d'exercices de repérage ou d'application simple à des exercices de mise en oeuvre un peu plus complexes, qui mobilisent aussi des connaissances antérieures, puis à l'application dans l'écriture. A chaque fois, on répète les mêmes étapes : je montre, je fais faire collectivement, en explicitant, puis tout seul (et alors on passe voir  les élèves et on reprend ce qui ne va pas).

À la fin, on reformule encore ce qu'il faut retenir et quelle méthode on applique dans les exercices. Les devoirs permettent de refaire seul cette méthode.


Dernière édition par *Ombre* le Lun 30 Sep 2024 - 14:11, édité 1 fois
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par *Ombre* Lun 30 Sep 2024 - 10:09
En rédaction, ça commence à se corser, notamment en raison de la différence de maîtrise en les élèves. Il y a énormément d'implicite dans n'importe quel sujet. Tous les professeurs analysent le sujet de rédaction avec les élèves, bien sûr, mais il faut traduire cela de façon très concrète : quel temps, quelle personne employer, quels personnages, quel cadre, quel type de fin attendu etc. Et puis il y a tout ce qui est attendu dans tout écrit : phrases verbales, ponctuées, paragraphes, réinvestissement du vocabulaire. Si on voulait vraiment tout expliciter des attendus d'une rédaction, la tâche est si complexe qu'on obtiendrait vite un catalogue de consignes propre à décourager le meilleur élève. Finalement, dans ce domaine, je n'ai rien trouvé de mieux que les échelles de maîtrise et l'individualisation d'un ou deux objectifs pour chaque élève.
Pour le reste, on peut décomposer les étapes (paragraphes), rappeler les contraintes de cette partie, donner au tableau des exemples de ce que l'on pourrait écrire pour réussir. Je passe pas mal par le dialogué pour cerner les contraintes. Est-ce qu'on peut commencer par "Il était une fois" ? - Non, car cette formule est réservée aux contes. Est-ce qu'il faut imaginer toute la vie du personnage ? - Non, il faut juste raconter un épisode assez semblable à celui du texte, qui dure à peu près aussi longtemps, pas plus. On met en commun les idées, on explique ensemble pourquoi telle idée convient et telle autre non. Après cette phase d'oral seulement, les élèves commencent à écrire.

Je réduis la quantité exigée des élèves en difficulté, leur demandant de se concentrer plutôt sur la qualité et leur objectif personnalisé.
*Ombre*
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par *Ombre* Lun 30 Sep 2024 - 10:20
Le plus dur, dans notre matière, je trouve, c'est de travailler de façon explicite sur la compréhension de texte.
J'avais trouvé une vidéo intéressante sur le sujet, de chercheur belges, si ma mémoire est bonne. J'essaierai de la retrouver et de mettre un lien.
En gros, la personne disait qu'il fallait travailler en trois temps :
- Les impressions des élèves (je ressens, je remarque...) ;
- L'élaboration de la compréhension ;
- L'interprétation, le réflexion (ce que j'en pense).

Elle donnait des pistes de travail pour chacune de ces parties (résumées entre parenthèses). Pour la compréhension : les personnages, le cadre, les actions, leur motivation. Mais j'avoue que même cela ne m'avance pas beaucoup.

Franchement, je trouve très difficile, quand un élève est bloqué et dit qu'il ne comprend rien face à un texte, de bien saisir où ça coince et quelle stratégie mettre en oeuvre pour progresser. C'est invisible, l'élaboration du sens, et la mise en évidence de ses mécanismes et des éventuels points d'achoppement nécessite des dispositifs extrêmement complexes, qui relèvent du laboratoire de sciences cognitives et non de la salle de classe. Dès lors, on tâtonne. Enfin, moi, c'est le domaine où j'ai du mal.

Ce qui marche le moins mal pour mes élèves en difficulté :
- découper le texte en petites unités et travailler une unité après l'autre ;
- ritualiser certains repérages : les 4W ; repérer les grandes étapes du récit en demandant ce qui se passe au début, ce que disent les personnages (s'il y a lieu) et ce qu'ils pensent (qui n'est pas toujours ce qu'ils disent), comment ils réagissent et pourquoi, pour faire apparaître les enchaînements logiques ; chercher les indicateurs de lieu et de temps pour repérer les changements éventuels ; vérifier la situation à la fin ;
- préciser certaines questions : plutôt que de demander : Que se passe-t-il dans ce passage ?, préférer : Qu'est-ce qui est important dans ce passage ?(certains élèves ayant tendance à se perdre dans les détails) ;
- faire développer des stratégies pour inférer le sens de certains mots inconnus (les autres doivent avoir été appris ou expliqués avant la lecture).

Ritualiser, donner une méthode, un bout par lequel attraper le texte pour s'en dépatouiller un minimum, c'est déjà pas mal. Quand les élèves se trompent, en leur faisant dire pourquoi ils ont répondu ainsi, j'arrive souvent à voir ce qui a posé problème : souvent, une phrase pas lue jusqu'au bout (typiquement, dans le célèbre Rondeau de Charles d'Orléans, ces élèves vont dire que ça parle de l'hiver, puisque dès le 2e vers, il y a les mots "pluie", "vent", "froidure", sans lire la phrase en entier ni faire attention à son sens), ou une confusion dans les pronoms, ou une information implicite non décodée. Mais j'ai du mal à en tirer un réel savoir-faire pour les élèves, une fois que j'ai radoté : "Ne vous jetez pas sur les premiers mots qui passent, lisez les phrases en entier". Quant à ceux de mes élèves qui ne voient rien, n'opèrent aucune représentation mentale, disent ne rien comprendre et ne proposent pas le premier élément de réponse sur lequel s'appuyer pour les réorienter dans le texte - et ils sont relativement nombreux dans mon groupe de 6e faibles -, je me sens fort démunie pour leur venir en aide. On arrive à un degré de difficulté tel que j'ai l'impression qu'il faudrait qu'ils soient même plus 22, mais 5 ou 6, qu'on puisse reprendre l'élaboration de chaque phrase une par une, en repérant qui fait quoi (le sujet et le verbe) sans se perdre dans les autres informations, en s'efforçant de visualiser la scène, puis pour relire par groupes syntaxiques cohérents, pour travailler la subvocalisation et faciliter ce cinéma intérieur indispensable à la compréhension. Mais ça, ça ne peut absolument pas se faire tout seul, donc même à 22, quand les autres ont besoin d'autre chose, je galère pour trouver un moment pour le faire, et comme ce n'est pas assez régulier, ben ça ne donne rien... Modèle, explicitation, exemple, modelage, modélisation en pédagogie - Page 4 2950807625
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par Aperçu par hasard Lun 30 Sep 2024 - 15:22
*Ombre* a écrit:Franchement, je trouve très difficile, quand un élève est bloqué et dit qu'il ne comprend rien face à un texte, de bien saisir où ça coince et quelle stratégie mettre en oeuvre pour progresser. C'est invisible, l'élaboration du sens, et la mise en évidence de ses mécanismes et des éventuels points d'achoppement nécessite des dispositifs extrêmement complexes, qui relèvent du laboratoire de sciences cognitives et non de la salle de classe.

Je réagis juste sur cette partie de ton message. Je ne sais pas dans quelle mesure le parallèle avec les arts plastiques est pertinent, mais quand nous analysons une œuvre en cours dans ma discipline, je crois qu'il est inévitable qu'une part de ce qui permet à l’œuvre de faire sens (une part variable, mais toujours importante au niveau lycée) reste largement hors de la portée des élèves. Car (comme tu le sais et comme le savent tous les enseignants qui étudient l'art ou la littérature, en fait je rappelle là une évidence) une œuvre ne fait jamais sens uniquement par elle-même. Autrement dit, ce qui fait qu'un tableau de David produit telle ou telle signification particulière, c'est certes un ensemble de caractéristiques et de procédés que l'on peut mettre en évidence à l'aide d'une analyse explicite bien conduite, mais c'est très loin de n'être que cela: c'est aussi - par exemple - que David n'est pas Fragonard, et qu'il a donc plus de proximité avec Poussin qu'avec Rubens, qu'il est davantage du côté d'une idéalisation (héritée de la Grèce antique, relayée par la Renaissance) fondée sur la géométrie et la juste proportion que du côté de la transposition de la fugacité des sensations, qu'il est davantage sensible à l'austérité républicaine qui va s'exprimer dans la Révolution qu'à un certain imaginaire du libertinage, etc. Les œuvres de David et celles de Fragonard doivent donc en grande partie leur sens au fait qu'elles coexistent en s'opposant dans un certain contexte, au sein duquel les unes et les autres forment des sortes de carrefours ouvrant diversement sur une multitude de perspectives historiques et artistiques. Or il me paraît assez évident que la perception de cette complexité et de cette profondeur culturelles conditionne très largement la compréhension des effets produits par les caractéristiques et procédés que l'on peut repérer dans l’œuvre.

Si bien que oui, comme me le disent parfois des élèves, David et Fragonard ne sont d'un certain point de vue pas si différents que cela (même si en tant qu'enseignant j'ai tendance à percevoir d'abord des différences dont je pourrais croire qu'elles sautent aux yeux), et de fait l'on retrouve chez l'un et l'autre des motifs, des caractéristiques et des procédés qui ont un air de famille, quand ce ne sont pas simplement les mêmes. Mais pour bien percevoir ce qui les distingue et les fait fonctionner différemment, il faut du temps. Le temps que le paysage culturel où les œuvres prennent place et se répondent passe du flou des premières années d'apprentissage à la (relative) netteté qu'il acquiert pour celui qui a roulé sa bosse. Et en attendant (et je crois que nous sommes tous passés par là), l'élève doit faire confiance au prof quand il lui dit que tel procédé employé ici concourt à signifier cela. Les meilleurs le retiendront et pourront le répéter, au mieux donner quelques éléments d'explication embryonnaires, mais on ne pourra pas dire qu'ils le comprennent déjà comme l'enseignant le comprend.
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