[agrégation Lettres] Rousseau 2022

J'aime bien quand Julie surprend Saint-Preux en plein "mansplaining" :

Tangleding a écrit:Quelle tannée, la nouvelle Héloïse...

(Contribution très constructive, j'en conviens, mais j'en avais besoin.)

Qu'on me pardonne ce reste de masculinisme, mais Julie me casse les c.

Et j'ai envie de gifler Saint-Preux toutes les deux lettres.

C'est beau, certes, mais chiant.

+1

Tangleding a écrit:J'aime bien quand Julie surprend Saint-Preux en plein "mansplaining" :

Arf chez Rousseau le mansplaining est particulièrement pervers: chez lui les femmes doivent obéir aux hommes et leur laisser le gouvernement politique pour se consacrer aux enfants. Les femmes sont donc soumises aux hommes mais ont un rôle moral que l'on voit chez Julie, la "belle prêcheuse" qui fait des leçons de morale à longueur de lettres. Donc elle le remet à sa place mais pour mieux s'installer dans un rôle d'épouse où les sexes sont strictement cloisonnés.

Le passage qui suit ma citation est particulièrement éloquent, la théorie du genre n'a que ses yeux pour pleurer, en effet.

Encore mieux: il faut lire les passages délirants du livre V d'Emile expliquant les désirs incommensurables des femmes et dangereux pour les hommes, la volonté des femmes de se faire hommes, qui justifient qu'on tienne les femmes à l'écart dans la sphère domestique sinon les sexes se mélangent et se confondent et produisent la perte des hommes et de la société. Ah et aussi quand Rousseau dit que les femmes n'ont pas de droits, seulement des devoirs, et qu'elles doivent tout supporter de leur mari (mais elles peuvent le gouverner pour éviter le féminicide, ouf, nous voila rassurées).
Le livre V sur l'éducation de Sophie (la fâme) est assez éclairant pour expliquer la petite société partriarcale de Clarens.

C'est bien mon sentiment.

Bon, j'exècre déjà bien assez Rousseau en l'ayant fréquenté le moins possible, je vais sans doute me contenter de sa Nouvelle Héloïse pour autant que j'en vienne à bout dans le temps imparti, je note tout de même tes références, si l'envie de me faire souffrir me prend comme une claque à la fin du roman.

Il faut peut être aussi lire Rousseau en contexte ( psy, certes mais surtout historique!): je suis en train de lire des actes notariés du XVIIe dans le royaume du Piemont( et maison de Savoie): dans les successions on compte pour les femmes les paires de chaussures avec ou sans rubans et les chemises voire les collerettes de chemise et pour les hommes les terrains et maisons… c’est bien difficile de faire abstraction de son époque aujourd’hui comme hier et peut être aussi de faire penser les gens hors de leur époque : à l’aune de ce que je lis Rousseau peut sembler, peut-être aussi, très avant- gardiste!

Je revendique la plus parfaite mauvaise foi s'agissant des œuvres au programme, dont la lecture m'est imposée.

Au reste, comme Saint-Preux, mes inimitiés sont immédiates et définitives (anacoluthe [des classes] dedanside). Je hais certains auteurs comme si j'avais eu à souffrir leur compagnie durant toute mon enfance, sur les bancs de l'école, en colonie de vacances, etc.

Au moins ils sont toujours vivants, puisque je les hais.

Oh oui c’est habituel dans les concours! Moi je n’avais qu’ exécration, ennui et lassitude pour Senancour et c’est là que j’ai pourtant cartonné: du coup j’ai un rapport mitigé à cet auteur
Sursum corda!

Iphigénie a écrit:Il faut peut être aussi lire Rousseau en contexte ( psy, certes mais surtout historique!): je suis en train de lire des actes notariés du XVIIe dans le royaume du Piemont( et maison de Savoie): dans les successions on compte pour les femmes les paires de chaussures avec ou sans rubans et les chemises voire les collerettes de chemise et pour les hommes les terrains et maisons… c’est bien difficile de faire abstraction de son époque aujourd’hui comme hier et peut être aussi de faire penser les gens hors de leur époque : à l’aune de ce que je lis Rousseau peut sembler, peut-être aussi,  très avant- gardiste!

En fait par rapport à d'autres penseurs de son temps (Montesquieu, ou Diderot), Rousseau est le plus conservateur au sujet des femmes. Hostile à toute exposition publique de celles-ci et à leur instruction, il s'oppose aux salons et aux femmes de lettres. Le pire exemple de femme pour lui? Ninon de Lenclos, courtisane, salonnière et femme de lettres, qu'il considère comme une femme qui fait l'homme.
Il redonne une justification à l'ordre social patriarcal, fondé sur la différence des sexes, là où d'autres l'interrogent. Il réaffirme le destin naturel des femmes à l'époque où les conventions sociales "naturelles" sont critiquées, et il faudra attendre Simone de Beauvoir pour le voir contesté. C'est au nom de Rousseau que les révolutionnaires vont mettre les femmes à l'écart et guillotiner Olympe de Gouges, malgré les efforts de Condorcet, et que Napoléon réaffirmera la minorité des femmes dans le code civil.

De nombreuses femmes ont été admiratrices de Rousseau, paradoxalement, croyant devenir quelque chose dans la maternité et le mariage et y trouver une position sociale. Louise d'Epinay ou Manon Rolland voudront allaiter et élever leurs enfants à la Rousseau, et Manon Rolland culpabilisera énormément dans ses mémoires de son incapacité à nourrir sa fille.

Comme le dit Elisabeth Badinter, Rousseau va réussir à culpabiliser des générations de femmes, qui n'oseront pendant des siècles raconter leurs difficultés maternelles. Bref, pas vraiment un ami des femmes.

Iphigénie a écrit:Oh oui c’est habituel dans les concours! Moi je n’avais qu’ exécration, ennui et lassitude pour Senancour et c’est là que j’ai pourtant cartonné: du coup j’ai un rapport mitigé à cet auteur
Sursum corda!

C'est marrant, c'est souvent sur les auteurs qu'on aime moins qu'on a les meilleures notes, sans doute la distance qui aide.

Reine Margot a écrit:

Iphigénie a écrit:Il faut peut être aussi lire Rousseau en contexte ( psy, certes mais surtout historique!): je suis en train de lire des actes notariés du XVIIe dans le royaume du Piemont( et maison de Savoie): dans les successions on compte pour les femmes les paires de chaussures avec ou sans rubans et les chemises voire les collerettes de chemise et pour les hommes les terrains et maisons… c’est bien difficile de faire abstraction de son époque aujourd’hui comme hier et peut être aussi de faire penser les gens hors de leur époque : à l’aune de ce que je lis Rousseau peut sembler, peut-être aussi,  très avant- gardiste!

En fait par rapport à d'autres penseurs de son temps (Montesquieu, ou Diderot), Rousseau est le plus conservateur au sujet des femmes. Hostile à toute exposition publique de celles-ci et à leur instruction, il s'oppose aux salons et aux femmes de lettres. Le pire exemple de femme pour lui? Ninon de Lenclos, courtisane, salonnière et femme de lettres, qu'il considère comme une femme qui fait l'homme.
Il redonne une justification à l'ordre social patriarcal, fondé sur la différence des sexes, là où d'autres l'interrogent. Il réaffirme le destin naturel des femmes à l'époque où les conventions sociales "naturelles" sont critiquées, et il faudra attendre Simone de Beauvoir pour le voir contesté. C'est au nom de Rousseau que les révolutionnaires vont mettre les femmes à l'écart et guillotiner Olympe de Gouges, malgré les efforts de Condorcet, et que Napoléon réaffirmera la minorité des femmes dans le code civil.

De nombreuses femmes ont été admiratrices de Rousseau, paradoxalement, croyant devenir quelque chose dans la maternité et le mariage et y trouver une position sociale. Louise d'Epinay ou Manon Rolland voudront allaiter et élever leurs enfants à la Rousseau, et Manon Rolland culpabilisera énormément dans ses mémoires de son incapacité à nourrir sa fille.

Comme le dit Elisabeth Badinter, Rousseau va réussir à culpabiliser des générations de femmes, qui n'oseront pendant des siècles raconter leurs difficultés maternelles. Bref, pas vraiment un ami des femmes.

Oui bien sûr : Rousseau a un rapport difficile avec les femmes en général!
Je voulais juste dire que ce qui nous paraît incroyablement misogyne chez lui était aussi un fait d’époque en somme ( même si sans doute sa psychologie compliqué et/ou son inconscient en rajoute sur la soumission)

J'annote avec distance en tout cas :

Je vous épargne les symboles que je griffonne au fil de ma lecture (première fois que je dessine des b... sur un bouquin, à mon âge, que ne ferait-on pour l'agrégation ?)

Tangleding a écrit:Je vous épargne les symboles que je griffonne au fil de ma lecture (première fois que je dessine des b... sur un bouquin, à mon âge, que ne ferait-on pour l'agrégation ?)

Oh le beau cas.... un livre jouissif donc?

Baldred a écrit:

Tangleding a écrit:Je vous épargne les symboles que je griffonne au fil de ma lecture (première fois que je dessine des b... sur un bouquin, à mon âge, que ne ferait-on pour l'agrégation ?)

Oh le beau cas.... un livre jouissif donc?

Note, ça aurait peut-être plu à Jean-Jacques, qu'on annote ainsi son œuvre...

Bah c'est une assez fidèle transcription du bouquin, non, dans l'esprit sublimation des instincts?

Tangleding a écrit:

Baldred a écrit:

Tangleding a écrit:Je vous épargne les symboles que je griffonne au fil de ma lecture (première fois que je dessine des b... sur un bouquin, à mon âge, que ne ferait-on pour l'agrégation ?)

Oh le beau cas.... un livre jouissif donc?

Note, ça aurait peut-être plu à Jean-Jacques, qu'on annote ainsi son œuvre...

Sans doute, il parlait des livres "qu'on ne lit que d'une main"

C'est vrai que je m'en b... un peu des arguties de nos deux amants.

Heureusement qu'il y a Claire pour relever un peu le niveau.

Terminé la 1re partie, c'est quand même pas mal. Le patinage de Claire est une trouvaille.

Bon il me reste encore 5 sixièmes...

(@iphigénie : sursum corda, merci. La lecture du roman sera fraîche, ah ah... )

Moi je trouve le vieux wolmar sacrément pervers de vouloir à tout prix réunir Julie et SP, de les faire s’embrasser devant lui etc. tout ça alors qu’il a lu et relu toute leur correspondance en cachette ! Pour moi c’est clairement un voyeur, je suis même étonnée qu’il ait fait un enfant à Julie au lieu de demander à SP de lui en faire un…

Ce qui est pervers c'est que le père de Julie a promis sa fille en mariage à un ami à lui, donc un homme de sa génération, c'est assez incestueux.
A un moment il la frappe parce qu'elle refuse le mariage puis la supplie de lui pardonner, en la prenant dans ses bras et Julie raconte ça en disant "c'étaient les embrassements d'un père, et peut-être quelque chose de plus".

Oui ce passage m'a flanqué la gerbe, surtout sous la  plume prétendue de Julie. Il la prend sur ses genoux, pas dans ses bras. Ce n'est pas immédiatement après les coups.

Le patinage de Claire est une trouvaille.

De quoi parles-tu, Tangleding?

Le personnage bon sang. Saleté de saisie automatique, désolé.