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The Paper
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par The Paper 09.10.21 17:13
Ah oui, effectivement, un déterminant peut aussi être supprimé alors. Bon, donc ce n'est pas ça la raison.
Donc pourquoi vouloir en finir avec l'adjectif en tant que déterminant ?


Dernière édition par The Paper le 09.10.21 17:16, édité 1 fois
Iphigénie
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par Iphigénie 09.10.21 17:15
chais pas Very Happy pour changer sans doute Wink
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par NLM76 09.10.21 18:20
Bon, je rappelle quand même le problème logique que j'ai posé. L'adjectif attribut du sujet n'est absolument pas facultatif ("Le poète est au prince des nuées"...). C'est une évidence. Comment donc peut-on affirmer que la nature de l'adjectif est d'être supprimable ?
Je ne comprends pas.
Et c'est vrai, je me scandalise de ce qui me paraît une aberration logique manifeste.
Mais c'est peut-être moi qui délire ?
Maintenant, je dois reconnaître que je ne sais pas comment dire cela de façon plus policée. Je dois avoir tort. [Ce n'est pas de l'ironie ! J'aimerais savoir comment dire ce genre de choses sans passer pour hystérique, violent, ou agressif.] Mais peut-être n'est-ce pas une question de style, mais d'analyse : je dois avoir un peu tort en pensant que d'une part cette définition est absurde; et que d'autre part elle continue à valoir du fait de la violence symbolique que constitue l'argument d'autorité tenu par ceux qui ont le pouvoir intellectuel.

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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
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par *Ombre* 09.10.21 18:43
Non, tu n'as pas tort, NLM, et tu sais que je suis moi-même farouchement opposée à ces critères de distribution - et pas seulement en matière d'adjectif.
Moi non plus, je ne sais pas comment le dire autrement : ce sont des erreurs, puisque cela contrevient à des usages on ne peut plus courants.
Comment ces critères de distribution, qui conduisent à tant d'erreurs, sont parvenus à s'imposer comme le sommet de l'analyse, je ne saurais l'expliquer.
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par The Paper 09.10.21 20:34
NLM76 a écrit:Comment donc peut-on affirmer que la nature de l'adjectif est d'être supprimable ?
Moi en tout cas je ne dis pas ça, je me suis peut-être mal exprimé. Le fait que l'adjectif qualificatif ne soit pas supprimable quand il est attribut n'empêche pas qu'il le soit en tant qu'épithète. Donc, si l'adjectif en tant que déterminant n'avait jamais été supprimable, j'aurais compris (sans l'approuver) ce glissement du sens de "déterminant" vers une nature au lieu d'une fonction. Mais l'exemple donné par Iphigénie montre bien que même en tant que déterminant, il peut être parfois supprimé. Je ne comprends donc pas la logique qui a amené cette tradition que je trouve aussi, effectivement, absurde.

Sur ta façon de le dire ("enfant de huit ans, etc.), c'est juste que ça me heurte toujours quand on dévalorise les personnes, parce que j'estime que quand quelqu'un dit une bêtise, ça ne fait pas de lui quelqu'un de bête, à moins que ça ne se répète trop souvent Question de grammaire - Vos questions de grammaire - Page 10 437980826  Tu dis d'ailleurs à propos de ton élève qu'elle était brillante.
Je trouve plus à propos ton indignation sur l'argument d'autorité tenu par ceux qui ont le pouvoir intellectuel : car enfin comment une bêtise parvient-elle à s'imposer à la place d'une classification qui était logique ?

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par NLM76 09.10.21 21:31
D'abord, la définition que propose Denis & Sancier-Château dans leur Grammaire du français ne parlent pas du tout de fonction épithète. Elles définissent l'adjectif en général. "On réservera donc l'appellation d'adjectif à la seule catégorie de mots variables en genre et en nombre, dont l'expression est facultative." Leur définition est fausse et bête. Et je suis très sévère à leur égard.
En revanche, pour l'étudiante en question, je suis beaucoup moins sévère, et nous ne lui en avons aucunement voulu de répéter ce qu'elle avait appris. Quand nous lui avons demandé de regarder ce qui se passait dans le texte qu'elle proposait à ses élèves, elle a vu elle-même que ça ne marchait pas : aucune bêtise chez elle. Juste pas le temps ou l'idée de vérifier ce que disent d'autorité des professeurs d'université, ce qui est bien normal pour un étudiant. C'est à ses professeurs ou manuels que j'en veux beaucoup.
Je vais vérifier mon message pour corriger ce qui pouvait laisser croire que la satire lui était destinée.

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par The Paper 09.10.21 21:44
J'ai pensé que tu visais à la fois l'élève et les grammairiens. Smile Je pense comme tu dis qu'on ne peut pas les mettre sur le même plan Smile
Oui, leur définition est fausse et bête. Mais j'espère que dans leur grammaire il y a aussi des choses intelligentes qu'un enfant de huit ans ne pourrait pas écrire Very Happy

Ce matin je regarde dans la Grammaire de Riegel, Pellat et Rioul pour voir ce qu'ils disent de tout ça. Alors voilà :
"La nomenclature officielle de 1975, tout en admettant le terme générique de déterminant pour désigner l'ensemble de la catégorie, continue d'appeler les espèces adjectifs démonstratifs, possessifs, indéfinis, numéraux, interrogatifs, exclamatifs et relatifs, en les rapprochant ainsi de l'adjectif qualificatif. Ce regroupement serait justifié si ces différentes catégories avaient au moins une propriété syntaxique commune, ce qui n'est pas le cas en français. La catégorie des indéfinis n'est guère mieux définie."

Je ne comprends pas pourquoi cette affirmation que j'ai mise en italiques. Il y a bien un point commun : l'accord en genre et en nombre qui fait qu'ils dépendent du nom.


Dernière édition par The Paper le 10.10.21 12:40, édité 3 fois

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par *Ombre* 10.10.21 10:05
Tu peux ajouter le fait que nombre d'adjectifs déterminatifs peuvent passer en position d'attribut.
Telle fut la fin de notre héros, et une telle fin est bien triste.
Les sept enfants s'attablèrent : il étaient sept à table.

Certains diront que, dans ces cas, ce ne sont plus des adjectifs indéfinis ou numéraux mais des pronoms, mais cela ne fait que relancer le débat sur la porosité entre ces catégories.

Par ailleurs, dans certaines tournures, un peu archaïques, certes, mais parfaitement correctes, on conserve une forme distincte de celle du pronom : une mienne amie / elle est mienne (et non : elle est la mienne).
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par The Paper 10.10.21 12:33
Merci pour ces exemples éclairants Smile

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par Iphigénie 10.10.21 14:05
Je ne suis pas totalement sûre de mes souvenirs mais il me semble que les déterminants sont apparus en même temps que les analyses par groupes, et que l’on s’est mis à parler de GNS et de GV, d’expansions du nom etc toutes choses qu’on ne disait pas avant j-c ( enfin avant quoi) quand on regardait bêtement les mots les uns après les autres.
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par NLM76 10.10.21 18:22
The Paper a écrit:Ce matin je regarde dans la Grammaire de Riegel, Pellat et Rioul pour voir ce qu'ils disent de tout ça. Alors voilà :
"La nomenclature officielle de 1975, tout en admettant le terme générique de déterminant pour désigner l'ensemble de la catégorie, continue d'appeler les espèces adjectifs démonstratifs, possessifs, indéfinis, numéraux, interrogatifs, exclamatifs et relatifs, en les rapprochant ainsi de l'adjectif qualificatif. Ce regroupement serait justifié si ces différentes catégories avaient au moins une propriété syntaxique commune, ce qui n'est pas le cas en français. La catégorie des indéfinis n'est guère mieux définie."

Je ne comprends pas pourquoi cette affirmation que j'ai mise en italiques. Il y a bien un point commun : l'accord en genre et en nombre qui fait qu'ils dépendent du nom.
Oui voilà. En fait, je crois qu'il y a là-dessous un intégrisme "distributionnaliste" : les critères de distribution sont les seuls qui leur paraissent valables, et il me paraissent confondre "syntaxe" et "distribution" (en gros la place des mots dans la phrase).
Ils écrivent quelque part que la seule méthode pertinente est pour eux "l'analyse par constituants" ­— ce qui revient en fait à s'en tenir au premier ou au deuxième Chomsky, d'après ce que j'en ai compris. J'ai le sentiment qu'ils restent accrochés à un générativisme inapproprié. Ils veulent absolument que la syntaxe soit complètement séparée de la morphologie et de la construction du sens. Ce qui ne marche pas.
Donc leur seul argument, c'est : quand tu fais l'arbre de la phrase, en faisant tomber les groupes dans des paniers, les adjectifs déterminatifs et les adjectifs qualificatifs ne tombent pas dans le même panier. Du coup, ce n'est pas le même "fonctionnement" d'après eux.
Un autre problème, c'est la désarticulation de la notion de "nature". D'ailleurs tu remarqueras qu'ils n'utilisent pas le terme, ou alors avec une grande réticence. Ils y préfèrent des termes comme "catégorie grammaticale". Et il faut absolument que ces catégories soient définis de façon qui soit à leur sens purement "syntaxique", c'est-à-dire distributionnaliste. Comme la catégorie grammaticale se définit uniquement par la fonction syntaxique, sans référence à la sémantique, [et, je crois, souvent, avec le moins de référence possible à la morphologie... qui s'approche du vilain méchant diable qu'est l'orthographe !], c'est le serpent qui se mord la queue, et on peine à organiser une analyse grammaticale (mot par mot) cohérente. D'ailleurs, ce n'est pas du tout dans l'esprit des grammaires que représente la RPR de faire de l'analyse en nature et fonction, mot par mot.

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par The Paper 10.10.21 21:19
Ah oui c'est vrai, je n'avais pas remarqué qu'ils évitaient de dire "nature".
Merci pour les explications.

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par Iphigénie 11.10.21 10:46
J’ai une question de «  nature »: comment analysez vous les locutions type
Le qu’en-dira-t-on
ou
Un je ne sais quoi
?
et j'ajoute: quid si on dit: il avait je ne sais quoi d'étrange?
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par Fires of Pompeii 11.10.21 11:40
Tes deux premiers exemples sont des noms, non ?

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Je ne dirai qu'une chose : stulo plyme.
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par Iphigénie 11.10.21 11:43
je suppose oui mais comment les caractériser? j'aurais dit locution verbale nominalisée mais je ne suis pas sûre qu'on analyse toujours comme ça? (je n'ai rien trouvé chez Le Goffic à part que le terme locution pose problème mais qu'on l'utilise faute de savoir quoi dire d'autre)
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par Fires of Pompeii 11.10.21 11:47
Oui c’est une locution verbale substantivée (le déterminant ne laisse pas de doute sur la substantivisation), enfin moi je dirais ça.
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par Iphigénie 11.10.21 11:53
Bon d’accord, je reste sur ça alors pour cette expression! merci!
Reste à voir sans determinant
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par NLM76 11.10.21 14:15
Les deux sont un petit peu différents, non ?
Pour le "je-ne-sais-quoi", n'allons-nous pas vers le pronom indéfini, comme "n'importe quoi, qui, lequel", ou "quīvīs, quisnam, quispiam..." ?

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par Iphigénie 11.10.21 14:41
NLM76 a écrit:Les deux sont un petit peu différents, non ?
Pour le "je-ne-sais-quoi", n'allons-nous pas vers le pronom indéfini, comme "n'importe quoi, qui, lequel", ou "quīvīs, quisnam, quispiam..." ?
c'est ce qu'on m'a demandé et je n'ai pas su répondre Wink
ça sert clairement de substitut à un pronom :il a dit je ne sais quoi mais peut-on dire que du coup c'est un pronom indéfini?
c'est vrai que "n'importe quoi" est une expression du même type, cela dit. ok merci!
Somnium
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par Somnium 11.10.21 18:51
NLM76 a écrit:
The Paper a écrit:Ce matin je regarde dans la Grammaire de Riegel, Pellat et Rioul pour voir ce qu'ils disent de tout ça. Alors voilà :
"La nomenclature officielle de 1975, tout en admettant le terme générique de déterminant pour désigner l'ensemble de la catégorie, continue d'appeler les espèces adjectifs démonstratifs, possessifs, indéfinis, numéraux, interrogatifs, exclamatifs et relatifs, en les rapprochant ainsi de l'adjectif qualificatif. Ce regroupement serait justifié si ces différentes catégories avaient au moins une propriété syntaxique commune, ce qui n'est pas le cas en français. La catégorie des indéfinis n'est guère mieux définie."

Je ne comprends pas pourquoi cette affirmation que j'ai mise en italiques. Il y a bien un point commun : l'accord en genre et en nombre qui fait qu'ils dépendent du nom.
Oui voilà. En fait, je crois qu'il y a là-dessous un intégrisme "distributionnaliste" : les critères de distribution sont les seuls qui leur paraissent valables, et il me paraissent confondre "syntaxe" et "distribution" (en gros la place des mots dans la phrase).
Ils écrivent quelque part que la seule méthode pertinente est pour eux "l'analyse par constituants" ­— ce qui revient en fait à s'en tenir au premier ou au deuxième Chomsky, d'après ce que j'en ai compris. J'ai le sentiment qu'ils restent accrochés à un générativisme inapproprié. Ils veulent absolument que la syntaxe soit complètement séparée de la morphologie et de la construction du sens. Ce qui ne marche pas.
Donc leur seul argument, c'est : quand tu fais l'arbre de la phrase, en faisant tomber les groupes dans des paniers, les adjectifs déterminatifs et les adjectifs qualificatifs ne tombent pas dans le même panier. Du coup, ce n'est pas le même "fonctionnement" d'après eux.
Un autre problème, c'est la désarticulation de la notion de "nature". D'ailleurs tu remarqueras qu'ils n'utilisent pas le terme, ou alors avec une grande réticence. Ils y préfèrent des termes comme "catégorie grammaticale". Et il faut absolument que ces catégories soient définis de façon qui soit à leur sens purement "syntaxique", c'est-à-dire distributionnaliste. Comme la catégorie grammaticale se définit uniquement par la fonction syntaxique, sans référence à la sémantique, [et, je crois, souvent, avec le moins de référence possible à la morphologie... qui s'approche du vilain méchant diable qu'est l'orthographe !], c'est le serpent qui se mord la queue, et on peine à organiser une analyse grammaticale (mot par mot) cohérente. D'ailleurs, ce n'est pas du tout dans l'esprit des grammaires que représente la RPR de faire de l'analyse en nature et fonction, mot par mot.

Je suis de l'école la plus récente (enfin, grammaticalement parlant), à savoir que je fais partie de ceux qui n'ont quasiment pas fait de grammaire en collège/lycée et qui s'y sont mis à l'université, avec les conceptions actuelles, forcément. Je dois dire que ça ne me choque pas de considérer que le déterminant est strictement nécessaire par rapport à un adjectif en position d'épithète. "Le chien noir aboie": je peux dire "Le chien aboie" sans que la phrase soit agrammaticale, mais jamais "Chien aboie". [On peut trouver de rares exceptions, mais n'y en a-t-il pas un peu partout?] Bref, je ne sais pas si ça justifie de séparer déterminants et adjectifs, ou pas, en fait je n'ai pas vraiment d'opinion sur la question, je laisse ça aux linguistes. [En passant je me fais aussi la remarque que le déterminant est toujours à gauche du nom, pas l'adjectif.] Mais bon, ma question n'est pas là, je voudrais juste demander à ceux d'entre vous qui ont appris avec la grammaire traditionnelle si vous pouviez m'indiquez une bonne grammaire traditionnelle de référence, parce qu'en fait, la grammaire moderne (j'ai en tête la GMF) fait souvent allusion (de façon critique) à une tradition qu'en réalité, je n'ai pas vraiment connu de première main dans ma scolarité - ça n'aide pas à réfléchir.

Sinon j'ai une question en relisant Caillois:

"Qui connaît sa responsabilité d'homme s'appuie sur ce fonds massif et immuable qui permit à l'espèce d'instaurer sur le globe cette immense monarchie héréditaire dont elle peut justement s'enorgueillir. C'est à lui qu'il réserve son adhésion, refusant de s'incliner devant aucun intérêt temporel, pour si prestigieux qu'on le lui donne, et se gardant plus encore de considérer comme la plus haute instance le verdict du corps constitué qui s'en érigerait en champion légitime."

Quelqu'un aurait une idée de la fonction grammaticale du groupe souligné? Subordonnée, mais de quoi? Hypothétique? Concessive? D'opposition? Un peu tout ça à la fois? J'ai un peu de mal.
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par Fires of Pompeii 11.10.21 19:07
NLM76 a écrit:Les deux sont un petit peu différents, non ?
Pour le "je-ne-sais-quoi", n'allons-nous pas vers le pronom indéfini, comme "n'importe quoi, qui, lequel", ou "quīvīs, quisnam, quispiam..." ?

Je veux bien qu’on passe par le latin, mais postuler que c’est un pronom avec un déterminant ça me parait un peu fort Wink

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par Iphigénie 11.10.21 20:08
Si j’ai bien compris, c’est un nom avec le déterminant et un pronom sans. Comme « il fait n’importe quoi »versus: « un grand n’importe quoi . »( expression bien curieuse à décomposer d’ailleurs!).
Mais je marche sur des œufs dans ces analyses-là! Wink
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par NLM76 11.10.21 22:02
Somnium a écrit:
Je suis de l'école la plus récente (enfin, grammaticalement parlant), à savoir que je fais partie de ceux qui n'ont quasiment pas fait de grammaire en collège/lycée et qui s'y sont mis à l'université, avec les conceptions actuelles, forcément. Je dois dire que ça ne me choque pas de considérer que le déterminant est strictement nécessaire par rapport à un adjectif en position d'épithète. "Le chien noir aboie": je peux dire "Le chien aboie" sans que la phrase soit agrammaticale, mais jamais "Chien aboie". (On peut trouver de rares exceptions, mais n'y en a-t-il pas un peu partout?) Bref, je ne sais pas si ça justifie de séparer déterminants et adjectifs, ou pas, en fait je n'ai pas vraiment d'opinion sur la question, je laisse ça aux linguistes. [En passant je me fais aussi la remarque que le déterminant est toujours à gauche du nom, pas l'adjectif.] Mais bon, ma question n'est pas là, je voudrais juste demander à ceux d'entre vous qui ont appris avec la grammaire traditionnelle si vous pouviez m'indiquez une bonne grammaire traditionnelle de référence, parce qu'en fait, la grammaire moderne (j'ai en tête la GMF) fait souvent allusion (de façon critique) à une tradition qu'en réalité, je n'ai pas vraiment connu de première main dans ma scolarité - ça n'aide pas à réfléchir.

En fait, je ne sais pas si je suis d'une école ancienne ou récente... peu importe de savoir si une théorie est récente ou ancienne. Là n'est pas la question. En l'espèce, mon agrégation de grammaire, option linguistique française est encore assez fraîche (2012), et ma thèse encore plus (2017). Autrement dit j'ai la prétention d'être d'une école à la fois très antique et très moderne. Mais il faut reconnaître que le distributionnalisme qu'on trouve dans la RPR et dans la doxa universitaire commence à bien dater...  Vous écrivez "le déterminant est strictement nécessaire par rapport à un adjectif en position d'épithète". Cela peut se concevoir. Mais ce n'est pas du tout la même chose que ce que j'ai cité verbatim, et qui n'incluait pas la notion d'épithète, mais prétendait définir l'adjectif de façon générale. Donc cette définition-là ne marchait pas.
Maintenant, venons-en à la vôtre, qui est peu ou prou celle de la GMF. Supposons donc qu'on puisse définir l'adjectif (qualificatif) ainsi :  "le déterminant est strictement nécessaire, contrairement à un adjectif en position d'épithète". L'adjectif se définirait donc comme facultatif quand il est épithète. Oui mais comment définissez-vous l'épithète, si vous n'avez pas défini au préalable l'adjectif ? Tant au plan théorique qu'au plan pédagogique (en réalité, c'est exactement la même chose), ça ne marche pas, parce que ça n'est pas rationnel, alors même que la prétention à la rationalité est maximale. Mais admettons qu'on dise ainsi : "Dans le groupe nominal, le déterminant est obligatoire, tandis que l'adjectif est facultatif". Expliquez-moi pour les groupes que j'ai mis en orange dans votre texte. En somme, observez les adjectifs, que j'ai mis en gras dans votre texte, et dites-moi jusqu'à quelle proportion pour vous peut aller la rareté de l'exception. Smile
Quoi qu'il en soit, personne n'a jamais dit qu'il n'y avait pas de différence entre les adjectifs qualificatifs et les adjectifs déterminatifs (dans lesquels il faut bien sûr intégrer l'article, qui est une espèce particulière d'adjectif). Ce n'est pas parce qu'ils ont des différences qu'ils n'ont pas de points communs. Et ces points communs sont suffisamment importants pour justifier qu'ils aient un point commun dans leur appellation : comme leur nom l'indique, les adjectifs sont des adjoints du nom, qui viennent préciser le sens du nom. Cela permet entre autres d'exprimer simplement et clairement la règle "Les adjectifs s'accordent en genre et en nombre avec le nom ou le pronom auxquels ils se rapportent."
Quant à un ouvrage qui vous présenterait la grammaire scolaire, qui, en gros, a largement prévalu entre les années 1920 et les années 1960 dans le système éducatif français (la grammaire qu'on m'a enseignée dans les années 1970 et 1980 avait déjà beaucoup changé, avec les groupes et les arbres distributionnalistes), avec, en outre, quelques aménagements nouveaux et bienvenus, je vous conseille chaudement La grammaire française, précis d'analyse grammaticale et logique, de Cécile Revéret.[/color]


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par NLM76 11.10.21 22:13
Somnium a écrit:

Sinon j'ai une question en relisant Caillois:

"Qui connaît sa responsabilité d'homme s'appuie sur ce fonds massif et immuable qui permit à l'espèce d'instaurer sur le globe cette immense monarchie héréditaire dont elle peut justement s'enorgueillir. C'est à lui qu'il réserve son adhésion, refusant de s'incliner devant aucun intérêt temporel, pour si prestigieux qu'on le lui donne, et se gardant plus encore de considérer comme la plus haute instance le verdict du corps constitué qui s'en érigerait en champion légitime."

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Problème très difficile, à creuser en effet. J'ai l'impression que c'est un peu comme dans "quoi qu'il fasse". Un élément de la subordonnée est sorti de la subordonnée : comme s'il s'agissait d'un équivalent de "°étant si prestigieux qu'on le lui donne pour", comme "quoi qu'il fasse" signifierait "°n'importe quoi étant qu'il fasse".
Hypothèses un peu vaseuses du soir.
@Fires of Pompéi : "lequel", "le mien" sont bien des pronoms. Bon d'accord, ce n'est pas pareil; mais la présence de l'article en soi ne me paraît pas rédhibitoire. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un cas limite.

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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
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Question de grammaire - Vos questions de grammaire - Page 10 Empty Re: Vos questions de grammaire

par Somnium 12.10.21 8:55
NLM76 a écrit:
Somnium a écrit:
Je suis de l'école la plus récente (enfin, grammaticalement parlant), à savoir que je fais partie de ceux qui n'ont quasiment pas fait de grammaire en collège/lycée et qui s'y sont mis à l'université, avec les conceptions actuelles, forcément. Je dois dire que ça ne me choque pas de considérer que le déterminant est strictement nécessaire par rapport à un adjectif en position d'épithète. "Le chien noir aboie": je peux dire "Le chien aboie" sans que la phrase soit agrammaticale, mais jamais "Chien aboie". (On peut trouver de rares exceptions, mais n'y en a-t-il pas un peu partout?) Bref, je ne sais pas si ça justifie de séparer déterminants et adjectifs, ou pas, en fait je n'ai pas vraiment d'opinion sur la question, je laisse ça aux linguistes. [En passant je me fais aussi la remarque que le déterminant est toujours à gauche du nom, pas l'adjectif.] Mais bon, ma question n'est pas là, je voudrais juste demander à ceux d'entre vous qui ont appris avec la grammaire traditionnelle si vous pouviez m'indiquez une bonne grammaire traditionnelle de référence, parce qu'en fait, la grammaire moderne (j'ai en tête la GMF) fait souvent allusion (de façon critique) à une tradition qu'en réalité, je n'ai pas vraiment connu de première main dans ma scolarité - ça n'aide pas à réfléchir.

En fait, je ne sais pas si je suis d'une école ancienne ou récente... peu importe de savoir si une théorie est récente ou ancienne. Là n'est pas la question. En l'espèce, mon agrégation de grammaire, option linguistique française est encore assez fraîche (2012), et ma thèse encore plus (2017). Autrement dit j'ai la prétention d'être d'une école à la fois très antique et très moderne. Mais il faut reconnaître que le distributionnalisme qu'on trouve dans la RPR et dans la doxa universitaire commence à bien dater...  Vous écrivez "le déterminant est strictement nécessaire par rapport à un adjectif en position d'épithète". Cela peut se concevoir. Mais ce n'est pas du tout la même chose que ce que j'ai cité verbatim, et qui n'incluait pas la notion d'épithète, mais prétendait définir l'adjectif de façon générale. Donc cette définition-là ne marchait pas.
Maintenant, venons-en à la vôtre, qui est peu ou prou celle de la GMF. Supposons donc qu'on puisse définir l'adjectif (qualificatif) ainsi :  "le déterminant est strictement nécessaire, contrairement à un adjectif en position d'épithète". L'adjectif se définirait donc comme facultatif quand il est épithète. Oui mais comment définissez-vous l'épithète, si vous n'avez pas défini au préalable l'adjectif ? Tant au plan théorique qu'au plan pédagogique (en réalité, c'est exactement la même chose), ça ne marche pas, parce que ça n'est pas rationnel, alors même que la prétention à la rationalité est maximale. Mais admettons qu'on dise ainsi : "Dans le groupe nominal, le déterminant est obligatoire, tandis que l'adjectif est facultatif". Expliquez-moi pour les groupes que j'ai mis en orange dans votre texte. En somme, observez les adjectifs, que j'ai mis en gras dans votre texte, et dites-moi jusqu'à quelle proportion pour vous peut aller la rareté de l'exception. Smile
Quoi qu'il en soit, personne n'a jamais dit qu'il n'y avait pas de différence entre les adjectifs qualificatifs et les adjectifs déterminatifs (dans lesquels il faut bien sûr intégrer l'article, qui est une espèce particulière d'adjectif). Ce n'est pas parce qu'ils ont des différences qu'ils n'ont pas de points communs. Et ces points communs sont suffisamment importants pour justifier qu'ils aient un point commun dans leur appellation : comme leur nom l'indique, les adjectifs sont des adjoints du nom, qui viennent préciser le sens du nom. Cela permet entre autres d'exprimer simplement et clairement la règle "Les adjectifs s'accordent en genre et en nombre avec le nom ou le pronom auxquels ils se rapportent."
Quant à un ouvrage qui vous présenterait la grammaire scolaire, qui, en gros, a largement prévalu entre les années 1920 et les années 1960 dans le système éducatif français (la grammaire qu'on m'a enseignée dans les années 1970 et 1980 avait déjà beaucoup changé, avec les groupes et les arbres distributionnalistes), avec, en outre, quelques aménagements nouveaux et bienvenus, je vous conseille chaudement La grammaire française, précis d'analyse grammaticale et logique, de Cécile Revéret.[/color]


Ha ha, je crois que j'aurais mieux fait de lire plus attentivement tout le fil, je me serais aperçu que je n'étais pas bien loin du cas de l'oral de CAPES que vous citiez... Je vous propose une nouvelle définition: dans le GN, l'adjectif épithète est facultatif, sauf quand il est obligatoire. Je vais me consoler en me disant que tout cela signifie sans nul doute que, comme l'étudiante que vous évoquiez, je suis brillant abi
En revanche ne vous méprenez pas, quand je disais que je suis de l'école récente, j'énonçais un fait, et justement la question est là. Car peu importe, comme vous le dites, qu'une théorie soit récente ou ancienne, mais le fait est que j'ai appris la grammaire à l'université, avec la GMF, comme (j'imagine) un grand nombre de mes condisciples. Et le plus souvent, la définition des notions commençait par une critique et une réfutation des catégories de la grammaire traditionnelle. La chose est d'ailleurs assez systématique dans les rapports de jury des concours d'enseignement (ex: RJ agr. ext. lettres modernes 2019: On rejettera d’emblée la définition classique : « le sujet représente l’agent de l’action exprimée par le verbe », car on sait que certains sujets représentent des patients (Paul souffre) ou des bénéficiaires de l’action (Paul a reçu un cadeau). Cette définition scolaire confond sujet grammatical et sujet sémantique. - D'ailleurs pour le coup, je trouve ces deux phrases parfaitement stupides...)
Voilà pourquoi j'interrogeais les membres du forum sur une grammaire traditionnelle de référence: j'ai appris dans mon cursus à tenir pour gentiment naïve, voire douteuse, une grammaire que je ne connais, dans le fond, pas très bien - donc merci pour la référence de l'ouvrage de Cécile Revéret.

(Mais au fond pourquoi diable apprend-on à l'université que l'adjectif est facultatif?  Question de grammaire - Vos questions de grammaire - Page 10 3795679266 )



NLM76 a écrit:
Somnium a écrit:

Sinon j'ai une question en relisant Caillois:

"Qui connaît sa responsabilité d'homme s'appuie sur ce fonds massif et immuable qui permit à l'espèce d'instaurer sur le globe cette immense monarchie héréditaire dont elle peut justement s'enorgueillir. C'est à lui qu'il réserve son adhésion, refusant de s'incliner devant aucun intérêt temporel, pour si prestigieux qu'on le lui donne, et se gardant plus encore de considérer comme la plus haute instance le verdict du corps constitué qui s'en érigerait en champion légitime."

Quelqu'un aurait une idée de la fonction grammaticale du groupe souligné? Subordonnée, mais de quoi? Hypothétique? Concessive? D'opposition? Un peu tout ça à la fois? J'ai un peu de mal.
Problème très difficile, à creuser en effet. J'ai l'impression que c'est un peu comme dans "quoi qu'il fasse". Un élément de la subordonnée est sorti de la subordonnée : comme s'il s'agissait d'un équivalent de "°étant si prestigieux qu'on le lui donne pour", comme "quoi qu'il fasse" signifierait "°n'importe quoi étant qu'il fasse".
Hypothèses un peu vaseuses du soir.

Merci. Je serais curieux d'avoir votre analyse définitive sur cette prose d'agrégé de grammaire. Je voyais plusieurs équivalences de sens avec une concessive ou une hypothétique mais sans réelle certitude : "pour si prestigieux qu'on le lui donne" = "même si on le lui donne pour très prestigieux" (ou "*même si on le lui donne pour combien prestigieux" [?]).

Edit:
NLM76 a écrit:Tant au plan théorique qu'au plan pédagogique (en réalité, c'est exactement la même chose)

Je suis parfaitement d'accord avec vous, et c'est un discours qu'on entend, hélas! bien trop peu dans le monde de l'enseignement. Le malheur est qu'on apprend aux futurs professeurs à croire qu'il y a la théorie d'un côté et la pédagogie de l'autre. Je ne l'ai jamais très bien digéré...
e-Wanderer
e-Wanderer
Grand sage

Question de grammaire - Vos questions de grammaire - Page 10 Empty Re: Vos questions de grammaire

par e-Wanderer 12.10.21 10:54
NLM76 a écrit:
Somnium a écrit:

Sinon j'ai une question en relisant Caillois:

"Qui connaît sa responsabilité d'homme s'appuie sur ce fonds massif et immuable qui permit à l'espèce d'instaurer sur le globe cette immense monarchie héréditaire dont elle peut justement s'enorgueillir. C'est à lui qu'il réserve son adhésion, refusant de s'incliner devant aucun intérêt temporel, pour si prestigieux qu'on le lui donne, et se gardant plus encore de considérer comme la plus haute instance le verdict du corps constitué qui s'en érigerait en champion légitime."

Quelqu'un aurait une idée de la fonction grammaticale du groupe souligné? Subordonnée, mais de quoi? Hypothétique? Concessive? D'opposition? Un peu tout ça à la fois? J'ai un peu de mal.
Problème très difficile, à creuser en effet. J'ai l'impression que c'est un peu comme dans "quoi qu'il fasse". Un élément de la subordonnée est sorti de la subordonnée : comme s'il s'agissait d'un équivalent de "°étant si prestigieux qu'on le lui donne pour", comme "quoi qu'il fasse" signifierait "°n'importe quoi étant qu'il fasse".
Hypothèses un peu vaseuses du soir.
@Fires of Pompéi : "lequel", "le mien" sont bien des pronoms. Bon d'accord, ce n'est pas pareil; mais la présence de l'article en soi ne me paraît pas rédhibitoire. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un cas limite.
Intéressant, en effet. J'ai regardé dans Le Goffic (Grammaire de la phrase française, Paris, Hachette, 1993, §337, p. 494-97) : chose assez attendue, il donne le tour Pour… que comme un équivalent de quelque… que ou si… que (Pour grands que soient les rois = Quelque grands que soient les rois = Si grands que soient les rois), "proposition paratactique au subjonctif, de sens concessif, le subjonctif de l'idée envisagée se combinant avec le degré indéfini". Jusque là, on est en terrain connu.
Ensuite, selon lui, c'est un cas de contamination. Je souscris assez volontiers à cette analyse :
"Par suite, une contamination s'établit entre pour… et si…, d'où pour si… que (= si… que)".

Comme il ne développe pas, je rajoute mon grain de sel et quelques hypothèses personnelles : en somme, un seul élément (quelque, pour ou si) suffirait à exprimer la visée concessive ET l'idée de degré indéfini. Mais pour me semble avoir, sous ce rapport, un sémantisme moins affirmé que quelque ou si, ou en tout cas un sémantisme plus engagé vers l'idée de concession que vers l'idée de degré (quelque et si ont vraiment ce sémantisme mixte – vs « Ah ! pour être romain on n'en est pas moins homme", nettement concessif, mais je ne vois pas d'exemple où pour marquerait uniquement le degré ou l'indéfini). D'où la contamination (on n'envisagerait pas, en revanche, *quelque si… que). La différence de catégorie (préposition pour pour, adverbe pour quelque et si) favorise peut-être aussi la contamination : ce n'est quand même pas banal d'utiliser une préposition dans ce rôle adverbial d'outil corrélatif (piste à creuser).

Il me semble aussi que dans pour si… que, le rôle concessif est exclusivement assumé par pour, et si redevient un pur adverbe de degré : en somme, une sorte de partage des tâches… Si on pousse cette hypothèse jusqu'au bout, on pourrait même inverser la perspective et dire que c'est le tour Pour grand qu'il soit qui est le véritable phénomène de contamination, puisqu'il suppose une extension du sémantisme de base de pour (concession + degré) !

Dans la phrase de Caillois, il y a aussi la syntaxe de l'attribut du COD, qui favorise peut-être cette contamination.

Voilà, j'espère que mes explications sont claires, ce n'est jamais très évident de débrouiller ces exemples de tours semi-figés…

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