La formation qui vous a manqué ?

Voilà, je me trouve actuellement dans un de ces pays où les borgnes sont rois. J'ai l'opportunité d'intervenir dans la mise en place d'un centre de formation pour jeunes professeurs. Le projet est à ses débuts et presque tout reste encore ouvert à discussion, l'organisation comme le curriculum. Je précise qu'il s'agit pour l'instant d'un projet modeste (25 places). Il peut être amené à évoluer. Comptez que les étudiants pourront travailler en tout petits groupes.


Bien sûr, j'ai quelques idées, mais il est bon de ne pas s'en tenir à sa vision étroite.


Mes questions sont les suivantes:


- Quelle formation auriez-vous aimé avoir en entrant dans le métier?

- Qu'est-ce qui vous a manqué, après avoir expérimenté la réalité de ce métier?


Edit: Parmi celles que vous avez eues, quelle formation a été la plus utile? Sans cette question, je crains de louper des choses importantes.


Il s'agit de questions très ouvertes. Je vous offre la liberté d'expression que vous n'avez jamais eue. Je ne fais pas de sondage ni de statistiques. Prêts pour une bonne séance de brainstorming?

Pour répondre, je dirais
- toute les formations disciplinaires sur les éléments difficiles  du programme ( point de blocage, manip....)
- en spc  comment gérer un labo et les réparations diverses
- module corps et voix (poser sa voix langage corporel psychologie du groupe territoire)
- une ouverture sur la mémoire les méthodes d apprentissages les neurosciences. ....

J'ai apprécié d'avoir pas mal de formations disciplinaires l'année de stage. Les séances de tutorat où on apprenait à faire un cours étaient bien utiles aussi (et j'ai eu la chance d'être dans un groupe top. Je suis toujours en contact avec une partie du groupe).
J'aurais bien aimé avoir une formation un peu juridique type droits et devoirs du fonctionnaire, une formation PSC1, une formation sur la voix.

Professeur de Lettres, je n'ai rien appris à l'IUFM. Je dirais même que le fait qu'on impose un modèle unique (la séquence pédagogique) est pour beaucoup un frein à toute évolution : remettre en cause ce modèle est difficile, parfois impensable. Donc la première chose qui manque, c'est une véritable perspective didactique critique.
Par ailleurs, je trouve incroyable de n'avoir entendu, en ce qui concerne la mémorisation et les techniques d'apprentissage, que des formules creuses ou des théories douteuses - ce qui n'a guère changé en 20 ans si j'en crois le témoignage de notre actuel stagiaire. J'aurais aimé qu'on me parle de Make it stick plutôt que de Gardner, de John Hattie plutôt que du baratin de Mérieux.
La formation qui m'a été la plus utile est sans doute celle que j'ai reçue au GRIP, où j'ai appris de quelle manière aborder les notions de grammaire et comment penser une progression grammaticale.
Je rêve toujours d'une bonne formation à l'enseignement de l'écriture. Je ne sais pas si cela existe. Si oui, je n'en ai jamais eu connaissance. J'ai l'impression de tout faire en tâtonnant, dans ce domaine, ce qui prend un temps fou, au détriment de mes élèves.

Tout ce qui m'a semblé indispensable à l'ESPE (maths) : tous les savoirs didactiques sur les difficultés rencontrées par les élèves (par exemple tout ce qui concerne le sens du nombre et sa construction, les différentes conceptions géométriques, les fonctions, etc...). Parce que quand on est à un certain niveau, ce sont des choses qui nous paraissent vraiment évidentes, mais sans les clés pour comprendre les difficultés des élèves, on peut chercher longtemps comment les aider en cas de difficulté. Ou pire, on peut ancrer chez eux des conceptions fausses en ne faisant pas attention à la manière dont on aborde les choses (c'est vrai surtout pour les PE je pense, mais pas uniquement).
Les analyses de séquences, pour voir tout ce à quoi il faut penser, ce qui peut rater, etc...
Ce que j'aurais aimé avoir : comment construire une séquence (incroyable, personne ne nous a donné de modèle ou de conseils pour démarrer... j'ai galéré une bonne partie de l'année de stage là-dessus). Comment organiser une progression sur l'année (au moins quelques conseils ou des exemples, au lieu de devoir pêcher les indices tout au long des formations).
Et aussi, voir les différents courants pédagogiques avec un peu plus d'esprit critique : quels sont leurs points communs, leurs différences, leurs hypothèses théoriques, les conditions de validité, qu'est-ce qu'on a regardé (à court terme, à long terme? sur la motivation? sur la mémoire? sur quels type d'élèves?). Et comment faire le programme imposé dans le temps imposé avec les méthodes imposées (tout par la découverte...) tout en s'organisant pour revoir quand même régulièrement les notions pour que les chers petits n'oublient pas tout au fur et à mesure (personnellement, j'ai fait des révisions surtout en activité flash en début d'heure, parce que rechercher à chaque fois des problèmes riches faisant intervenir plusieurs notions déterminées à l'avance, c'est bien trop chonophage pour un débutant)
Et j'aurais aussi aimé quelque chose sur la voix et sur l'attitude corporelle.

Je suis d'accord avec tout ce qui est proposé et qui confirme que je n'ai suivi aucun cours utile à l'IUFM.

Une formation sur la psychologie de l'adolescent avec des exemples concrets en lien, par exemple, avec la prise en charge des dyslexiques, des précoces, des élèves en phobie ou décrochage scolaire ... et peut-être, mais je ne sais pas si ça existe, une formation sur la psychologie des parents (j'ai souvent entendu, en début de carrière, "vous changerez d'avis quand vous serez parent". En fait, ça n'a rien changé pour moi mais je crois que certains points de vue de parents seraient mieux compris et pris en compte si la formation des profs incluait un module concernant la relation parents-enfants).

dl80 a écrit:Une formation sur la psychologie de l'adolescent avec des exemples concrets en lien, par exemple, avec la prise en charge des dyslexiques, des précoces, des élèves en phobie ou décrochage scolaire ...

Sur le handicap et les UP2A aussi.

J'avais eu une formation très bien et concrète sur la psychologie de la motivation.

ce qui m'a le plus manqué et qui me manque toujours ce sont des formations, des vraies, sur la prise en charge des élèves allophones, dysvariés j'en ai suivi une ou deux mais soit c'était assez indigent, soit bien trop superficiel et donc auraient méritées d'être reconduites pour approfondissement.

j'aimerais aussi quelque chose de construit sur la différenciation...

je tatonne, je lis, je m'auto-forme et je trouve anormal que ces aspects nécessaires de notre métier, liés à son évolution, ne soient pas pris en compte.

Comme beaucoup, une formation sur la voix, l'attitude corporelle, la façon d'occuper l'espace en cours... L'équivalent d'un atelier théâtre, en somme !


Et des informations très pratiques : comment se passe un conseil de classe, comment remplir des bulletins (les formules à éviter, les façons de s'exprimer, la possibilité de s'adresser directement aux élèves sur les bulletins ou non, tutoiement ou vouvoiement dans ce cas...), quelles sont nos responsabilités en cas de problème, dans quelles circonstances peut-on ou non mettre un 0, etc. Même si la plupart de ces informations s'apprennent sur le tas, j'aurais bien aimé en avoir déjà un aperçu pendant mon année de stage.

Lorsque j'ai débuté, j'avais eu pas mal de formations à la fac, en master enseignement. Des formations bien fichues sur la manière de préparer ses cours, sur les dys, sur la gestion du corps. Par contre, pour en avoir discuté avec mes camarades fraîchement titularisés, nous rêvions tous d'une formation sur la discipline en classe, sur la gestion de classe. Nous aurions aimé avoir des exemples de cas concrets avec un panel de solutions adaptées.

Lors de ma deuxième année de master, nous avons eu un stage de pratique qui durait un mois. J'ai eu une classe horrible qui m'en a fait vraiment baver. Durant ce même mois, un professeur qui avait travaillé dans des classes difficiles proposait une formation sur la gestion de ces classes. C'était concret, des solutions claires et variées étaient proposées. C'est la meilleure formation à laquelle j'ai assisté, jusqu'à présent.

Gestion de classe. (Mais pas les deux doigts sur la table hein !)

Et comment appréhender le niveau des élèves et construire une progression adaptée (commencer ma toute première année en 3e par les subordonnées dont la relative au subjonctif juste parce que c'était au programme, ce n'était sans doute pas ma meilleure idée )

J'ai eu une excellente formation cette année en enseignement du français. Je dis excellente, parce qu'au lieu de nous abreuver de théorie fumeuse, on nous a donné du contenu concret et des exemples applicables. C'est la seule bonne formation que j'aie jamais eue.

Une formation spécifique sur la gestion des élèves violents physiquement (la violence verbale, j'ai appris à passer outre)

Comparaison de cours, montrer un vrai cours, gestion de classe , aspect juridique des choses par un vrai juriste ou un syndicaliste (ou une personne de l'autonome de solidarité) (bref quelqu'un ayant de vraies infos !).

J'ai apprécié ma formation (je l'ai déja dit sur neo : j'ai eu une chance énorme), donc je peux te dire ce que j'ai apprécié.

Une très solide formation disciplinaire, avec appel à la vigilance sur des points clés, qui peuvent poser problème en classe. Une formation didactique sans (trop de) dogmes mais plutôt du bon sens, très utile quand on débute. Sur l'explicitation des documents élèves, les formulations claires, le type de cours qu'on peut mettre en place en fonction de ce qu'on doit faire passer. Formation sur les interlocuteurs au sein de l'établissement et, en lien, quelques "trucs" de gestion de classe (des choses efficaces, hein, pas la technique des doigts sur la table).

Il m'a un peu manqué de concret sur quelques points : gestion du labo, modalités d'organisation d'une sortie, dans une entreprise par exemple, etc.

Et, mais ça, tu n'y peux pas grand chose, une promo

Sur le papier, j'ai eu une formation sur la dyslexie. Ça avait l'air intéressant.

Le jour dit, la nana se pointe, nous explique en long en large et en travers ce qu'est la dyslexie, comment ça se présent dans le cerveau, etc. Cinq minutes avant la fin "vous avez des questions ?" Euh oui : concrètement, en cours, on fait comment ?

pseudo-intello a écrit:Sur le papier, j'ai eu une formation sur la dyslexie. Ça avait l'air intéressant.

Le jour dit, la nana se pointe, nous explique en long en large et en travers ce qu'est la dyslexie, comment ça se présent dans le cerveau, etc. Cinq minutes avant la fin "vous avez des questions ?" Euh oui : concrètement, en cours, on fait comment ?  

J'ai eu deux fois la même sauf que l'après-midi on devait se mettre en groupe et trouver tout seuls comment faire en cours.

Merci à ceux qui ont déjà répondu.

Je n'ai pas envie de tenter tout de suite une synthèse ou de faire des commentaires.

Je suis particulièrement intéressé par ceux qui ont été en galère à leurs débuts (ce qui est mon cas d'ailleurs). Qu'est-ce qui vous a mis en difficulté? Qu'est-ce qui vous a sauvé la mise? Qu'est-ce qui vous a manqué pour vous en sortir?

Je crois que c'est important de se renseigner pour éviter de faire de grosses bêtises. Des types qui ont des super recettes pour intéresser les élèves, on en trouve de partout. Répondre aux vraies difficultés des enseignants, c'est une autre affaire.

Ce qui m'a manqué ?
une formation sérieuse en grammaire, la capacité à penser des cours corrects dans ce domaine.
Un autre handicap : débarquer dans le métier à peu près en même temps que le dogme de la séquence et la typologie des textes. J'avais passé plusieurs années à étudier la littérature, et je devais désormais enseigner un truc bizarre : des types de discours. J'ai tenté pendant deux ans avant de comprendre que ce n'était pas l'objet d'un enseignement qui se veut sérieux. Mais pour aborder la littérature avec des collégiens sans transformer chaque texte en prétexte à autre chose (étudier la langue, écrire...), j'étais vierge de tout savoir-faire. J'y suis allée au feeling.
Ce qui m'a aidée : balancée en ZEP, une équipe de collègue et une CDE formidables, qui m'ont appris la gestion de classe.

Moi ce qui m'a manqué c'est d'avoir de vrais exemples de cours sous les yeux. Je suis arrivée sans formation d'aucune sorte et sans tutorat en sortant de monitorat en licence, ce qui n'aide pas, mais je suppose que n'importe qui est dans le même cas : en débarquant, on ne sait pas calibrer un cours pour des 6e. Que faut-il leur expliquer, combien les faire écrire, quel type d'exercices est à leur niveau, qu'est-ce que c'est qu'une consigne suffisamment explicite pour un collégien, je ne dis pas en difficulté, mais moyen ? J'avais des manuels que je ne trouvais pas toujours terribles (rien en grammaire), je ne savais pas quelle longueur devaient faire les leçons, ce que c'est qu'une étude de texte pour des mômes de onze ans qui lisent très mal, etc.

Comment je m'en suis tirée ? J'ai beaucoup appris sur le tas et je me suis inscrite sur Neo

Je ne comprends pas pourquoi l'ESPE ne fournit pas davantage de séquences clés en main, au moins des squelettes suffisamment fournis, sans trop d'activité numériques, et qui ont fait leurs preuves.
Je veux bien que l'autonomie pédagogique soit importante, mais on réclame justement peu d'indépendance au stagiaire, qui cependant doit être autonome. Les données sont un peu faussées.
Faire des cours qui ont été validés au préalable, avec des textes qu'il n'a pas eu besoin de chercher pendant longtemps lui permettraient de se concentrer sur la gestion de classe et pas de bricoler tout le temps en se demandant si ce qu'il fait est bien.
J'ai commencé l'année avec une séquence de l'ESPE cette année qui était très bien faite, avant de m'embarquer dans l'autonomie pédagogique (qui n'est que de façade, somme toute), avoir une ou deux autres séquences sous la main pour se rassurer après une expérimentation ratée, c'est cool je pense.

buckledown a écrit:Je ne comprends pas pourquoi l'ESPE ne fournit pas davantage de séquences clés en main, au moins des squelettes suffisamment fournis, sans trop d'activité numériques, et qui ont fait leurs preuves.

Parce que si ces gens-là savaient faire, ils seraient devant des élèves ? :diable:

Il est apparemment très mal vu en haut lieu de donner du contenu en formation, nous a en substance dit une formatrice, tout en ajoutant qu'elle s'asseyait dessus et en nous distribuant à tour de bras force photocopies.

Pareil: ce qui m'a manqué (IUFM): des vraies séquences « clé en main», réalistes et sans dogmatisme, ce qui m'aurait dispensée du sentiment de devoir réinventer la poudre à chaque heure de cours.
Bien peu de formations utiles cette année-là, sauf concernant la lecture d'image. Nous avions bénéficié, qq jours, d'un excellent formateur, ça m'a bien servi par la suite.

Des séquences clés en mains??
O nooooooooooooooooooooooooooon! Pitié!
On y vient, on y vient... Et c'est une catastrophe!

Non mais des exemples de cours et d'exercices bien conçus, c'est utile. Je trouve aussi que ça ne rend pas service de donner une séquence intégrale à un stagiaire, mais lui donner deux exercices sur un sujet et lui laisser fabriquer les autres sur le même modèle, ou lui donner un texte d'une séquence avec la méthode détaillée pour le faire étudier (et un autre texte avec une autre approche pour un autre chapitre), tout en le laissant se débrouiller sur les autres textes du chapitre, ça, ce serait formateur. En tout cas si j'étais formatrice ou tutrice c'est ce que je ferais Ça consisterait à donner un poisson à l'homme ET à lui apprendre à pêcher, histoire qu'il n'aille pas pêcher sans savoir à quoi ressemble un poisson, sans pour autant le fournir toute l'année. (J'abuse un peu sur la métaphore filée.)