- NLM76Grand Maître
Bonjour,
merci beaucoup à l'ami de Marcel pour son intervention ! Tu me permets de pointer précisément ce qui ne me convient pas dans cette opposition entre négation partielle et négation totale. D'une part, si je suis d'accord pour distinguer sémantique et syntaxe, je pense qu'une erreur contemporaine de la linguistique réside dans le refus de leur indissoluble articulation. Ensuite, je pense que, même et surtout dit comme tu le dis, ça ne marche pas.
Dans "Je n'aime pas le chocolat", ce qui est nié, c'est la proposition "j'aime le chocolat". Ce n'est pas l'amour seulement, ce n'est pas le pronom sujet tout seul, ce n'est pas l'objet tout seul. C'est toute la proposition. Dans "Personne n'aime le chocolat", c'est la proposition entière "Quelqu'un aime le chocolat". Ce n'est pas partiel. Cette histoire de partiel/total rapportée à la proposition, ça ne tient pas debout.
Il est possible que j'aie tort. Mais pour l'instant je tiens vraiment à cette affaire, même si c'est une des nombreuses raisons pour lesquelles on peut me prendre pour un branquignole à l'université...
Bon, maintenant, il faut aussi que je regarde cette notion pour l'interrogation.
merci beaucoup à l'ami de Marcel pour son intervention ! Tu me permets de pointer précisément ce qui ne me convient pas dans cette opposition entre négation partielle et négation totale. D'une part, si je suis d'accord pour distinguer sémantique et syntaxe, je pense qu'une erreur contemporaine de la linguistique réside dans le refus de leur indissoluble articulation. Ensuite, je pense que, même et surtout dit comme tu le dis, ça ne marche pas.
Dans "Je n'aime pas le chocolat", ce qui est nié, c'est la proposition "j'aime le chocolat". Ce n'est pas l'amour seulement, ce n'est pas le pronom sujet tout seul, ce n'est pas l'objet tout seul. C'est toute la proposition. Dans "Personne n'aime le chocolat", c'est la proposition entière "Quelqu'un aime le chocolat". Ce n'est pas partiel. Cette histoire de partiel/total rapportée à la proposition, ça ne tient pas debout.
Il est possible que j'aie tort. Mais pour l'instant je tiens vraiment à cette affaire, même si c'est une des nombreuses raisons pour lesquelles on peut me prendre pour un branquignole à l'université...
Bon, maintenant, il faut aussi que je regarde cette notion pour l'interrogation.
- The PaperHabitué du forum
Merci Canelle21.
NLM, il y a des chances pour que tu trouves la notion plus pertinente dans le cas de l'interrogation car elle montre le degré de connaissance du locuteur. Dire "Où étais-tu ?", c'est montrer qu'on ne sait vraiment pas grand chose à part que l'interlocuteur n'était pas là ; lui dire "Étais-tu chez la voisine ?" montre au contraire qu'on sait pas mal de choses ! L'interrogation totale, à mon avis, sert davantage à montrer à l'autre ce qu'on a deviné qu'à véritablement obtenir une confirmation car l'interlocuteur peut toujours mentir.
Après avoir dit aux élèves que la négation partielle est l'inverse de la négation totale, je me vois mal leur dire un truc pareil La négation est totale mais on l'interprète de façon partielle, il y a vraiment de quoi s'y perdre.la négation totale, tout en gardant sa valeur de négation de phrase peut n’affecter qu’un constituant particulier
NLM, il y a des chances pour que tu trouves la notion plus pertinente dans le cas de l'interrogation car elle montre le degré de connaissance du locuteur. Dire "Où étais-tu ?", c'est montrer qu'on ne sait vraiment pas grand chose à part que l'interlocuteur n'était pas là ; lui dire "Étais-tu chez la voisine ?" montre au contraire qu'on sait pas mal de choses ! L'interrogation totale, à mon avis, sert davantage à montrer à l'autre ce qu'on a deviné qu'à véritablement obtenir une confirmation car l'interlocuteur peut toujours mentir.
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- NLM76Grand Maître
Comment analysez-vous ceci ?
- Et il n’eut pas prononcé ces paroles : « Sésame, referme-toi », qu’elle se referma. [Galland]
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- IphigénieProphète
Bonne question! :sourcils:
J’attends les réponses avec intérêt
J’y vois un « pas » hyperbole de « à peine » et donc une sub deconséquence temps!
Mais saut sans filet :lol:
J’attends les réponses avec intérêt
J’y vois un « pas » hyperbole de « à peine » et donc une sub de
Mais saut sans filet :lol:
- DorineHabitué du forum
C'est ce que je vois aussi. Le "pas" peut être remplacé par "à peine" et je dirais plutôt conséquence.
- MascarponeNiveau 2
Rapport de temps pour moi
" A peine eut- il le temps de prononcer ces paroles ... qu'elle se referma." Prop sub circ de temps avec effet d'immédiateté
" A peine eut- il le temps de prononcer ces paroles ... qu'elle se referma." Prop sub circ de temps avec effet d'immédiateté
- DorineHabitué du forum
La proposition "qu'elle se referma" ne peut pas être analysée comme une sub. de conséquence ?
- NLM76Grand Maître
Ce que je vois, c'est que la négation porte en quelque sorte sur le temps du verbe, et sa valeur d'accompli : le passé antérieur. Je paraphraserais ainsi : "Il n'eut pas achevé de prononcer ces paroles, quand la porte se referma."
Il me semble que c'est une structure corrélative où la conjonction de subordination creuse "que" prend une valeur temporelle du fait du sens de la principale.
Vous voyez où les grammaires universitaires, comme la très-sainte RPR, traitent de ce phénomène ?
Il me semble que c'est une structure corrélative où la conjonction de subordination creuse "que" prend une valeur temporelle du fait du sens de la principale.
Vous voyez où les grammaires universitaires, comme la très-sainte RPR, traitent de ce phénomène ?
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- MascarponeNiveau 2
C'est vrai que l'action de se refermer découle de la parole à peine prononcée le rapport de cause / conséquence n'est pas loin ...C'est parce que les paroles sont magiques et tellement puissantes et efficaces que la porte se referme déjà ??? Temps et conséquence mêlés alors ?
- NLM76Grand Maître
Bien sûr, au niveau du sens, temporalité et conséquence se chevauchent - par l'intermédiaire par exemple de la consécution.
Mais mon problème (voir le titre du fil), c'est de comprendre le fonctionnement de la négation ici.
Mais mon problème (voir le titre du fil), c'est de comprendre le fonctionnement de la négation ici.
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- IphigénieProphète
et mon explication par l'hyperbole de "à peine"? désolée pour la Riegel, je ne l'ai pas ici!
- NLM76Grand Maître
Ben oui, ça veut dire "à peine" ! Mais la question est de savoir pourquoi. Tu dis "hyperbole". Soit; mais pourquoi marche-t-elle ? Avec un passé simple ou un imparfait, ça n'irait pas. °"Il n'acheva pas ces paroles que la porte s'ouvrit"; °"Il n'achevait pas ces paroles que...".
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- MascarponeNiveau 2
Ah oui la négation Alors pourquoi ce "pas" ne ferait il pas partie de la locution implicite " ne pas plus tôt " " Et il n'eut pas plus tôt prononcé..."
- IphigénieProphète
Oui: tu es sûr qu’on ne pourrait pas dire par contre :NLM76 a écrit:Ben oui, ça veut dire "à peine" ! Mais la question est de savoir pourquoi. Tu dis "hyperbole". Soit; mais pourquoi marche-t-elle ? Avec un passé simple ou un imparfait, ça n'irait pas. °"Il n'acheva pas ces paroles que la porte s'ouvrit"; °"Il n'achevait pas ces paroles que...".
Il n’acheva pas ces paroles que déjà la porte s’ouvrait?
Est-ce qu’il n’y a pas une histoire de rapport entre temps accompli / non accompli ou qqch dans le genre?
- NLM76Grand Maître
Oui, temps accompli/non accompli. Mais je pense que ça ne marche pas avec le passé simple, pour lequel l'aspect accompli n'est pas fondamental comme pour les temps composés. Il faudrait vérifier en cherchant des occurrences ; j'ai le sentiment que ton exemple ne tient pas.
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- IphigénieProphète
Il faut peut être que le temps non accompli soit plutôt dans la principale:NLM76 a écrit:Oui, temps accompli/non accompli. Mais je pense que ça ne marche pas avec le passé simple, pour lequel l'aspect accompli n'est pas fondamentale comme pour les temps composés. Il faudrait vérifier en cherchant des occurrences ; j'ai le sentiment que ton exemple ne tient pas.
Il n’achevait pas ses paroles que la porte s’ouvrit.
Mais il me semble que ça tient à ce rapport des temps?
- NLM76Grand Maître
Ça aussi, ça sonne faux pour moi. Mais il faut que j'arrête avec la négation. Je mets en suspens avec le bilan provisoire suivant :Iphigénie a écrit:Il faut peut être que le temps non accompli soit plutôt dans la principale:NLM76 a écrit:Oui, temps accompli/non accompli. Mais je pense que ça ne marche pas avec le passé simple, pour lequel l'aspect accompli n'est pas fondamentale comme pour les temps composés. Il faudrait vérifier en cherchant des occurrences ; j'ai le sentiment que ton exemple ne tient pas.
Il n’achevait pas ses paroles que la porte s’ouvrit.
Mais il me semble que ça tient à ce rapport des temps?
- Il y a un énorme problème avec les notions de négation partielle/totale. D'une part les grammaires sont dans le désaccord le plus complet pour les délimiter (il faut que j'écrive un petit bilan là-dessus). D'autre part, il me semble que leur justification théorique ne tient pas du tout, et c'est aussi à mettre en relation avec les notions d'interrogation totale et partielle. Tout cela semble reposer sur la notion qu'il faut vraiment préciser de "portée", et sur l'adaptation par Dubois de la grammaire générative transformationnelle de Chomsky. [Une recherche trop rapide conduit à supposer que les anglo-saxons font aujourd'hui peu de cas de cette analyse]. Mais mon enquête sur l'histoire du concept n'est que tout à fait balbutiante.
- Je dois regarder les arguments de The Paper, qui donne des exemples où la distinction lui paraît pertinente et utile pour ses élèves.
- Il me faut approfondir les notions, à mon avis un peu plus pertinentes, quoique inadaptées à l'enseignement secondaire, de "discordanciel" et de "forclusif", tirées de Damourette et Pichon, sans doute par les Guillaumiens. Que peuvent-elles apporter, au moins indirectement, à l'enseignement ? A priori, je doute qu'elles soient vraiment utiles; mais il faut voir.
- Il me faut reprendre mon introduction pour préciser la méthode de travail (lister les "besoins" des élèves; reprendre la théorie — en s'appuyant sur les exemples; la décanter et la simplifier) [à qui s'adresse ce machin ?]
- Tirer le bilan sur la prétendument nécessaire selon moi articulation entre syntaxe, lexicologie, morphologie et sémantique.
- Et finir l'étude...
En attendant, si ça peut être utile à quiconque, voici l'état du truc.
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- Thierry75Niveau 10
Je m'excuse presque de vous soumettre la forme suivante :
Vois-tu pas son oeil de lumière?
C'est un vers de Corbière.
Vois-tu pas son oeil de lumière?
C'est un vers de Corbière.
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Le moi est haïssable.
- NLM76Grand Maître
Archaïsme qui reprend la langue classique, où le "ne" est facultatif dans l'interro-négative :"Avais-je pas raison ?" dit la tortue de La Fontaine. Je pense que c'est qu'alors le souvenir de la valeur positive de ["pas" = un pas = un peu] était encore un peu vivant, de sorte qu'on entend qqch comme "Ne vois-tu pas au moins un peu"... si on l'entend avec une oreille un peu baroque !
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- NLM76Grand Maître
The Paper a écrit:Il y aurait peut-être une piste à ajouter : l'identification de la négation. Certains énoncés ressemblent à des négations mais n'en sont pas : je pense au "ne" explétif et à l'usage de "jamais" dans, par exemple, "Dira-t-on jamais à quel point il fut héroïque ?" (où "jamais" équivaut à "un jour").
Je partage ton point de vue sur les "complications inouïes" que suppose l'opposition entre totales et partielles dans les structures en "ne... pas".
En revanche, je ne pense pas qu'il y ait le même problème avec d'autres mots négatifs, c'est pourquoi je ne comprends pas ton interrogation :
Si on met la phrase à la forme affirmative, on obtient "Il est parfois content" ou encore "Il est toujours content". C'est donc bien sur l'aspect temporel que porte la négation.comment comprendre que dans « Il n’est jamais content », la négation est partielle ?
Je réfléchis à ton objection sur "ne... jamais". Réflexions en vrac.
Peut-être faut-il d'abord préciser. La négation de "Il n'est jamais content", c'est "Il est parfois content" (et réciproquement). Le contraire de "Il n'est jamais content", c'est "Il est toujours content", et la négation de "Il n'est pas toujours content" (ou de "il n'est plus content")
Ensuite, la formulation qui me gêne encore ici, c'est "c'est sur l'aspect temporel que porte la négation". En fait, il est vrai et intéressant de remarquer que la négation de "parfois" n'est pas "pas parfois", mais "jamais". Mais pour moi, la négation "totale" — c'est-à-dire la négation de l'ensemble de la proposition — de "Il est parfois content", c'est "Il n'est jamais content". Autrement dit, de façon abstraite, "ne" est la négation du verbe et "jamais" la négation de l'adverbe, et "ne... jamais" est la négation de "verbe+adv". C'est qu'en français "tenu", on ne nie pas seulement l'adverbe qui se rapporte à un verbe : on nie en même temps le verbe auquel il se rapporte.
De même pour l'adjectif attribut Dans le français de la conversation "Il est pas content" peut signifier deux choses : "Il est pas-content" ou "Il n'est pas content". La différence se fait par l'intonation "Il est 'pas content" vs "Il 'est pas con'tent". En français tenu, on aurait sans doute "Il n'est pas content" vs "Il est mécontent".
En somme, si je veux nier totalement la proposition "Il est parfois content", je n'ai qu'une solution : "Il n'est jamais content". Si je veux nier la proposition "Il est content", j'ai une solution simple : "Il n'est pas content". Mais je n'ai pas de solution "partielle", qui prendrait une partie de la proposition. Euh si, j'en ai deux : "Ce n'est pas lui qui est content / Lui n'est pas content (mais, elle...)" ou "Il est mécontent". Je fais ainsi porter la négation sur le sujet ou sur l'attribut. Mais si je dis "Il n'est jamais content" ou "Il n'est plus content" ou "Il n'est guère content", je ne nie pas une partie de "il est content", je nie "il est parfois content", "Il est encore content", "Il est très content". La difficulté, c'est de savoir si "ne... jamais" est une négation du verbe, ou de l'adverbe. C'est évidemment les deux; mais reste à savoir comment le présenter de la façon la plus claire possible : soit dans les négations du verbe, soit dans les négations de l'adverbe.
Pour les négations qui n'en sont pas, ce qui est une idée intéressante, il me semble que la priorité, c'est plutôt "jamais" dans un sens positif — je l'évoque quand j'étudie "ne... jamais". La négation explétive pose des problèmes intéressants en soi, mais ne sont-ils pas négligeables dans l'enseignement secondaire ? Elle ne pose aucun problème de compréhension, me semble-t-il. Il y a quand même peut-être un intérêt, au niveau de l'expression : celui de recommander de l'éviter. Et puis c'est vrai que ce n'est pas mal d'évoquer, sans insister, un phénomène qui pourrait quand même interroger les élèves.
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- IphigénieProphète
Cela dit, moi je dis que l'élève qui comprend encore quelque chose à la négation, il est fortiche. :jesors:
- DorineHabitué du forum
+1Iphigénie a écrit:Cela dit, moi je dis que l'élève qui comprend encore quelque chose à la négation, il est fortiche. :jesors:
- IphigénieProphète
Ça me fait irrésistiblement penser à un excellent texte d’exercice que je vous soumets:
« Chez les Papous, il y a des Papous papas et des Papous pas papas. Il y a aussi des Papous à poux et des Papous pas à poux. Et aussi des poux papas et des poux pas papas. Et même des poux papous et des poux pas papous. Tous les Papous papas à poux papous pas papas sont des Papous à poux papous pas papas, mais les Papous papas pas à poux papous pas papas ne sont pas des Papous à poux papous pas papas, ce sont des Papous pas à poux papous pas papas…
Je re -re -sors
« Chez les Papous, il y a des Papous papas et des Papous pas papas. Il y a aussi des Papous à poux et des Papous pas à poux. Et aussi des poux papas et des poux pas papas. Et même des poux papous et des poux pas papous. Tous les Papous papas à poux papous pas papas sont des Papous à poux papous pas papas, mais les Papous papas pas à poux papous pas papas ne sont pas des Papous à poux papous pas papas, ce sont des Papous pas à poux papous pas papas…
Je re -re -sors
- trompettemarineMonarque
Si l'oral devait être maintenu (les dernières remontées de mon établissement sentent mauvais), je propose comme question : la phrase (ou la proposition selon le cas) est-elle négative ?
Idem pour les autres questions de grammaire.
L'année prochaine, je relirai ce fil très intéressant (merci pour ton document NLM et à toutes les interventions), mais cette année, je poserai des questions de niveau primaire par équité entre les candidats : les préparés, les non-préparés, les angoissés, les endeuillés.
Idem pour les autres questions de grammaire.
L'année prochaine, je relirai ce fil très intéressant (merci pour ton document NLM et à toutes les interventions), mais cette année, je poserai des questions de niveau primaire par équité entre les candidats : les préparés, les non-préparés, les angoissés, les endeuillés.
- NLM76Grand Maître
Bien dit, @trompettemarine.
Et d'accord avec vous, @Iphigénie et @Dorine.
Maintenant, il y a quelques petites choses qui sont utiles pour nos élèves.
1. Savoir conjuguer à la forme négative. NE PAS NÉGLIGER LE "ne" de la négation !
2. Distinguer l'adverbe de négation du [n] de liaison.
3. Savoir ce que veut dire "guère" ; et "jamais" dans un sens positif.
4. Comprendre comment marche la négation restrictive "ne... que", en particulier pour traduire dans les langues vivantes... voire anciennes.
5. Réfléchir à la différence (et ressemblance) entre négation et opposition. [moins indispensable ; en même temps, ça a des implications très importantes pour la compréhension]
6. Comprendre les phénomènes de double négation (non pour théoriser, mais pour comprendre le sens des phrases !)
7. Comprendre et savoir former les interro-négatives.
8. Ne pas être perturbé par les usages du français classique : place des adverbes de négation, absence du 2nd adverbe.
Et surtout pouvoir écarter la tentation que j'ai croisée chez de nombreux collègues de faire cours sur "négation partielle et négation totale", avec les discussions byzantines que cela implique, voire sur "discordantiel et forclusif". Pour cela, il me semble qu'il faut proposer une analyse serrée de la négation qui tienne la route et qui soit utile.
D'autre part, j'ai de mon côté souvent des "FLS", et c'est bien d'avoir les outils pour pouvoir leur expliquer clairement les choses.
Enfin, j'ai idée que cela peut être une porte ouverte sur des questions essentielles sur les formes verbales et leur signification, aujourd'hui laissées de côté, et qui empêchent beaucoup d'élèves de comprendre. Pensez à la question de l'irréel du passé.
Tiens, la semaine dernière, sur "Oui, prince, je languis, je brûle pour Thésée..." : les élèves (les meilleurs !) ne comprenaient pas "Volage adorateur de mille objets divers", même après que j'eus fait travailler et comprendre "volage, objet", et le sens en contexte de "tel que l'ont vu les enfers"... parce qu'ils n'avaient pas saisi comment s'articulait la négation dans "non point tel...". Ils comprenaient le contraire de ce qui est dit.
Et d'accord avec vous, @Iphigénie et @Dorine.
Maintenant, il y a quelques petites choses qui sont utiles pour nos élèves.
1. Savoir conjuguer à la forme négative. NE PAS NÉGLIGER LE "ne" de la négation !
2. Distinguer l'adverbe de négation du [n] de liaison.
3. Savoir ce que veut dire "guère" ; et "jamais" dans un sens positif.
4. Comprendre comment marche la négation restrictive "ne... que", en particulier pour traduire dans les langues vivantes... voire anciennes.
5. Réfléchir à la différence (et ressemblance) entre négation et opposition. [moins indispensable ; en même temps, ça a des implications très importantes pour la compréhension]
6. Comprendre les phénomènes de double négation (non pour théoriser, mais pour comprendre le sens des phrases !)
7. Comprendre et savoir former les interro-négatives.
8. Ne pas être perturbé par les usages du français classique : place des adverbes de négation, absence du 2nd adverbe.
Et surtout pouvoir écarter la tentation que j'ai croisée chez de nombreux collègues de faire cours sur "négation partielle et négation totale", avec les discussions byzantines que cela implique, voire sur "discordantiel et forclusif". Pour cela, il me semble qu'il faut proposer une analyse serrée de la négation qui tienne la route et qui soit utile.
D'autre part, j'ai de mon côté souvent des "FLS", et c'est bien d'avoir les outils pour pouvoir leur expliquer clairement les choses.
Enfin, j'ai idée que cela peut être une porte ouverte sur des questions essentielles sur les formes verbales et leur signification, aujourd'hui laissées de côté, et qui empêchent beaucoup d'élèves de comprendre. Pensez à la question de l'irréel du passé.
Tiens, la semaine dernière, sur "Oui, prince, je languis, je brûle pour Thésée..." : les élèves (les meilleurs !) ne comprenaient pas "Volage adorateur de mille objets divers", même après que j'eus fait travailler et comprendre "volage, objet", et le sens en contexte de "tel que l'ont vu les enfers"... parce qu'ils n'avaient pas saisi comment s'articulait la négation dans "non point tel...". Ils comprenaient le contraire de ce qui est dit.
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- The PaperHabitué du forum
Cela se tient. Cependant, la négation du verbe ne présente pas les mêmes caractéristiques dans les trois exemples.NLM76 a écrit: si je dis "Il n'est jamais content" ou "Il n'est plus content" ou "Il n'est guère content", je ne nie pas une partie de "il est content", je nie "il est parfois content", "Il est encore content", "Il est très content". La difficulté, c'est de savoir si "ne... jamais" est une négation du verbe, ou de l'adverbe. C'est évidemment les deux; mais reste à savoir comment le présenter de la façon la plus claire possible : soit dans les négations du verbe, soit dans les négations de l'adverbe.
1) PIERRE : Jacques est content.
PAUL : Il n'est jamais content.
=> "être", dans la phrase de Pierre, ne concerne que le moment présent alors qu'il concerne une généralité dans la phrase de Paul. Paul demande donc à Pierre de faire un détour logique : puisque Jacques n'est jamais content, alors il ne peut pas l'être en ce moment.
2) PIERRE : Jacques est content.
PAUL : Il n'est plus content.
=> Cette fois, on se demande si le verbe "être" porte sur le même présent : celui de Pierre semble porter sur un passé proche et celui de Paul sur un passé encore plus proche qui rendrait invalide l'affirmation de Pierre. Un intervalle de temps, même bref, sépare les deux "est".
3) PIERRE : Jacques est content.
PAUL : Il n'est guère content.
=> Ici, les deux "est" coïncident.
En fait, il faudrait distinguer la négation en tant que processus grammatical et en tant qu'acte de dialogue : la négation grammaticale nierait une proposition imaginaire (parmi celles que tu as indiquées) et non la proposition de l'interlocuteur. Un exemple peut d'ailleurs le confirmer :
4) PIERRE : Jacques n'est pas content.
PAUL : Il n'est jamais content.
(La phrase de Paul, comme tu disais, nie un "Il est parfois content" mais n'infirme pas ce que dit Pierre ; elle l'incite juste à aller au-delà d'une constatation pour critiquer Jacques.)
Deux nuances : si "Il n'est jamais content" est la négation de "Il est parfois content", elle peut aussi l'être de "Il est souvent content" ; si "Il n'est guère content" est la négation de "Il est très content", elle peut aussi l'être de "Il est plutôt/assez content".
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