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Anaxagore
Guide spirituel

Je suis abasourdie par le niveau des collégiens - Page 13 Empty Re: Je suis abasourdie par le niveau des collégiens

par Anaxagore 15/5/2019, 12:22
Ce qui est fin et ce qui est grossier, je ne pense absolument pas que ce soit relatif.

Les philosophes défendent "la philosophie". Ils ne défendent pas celle d'une époque, d'un continent ou de quoi que ce soit en particulier.

Je ne vois pas en quoi on ne pourrait pas faire de même en littérature si ce n'est que chaque oeuvre est écrite dans une langue donnée.
Iphigénie
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Prophète

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par Iphigénie 15/5/2019, 12:28
Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:Les valeurs et l'unité de ces valeurs dans une société, cela ressortit au sens anthropologique de la culture, et non au sens classique. La culture classique tend d'ailleurs naturellement à créer de l'individuation, des valeurs singulières, puisqu'elle est liée à un idéal d'émancipation (donc aussi de distance par rapport à la culture de l'individu au sens anthropologique). Si les œuvres appartenant au domaine de la culture au sens classique sont traitées comme des incontournables pour faire société, pour lui appartenir, et se trouvent ainsi réduites à leur fonction sociale (se reconnaître, se distinguer) elles sortent en fait de la culture prise en ce sens, pour passer dans la culture au sens sociologique ou anthropologique. C'est toujours une réalité dans la plus haute sphère de la société française, où cette culture est en fait réduite à un vernis indispensable sans lequel on s'intègre difficilement, mais comme le fait de porter des vêtements de luxe ou d'avoir sa maison au Touquet (le scandale Sarkozy était révélateur). Cette culture est généralement profondément ancrée dans le temps et dans l'esprit, elle n'est pas tout à fait consciente ; l'école peut, selon sa nature et son projet dans telle ou telle société, participer de sa transmission et de sa consolidation, mais partiellement seulement. Si une telle culture en vient à dépendre des professeurs pour persister, à mon avis, c'est qu'elle est en péril.

Je ne suis pas sûr du tout que chacun ne reconnaissance de culture légitime que la sienne. Mais je n'ai pas plus de preuves que toi, ce n'est simplement pas ce que j'observe autour de moi.

C'est que tu te places déjà dans le temps de la contestation de la culture classique: Sarko ou Macron, c'est la culture marchande. Ce n'est pas celle des années 60: voir l'anthologie de la poésie française de Pompidou, fils (ou petit-fils, je ne sais plus) d'instituteurs. En gros, c'est le temps de bascule où faire des Lettres , (Les Humanités en général), est devenu un parcours de looser, et non plus le parcours nécessaire. C'est d'ailleurs un signe que tu parles d'une "culture qui crée naturellement de l'individuation" et non de l'universalité.
Sylvain de Saint-Sylvain
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par Sylvain de Saint-Sylvain 15/5/2019, 13:47
Ce que je décris et que tu graisses est un exemple et non la description d’une réalité réduite à cela. La culture de cette classe sociale inclut la connaissance de certaines œuvres de l’esprit, et, cette connaissance n’ayant fonction que de reconnaissance et de distinction, de préservation de l’entre-soi et de domination, elle se décrit volontiers dans les termes de la sociologie. C’est d’ailleurs toujours une réalité : l’inculture de Sarkozy choquait les membres de sa classe sociale, et Macron montre bien que c’était une parenthèse : vois comme on a chanté le philosophe, l’as du piano, le danseur de tango, le génie. Qu’il ne s’agisse que d’un vernis et que cette même classe, au début du XXe siècle par exemple, ait eu un rapport beaucoup plus profond à ces œuvres ne change rien à mon propos. Dès lors qu’on parle de culture pour assurer la cohésion d’un groupe, on est dans ces termes-là. Mais si on veut montrer qu’il y a désolidarisation culturelle des membres de ce groupe, on ne peut pas se contenter d’examiner la connaissance des œuvres de l’esprit, puisque les traits d’une culture prise au sens anthropologique ou sociologique embrasse des objets beaucoup plus divers.

Au sens classique, la notion de culture classique porte un projet de développement des facultés intellectuelles et sensibles, d’émancipation, d’esprit critique, d’ouverture, et in fine de réalisation de son humanité, projet qu’on réalise en fréquentant les chefs-d’œuvre de l’esprit humain – je parle en gros : c’est une longue histoire, la notion n’a pas du tout la rigueur scientifique du concept anthropologique. En cela, l’être qui se cultive a de fortes chances de s’écarter de sa culture dans l’autre sens et de s’individuer, tout comme l’auteur d’une œuvre importante s’est individué en la créant et a créé une œuvre singulière. Il a de bonnes chances aussi d’être réceptif, ouvert, intéressé à ce qui vient d’ailleurs ; je dis cela parce que j’ai l’impression, peut-être injuste, que pour toi qui dit individu dit fermeture, solipsisme, atomisation, refus d’appartenance à une humanité commune.
Ponocrates
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par Ponocrates 15/5/2019, 13:51
L'Iliade et l'Odyssée sont des oeuvres d'art fondatrices de la culture grecque telle qu'elle se partage en dépit des différences géographiques et politiques, entre autres parce que le petit Grec apprend la lecture, la grammaire avec ce texte, mais surtout parce qu'elles véhicule une vision du monde dans laquelle ils se reconnaissent, des idéaux qui sont encore les leurs plusieurs siècles après sa mise en écrit. Pour celui qui se sent Grec, au Ve siècle, ces textes font partie de ce qui le définit en tant que tel. Et les Romains s'en empareront  parce qu'ils admirent les Grecs mais probablement aussi parce qu'elles ont un intérêt universel, une beauté qui les touchent aussi. La culture -la vraie- ce n'est pas un vernis, cela informe la façon de penser, voire de ressentir -ou plus exactement de s'autoriser à ressentir.
Que les allusions permettent de distinguer ceux qui ont les moyens - en temps, en capital culturel et financier- de développer leurs connaissances des oeuvres de leur culture et deviennent un discriminant de classe, que la culture soit utilisée à cette fin, est tout à fait exact. Cela n'ôte rien, ni à la valeur intrinsèque de la culture, ni au fait que l'école devrait former les élève à la jouissance de ses oeuvres, pour des raison à la fois éthiques- faire accéder à la beauté, à une façon de voir qui tranche avec le matérialisme de l'existence et donc enrichir la représentation du monde- mais aussi politiques - partager une vision qui reflète ce qu'une société estime être le meilleur d'elle-même, de façon à cimenter la société autour de ses valeurs.
À mon sens, le refus actuel de la transmission de la culture classique, de la culture française est donc un aveu que la seule culture que l'on souhaite voir unanimement partagée, pour des raisons économiques parfaitement compréhensibles d'ailleurs, est celle du profit marchand, de la compétition de tous contre tous, et du consumérisme comme mode de vie. Dans Le Meilleur des mondes, on conditionnait les gens à prendre des transports - cela rapporte- mais à détester la nature - qui ne coûte rien. Aujourd'hui on conditionne les gens à acheter des livres, à voir des films, mais en prenant bien soin que 99% de la production facilement accessible ne soit pas de nature à induire une remise en cause du modèle de société dominant ni à encourager une quelconque pensée critique, mais seulement à flatter l'individualisme qui permet de manipuler les masses.


Dernière édition par Ponocrates le 15/5/2019, 14:13, édité 1 fois

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"If you think education is too expensive, try ignorance ! "
"As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? "
Iphigénie
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par Iphigénie 15/5/2019, 13:59
Je ne comprends pas très bien à vrai dire ce que tu appelles « humanité » et en quoi « commune »  en dehors de la culture ou plutôt de ce que la culture tente de saisir: ma définition doit rester beaucoup trop classique sans doute. Je ne suis pas si sure que les œuvres soient singulières à vrai dire: elles sont plutôt la perception singulière et précoce de ce que porte leur époque, à mon avis. Pour le dire autrement je crois que personne ne pense hors de son époque, en réalité ...(mieux, en avance, en réaction soit, à côté, non). C’est ce qui libère de son époque qui est donc le plus facteur de liberté, c’est en cela que la culture prend sens, selon moi.
Et ce n’est pas tant que pour moi « qui dit individu dit enfermement » que plutôt qui dit individu oublie qu’il est enfermé, dans l’humaine condition...(humaine en tant que construction humaine, non naturelle)
Mais je ne suis pas sûre d’avoir bien saisi où tu veux, à vrai dire, en venir...manque de culture commune sans doute Wink

Sinon d’accord avec Ponocrates qui développe mieux que moi...


Dernière édition par Iphigénie le 15/5/2019, 14:24, édité 1 fois
pseudo-intello
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par pseudo-intello 15/5/2019, 14:22
Pas plus tard que la semaine dernière, comme j'étais lasse de l'incapacité absolue de tous mes élèves sauf trois (dont deux enfants de PE !)  à ne pas pouvoir se détacher de notre époque (plusieurs rédactions cette année à partir de nouvelles du XIXe siècle), j'ai demandé à la doc de me préparer une bibliographie de livres dont le cahier des charges me paraissait super simple : l'intrigue ne doit pas se passer notre époque.

Eh ben la doc a galéré ! Il y a eu les Jules Verne (doc du pas tout neuf), quelques collections type "enquête chez les Romains", ou pareil au Moyen-Âge, des histoire noires de la mythologie (on n'était déjà à la limite du thème), mais très peu de choses, finalement. Corollaire : les élèves ne se voient proposer que des univers qui les ramènent à leur nombril (ET de la fantasy, ET du post-apocalyptique), mais n'ont presque pas l'occasion de s'immerger dans une autre époque, et d'en découvrir quelques repères mine de rien en lisant un livre divertissant - pas - débile.

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Iphigénie
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par Iphigénie 15/5/2019, 14:32
Je pense en effet que s’il y a bien un enfermement qui ne se croit libération, c’est bien celui-là, dans le hic et nunc, ego Wink ..
Sylvain de Saint-Sylvain
Sylvain de Saint-Sylvain
Grand sage

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par Sylvain de Saint-Sylvain 15/5/2019, 14:40
Je m'exprime peut-être mal, mais il y a forcément un défaut de lecture de votre part, si toutes deux êtes d'accord et vous opposez à ce que je dis. Parce que parler comme si je disais que la culture est un vernis, c'est pas possible. Parler de la "vraie" culture sans faire un sort aux distinctions que j'ai opposé est curieux, en parler comme si ces différents sens impliquaient chacun l'annulation de l'autre aussi. Et je ne saisis pas le rapport avec l'individualisme, le monde marchand tout ça tout ça.

Sinon. Pour qu'Homère soit un élément de la culture commune en Grèce au Ve siècle, il faut s'assurer que tout le monde apprenait à lire et à écrire ou avait accès aux aèdes. Vraiment ? Je sais que ce n'est pas vrai du tout pour Rome, en tout cas. Qu'importe, admettons quand même que tout cela est vrai : en tant que connaître ces textes et ce nom sont constitutifs de la grécité à cette époque, c'est un trait de la culture au sens anthropologique. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de culture commune, dans ce sens, s'il n'y a pas ce genre d’œuvres, ni qu'elle vaille moins, ni rien du tout. La culture au sens classique commence dans un rapport particulier à ces œuvres, qui est une fréquentation visant au mouvement de l'esprit, disons, plus qu'à la stabilisation du culturellement admis. Mouvement qu'on identifie facilement quand on prend Socrate ou d'autres en train de parler d'Homère, qui d'ailleurs à l'époque comprend des bizarreries culturelles (le couple Achille-Patrocle, par exemple, qui entre mal dans le cadre de la pédérastie).

J'ai largement perdu le fil de la conversation initiée avec Iphigénie. A l'origine je voulais simplement dire deux choses : que ma "façon de penser" (quel honneur) ne s'inscrit pas franchement dans l'air du temps, à mon avis. J'ai l'impression qu'on a plutôt aujourd'hui deux camps : celui du tout sociologique et celui du refus absolu de la critique sociologique, sur fond de non discussion de cette notion pourtant complexe et multi-niveaux de culture. Et que la cohésion culturelle ne dépend pas de la transmission de la culture classique, que souhaiter que la culture prise au sens classique fasse cette cohésion est bizarre pour des raisons que j'ai développées et que je n'ai pas vu discutées.

Sinon : je ne suis pas contre l'ouverture d'un sujet spécifique sur l'individualisme aujourd'hui. On en parle régulièrement sur ce forum, mais comme ce n'est jamais tout à fait le sujet les réflexions se développent peu ou s'interrompent. Ça m'intéresserait.
Kimberlite
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par Kimberlite 15/5/2019, 15:19
pseudo-intello a écrit:Pas plus tard que la semaine dernière, comme j'étais lasse de l'incapacité absolue de tous mes élèves sauf trois (dont deux enfants de PE !)  à ne pas pouvoir se détacher de notre époque (plusieurs rédactions cette année à partir de nouvelles du XIXe siècle), j'ai demandé à la doc de me préparer une bibliographie de livres dont le cahier des charges me paraissait super simple : l'intrigue ne doit pas se passer notre époque.

Eh ben la doc a galéré ! Il y a eu les Jules Verne (doc du pas tout neuf), quelques collections type "enquête chez les Romains", ou pareil au Moyen-Âge, des histoire noires de la mythologie (on n'était déjà à la limite du thème), mais très peu de choses, finalement. Corollaire : les élèves ne se voient proposer que des univers qui les ramènent à leur nombril (ET de la fantasy, ET du post-apocalyptique), mais n'ont presque pas l'occasion de s'immerger dans une autre époque, et d'en découvrir quelques repères mine de rien en lisant un livre divertissant - pas - débile.
Intéressant... en sciences, la tendance pédagogique possède les mêmes travers: l'élève ne pourrait apprendre qu'à partir de choses étant reliées à son expérience, sa vie... On se retrouve avec des mises en situation débiles, des histoires qui gonflent tout autant les élèves que moi, alors qu'en fait ils s'intéressent plus aux choses un peu "exotiques" (les histoires de système solaire, de planètes, les espèces exotiques, etc... les interpellent souvent plus que des histoires d'adolescents). Les élèves apprécient aussi les aspects historiques (conditions dans lesquelles se sont faites certaines découvertes, savants célèbres, etc. ).

K

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Caspar
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par Caspar 15/5/2019, 15:35
J'ai feuilleté par curiosité un manuel de latin en salle des profs: beaucoup de textes contemporains ou très récents (retranscription du discours "I have a dream" de Martin Luther King, comme s'il fallait à tout prix montrer que les Romains sont "comme nous" alors que l'intérêt d'étudier le latin il me semble c'est de se plonger dans un monde totalement différent du nôtre.
Iphigénie
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Prophète

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par Iphigénie 15/5/2019, 16:16
Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:Je m'exprime peut-être mal, mais il y a forcément un défaut de lecture de votre part, si toutes deux êtes d'accord et vous opposez à ce que je dis. Parce que parler comme si je disais que la culture est un vernis, c'est pas possible. Parler de la "vraie" culture sans faire un sort aux distinctions que j'ai opposé est curieux, en parler comme si ces différents sens impliquaient chacun l'annulation de l'autre aussi. Et je ne saisis pas le rapport avec l'individualisme, le monde marchand tout ça tout ça.

Sinon. Pour qu'Homère soit un élément de la culture commune en Grèce au Ve siècle, il faut s'assurer que tout le monde apprenait à lire et à écrire ou avait accès aux aèdes. Vraiment ? Je sais que ce n'est pas vrai du tout pour Rome, en tout cas. Qu'importe, admettons quand même que tout cela est vrai : en tant que connaître ces textes et ce nom sont constitutifs de la grécité à cette époque, c'est un trait de la culture au sens anthropologique. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de culture commune, dans ce sens, s'il n'y a pas ce genre d’œuvres, ni qu'elle vaille moins, ni rien du tout. La culture au sens classique commence dans un rapport particulier à ces œuvres, qui est une fréquentation visant au mouvement de l'esprit, disons, plus qu'à la stabilisation du culturellement admis. Mouvement qu'on identifie facilement quand on prend Socrate ou d'autres en train de parler d'Homère, qui d'ailleurs à l'époque comprend des bizarreries culturelles (le couple Achille-Patrocle, par exemple, qui entre mal dans le cadre de la pédérastie).

J'ai largement perdu le fil de la conversation initiée avec Iphigénie. A l'origine je voulais simplement dire deux choses : que ma "façon de penser" (quel honneur) ne s'inscrit pas franchement dans l'air du temps, à mon avis. J'ai l'impression qu'on a plutôt aujourd'hui deux camps : celui du tout sociologique et celui du refus absolu de la critique sociologique, sur fond de non discussion de cette notion pourtant complexe et multi-niveaux de culture. Et que la cohésion culturelle ne dépend pas de la transmission de la culture classique, que souhaiter que la culture prise au sens classique fasse cette cohésion est bizarre pour des raisons que j'ai développées et que je n'ai pas vu discutées.

Sinon : je ne suis pas contre l'ouverture d'un sujet spécifique sur l'individualisme aujourd'hui. On en parle régulièrement sur ce forum, mais comme ce n'est jamais tout à fait le sujet les réflexions se développent peu ou s'interrompent. Ça m'intéresserait.
A vrai dire il y a surement un problème de lecture, mais plus je lis et moi je comprends l'objet du débat :lol:
Peut-être l'écart vient -il  de ce que (si je comprends un peu ce que tu dis), "la culture ne peut pas faire la cohésion sociale": pour ma part je pense que c'est l'inverse: c'est la cohésion sociale qui fait la culture, en ce sens où la culture n'est jamais que l'expression de ce qui fait sens pour une société (à travers certes ses individus, mais qui eux-mêmes, dans une relation complexe, n'existent, tels qu'ils sont, que par cette société): c'est pourquoi il est vain de croire qu'on peut perpétuer cette cohésion par la culture, mais pas non plus sans elle, c'est tout le problème: car quoi d'autre à la place? les sociétés ont besoin de cette cohésion, en tout cas je ne vois pas d'exemple dans l'histoire de sociétés qui se construisent sans références culturelles communes, au delà des multi-niveaux dont tu parles : mais qui se détruisent, oui.
Zagara
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Guide spirituel

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par Zagara 15/5/2019, 16:25
Je suis globalement d'accord avec ce que dit Sylvain dans les 2 dernières pages.
Iphigénie
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Prophète

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par Iphigénie 15/5/2019, 16:26
C'est bien! D’ailleurs, au départ il était d’accord avec toi: ouf! Wink
A rebours
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Esprit éclairé

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par A rebours 15/5/2019, 17:33
J'interviens sur ce fil que je lis depuis quelque temps... J'enseigne en collège et lycée depuis 15 ans, et chaque année, je suis un peu plus désespérée...
Mais grâce au PPCR, inspecteur et CDE m'ont rassurée quant au niveau des élèves et ce qu'on leur enseigne : peu importe de respecter les programmes, pourvu que ça soit attractif. Il s'agit en l'occurrence du latin en collège.
Voilà voilà.
Que dire...?
Fesseur Pro
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par Fesseur Pro 15/5/2019, 17:41
Tout va très bien Mme la marquise...
En pleine correction des brevets blancs.
Une boucherie...

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Thalie
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par Thalie 15/5/2019, 17:43
pseudo-intello a écrit:Pas plus tard que la semaine dernière, comme j'étais lasse de l'incapacité absolue de tous mes élèves sauf trois (dont deux enfants de PE !)  à ne pas pouvoir se détacher de notre époque (plusieurs rédactions cette année à partir de nouvelles du XIXe siècle), j'ai demandé à la doc de me préparer une bibliographie de livres dont le cahier des charges me paraissait super simple : l'intrigue ne doit pas se passer notre époque.

Je réponds juste sur cette recherche. Marie Desplechin (que je n'aime pas, par ailleurs, pour ses multiples prises de position souvent très contestables selon moi) a publié deux romans se déroulant au XIXe siècle. Un autour d'une jeune fille de la bonne bourgeoisie je crois bien et l'autre d'une jeune ouvrière : Satin Grenadine et Séraphine.
A rebours
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Esprit éclairé

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par A rebours 15/5/2019, 17:43
Fesseur Pro a écrit:Tout va très bien Mme la marquise...
En pleine correction des brevets blancs.
Une boucherie...

Ah non, ils sont un peu lucides, "là-haut" : on m'a bien expliqué qu'il ne fallait pas "gaspiller" des heures pour les bons élèves, mais ne s'adresser qu'aux autres, parce qu'ils ont de réels besoin.
slynop
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par slynop 15/5/2019, 17:49
Quant à moi, je suis abasourdi par le niveau d'insolence de certains élèves. Des baffes se perdent.

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par Volo' 15/5/2019, 18:20
slynop a écrit:Quant à moi, je suis abasourdi par le niveau d'insolence de certains élèves. Des baffes se perdent.

Je suis abasourdie par le niveau des collégiens - Page 13 2252222100

Tu vois l'insolence partout, voyons.
Philomène87
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par Philomène87 15/5/2019, 18:37
Fesseur Pro a écrit:Tout va très bien Mme la marquise...
En pleine correction des brevets blancs.
Une boucherie...

Toi aussi ?

J'ai une moyenne de pile 25/50, et encore, parce que j'ai arrondi à 25 deux copies qui avaient 24,75.
La pire note c'est 10/50, dont 0,5/20 en histoire. 0/5 aux repères géographiques (placer les fleuves, les mers, les chaînes de montagnes, et 4 métropoles au choix).
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par ernya 15/5/2019, 18:42
Je constate la même chose ici. On a redonné aux troisièmes le sujet de français tombé l'année dernière. J'ai eu un 72/100 et un 85/100, le reste du paquet oscille entre 4,5 et 30 sur 100. Tout va bien. Je suis au désespoir.
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par henriette 15/5/2019, 18:44
Assez logique : ce sujet, l'an passé, ça a été un vrai massacre.

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par Ajonc35 15/5/2019, 18:45
Philomène87 a écrit:
Fesseur Pro a écrit:Tout va très bien Mme la marquise...
En pleine correction des brevets blancs.
Une boucherie...

Toi aussi ?

J'ai une moyenne de pile 25/50, et encore, parce que j'ai arrondi à 25 deux copies qui avaient 24,75.
La pire note c'est 10/50, dont 0,5/20 en histoire. 0/5 aux repères géographiques (placer les fleuves, les mers, les chaînes de montagnes, et 4 métropoles au choix).
Je comprends mieux mon désespoir avec mes bac pro 3 ans plus tard. Une hécatombe, du jamais vu depuis que le bac pro existe et pourtant le niveau des exercices proposés à l'examen est descendu. Même pas capables de me dire , à partir d'une caricature que les deux ensembles représentés sont les Etats Unis (bannière etoilee) et l'UE (en plus europe est écrit dessus). A part le reperage sur la question d'histoire donc copie d'un élément, rien. Environ 5 de moyenne😤
Hermiony
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Guide spirituel

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par Hermiony 15/5/2019, 18:47
henriette a écrit:Assez logique : ce sujet, l'an passé, ça a été un vrai massacre.

Nous avons redonné le sujet de 2013 (Gaudé, sur les immigrés italiens ), avec des questions modifiées : un massacre. Peu savent que New-York appartient au continent américain, certains ont même réussi à se planter sur le pays d'origine des immigrés et la rédaction a été un massacre (gros souci au niveau de l'imagination d'une période qui n'est pas la leur...Vivent les anachronismes).

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"Soyons subversifs. Révoltons-nous contre l'ignorance, l'indifférence, la cruauté, qui d'ailleurs ne s'exerce si souvent contre l'homme que parce qu'elles se sont fait la main sur les animaux. Il y aurait moins d'enfants martyrs s'il y avait moins d'animaux torturés".
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« La vraie bonté de l’homme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté qu’à l’égard de ceux qui ne représentent aucune force. » «Le véritable test moral de l’humanité, ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. » Kundera, L’Insoutenable Légèreté de l’être
Sylvain de Saint-Sylvain
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par Sylvain de Saint-Sylvain 15/5/2019, 19:03
Iphigénie a écrit:Peut-être l'écart vient -il  de ce que (si je comprends un peu ce que tu dis), "la culture ne peut pas faire la cohésion sociale": pour ma part je pense que c'est l'inverse: c'est la cohésion sociale qui fait la culture, en ce sens où la culture n'est jamais que l'expression de ce qui fait sens pour une société (à travers certes ses individus, mais qui eux-mêmes, dans une relation complexe, n'existent, tels qu'ils sont, que par cette société): c'est pourquoi il est vain de croire qu'on peut perpétuer cette cohésion par la culture, mais pas non plus sans elle, c'est tout le problème: car quoi d'autre à la place? les sociétés ont besoin de cette cohésion, en tout cas je ne vois pas d'exemple dans l'histoire de sociétés qui se construisent sans références culturelles communes, au delà des multi-niveaux dont tu parles : mais qui se détruisent, oui.

J'ai fait long, mais aussi pour répondre une dernière fois, parce que bon on est HS je crois.

Plus précisément, je pense que la culture telle que la définit l’anthropologie fait la cohésion d’une groupe humain. Cette culture se définit comme un ensemble d’éléments comprenant la langue, les coutumes, les techniques, les lois, les croyances, les représentations qui se communiquent à tous les membres d’une population, fait que celle-ci n’est pas qu’un agrégat d’individus et dessine le monde dans lequel vivent ces individus. Cette culture-là est possédée sans trop de variations par tous les membres du groupe culturel, très tôt, de façon en grande partie inconsciente. Je parle français, j’appartiens à une famille nucléaire, j’accorde beaucoup d’importance à l’égalité, à la liberté, à la solidarité, je n’en accorde aucun à la naissance, je gesticule quand je parle, je maintiens une distance physique raisonnable avec mes amis, je respecte les vieux, etc.. Le sens sociologique, c’est si je ne me trompe pas la même chose, mais à l’échelle d’un groupe au sein de ce troupe : telle classe sociale, telle famille. La transmission de cette culture se fait à mon avis bien plus par l’imitation des autres que par l’école. C’est là qu’il faut chercher le commun, et s’il a disparu, c’est aussi là qu’il faut vérifier sa disparition.

Je mets cette culture à la place, si on veut, pour la cohésion, de la culture au sens classique. Celle-ci se définit avec moins de facilité que la précédente parce que la notion recouvre une succession d’idées, de réflexions qui commencent avec la paideia grecques, passe par la cultura animi de Cicéron, l’humanisme, le conflit kultur civilisation et a été secouée au XXe siècle par l’essor de l’anthropologie et de la sociologie. Mais en gros on peut dire qu’elle se définit comme la connaissance d’objets assidûment fréquentés (la culture que j’ai) ou la fréquentation (se cultiver) en cours de ces objets en vue d’un développement des facultés de l’esprit et de son enrichissement, et ajoutons du plaisir. L’école joue ici un rôle important. Ces objets étant choisis en vue de cela, il n’est ni nécessaire de les choisir parmi les productions de la société à laquelle on appartient, ni nécessaire que tout le monde choisisse les mêmes. On peut-être un Français cultivé parce que passionné de jazz et fin connaisseur de la culture japonaise et maître huit langues étrangères, et deux personnes peuvent se reconnaître comme cultivées alors que la culture de l’une est principalement scientifique et celle de l’autre littéraire. Cela ne nuit en rien au fait d’être, par ailleurs, descriptible anthropologiquement comme un Français, même si le fait de se cultiver contribue peut-être à se distancer de traits culturels dont on prend conscience et qu'il devient possible, par conséquent, de modifier. C’est en cela qu’un être qui se cultive s’individue, parce qu’il se forme d’une façon déterminée par le choix des objets qu’il fréquente et la singularité de ces objets, en suivant une route dont le tracé est en partie déterminé par ses goûts.

J’ai parlé de singularité. Bien sûr que les réalisations dont on parle ne sont pas étrangères à la société où elles naissent, et par conséquent à la culture de cette société. Mais je trouve impossible de défendre qu’elles n’en sont que le reflet, qu’elles ont tout en commun avec elle. Elles sont avec elles dans une sorte de rapport dialectique : elles y puisent mais transforment ce qu’elles y puisent et, dans certains cas, transforment en retour le terreau initial. L’examen de la société romaine du Ier siècle avant J.-C. ne permet pas de « prédire » l’écriture de Cicéron, ni que son œuvre deviendrait le style officiel à imiter dans les écoles jusqu’à la chute de Rome. La singularité devient plus évidente encore avec la modernité : dire que Van Gogh est le fruit de son temps me paraît très compliqué. Ce rapport complexe est le même que celui qui existe entre individu et collectif, société.

Frotter les esprits des élèves aux grandes réalisations de l’humanité, en les initiant à des œuvres et des disciplines variées, et tenter de leur donner le goût de continuer après moi, c’est un idéal que je partage et sans lequel je ne serais sans doute pas professeur. Mais je ne me vois pas comme un passeur de valeurs, de vision du monde, qui œuvrerait à ce que tout le monde ait les mêmes, et si je le voulais je douterais fortement de la possibilité d’obtenir un résultat autre que superficiel. Les leur faire découvrir au fil des œuvres, oui ; les leur inculquer, non. Tout cela me semble étranger au projet de mettre en mouvement et faire croître les esprits de mes élèves et de poser les bases d’une émancipation intellectuelle.
Zagara
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Guide spirituel

Je suis abasourdie par le niveau des collégiens - Page 13 Empty Re: Je suis abasourdie par le niveau des collégiens

par Zagara 15/5/2019, 19:10
La culture que tu décris en §2 n'a plus rien de "classique" puisqu'elle procède des passions de chacun, ou du moins peut venir de toutes les sources.
Ça me convient très bien, n'ayant jamais trouvé pertinents la hiérarchisation des traditions littéraires, l'européocentrisme et les honteux oublis de la "culture classique" telle que la bourgeoisie et les institutions du XIXe siècle l'ont fixée (les productions médiévales dévalorisées par exemple, ou la simplification du corpus grec parfois jusqu'au contresens, etc).
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