Les universités sommées de faire le tri dans leurs formations

Bon d’accord, je veux bien faire un effort et apprendre à des étudiants de droit comment faire un mémoire de littérature pour sauver la France !

Voilà. Et moi j'irai enseigner Emily Dickinson en LANSAD.

Expression communication dans un IUT par exemple. Pas le même métier exactement, mais pour nos décideurs rien d'impossible.

Ah oui mais là pour le coup ça revient à une mutation d’office…

Après une recherche rapide, je n'ai pas vu de textes qui garantissent qu'un EC ait un service qui soit limité à sa discipline de recrutement, mais je suis peut-être passé à côté.

Par contre, la possibilité d'être envoyé à l'autre bout de l'académie est malheureusement prévue dans l'article 7 du Décret n°84-431 :

Dans le cas où il apparaît impossible d'attribuer le service de référence à ces personnels, le président ou le directeur de l'établissement leur demande de compléter leur service dans un autre établissement public d'enseignement supérieur de la même académie sans paiement d'heures complémentaires. La région d'Ile-de-France est, pour l'application des dispositions du présent alinéa, considérée comme une seule et même académie.

Il n’y a peut être pas de texte qui le garantisse mais je ne vois pas quelle autre discipline je pourrais enseigner - à part l’info com en IUT mais bon, c’est un tout petit volume horaire, on ne va pas recaser tous les MCF en littérature des petites facs en IUT. Ça paraît quand même un peu insoluble tout ça, on ne peut pas virer ou reconvertir de force tous les titulaires (tout de même nombreux en nombre absolu) d’une discipline « non utile économiquement à la nation »…

On va être confronté prochainement à ce problème dans mon UFR, avec une réduction significative des besoins d'enseignements (mais pas une disparition). Pour l'instant, les pistes trouvées sont la suppression des vacations, des monitorats (tant pis pour les doctorants qui voulaient s'essayer à l'enseignement...) et une interdiction des services contenant un nombre important d'HC (en soi, ce n'est pas plus mal, mais la redistribution des heures va créer des tensions).

Il semblerait aussi qu'il y ait des volumes horaires importants de TD d'informatique de base (certifications C2i ) dans des grosses UFR qu'apparemment n'importe qui peut faire (l'équivalent de l'EMC du lycée !

Oui j’imagine qu’il va y avoir d’abord épuration de tous les vacataires etc. Mais si j’ai bien compris les dernières sorties des génies qui nous gouvernent, l’idée est carrément de supprimer les formations jugées inutiles…

Iridiane a écrit:Quoiqu’il en soit on ne peut pas envoyer un MCF en littérature enseigner le droit ou la musique j’imagine… donc tout ça me pose quand même question.

Non, mais enseigner l'orthographe à des étudiants de staps ou la contraction de textes à base d'articles scientifiques aux L1 de sciences, oui. J'ai un ami MCF en latin dont c'est le sort actuellement.
Lorsque l'allemand a fermé à Reims faute d'étudiants, les enseignants ont été reversés dans une sorte de maison des langues, et ils ne font que des cours de langue à des étudiants de toute la fac. Idéal pour stimuler la recherche et qu'ils puissent espérer muter, donc.

Finalement on va bénir l'existence du MEEF et supplier qu'il continue d'exister (même si c'est peu probable...)

De toute façon, même en admettant que cette funeste mécanique se mette en place, le temps qu'ils installent leur observatoire de l'insertion professionnelle, qu'on ait les premiers résultats (car pour l'instant on n'a plus de service d'orientation, en tout cas dans ma fac, et c'est précisément le SIO que rassemblait ce type de données), qu'on s'étripe entre nous pour voir quelle filière on supprime, que les rectorats valident les nouvelles offres de formation, que Mme Retailleau soit confrontée à un gros bazar sur la plupart des campus, le mandat de Macron sera à peu près terminé. Pas sûr non plus que les macroneux prennent le risque de voir le nombre de chômeurs exploser juste avant les élections (car je ne suis pas bien certain qu'un étudiant d'arts du spectacle se découvre subitement une vocation de chimiste).

Les derniers chiffres dont je dispose (ça remonte déjà à un paquet d'années, puisque le SIO a disparu à peu près à l'époque de Pécresse) donnaient 93% d'étudiants trouvant un métier 6 mois après la fin de leur master de lettres, dont (hors enseignement) 20% dans la fonction publique, et 80% se déclarant satisfaits de leur emploi. Ça ne me paraît pas si catastrophique que ça puisse justifier la fermeture de la filière.

C’est aussi ce que je me dis pour me « rassurer »… mais je suis assez terrifiée, d’autant que là j’étais - sans toutefois me faire d’illusions sur l’état de la fac évidemment - dans une dynamique positive, venant d’être recrutée, me disant que même si tout n’était pas parfait j’allais enfin faire le métier que je veux et pour lequel je me suis tant battue… pff.

La seule bonne nouvelle que je pourrais y trouver c'est si les formations en homéopathie, acupuncture, mésothérapie, et autres médecines dites complémentaires sont bannies des universités.
Le charlatanisme n'a pas sa place dans le domaine scientifique.

Ça c’est certain… mais bizarrement je ne suis pas sure que ce soit ce type de formations qu’ils visent…

paloma75 a écrit:La seule bonne nouvelle que je pourrais y trouver c'est si les formations en homéopathie, acupuncture, mésothérapie, et autres médecines dites complémentaires sont bannies des universités.
Le charlatanisme n'a pas sa place dans le domaine scientifique.

On parle de débouchés. Ce sont des métiers en plein boom. Ces formations ont de très bons débouchés, et ça rapporte. Je ne crois donc pas que ce soient ces formations qui soient visées, car il n'est nulle part question d'apprécier la qualité scientifique des formations, juste leur rentabilité économique.

e-Wanderer a écrit:De toute façon, même en admettant que cette funeste mécanique se mette en place, le temps qu'ils installent leur observatoire de l'insertion professionnelle, qu'on ait les premiers résultats (car pour l'instant on n'a plus de service d'orientation, en tout cas dans ma fac, et c'est précisément le SIO que rassemblait ce type de données), qu'on s'étripe entre nous pour voir quelle filière on supprime, que les rectorats valident les nouvelles offres de formation, que Mme Retailleau soit confrontée à un gros bazar sur la plupart des campus, le mandat de Macron sera à peu près terminé. Pas sûr non plus que les macroneux prennent le risque de voir le nombre de chômeurs exploser juste avant les élections (car je ne suis pas bien certain qu'un étudiant d'arts du spectacle se découvre subitement une vocation de chimiste).

Les derniers chiffres dont je dispose (ça remonte déjà à un paquet d'années, puisque le SIO a disparu à peu près à l'époque de Pécresse) donnaient 93% d'étudiants trouvant un métier 6 mois après la fin de leur master de lettres, dont (hors enseignement) 20% dans la fonction publique, et 80% se déclarant satisfaits de leur emploi. Ça ne me paraît pas si catastrophique que ça puisse justifier la fermeture de la filière.

Merci pour ces précisions de chiffres e-wanderer. Je crois que dans mon UFR (et département) il y a aussi un bon taux d’insertion pro. Mais je ne sais pas trop ce que ça signifie en fait, ce qu’ils appellent « bon » etc…

Il est possible aussi que le gouvernement ait quelques surprises sur les taux d'insertion. Les filières de sciences humaines ne s'en tirent pas mal du tout, il me semble.

paloma75 a écrit:La seule bonne nouvelle que je pourrais y trouver c'est si les formations en homéopathie, acupuncture, mésothérapie, et autres médecines dites complémentaires sont bannies des universités.
Le charlatanisme n'a pas sa place dans le domaine scientifique.

Heu.. c'est peut-être un peu hors sujet mais la médecine chinoise, c'est du charlatanisme ? La mésothérapie pratiquée par certains rhumatologues, c'est du charlatanisme ? l'utilisation de plantes adaptogènes dont l'efficacité est manifeste, plutôt que le recours aux AD c'est aussi du charlatanisme ? sans parler de la micronutrition pratiquement absente des enseignements en médecine, ou de l'approche holistique de la personne...

Et pour l'insertion des bac+3?

Je me demande comment ils vont récupérer les données. Je viens de jeter un œil sur le taux d'insertion après un master de philo à Paris 1 par curiosité, mais les chiffres indiquent que seuls 65% des étudiants ont répondu, ce qui rend le chiffre (plutôt bon : 91%) peu fiable.

Korémuse a écrit:

paloma75 a écrit:La seule bonne nouvelle que je pourrais y trouver c'est si les formations en homéopathie, acupuncture, mésothérapie, et autres médecines dites complémentaires sont bannies des universités.
Le charlatanisme n'a pas sa place dans le domaine scientifique.

Heu.. c'est peut-être un peu hors sujet mais la médecine chinoise, c'est du charlatanisme ? La mésothérapie pratiquée par certains rhumatologues, c'est du charlatanisme ? l'utilisation de plantes adaptogènes dont l'efficacité est manifeste, plutôt que le recours aux AD c'est aussi du charlatanisme ? sans parler de la micronutrition pratiquement absente des enseignements en médecine, ou de l'approche holistique de la personne...

Justement, le fait que ces enseignements quittent la fac va favoriser le développement des charlatans.

Korémuse a écrit:

paloma75 a écrit:La seule bonne nouvelle que je pourrais y trouver c'est si les formations en homéopathie, acupuncture, mésothérapie, et autres médecines dites complémentaires sont bannies des universités.
Le charlatanisme n'a pas sa place dans le domaine scientifique.

Heu.. c'est peut-être un peu hors sujet mais la médecine chinoise, c'est du charlatanisme ? La mésothérapie pratiquée par certains rhumatologues, c'est du charlatanisme ? l'utilisation de plantes adaptogènes dont l'efficacité est manifeste, plutôt que le recours aux AD c'est aussi du charlatanisme ? sans parler de la micronutrition pratiquement absente des enseignements en médecine, ou de l'approche holistique de la personne...

Euh… oui en fait.

Il me semble, malheureusement, que ce gouvernement n'attendra pas d'avoir des données fiables, et encore moins de monter un "observatoire de l'insertion professionnelle", pour fermer des filières. L'idée que les SHS sont "inutiles" car non rentables est très répandue... sauf peut être dans le cas de formations en alternance. Tout cela est purement idéologique. Et donc, j'ai très peur que ça se fasse, comme tout le reste, au pas de charge... et avant la fin du quinquennat.

Oui mais dans ce cas il y a quand même tous les enseignants chercheurs titulaires de ces filières qui vont se retrouver sans enseignement… et ça va en faire du monde à recaser en IUT pour faire de la culture générale et de la com ! Autant ça paraît possible de fermer quelques formations çà et là, autant en pratique je ne vois pas comment ils peuvent généraliser ces fermetures.

piesco a écrit:

Ergo a écrit:En plus, on a plein de sous qui dorment dans nos fonds de roulement, là, donc hop hop hop, faut les rendre.
Nous, ce sont les bâtiments de l'UFR sciences qui s'écroulent le plus, on n'a qu'à commencer par fermer les formations dont les salles n'ont plus de plafond. Pas de plafond, pas de formation, c'est un bon slogan, je trouve.

Oh que oui, je vote pour.

Sans compter que je sais de source sûre que certains universitaires (d'odieux enseignants-chercheurs évidemment), ont des comptes épargne.
Or, les universités ne sont pas là pour thésauriser, ni donc les universitaires.
Par conséquent ………

À quoi j'ajoute que dans cet UFR, ils n'ont pas une once de bon sens.
Vu que l'insertion professionnelle est un devoir (sacré) des universités, ils attendent quoi pour créer un parcours maçonnerie, plâtre et peinture ? Il suffira d'indiquer que les matériaux et les outils font partie de pré-requis, et hop !

Iridiane a écrit:J’ai une question à ce sujet pour les enseignants du supérieur, pardon si c’est naïf (je viens d’être recrutée et je suis pleine d’illusions): si un département ferme purement et simplement, que deviennent les titulaires qui y sont rattachés ? J’imagine qu’on ne peut pas leur dire « allez bye, licenciement économique »?

Ils ont le droit de demander à devenir autre chose.
Mais ils ont le droit d'exiger d'être employé par leur université (et non par une autre) et dans leur section d'appartenance. Pour moi, ce serait de la section 17 exclusivement à quoi que ce soit d'autre, et mieux vaudrait ne pas trop insister car je suis facilement irritable pendant les canicules mais aussi entre deux canicules…
Évidemment je doute considérablement d'être concerné pour les quelques années de cours qu'il me reste à tirer bonheur qui s'ouvrent devant moi.

Maintenant, dans les cas les plus difficiles et quelle que soit sa section, il est toujours possible reverser un MCF ou un PU en Inspé (avec interdiction de refuser). Pour ma part, ça m'est égal, j'y suis déjà !