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par Parménide Ven 6 Mar 2015 - 22:27
Kierkegaard : "La Maladie à la mort" (un exposé psychologique chrétien pour l'édification et le réveil)  9782091825168FS

Je l'ai commencé, je le lis, et je m'y tiens, c'est sur.

Ce n'est pas simple. Très spéculatif, et emphatique dans le style. Souvent répétitif. C'est typiquement le genre de lecture dans laquelle je ne saurais pas quoi prendre en notes, mais je ne vais pas m'arrêter sur ça pour l'instant.

Alors ma première question serait la suivante :

J'ai lu, non seulement dans ce texte, mais aussi il y a plusieurs semaines, dans un ouvrage d'histoire de la philosophie, que Kierkegaard considérait l'instant comme étant à l'intersection du temps et de l'éternité.

Et j'aimerais savoir ce qu'il en est concrètement car je ne suis pas sur de comprendre.  

Est ce à dire que l'instant serait une forme d'intensité qui ferait qu'un fragment d'éternité apparaitrait en l'homme?

_________________
"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)

"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)

"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)

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par Ronin Ven 6 Mar 2015 - 22:29
Là, tout de suite, je ne peux pas répondre, je reviens dans un instant pingouin

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par Gryphe Ven 6 Mar 2015 - 22:56
J'ai lu, non seulement dans ce texte, mais aussi il y a plusieurs semaines, dans un ouvrage d'histoire de la philosophie, que Kierkegaard considérait l'instant comme étant à l'intersection du temps et de l'éternité.

Je tente un début de piste.

Intersection > croix > incarnation > l'instant comme le lieu précis de la rencontre entre soi et un absolu, le vrai moment pour être vivant.

(Inutile de dire que je ne connais rien à Kierkegaard, à peine sais-je qu'il existe. Razz )

(Je repars donc sur la pointe des pieds et laisse les gens sérieux s'exprimer... pingouin )
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par Celeborn Sam 7 Mar 2015 - 6:36
Parménide a écrit:
J'ai lu, non seulement dans ce texte, mais aussi il y a plusieurs semaines, dans un ouvrage d'histoire de la philosophie, que Kierkegaard considérait l'instant comme étant à l'intersection du temps et de l'éternité.

Et j'aimerais savoir ce qu'il en est concrètement car je ne suis pas sur de comprendre.  

Est ce à dire que l'instant serait une forme d'intensité qui ferait qu'un fragment d'éternité apparaitrait en l'homme?

Ça me rappelle du Virginia Woolf, dans La Promenade Au Phare. Lily, peintre, médite, notamment sur une soirée qui a eu lieu au même endroit 10 ans plus tôt, chez les Ramsay. Depuis certains sont morts, d'autres ont réussi, etc.

« La grande révélation n'était jamais venue. La grande révélation ne vient peut-être jamais. Elle est remplacée par de petits miracles quotidiens, des révélations, des allumettes inopinément frottées dans le noir ; en voici une. Ceci, cela et l'autre chose ; elle-même, Charles Tansley et la vague en train de se briser ; Mrs. Ramsay les rapprochant ; Mrs. Ramsay disant à la vie « Arrête-toi » ; Mrs. Ramsay faisant de l'instant présent quelque chose de permanent (comme dans une autre sphère Lily elle-même essayait de le faire) — cela était de la nature d'une révélation. Au milieu du chaos il y a la forme ; ce passage, ce flot éternel (elle regarda les nuages s'en aller et les feuilles trembler) était d'un seul coup stabilisé. »

Je ne sais pas si ça t'aide, mais comme ça m'a immédiatement fait penser à cet extrait, je me suis dit que ça ne coûtait rien de te le proposer.

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par philopoussin Sam 7 Mar 2015 - 7:47
Bonjour Parménide, 

Cet impeccable article de Jean Nizet pourrait, je l'espère,  t'aider :

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1973_num_71_10_5735
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par Robin Sam 7 Mar 2015 - 8:41
Parménide a écrit:Kierkegaard : "La Maladie à la mort" (un exposé psychologique chrétien pour l'édification et le réveil)  9782091825168FS

Je l'ai commencé, je le lis, et je m'y tiens, c'est sur.

Ce n'est pas simple. Très spéculatif, et emphatique dans le style. Souvent répétitif. C'est typiquement le genre de lecture dans laquelle je ne saurais pas quoi prendre en notes, mais je ne vais pas m'arrêter sur ça pour l'instant.

Alors ma première question serait la suivante :

J'ai lu, non seulement dans ce texte, mais aussi il y a plusieurs semaines, dans un ouvrage d'histoire de la philosophie, que Kierkegaard considérait l'instant comme étant à l'intersection du temps et de l'éternité.

Et j'aimerais savoir ce qu'il en est concrètement car je ne suis pas sur de comprendre.  Est ce à dire que l'instant serait une forme d'intensité qui ferait qu'un fragment d'éternité apparaitrait en l'homme?

A  propos des rapports entre le fini et l'infini, le temps et l'éternité, voici ce qu'en dit K. dans Le Traité du désespoir :

Personnifications du désespoir


"On peut dégager abstraitement les diverses personnifications du désespoir en scrutant les facteurs de cette synthèse qu'est le moi. Le moi est formé d'infini et de fini. Mais sa synthèse est un rapport, qui, quoique dérivé, se rapporte à lui-même, ce qui est la liberté. Le moi est liberté. Mais la liberté est la dialectique des deux catégories du possible et du nécessaire." (p. 87)

"Le moi est la synthèse consciente d'infini et de fini qui se rapporte à elle-même et dont le but est de devenir elle-même, ce qui ne peut se faire qu'en se rapportant à Dieu (l'infini, l'éternité). Mais devenir soi-même, c'est devenir concret, ce qu'on ne devient pas dans le fini ou dans l'infini (dans le fini seulement/dans l'infini seulement), puisque le concret à devenir est une synthèse. L'évolution consiste donc à s’éloigner indéfiniment de soi-même dans une "infinisation" du moi, et à revenir indéfiniment à soi-même dans la "finisation". (p. 89)

Kierkegaard analyse ensuite les personnifications du désespoir, d'abord sous la double catégorie du fini et de l'infini, puis du possible et du nécessaire :

  Le désespoir de l'infinitude ou le manque de fini


L'homme englouti dans l'imaginaire, verse toujours plus dans l'infini, mais sans devenir toujours plus lui-même, puisqu'il ne cesse de s'éloigner de son moi. Dans le domaine religieux, l'orientation vers Dieu dote le moi d'infini, mais cette infinitisation, quand l'imaginaire a dévoré le moi, n'entraîne l'homme qu'à une ivresse vide. Kierkegaard fait ici allusion à certaines formes de mysticisme. Remarquer l'importance de l'imagination dans la synthèse du moi. L'imagination l'emporte sur l'entendement et sur la volonté (cf. Fichte).

  Le désespoir dans le fini ou le manque d'infini

Notre structure originelle est toujours disposée comme un moi devant devenir lui-même. Le moi étant une synthèse de fini et d'infini (la catégorie du possible), manquer d'infini resserre et borne désespérément. L'esprit du monde est de donner une valeur infinie à des choses indifférentes. Celui qui s'enferme à fond dans le fini, au lieu d'un moi, ne devient qu'un chiffre, la répétition d'un éternel zéro au lieu d'un être humain de plus. Au lieu de devenir soi-même, il se laisse frustrer de son moi par "autrui". On voit bien la filiation avec Heidegger (cf. les analyses de Sein und Zeit sur l'authenticité du Dasein).


Dernière édition par Robin le Sam 7 Mar 2015 - 18:51, édité 1 fois
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par Aspasie Sam 7 Mar 2015 - 10:16
Gryphe a écrit:
Je tente un début de piste.

Intersection > croix > incarnation > l'instant comme le lieu précis de la rencontre entre soi et un absolu, le vrai moment pour être vivant.

(Inutile de dire que je ne connais rien à Kierkegaard, à peine sais-je qu'il existe. Razz )

(Je repars donc sur la pointe des pieds et laisse les gens sérieux s'exprimer... pingouin )
Fort bien vu Gryphe Kierkegaard : "La Maladie à la mort" (un exposé psychologique chrétien pour l'édification et le réveil)  Applaudir-41.

Kierkegaard critique la conception courante de l'instant (moment fugace, marque de la finitude, qui n'est qu'une réduction abstraite du temps que l'on découpe jusqu'à parvenir à "l'instant"...) et en propose une autre conception, celle de la rencontre entre l'humain et le divin, entre le fini et l'infini. L'écho chrétien est fort, et l'on sait le rôle du stade religieux chez Kierkegaard. Dans ses pamphlets contre l'Eglise (L'instant justement), il reproche à l'Eglise de ne pas avoir compris le sens réel de l'instant (ce qui est gênant, puisque selon lui, c'est au coeur du christianisme...).

Mais voir dans l'instant un "fragment", fût-ce d'éternité, c'est déjà faire fausse route (parce qu'on "découpe" à nouveau l'éternité). L'instant est plénitude... C'est pourquoi il est préférable de parler d'intersection que de "point de rencontre". Dans l'intersection, on garde les éléments qui se rencontrent. Dans le "point" on les réduit.
Kierkegaard écrit que l'instant est la "trame de l'éternité" (L'instant "quand est-ce l'instant ?"). Il y a quelque chose du "kaïros" dans l'instant : "l'instant est le présent du ciel à l'audacieux que favorise le destin diraient les Grecs, au croyant diraient les chrétiens" (Ibidem)
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par Robin Sam 7 Mar 2015 - 10:29
Aspasie a écrit:
Gryphe a écrit:
Je tente un début de piste.

Intersection > croix > incarnation > l'instant comme le lieu précis de la rencontre entre soi et un absolu, le vrai moment pour être vivant.

(Inutile de dire que je ne connais rien à Kierkegaard, à peine sais-je qu'il existe. Razz )

(Je repars donc sur la pointe des pieds et laisse les gens sérieux s'exprimer... pingouin )
Fort bien vu Gryphe Kierkegaard : "La Maladie à la mort" (un exposé psychologique chrétien pour l'édification et le réveil)  Applaudir-41.

Kierkegaard critique la conception courante de l'instant (moment fugace, marque de la finitude, qui n'est qu'une réduction abstraite du temps que l'on découpe jusqu'à parvenir à "l'instant"...) et en propose une autre conception, celle de la rencontre entre l'humain et le divin, entre le fini et l'infini. L'écho chrétien est fort, et l'on sait le rôle du stade religieux chez Kierkegaard. Dans ses pamphlets contre l'Eglise (L'instant justement), il reproche à l'Eglise de ne pas avoir compris le sens réel de l'instant (ce qui est gênant, puisque selon lui, c'est au coeur du christianisme...).

Mais voir dans l'instant un "fragment", fût-ce d'éternité, c'est déjà faire fausse route (parce qu'on "découpe" à nouveau l'éternité). L'instant est plénitude... C'est pourquoi il est préférable de parler d'intersection que de "point de rencontre". Dans l'intersection, on garde les éléments qui se rencontrent. Dans le "point" on les réduit.
Kierkegaard écrit que l'instant est la "trame de l'éternité" (L'instant "quand est-ce l'instant ?"). Il y a quelque chose du "kaïros" dans l'instant : "l'instant est le présent du ciel à l'audacieux que favorise le destin diraient les Grecs, au croyant diraient les chrétiens" (Ibidem)

"Tout d'abord, Kierkegaard construit sa philosophie non autour de la notion détemporalisée de système, mais de sphères d'existence. Celles-ci supposent, certes, une dialectique ascendante, de l'esthétique à l'éthique puis au religieux, mais cette dialectique se donne dans diverses conceptions du temps et fait de l'éternité non pas le «repos», le salut ou le terme d'un parcours, mais le fil étroit sur lequel se tiendrait celui qu'il nomme le chevalier de la foi et pour qui l'éternité n'est pas certitude d'avoir atteint son but, mais le fait de «contempler le rivage en nageant éperdument avec 70000 brasses sous les pieds."

"L'instant n'est en effet pensable que lorsque l'esprit effectue la médiation entre le corps et l'âme sous les espèces de l'angoisse et de la conscience de la corporéité, qui rend possible le péché. Le christianisme comme religion de l'incarnation et de la liberté de détermination installe le sujet dans l'angoisse qui est celle de la peccabilité. Penser l'instant c'est penser la chute mais aussi la rédemption dans la possibilité de la conversion.

L'éternité est donc une éternité existentielle et non une éternité rationnelle, une éternité comme projet et non l'éternité rétrospective des Grecs, enfin une éternité qui n'est pas contradictoire de l'instantanéité et est à examiner du point de vue de toute la pensée de Kierkegaard, c'est-à-dire sous l'angle du paradoxe. Même si l'éternité se comprend à partir du futur, on ne peut non plus parler d'éternité au sens eschatologique chez Kierkegaard dans la mesure où elle ne concerne pas le destin collectif, mais l'approfondissement individuel de la subjectivité qui devient approfondissement spirituel dans le christianisme." (d’après Christine Baron)
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par Parménide Sam 7 Mar 2015 - 10:30
Philopoussin : merci Smile

Aspasie : cet instant défini comme la rencontre ou la coïncidence entre l'humain et le divin n'est donc pas un instant au sens mathématique et physique.

Je n'arrive pas à concevoir cet instant kierkegaardien autrement que comme un fragment. Si c'est une illumination mystique est ce que ce n'est pas quelque chose de concret qui en un sens se déroule dans le temps terrestre? Et du coup, pas dans l'éternité, justement.

_________________
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"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)

"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)

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par Carnyx Sam 7 Mar 2015 - 10:57
C'est parce que l'éternité est dans l'Instant que le présent est immuable. Le présent dure car l'éternité du passé et l'éternité du futur s'unissent dans le moi pensant au niveau de l'Instant. Penser à partir de l'Instant, cela signifie se transposer dans la temporalité du présent qui dure.
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par Parménide Sam 7 Mar 2015 - 11:07
Carnyx a écrit:C'est parce que l'éternité est dans l'Instant que le présent est immuable. Le présent dure car l'éternité du passé et l'éternité du futur s'unissent dans le moi pensant au niveau de l'Instant. Penser à partir de l'Instant, cela signifie se transposer dans la temporalité du présent qui dure.

Oui mais c'est une conception qui est encore trop marquée par le temps physique, je crois...

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par Aspasie Sam 7 Mar 2015 - 11:58
Parménide a écrit:cet instant défini comme la rencontre ou la coïncidence entre l'humain et le divin n'est donc pas un instant au sens mathématique et physique.

Je n'arrive pas à concevoir cet instant kierkegaardien autrement que comme un fragment. Si c'est une illumination mystique est ce que ce n'est pas quelque chose de concret qui en un sens se déroule dans le temps terrestre? Et du coup, pas dans l'éternité, justement.
Ce n'est en effet pas l'instant mathématique ou physique. Et que tu ne le "conçoives" pas est un bon point d'une certaine manière. Car il se vit, s'expérimente. Kierkegaard est un philosophe de l'existence...

La citation de Robin rappelle que le paradoxe est un élément fondamental de la pensée de Kierkegaard :
Robin a écrit:
"L'éternité est donc une éternité existentielle et non une éternité rationnelle, une éternité comme projet et non l'éternité rétrospective des Grecs, enfin une éternité qui n'est pas contradictoire de l'instantanéité et est à examiner du point de vue de toute la pensée de Kierkegaard, c'est-à-dire sous l'angle du paradoxe. " (d’après Christine Baron)

Non pas "dans" le temps terrestre (d'ailleurs, le temps n'est pas un milieu, un "espace" dans lequel... là, c'est Bergson qu'il faut aller voir sur la distinction entre temps mathématique et temps vécu, durée ; durée vers laquelle fait signe le propos de Carnyx d'ailleurs), mais à l'intersection de... c'est tout l'intérêt de cet usage du terme "intersection".
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par Parménide Sam 7 Mar 2015 - 12:13
Est ce qu'on peut dire que l'instant de K. est l'expérience mystique de l'éternité dans la subjectivité? L'éternité qui se coule dans le sujet à la faveur d'une expérience singulière.

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par Robin Sam 7 Mar 2015 - 12:51
Parménide a écrit:Est ce qu'on peut dire que l'instant de K. est l'expérience mystique de l'éternité dans la subjectivité? L'éternité qui se coule dans le sujet à la faveur d'une expérience singulière.

Attention ! Kierkegaard, en bon protestant, se méfie du mysticisme : "l'homme englouti dans l'imaginaire, verse toujours plus dans l'infini, mais sans devenir toujours plus lui-même, puisqu'il ne cesse de s'éloigner de son moi. Dans le domaine religieux, l'orientation vers Dieu dote le moi d'infini, mais cette infinitisation, quand l'imaginaire a dévoré le moi, n'entraîne l'homme qu'à une ivresse vide" (Traité du désespoir). Kierkegaard fait ici allusion à certaines formes de mysticisme.

Tout à fait d'accord avec Aspasie. Il ne s'agit ni du temps physico-mathématique, ni du temps comme "milieu". D'une certaine façon (et même d'une façon tout à fait certaine), nous "sommes" le temps.
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par Parménide Sam 7 Mar 2015 - 13:10
Je commence déjà à être perdu : il est question d'un "instant", qui ne serait pas à concevoir sur le mode temporel. Ce qui est très contre-intuitif...

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par Carnyx Sam 7 Mar 2015 - 13:14
Robin a écrit:
Tout à fait d'accord avec Aspasie. Il ne s'agit ni du temps physico-mathématique, ni du temps comme "milieu". D'une certaine façon (et même d'une façon tout à fait certaine), nous "sommes" le temps.
D'autant que notre présent a quelques millisecondes de retard à cause du décalage de nos sens. Very Happy
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par Aspasie Sam 7 Mar 2015 - 13:32
Carnyx a écrit:
Robin a écrit:
Tout à fait d'accord avec Aspasie. Il ne s'agit ni du temps physico-mathématique, ni du temps comme "milieu". D'une certaine façon (et même d'une façon tout à fait certaine), nous "sommes" le temps.
D'autant que notre présent a quelques millisecondes de retard à cause du décalage de nos sens. Very Happy
Et du temps d'analyse de notre cerveau...

Parménide a écrit:Je commence déjà à être perdu : il est question d'un "instant", qui ne serait pas à concevoir sur le mode temporel. Ce qui est très contre-intuitif...
Plus que contre-intuitif : paradoxal.
Assumer le paradoxe, le vertige, c'est ce que fait le "chevalier de la foi".
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par Robin Sam 7 Mar 2015 - 13:40
Parménide a écrit:Je commence déjà à être perdu : il est question d'un "instant", qui ne serait pas à concevoir sur le mode temporel. Ce qui est très contre-intuitif...

Bon, essayons d'être simple. Nous sommes des êtres humains, OK, pas des animaux, ni des dieux. Nous ne vivons ni dans l'instant (le présent pur), ni dans l'éternité, mais dans le passé (le souvenir, le regret, le remords...) et le futur (la crainte, le souci, l'angoisse, la pensée de la mort). Il faut concevoir l'instant sur le mode temporel, mais non pas sur le mode du temps physico-mathématiques, mais plutôt sur le mode de la durée (l'expérience du temps comme ennui, attente, regret, etc.).

La constitution ontologique de l'être humain (pour parler comme Heidegger) ne le prédestine pas à vivre entièrement dans le présent, mais aussi dans le passé et dans le futur. Mais la plupart des hommes ont tendance à privilégier le présent, dans la succession des instants (c'est ce que Kierkegaard appelle le "stade esthétique"), ils privilégient le plaisir, la bonne bouffe, les relations amoureuses, etc.

D'autres ont tendance à vivre dans le futur (le devoir être), c'est le stade éthique (être un bon père de famille, accomplir ses devoirs envers la société, etc.)... Et la plupart vivent un peu dans les deux stades.

Mais aucun de ces deux stades ne peut nous satisfaire, selon Kierkegaard parce qu'ils négligent l'éternité. Or nous sommes un mélange, une synthèse de temps et d'éternité. Nous ne pouvons nous passer ni du temps, ni de l'éternité, sauf à tomber dans le désespoir. Désespoir de manquer l'instant, si nous vivons trop dans l'éternité, désespoir de manquer l'éternité si nous vivons trop dans l'instant.

C'est un peu comme marcher sur ses deux jambes ou respirer et expirer.

Vous me direz que nous ne savons pas si l'éternité existe vraiment ; pour parler comme Kant, l'éternité (l'âme, Dieu, la liberté) sont des postulats de la Raison pratique. Oui mais n'oublions pas que nous sommes dans la dimension existentielle avec Kierkegaard. Nous avons du mal à supporter l'idée que tout s'arrête avec la mort. La mort, c'est l'absurde et ne se peut, pas plus que le soleil regarder en face (c'est un peu la reprise existentielle de l'argument ontologique). L'éternité ne se prouve pas, mais elle s'éprouve comme "l'oxygène de la possibilité".
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par Parménide Sam 7 Mar 2015 - 14:00
Donc l'instant est à concevoir au moins en partie sur le mode temporel non?

Et de plus, l'instant et l'éternité ne sont-ils pas une seule et même chose?

Enfin concevoir l'instant sur le mode de la durée, ça fait étrange... Il est vrai qu'il faut vraiment se déprendre ici de la conception physico-mathématique qui définirait l'instant comme étant juste un imperceptible clignotement prenant place dans le flux de la durée.

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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)

"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)

"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)

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Robin
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Kierkegaard : "La Maladie à la mort" (un exposé psychologique chrétien pour l'édification et le réveil)  Empty Re: Kierkegaard : "La Maladie à la mort" (un exposé psychologique chrétien pour l'édification et le réveil)

par Robin Sam 7 Mar 2015 - 16:48
L'instant est un hapax (un événement absolument unique), un "presque rien", le passage de l'être au néant. La conscience vit dans l'instant, d'instant en instant. la continuité du temps (la durée) est rétablie par le souvenir et le projet. L'éternité ne se confond pas avec l'instant, mais elle n'est pas non plus, chez Kierkegaard, le contraire de l'instant (un instant qui durerait éternellement). Aristote définit le temps comme "l'image mobile de l'éternité immobile", mais Kierkegaard ne pense pas l'éternité comme un instant immobile, ni l'instant comme une image mobile de l'éternité immobile.

Pour Kierkegaard, l'éternité n'est pas l'envers de la temporalité et la vie éternelle n'est pas le contraire de la finitude, mais l'ouverture de la finitude, ou pour parler comme Lévinas "l'évasion" hors de la finitude qui permet le renouvellement de la finitude, un peu comme la source jaillissante qui renouvelle les eaux usées.

Cette "évasion" ne peut se faire que dans l'instant. A tout instant, nous pouvons choisir l'éternité, vouloir l'impossible (réaliser notre désir fondamental). C'est ce que Kierkegaard appelle le "saut de la foi".

L'éternité, c'est un peu comme un rivage vers lequel nous nagerions, dit encore Kierkegaard, "avec 70 000 brasses sous les pieds", les efforts pour y parvenir et l'angoisse de se noyer.

Ce n'est pas "après ma mort, j'irai au paradis" et je ne souffrirai plus, mais "dès maintenant, je souffre, je désire, j'espère et l'éternité est déjà là." Elle n'est pas là où je vais enfin pouvoir me reposer, mais ce qui donne un sens à ce que je fais et me donne l'énergie de le faire. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que Kierkegaard envisage l'éternité sous l'aspect du repos (éternel), comme on dit : "Requiescat in Pace !", mais plutôt à l'image de la vie terrestre, mais en mieux. Le stade religieux n'abolit pas les deux stades précédents (le stade esthétique et le stade éthique), il les accomplit.


Dernière édition par Robin le Sam 7 Mar 2015 - 19:48, édité 3 fois
Gryphe
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par Gryphe Sam 7 Mar 2015 - 17:03
Est-ce que le sentiment de plénitude pourrait avoir quelque chose à voir avec cet instant d'éternité ? Smile
http://www.cnrtl.fr/lexicographie/pl%C3%A9nitude

Spoiler:
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User5899
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par User5899 Sam 7 Mar 2015 - 17:10
Gryphe a écrit:Intersection > croix > incarnation >
:shock:
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Kierkegaard : "La Maladie à la mort" (un exposé psychologique chrétien pour l'édification et le réveil)  Empty Re: Kierkegaard : "La Maladie à la mort" (un exposé psychologique chrétien pour l'édification et le réveil)

par Gryphe Sam 7 Mar 2015 - 17:14
Cripure a écrit:
Gryphe a écrit:Intersection > croix > incarnation >
:shock:

Désolée, c'étaient des associations d'idées, faut pas me faire parler en fin de semaine quand je suis fatiguée.  Razz
(Mais Aspasie, elle a quand même trouvé cela intéressant. Na. Very Happy )
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User5899
Demi-dieu

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par User5899 Sam 7 Mar 2015 - 17:17
Mon smiley ne dit pas que je trouve ça inintéressant.
Je me demandais juste ce que vous buviez en conseil pédagogique :lol!:
Gryphe
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Kierkegaard : "La Maladie à la mort" (un exposé psychologique chrétien pour l'édification et le réveil)  Empty Re: Kierkegaard : "La Maladie à la mort" (un exposé psychologique chrétien pour l'édification et le réveil)

par Gryphe Sam 7 Mar 2015 - 17:20
Cripure a écrit:Je me demandais juste ce que vous buviez en conseil pédagogique :lol!:

Quand je vois tout ce que j'arrive à sortir comme âneries sans boire d'alcool, vaut mieux pas que j'essaye avec. :lol:


Parménide, tu as avancé de combien de pages ? Smile
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