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maikreeeesse
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par maikreeeesse Mar 13 Déc 2022, 09:17
dandelion a écrit:
maikreeeesse a écrit:Pas tous les PEMF ! Wink.
Je ne peux quantifier le nombre de mots de mes élèves en CP, mais je pense pas loin de 500. Exemples recents: forêt, élève ( Smile), décorés, figurines, animé...sont inconnus de la majorité de la classe. Même montagne, à Grenoble. Et je rejoins Choup, aucune mémorisation malgré une mise en contexte, des réemplois, des illustrations sonores et visuelles. Mes élèves sauront lire en fin de CP, enfin ils répondent aux attendus (fluidité, ton, articulation) mais c'est loin d'être gagné pour la suite avec ce bagage limité en vocabulaire.
Tu as des élèves dont le français n’est pas la langue maternelle en majorité?
Comment expliques-tu qu’ils ne sachent pas des mots qui font partie de l’imaginaire enfantin comme la forêt? Pour figurines et animés, je les trouve moins courants, donc je ne suis pas surprise qu’ils ne les connaissent pas (mais pour toi qui a de l’expérience c’est peut-être une différence que tu observes?).
Je trouve par contre vraiment bizarre que les enfants ne retiennent pas le mot expliqué et revu. Je ne trouve pas l’explication d’Elyas concernant le fait qu’ils n’ont pas d’expérience tangible des mots convaincante.
Non, un ou deux élèves allophones par classe, peut-être un  élève de plus dans chaque classe dont la langue parlée à la maison n'est pas le français mais qui le parle à l'école, un ou deux qui relèvent d'ULIS avec notification mais sans place pour tous les niveaux et enfin 3/4 Ulis en inclusion. En CP plus particulièrement et en CE1, un ou deux élèves en CP qui relèvent d'IME.
Un autre exemple récent: je fais dessiner les mots lus en atelier autonome de lecture. Le mot "poule". Bien sûr l'objectif n'est pas le dessin ou la ressemblance mais de vérifier qu'ils associent une image au mot lu. Je m'intéresse au dessin d'un élève qui a dessiné une sorte de tortue avec 5 pattes. Une discussion  s'engage "Quel mot as-tu lu ? Poule, d'accord c'est bien. Cela a combien de pattes une poule ?". Il compte sur son dessin. "Non, non, imagine la poule dans ta tête, combien de pattes ?"
"Deux et encore deux.". Il persite. A ma tête il voit bien qu'il n'a pas répondu correctement. Il change en 3 pattes, en 5...
"Cela ressemble à quoi une poule ? Un oiseau, oui, et les oiseaux ont combien de pattes ?" Difficile pur certains, pourtant ils en voient tous les jours. Mais ce n'est pas l'important ici.
Et là, lueur dans ses yeux "ah, une poule !" Il avait lu le mot, entendu, oralisé, discuté sans avoir convoqué l'animal.
C'est un écueil bien connu en CP mais pas en décembre sur un mot aussi simple. Alors pour lui et beaucoup, les lectures, les sciences, les discussions passent bien au-dessus. Très compliqué de les rattacher à la vie de classe.
Quand j'ai commencé il y a 24 ans, je pouvais lire Hansel et Gretel en MS et Les musiciens de Brême en CP (coucou Verdurette) en REP. Maintenant cela leur passe complétement à côté. J'ai encore tenté Le chat botté l'année dernière en CP mais en plus de la difficulté du vocabulaire l'intrique était trop compliquée et incomprise (or je ne suis plus en REP.)
Shingola
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par Shingola Mar 13 Déc 2022, 09:26
La farine, le blé, le moulin le meunier sont récurrents dans les premières lectures qu'ils font à la crèche et en maternelle. Roule Galette ( bon, c'est vrai que la grand mère va balayer le grenier pour récupérer de la farine...) , le superbe La grosse faim de p"tit bonhomme de Pierre Deyle où on a toutes les étapes de la fabrication, toutes les adaptations de l'histoire de la poule qui veut faire un gâteau et qui demande à chaque fois qui veut l'aider ( bien sûr personne, donc elle sème toute seule, puis elle porte toute seule la farine au meunier ), on trouve des moulins en légo, en playmobil, ou alimentés par de l'énergie solaire, et pour une leçon d'agriculture grand débutant vous avez en 7 minutes délicieuses Une petite poule avisée par Walt Disney 1934.

Je n'ai jamais lu d'adaptation des Musiciens de Brême qui me plaise, personnellement. Ca, c'est un problème aussi, la qualité du texte, dans les adaptations de contes.
Si tu veux lire, et c'est très drôle, L'histoire de la lettre que le chat et le chien écrivirent à leurs amies les petites filles, c'est un Père Castor, à vue de nez de niveau CE1, c'est absolument délicieux. Il y a beaucoup de vocabulaire, comme dans de nombreux Père Castor.
Et pour finir sur ce thème, j'ai regardé il y a peu Maya l'abeille, l'ancienne version qu'on regardait dans les années 80. Maya dit à son copain Willy qui voudrait laisser tomber une petite chenille " Songe qu'elle est beaucoup plus jeune que nous ! " Joli !
Voltaire
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par Voltaire Mar 13 Déc 2022, 11:03
Pour moi enfant un des grands charmes de la lecture, c'était qu'il y avait dans les livres tout plein de choses que je ne rencontrais pas dans ma vie quotidienne (famille modeste, banlieue), certaines qui existaient et que je verrais peut-être un jour, certaines qui n'existaient plus, et certaines complètement imaginaires. J'ai évidemment pas mal écumé le dictionnaire (Petit Larousse) quand le contexte ne suffisait pas à expliquer le mot inconnu. Maintenant en un clic on a la définition d'un mot, sa mise en contexte, souvent une image (ou plusieurs) ... pourquoi le vocabulaire s'appauvrit-il dans ces conditions ? Manque de curiosité, refus de la difficulté, manque de mémoire ?

C'était aussi un plaisir que d'apprendre par cœur (textes et poésies, chansons), du "beau langage", des mots nouveaux ou non et des tournures de phrase élégantes, originales, correctes, réutilisables, et de les avoir ensuite à disposition tout le temps, partout, pour toujours (réciter une poésie ou chanter une chanson, pour soi-même ou pour d'autres ... aucun besoin de support matériel, tout était en permanence dans la mémoire, immédiatement accessible). Grand merci à tous mes professeurs et instituteurs qui m'ont fait apprendre des centaines de textes (en français, en latin, en anglais ...).

Dans ma discipline (mathématiques), le mot même de "définition" pose problème : nommer et décrire une chose de telle sorte que tout le monde ensuite puisse utiliser ce nom sans aucune ambiguïté (et en maths c'est plutôt facile, essayez de définir une vache pour quelqu'un qui n'en a jamais vu, de telle sorte que quand il en verra une il la reconnaisse ...), c'est incompréhensible pour beaucoup, d'ailleurs la question la plus fréquente à ce sujet était "pourquoi", ce qui est parfaitement absurde concernant une définition.

Toujours dans ma discipline, j'avais l'habitude de "raconter des histoires" pour illustrer une notion nouvelle, soit une mise en contexte historique, soit une analogie géographique, technique, de la vie quotidienne. Quand je faisais cela il y a une dizaine d'années, silence instantané, attention de toute la classe, les élèves (de grands lycéens) en redemandaient. Maintenant, j'ai arrêté, cela ennuie visiblement les élèves, car pas mal de mots utilisés ne sont plus compris/connus ("c'est où, l'Everest, dans les Alpes ?", "pourquoi calculer le jour de la semaine du 11 novembre 1918, qu'est ce qu'il a de spécial ?", et ainsi de suite).

Et enfin (je sais, c'est désordonné comme intervention, mais je viens de lire le fil et plusieurs choses m'ont "interpellée ?" ), il me semble qu'on repère assez facilement les jeunes qui ont appris à lire par une méthode globale (ou semi), car ils continuent à essayer de deviner les réponses au lieu de les chercher.

Hors sujet : la frénésie de vouloir donner une réponse à tout prix, juste ou fausse, conduit certains à proposer en rafale beaucoup de réponses jusqu'à validation, et évidemment dans ces conditions, cette (dernière) bonne réponse n'est ni justifiée ni mémorisée. Dans les applications "éducatives" sur ordinateur où le nombre de tentatives n'est pas limité, l'effet "éducatif" disparait ainsi totalement. En programmation, le nombre d'essais irréfléchis est parfois sidérant (alors même que le message d'erreur est parfaitement clair sur ce qu'il conviendrait de faire, encore faudrait il le lire vraiment).
NLM76
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par NLM76 Mar 13 Déc 2022, 11:41
Il y a une sorte de débat entre l'idée qu'on apprend les mots de façon plus ou moins abstraite, dans les livres, et celle qu'on les apprend de façon concrète, dans la vie. Evidemment, c'est les deux, et l'entre-deux est très important aussi.
Il faut que la vie s'articule avec les mots, et cela doit avoir lieu hors de l'école (mais là-dessus, nous avons peu de prise), et dans l'école. Et là-dessus, nous avons de la prise. Et les propositions de Catherine Huby dans son livre sur la maternelle sont très précieuses.
Les mots s'apprennent aussi dans la culture pas seulement écrite : comptines, chansons, contes, etc. Avec voix humaine, gestes, interactions. Mais encore une fois c'est normal que ça prenne du temps, beaucoup de temps ! Il faut en faire des tonnes : beaucoup de tels "textes" variés, et très souvent répétés et relus... et ce surtout quand dans la famille on n'en fait même pas des grammes. Et quand il y a une maîtresse, un maître avec qui on en parle, qui explique de temps en temps, qui montre de temps en temps les choses auxquelles s'accrochent les mots, eh bien c'est beaucoup mieux. [Autrement dit, 90% à 99% du vocabulaire est acquis de manière symbolique, mais ces 90% de mots tiennent, s'accrochent aux humains parce qu'ils se relient aux 10% de mots fermement accrochés au corps).
Les mots s'apprennent enfin dans les livres qu'on lit, qu'on déchiffre - surtout quand il y a des adultes qui sont là pour aider, pour expliquer de temps en temps. Evidemment, dans ce domaine, il ne faut pas négliger l'importance des images.

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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
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par Iphigénie Mar 13 Déc 2022, 11:56
Oui tout à fait.
De façon générale, je pense qu’on ne parle pas assez avec les enfants, même et je dirais surtout nourrissons: je me rappelle de mon fils à huit mois qui ne parlait pas encore mais remuait les lèvres comme pour répéter quand on lui chantait une chanson. Et d’un pédiatre qui les faisait hurler parce qu’il s’adressait à moi et jamais aux bébés …🙄 il faut parler et chanter avec les enfants, oui….
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par Sapotille Mar 13 Déc 2022, 12:55
Juste une idée, en passant par ici !

Voltaire a écrit: J'ai évidemment pas mal écumé le dictionnaire (Petit Larousse) quand le contexte ne suffisait pas à expliquer le mot inconnu.?
.

Offrons un beau dictionnaire illustré avec des pages en couleurs aux enfants !

Une année, il y a fort, fort longtemps, un grand père est venu me voir à la sortie des classes pour me demander des idées de cadeaux de Noël pour son petit fils !

Et pourquoi pas un dictionnaire ? ai-je suggéré.
Le Robert Junior.

Le jour de la reprise des classes, le gamin est arrivé avec son dictionnaire.
" Regardez, maîtresse, ce que j'ai eu à Noël !" [Le Figaro] Lecture: des «pédagogies inacceptables» toujours à l’œuvre en classe de CP - Page 21 1482308650

Ce n'était qu'un cadeau parmi d'autres, mais c'était celui qui l'avait le plus marqué !
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par Prezbo Mar 13 Déc 2022, 13:09
Shingola a écrit:La farine, le blé, le moulin le meunier sont récurrents dans les premières lectures qu'ils font à la crèche et en maternelle. Roule Galette ( bon, c'est vrai que la grand mère va balayer le grenier pour récupérer de la farine...) , le superbe La grosse faim de p"tit bonhomme de Pierre Deyle où on a toutes les étapes de la fabrication,  toutes les adaptations de l'histoire de la poule qui veut faire un gâteau et qui demande à chaque fois qui veut l'aider ( bien sûr personne, donc elle sème toute seule, puis elle porte toute seule la farine au  meunier ), on trouve des moulins en légo, en playmobil, ou alimentés par de l'énergie solaire, et pour une leçon d'agriculture grand débutant vous avez en 7 minutes délicieuses Une petite poule avisée par Walt Disney 1934.

+1.

Il est probable que les enfants et même leurs parents aient une vie quotidienne qui ne ressemble plus à la vie fantasmée de l’Europe rurale, mais un enfant de 6 ans francophone qui n'a jamais entendu parler de meunier à quand même un sérieux problème d'imaginaire et de registre pas assez nourri...

Il y a aussi des enfants qui ont entendu parler de la tour Eiffel sans avoir jamais mis les pieds à Paris, et de la neige alors qu'ils habitent dans une région où elle est rare.

Par ailleurs, on trouve toujours de la farine en magasin, on l'utilise pour la pâtisserie, il existe toujours des boulangeries, et il existe même toujours des moulins, des meules et des minoteries, même si les moulins ne ressemblent plus à celui d'Alphonse Daudet.

(Le hasard veut que j'ai habité il y a un certain temps à côté de celui-ci :

https://www.nicematin.com/faits-societe/grands-moulins-de-paris-la-farine-qui-vient-du-sud-337386.)
NLM76
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par NLM76 Mar 13 Déc 2022, 14:56
Prezbo a écrit:
Il est probable que les enfants et même leurs parents aient une vie quotidienne qui ne ressemble plus à la vie fantasmée de l’Europe rurale, mais un enfant de 6 ans francophone qui n'a jamais entendu parler de meunier a quand même un sérieux problème d'imaginaire et de registre pas assez nourri...

Il y a aussi des enfants qui ont entendu parler de la tour Eiffel sans avoir jamais mis les pieds à Paris, et de la neige alors qu'ils habitent dans une région où elle est rare.

Par ailleurs, on trouve toujours de la farine en magasin, on l'utilise pour la pâtisserie, il existe toujours des boulangeries, et il existe même toujours des moulins, des meules et des minoteries, même si les moulins ne ressemblent plus à celui d'Alphonse Daudet.

(Le hasard veut que j'ai habité il y a un certain temps à côté de celui-ci :

https://www.nicematin.com/faits-societe/grands-moulins-de-paris-la-farine-qui-vient-du-sud-337386.)
Mais vous vivez dans quel monde ? Eh bien oui, il y a beaucoup d'enfants qui ont "un sérieux problème d'imaginaire"... Il y a des enfants qui ne voient jamais leurs parents acheter de la farine, parce qu'ils ne font pas eux-même de pâtisseries; la plupart n'ont jamais vu ni meule ni minoterie, et beaucoup même n'ont jamais vu de moulin. [Exclamation naturelle... mais l'idée est sans doute fort amendable !]
D'autre part et surtout, j'insiste : il faut créer la capacité symbolique, la capacité d'abstraction. Et cela ne peut se faire si l'on vit uniquement dans l'abstrait, ou alors cela ne peut se faire que de façon pernicieuse. Pour être capable d'imaginer ce qu'on n'a jamais vu ni touché ni senti, il faut avoir fait l'expérience de transformer en mots ce qui est sensible, il faut avoir fait l'expérience de découvrir avec ses sens ce qu'on n'avait découvert dans un premier temps que par les mots et l'abstraction.
Un des résultats d'une capacité d'abstraction qui ne devient qu'une aptitude à l'abstrait qui tourne à vide, c'est ce dont nous parlions ailleurs avec @dandelion : ces étudiants qui apprennent qui apprennent les règles de phonétique historique sans se rendre compte que dans leur bouche, effectivement, lorsqu'ils prononcent une chuintante, leur langue se colle au palais, qu'en articulant une dorsale palato-vélaire suivie d'une voyelle d'avant, et d'autant plus qu'elle est plus fermée, ils ont tendance naturellement à palataliser cette dorsale ; ces étudiants qui ne parviennent pas à retenir ces mots techniques, d'abord parce qu'ils ne saisissent pas qu'ils représentent des réalités sensibles qu'ils connaissent fort bien. Ils croient qu'ils sont dans la matrice et que le monde extérieur n'est qu'une illusion.

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par Iphigénie Mar 13 Déc 2022, 15:36
Mais tu es très rousseauiste en fait Nlm! Wink
Mais oui je suis d’accord il faut faire sentir ( et rêver) pour imaginer et enfin abstraire.
Je pense d’ailleurs en ces temps que les jouets trop sophistiqués ( en gros électroniques, qui parlent et qui font tout tous seuls) ont parfois moins d’intérêt pour les très jeunes enfants que le ruban dudit cadeau ou sa boîte avec laquelle ils fabriquent des trucs qu’ils imaginent….( non non je ne joue pas au misérabilisme !)
Shingola
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par Shingola Mar 13 Déc 2022, 15:46
Ils croient que ce cours est pénible, que les mots de plus de trois syllabes ne les concernent pas et qu'ils pourront sortir leurs antisèches pour se débarrasser du problème comme ils l'ont fait aux précédents partiels.

Je dois vivre aussi dans un monde étonnant car comble d'étrangeté, le premier dessin de mon fils sur son cahier d'écriture en septembre était...une roue à aube ! Une roue de moulin donc ! Comme ses copains, il adore les moulins parce qu'il adore les mécanismes. Je me souviens de cette scène amusante : un manège rustique au milieu du village et tous les gamins à quatre pattes pour voir le mécanisme dessous, les roues qui s'enclenchent les unes dans les autres.

J'ai écrit trois pages de protestation à la maîtresse ( je l'apprécie beaucoup et elle a l'habitude ) de mon fils au CP parce que les petits ont fait une sortie nature en début d'année sans apprendre un seul mot de vocabulaire. J'ai dit qu'apprendre dix mots de vocabulaire ou aucun ne changeait rien à la journée de mon fils et que tant qu'à faire, puisqu'ils ont expliqué que les feuilles mortes sont transformées dans le sol par les insectes, apprendre le mot humus n'aurait pas été déplacé, et leur aurait même permis de synthétiser ce qu'ils venaient de découvrir. Pas un nom de champignon, d'arbre, rien de rien. C'est dommage ! En MS, en sortie au même endroit, la maîtresse leur avait appris " thorax " et " abdomen " au sujet des insectes. Ca n'a pas été réactivé depuis mais ce n'est pas perdu.

A 6 ans il retenu aussi beaucoup plus rapidement que moi le nom de ce machin réflecteur orange sur les roues de nos vélos, le catadioptre ( !! ) qu'avait tenu à nous enseigner le réparateur car c'est un équipement de sécurité obligatoire.
Voltaire
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par Voltaire Mar 13 Déc 2022, 16:24
Je trouverais bien triste que les lectures de nos enfants ne parlent que de ce qu'ils connaissent déjà ...
Prezbo
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par Prezbo Mar 13 Déc 2022, 17:22
NLM76 a écrit:
Mais vous vivez dans quel monde ? Eh bien oui, il y a beaucoup d'enfants qui ont "un sérieux problème d'imaginaire"... Il y a des enfants qui ne voient jamais leurs parents acheter de la farine, parce qu'ils ne font pas eux-même de pâtisseries; la plupart n'ont jamais vu ni meule ni minoterie, et beaucoup même n'ont jamais vu de moulin. [Exclamation naturelle... mais l'idée est sans doute fort amendable !]
D'autre part et surtout, j'insiste : il faut créer la capacité symbolique, la capacité d'abstraction. Et cela ne peut se faire si l'on vit uniquement dans l'abstrait, ou alors cela ne peut se faire que de façon pernicieuse. Pour être capable d'imaginer ce qu'on n'a jamais vu ni touché ni senti, il faut avoir fait l'expérience de transformer en mots ce qui est sensible, il faut avoir fait l'expérience de découvrir avec ses sens ce qu'on n'avait découvert dans un premier temps que par les mots et l'abstraction.

Mais c'est bien ce que je dis : si un enfant de six ans ne comprends pas "meunier", et tous les termes du même registre (ne pas connaître un terme ponctuellement peut se comprendre), c'est qu'il a un problème de vocabulaire, ce qu'on appellerait chez un adulte un problème de culture générale, et pas seulement un problème d'éloignement avec le monde des frères Grimm, même si cet éloignement peut rajouter une difficulté. D'ailleurs, les frères Grimm étaient issus d'un famille lettrée et urbaine, ils ne s'adressaient peut-être pas à des enfants qui voyaient quotidiennement des ânes, des coqs et des meuniers, et ce qui est sûr est qu'ils s'adressaient à des enfants qui n'avaient jamais vu de lutins, de sorcière et d'animaux qui parlent. Pourtant, on peut imaginer.

Pour reprendre les exemples ci-dessus, il y a plein d'enfants qui parviennent à se représenter de manière pas trop inexacte ce que sont un meunier ou un marcassin sans jamais en avoir vu, ce ne sont pas des termes très abstraits.

Pour en revenir au sujet, ce manque de registre est sans doute aussi un obstacle au développement de la lecture fluide. Le risque j'imagine est que certains se concentrent sur ce point pour ne pas admettre la nécessité de travailler suffisamment le décryptage.
Choup90
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par Choup90 Mar 13 Déc 2022, 18:31
maikreeeesse a écrit:Pas tous les PEMF ! Wink.
Je ne peux quantifier le nombre de mots de mes élèves en CP, mais je pense pas loin de 500. Exemples recents: forêt, élève ( Smile), décorés, figurines, animé...sont inconnus de la majorité de la classe. Même montagne, à Grenoble. Et je rejoins Choup, aucune mémorisation malgré une mise en contexte, des réemplois, des illustrations sonores et visuelles. Mes élèves sauront lire en fin de CP, enfin ils répondent aux attendus (fluidité, ton, articulation) mais c'est loin d'être gagné pour la suite avec ce bagage limité en vocabulaire.
Pardon, je croyais avoir précisé "ici" mais j'ai oublié. Toutes mes excuses. Dans mon département, c'est le cas de toutes…
NLM76
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par NLM76 Mar 13 Déc 2022, 18:57
Prezbo a écrit:
Mais c'est bien ce que je dis : si un enfant de six ans ne comprends pas "meunier", et tous les termes du même registre (ne pas connaître un terme ponctuellement peut se comprendre), c'est qu'il a un problème de vocabulaire, ce qu'on appellerait chez un adulte un problème de culture générale, et pas seulement un problème d'éloignement avec le monde des frères Grimm, même si cet éloignement peut rajouter une difficulté.
C'est exactement la même chose ! La question est de savoir ce qui permet d'acquérir cette culture générale. Or @Verdurette nous raconte une expérience où il semble qu'il y a quelque chose qui empêche l'acquisition de cette culture générale, même quand on tente de la transmettre.
Prezbo a écrit:
D'ailleurs, les frères Grimm étaient issus d'un famille lettrée et urbaine, ils ne s'adressaient peut-être pas à des enfants qui voyaient quotidiennement des ânes, des coqs et des meuniers, et ce qui est sûr est qu'ils s'adressaient à des enfants qui n'avaient jamais vu de lutins, de sorcière et d'animaux qui parlent. Pourtant, on peut imaginer.
Tu as parfaitement raison. Mais deux nuances. D'une part, ils ne voyaient pas "quotidiennement" ces gens et ces choses ; mais il leur arrivait plus souvent d'en voir. Et la question de la mesure ici est fondamentale ; il n'y a pas besoin de beaucoup de concret pour construire la possibilité d'abstraire. Mais il y en a besoin d'un peu. Et j'ai le sentiment qu'il peut y avoir un effet de seuil, de seuil en deçà duquel l'abstraction devient trop ardue. D'autre part, la question de l'imagination et de la fiction que tu évoques est fondamentale. en effet, au-delà de la question de l'éloignement civilisationnel. Faire rentrer les petits humains dans la parole n'est pas une mince affaire, si les humains qui les entourent ne les enveloppent pas de parole.
Or, encore une fois, le propre de la parole, ce n'est pas seulement l'imaginaire et l'abstrait; le propre de la parole c'est d'articuler l'imaginaire et l'abstrait d'un côté et le monde sensible de l'autre.

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par LouisBarthas Mar 13 Déc 2022, 23:48
NLM76 a écrit:Faire rentrer les petits humains dans la parole n'est pas une mince affaire, si les humains qui les entourent ne les enveloppent pas de parole.
C'est plus facile de placer un écran entre les deux...

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par Eliette Mer 14 Déc 2022, 06:35
Vos réflexions sur la compréhension me rappellent une discussion avec ma mère, qui a enseigné la lecture avec passion en grande section puis CP dans les années 70-90. C’est amusant car elle a des mots très durs contre la « syllabique » pure. Elle oppose en effet des enfants ânonnant sans fluidité ni compréhension à des enfants pour qui l’écrit oralisé faisait sens. La « globale » à ses yeux n’était pas tant reconnaître un mot à sa photo, que chercher d’abord et avant tout du sens, et du plaisir à la lecture. On a peut-être oublié le contexte et les problèmes qui a l’époque ont poussé à chercher d’autres méthodes.
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par NLM76 Mer 14 Déc 2022, 06:45
Témoignage très intéressant. On voit une erreur manifeste : ce serait la méthode syllabique qui serait à l'origine des lectures ânnonantes. La critique légitime c'est : il ne suffit pas d'enseigner le b-a ba ; il faut travailler la compréhension de ce qu'on déchiffre. Mais l'erreur très grave de raisonnement c'est "Puisque ça ne suffit pas, il ne faut pas le faire."

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par Verdurette Mer 14 Déc 2022, 09:28
Ce message va parler de langage plus que de lecture, mais les deux sont liés. Hier je fais un petit atelier de problème mathématique où je prends les élèves un par un, car mon objectif est de vérifier s'ils savent expliquer leur raisonnement. Le problème est simple, du moins il me semble simple : Pour préparer une tarte aux pommes, Maman a besoin de 6 pommes. Elle a 2 sacs de pommes, 1 sac de 4 pommes rouges et 1 sac de 3 pommes jaunes. A t-elle assez de pommes?

Et je suis très étonnée de voir beaucoup de gamins dont certains habituellement très à l'aise en résolution de problème me dire "non". Alors que maman a 7 pommes, donc bien assez pour sa tarte.
A force de questionner, idee la lumière se fait.
Ils ont compris "Est-ce qu'elle a exactement le bon nombre de pommes" et pas "a t-elle assez de pommes". Je l'ai compris quand les plus à l'aise sur le plan verbal m'ont dit : "Non, parce qu'elle en a trop."

Et cela, je l'ai déjà constaté, la résolution de problèmes bute avant tout sur la question du langage. 2 de plus ou 2 fois plus, et beaucoup d'autres subtilités. Et donc aussi sur la lecture, car si je lis encore les énoncés en ce début de CP, il va bien falloir qu'ils se mettent à lire par la suite.






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par epekeina.tes.ousias Mer 14 Déc 2022, 09:56
Oui, et c'est le le problème de maths qui permet d'isoler la question de la différence de signification entre "assez de" et "le bon nombre de", et à la condition qu'il y ait un moment de discussion ou d'échange. Cela ne peut pas se faire via un dictionnaire ou une procédure mécanique.

Je soupçonne pour ma part (à voir parfois le résultat chez certaines de mes étudiantes) que c'est ce manque de soubassement par échanges dans la langue qui constitue l'un des obstacles, en plus de celui du décodage, à la lecture. Et il ne peut évidemment pas se surmonter par la lecture elle-même (de dictionnaire ou d'autres livres) puisqu'il faut bien démarrer celle-ci. Et comme lors de l'apprentissage, le déchiffrage absorbe une large part de l'attention (avant de se routiniser), cela n'arrange rien.

Et à mon avis, cela "commence" très tôt, parce que c'est toujours déjà là, et cela peut durer longtemps. Quand bien même le travail de décodage a été fait et continue d'être fait, on voit des enfants de CE et de CM butter sur une phrase simple à lire à haute voix, même préparée et alors que le décodage est bon (et qu'à l'oral, ils savent s'exprimer).
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par Leclochard Mer 14 Déc 2022, 10:07
Verdurette a écrit:Ce message va parler de langage plus que de lecture, mais les deux sont liés. Hier je fais un petit atelier de problème mathématique où je prends les élèves un par un, car mon objectif est de vérifier s'ils savent expliquer leur raisonnement. Le problème est simple, du moins il me semble simple : Pour préparer une tarte aux pommes, Maman a besoin de 6 pommes. Elle a 2 sacs de pommes, 1 sac de 4 pommes rouges et 1 sac de 3 pommes jaunes. A t-elle assez de pommes?

Et je suis très étonnée de voir beaucoup de gamins dont certains  habituellement très à l'aise en résolution de problème me dire "non". Alors que maman a 7 pommes, donc bien assez pour sa tarte.
A force de questionner,  idee la lumière se fait.
Ils ont compris "Est-ce qu'elle a exactement le bon nombre de pommes" et pas "a t-elle assez de pommes". Je l'ai compris quand les plus à l'aise sur le plan verbal m'ont dit : "Non, parce qu'elle en a trop."

Et cela, je l'ai déjà constaté, la résolution de problèmes bute avant tout sur la question du langage. 2 de plus ou 2 fois plus, et beaucoup d'autres subtilités. Et donc aussi sur la lecture, car si je lis encore les énoncés en ce début de CP, il va bien falloir qu'ils se mettent à lire par la suite.




C’est une difficulté qui me rappelle les formulations des questions du code de la route (je peux/je dois..). On se demande s’il y a un piège ou non alors qu’il faudrait s’en tenir rigoureusement au point de vue de la loi et au sens des mots pour répondre. exemple, on montre la photo du panneau « impasse ». Est-ce que je peux m’engager dans cette voie ?


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par NLM76 Mer 14 Déc 2022, 10:09
epekeina.tes.ousias a écrit:Oui, et c'est le le problème de maths qui permet d'isoler la question de la différence de signification entre "assez de" et "le bon nombre de", et à la condition qu'il y ait un moment de discussion ou d'échange. Cela ne peut pas se faire via un dictionnaire ou une procédure mécanique.

Je soupçonne pour ma part (à voir parfois le résultat chez certaines de mes étudiantes) que c'est ce manque de soubassement par échanges dans la langue qui constitue l'un des obstacles, en plus de celui du décodage, à la lecture. Et il ne peut évidemment pas se surmonter par la lecture elle-même (de dictionnaire ou d'autres livres) puisqu'il faut bien démarrer celle-ci. Et comme lors de l'apprentissage, le déchiffrage absorbe une large part de l'attention (avant de se routiniser), cela n'arrange rien.

Et à mon avis, cela "commence" très tôt, parce que c'est toujours déjà là, et cela peut durer longtemps. Quand bien même le travail de décodage a été fait et continue d'être fait, on voit des enfants de CE et de CM butter sur une phrase simple à lire à haute voix, même préparée et alors que le décodage est bon (et qu'à l'oral, ils savent s'exprimer).
Tout à fait. Et c'est bien, me semble-t-il, ce sur quoi insistait Pauline Kergomard, et continue d'insister le Grip, avec Catherine Huby, pour le travail à mener en maternelle, où l'on veille à articuler peu à peu, de plus en plus précisément, les mots, les actes et les nombres.
De mémoire, il s'agit de mener régulièrement des petits exercices oraux qui sont en réalité des problèmes mathématiques, de travailler toutes ces notions par la pratique régulière, en particulier en grande section, où l'on commence à formaliser ces notions, à préciser le sens de ces expressions.
Et, si je me souviens convenablement de ce que Catherine Huby et Pascal Dupré, entre autres, m'ont expliqué, ce travail est trop négligé en particulier à cause de la pratique trop répandue des ateliers, où les enfants ont des "tâches" à accomplir, au fond, d'une façon toujours trop mécanique. [Il y a aussi pas mal de choses qui vont dans ce sens, de façon très méthodique et adapté à l'âge des enfants, dans le Venot, De l'écoute des sons à la lecture.]

Une hypothèse personnelle, sur le problème que pose la surcharge cognitive, quand le déchiffrage absorbe l'attention : une des solutions, c'est la lenteur, c'est prendre le temps, s'arrêter, souvent, après avoir déchiffré, ne serait-ce qu'un seul mot, au début de l'apprentissage. Déchiffrer, et prendre le temps de s'émerveiller sur ce qu'on vient de déchiffrer : imaginer, sourire, parler de ce qu'on vient d'évoquer... Donc ne pas expédier l'activité de déchiffrage, ne pas la décrocher de l'intelligence, en faisant d'une part des séances de décodage, et d'autre part des séances de "lecture". Dès qu'on décode, on lit.


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par Leclochard Mer 14 Déc 2022, 10:12
NLM76 a écrit:
epekeina.tes.ousias a écrit:Oui, et c'est le le problème de maths qui permet d'isoler la question de la différence de signification entre "assez de" et "le bon nombre de", et à la condition qu'il y ait un moment de discussion ou d'échange. Cela ne peut pas se faire via un dictionnaire ou une procédure mécanique.

Je soupçonne pour ma part (à voir parfois le résultat chez certaines de mes étudiantes) que c'est ce manque de soubassement par échanges dans la langue qui constitue l'un des obstacles, en plus de celui du décodage, à la lecture. Et il ne peut évidemment pas se surmonter par la lecture elle-même (de dictionnaire ou d'autres livres) puisqu'il faut bien démarrer celle-ci. Et comme lors de l'apprentissage, le déchiffrage absorbe une large part de l'attention (avant de se routiniser), cela n'arrange rien.

Et à mon avis, cela "commence" très tôt, parce que c'est toujours déjà là, et cela peut durer longtemps. Quand bien même le travail de décodage a été fait et continue d'être fait, on voit des enfants de CE et de CM butter sur une phrase simple à lire à haute voix, même préparée et alors que le décodage est bon (et qu'à l'oral, ils savent s'exprimer).
Tout à fait. Et c'est bien, me semble-t-il, ce sur quoi insistait Pauline Kergomard, et continue d'insister le Grip, avec Catherine Huby, pour le travail à mener en maternelle, où l'on veille à articuler peu à peu, de plus en plus précisément, les mots, les actes et les nombres.
De mémoire, il s'agit de mener régulièrement des petits exercices oraux qui sont en réalité des problèmes mathématiques, de travailler toutes ces notions par la pratique régulière, en particulier en grande section, où l'on commence à formaliser ces notions, à préciser le sens de ces expressions.
Et, si je me souviens convenablement de ce que Catherine Huby et Pascal Dupré, entre autres, m'ont expliqué, ce travail est trop négligé en particulier à cause de la pratique trop répandue des ateliers, où les enfants ont des "tâches" à accomplir, au fond, d'une façon toujours trop mécanique.

Concernant les problèmes de maths, est-ce qu’il ne faudrait pas passer par une étape concrète ? Je veux dire dessiner par exemple la situation (deux sacs de pommes) pour les aider avant de proposer une réponse. J’imagine que confronter les points de vue, les réponses des élèves doit être utile.

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par maikreeeesse Mer 14 Déc 2022, 10:18
epekeina.tes.ousias a écrit:Oui, et c'est le le problème de maths qui permet d'isoler la question de la différence de signification entre "assez de" et "le bon nombre de", et à la condition qu'il y ait un moment de discussion ou d'échange. Cela ne peut pas se faire via un dictionnaire ou une procédure mécanique.

Je soupçonne pour ma part (à voir parfois le résultat chez certaines de mes étudiantes) que c'est ce manque de soubassement par échanges dans la langue qui constitue l'un des obstacles, en plus de celui du décodage, à la lecture. Et il ne peut évidemment pas se surmonter par la lecture elle-même (de dictionnaire ou d'autres livres) puisqu'il faut bien démarrer celle-ci. Et comme lors de l'apprentissage, le déchiffrage absorbe une large part de l'attention (avant de se routiniser), cela n'arrange rien.

Et à mon avis, cela "commence" très tôt, parce que c'est toujours déjà là, et cela peut durer longtemps. Quand bien même le travail de décodage a été fait et continue d'être fait, on voit des enfants de CE et de CM butter sur une phrase simple à lire à haute voix, même préparée et alors que le décodage est bon (et qu'à l'oral, ils savent s'exprimer).
C'est pourquoi j'ai du mal avec le mépris que certains expriment quand on parle de l'apprentissage de la lecture sur le cycle en entier. Évidemment que le déchiffrage de tous les sons doit avoir lieu en CP mais pour autant l’apprentissage de la lecture est loin d'être fini et se poursuit.
Ce que tu soulignes sur ton message précédent est également ce que je constate. Les élèves de mon secteur avec l’aide  d'une bonne méthode de lecture (syllabique) lisent tous, mais les problèmes de vocabulaire, de syntaxe font qu'en CM ils chutent dans les résultat  et deviennent très moyens au collège.
Focaliser sur le syllabique (indispensable) risque à mes yeux de cacher d'autres composantes et facteurs de réussite. On  simplifie la discussion ce qui pourrait  nous faire passer à côté de mécanismes plus complexes.
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par NLM76 Mer 14 Déc 2022, 10:24
Leclochard a écrit:Concernant les problèmes de maths, est-ce qu’il ne faudrait pas passer par une étape concrète ? Je veux dire dessiner par exemple la situation (deux sacs de pommes) pour les aider avant de proposer une réponse. J’imagine que confronter les points de vue, les réponses des élèves doit être utile.
Bien sûr ! Mais je pense que les instituteurs vont bien plus loin : ils commencent par faire manipuler des objets. Quant à l'imagination, au sens propre du terme, la capacité de se représenter, de voir en esprit, elle se développe dans l'articulation des paroles et des mots avec tous les sens, vue, toucher, etc., mais aussi en particulier par le biais très essentiel de la gestuelle. Quand l'institutrice est face à ses élèves, au coin de regroupement, et qu'elle raconte sa petite histoire de sacs de pommes (je ne suis pas compétent pour dire quel est le type d'histoire qu'il est bon de raconter à des MS, à des GS... dans ce but : c'est un exemple pris au pif), elle donne à voir ces sacs, ces pommes, par sa gestuelle, dans l'espace qui existe réellement entre elle et ses élèves. Elle construit la capacité de voir en esprit ce que les mots évoquent : les choses et les actions.

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par lene75 Mer 14 Déc 2022, 10:30
J'ai pensé à vous. Pour expliquer à mes élèves comment retenir leurs cours de philo qu'ils n'arrivent pas à apprendre correctement, je leur dis que le plus efficace, c'est de discuter des sujets que nous abordons avec leurs parents. C'est le constat que j'ai fait dans des milieux favorisés. Quand les parents arrivaient enthousiastes aux réunions parents-profs en me disant "J'adore vos cours, c'est passionnant !" 🧐 ("Euh, je n'ai pas souvenir de vous avoir aperçu dans ma classe"), "On parle souvent de vos cours au dîner !", les enfants avaient immanquablement de bons résultats. Bref, lundi, je dis ça à mes élèves... je vous laisse imaginer comment ils m'ont regardée... gros blanc... j'ai essayé de me raccrocher aux branches en leur disant qu'ils pouvaient faire ça entre eux plutôt qu'avec leurs parents. Je crois que j'aurais mieux fait de me taire. Mais je crois qu’il y a quelque chose qui se joue là : les parents de mes élèves sont sans arrêt sur Pronote, ils connaissent par cœur les notes de leurs enfants, confisquent les téléphones ou privent de sorties quand elles ne sont pas bonnes, mais ils ne se préoccupent pas du tout du contenu des cours. Ils n'en parlent pas avec leurs enfants. Ça rejoint ce qui a été dit plus haut : les élèves ont du mal à voir le cours autrement qu'un truc à apprendre par cœur sans chercher à comprendre et à recracher le jour du contrôle avant de tout oublier. Apprendre ça ou autre chose leur est assez indifférent. Sauf les bons élèves et ceux qui sont accompagnés chez eux. Après je ne jette pas la pierre aux parents : c'est vraiment compliqué de tout mener de front. Je le vis moi-même en tant que mère. Mais il est indéniable que ça fait une différence dès le plus jeune âge. On m'a d'ailleurs souvent dit que les difficultés de ma fille handicapée étaient masquées dans les tests par notre investissement à la maison.
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par maikreeeesse Mer 14 Déc 2022, 10:32
NLM76 C'est ce qu'on appelle le passage de la manipulation passive à une manipulation active afin d'accéder à une symbolisation.
Manipulation passive: l’élève met 4 pommes et 3 pommes dans un panier puis va regarder et compter pour trouver le résultat.
Manipulation active: le maître met 4 pommes dans une panier non visible puis trois pommes et demande à l'élève d'anticiper le résultat (puis confrontation)
A la fin tout est "imaginé" pour parvenir au symbolisme (dont l'écriture mathématiques est une représentation).
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