- henrietteMédiateur
Tu l'avais du reste déjà proposé :Delia a écrit:Bon Dieu mais c'est bien sûr ! Un roman contemporain fait écho à Manon : l'Astragale. Il s'ouvre sur une évasion : Anne, mineure incarcérée à la citadelle de Doullens (pour un braquage à main armée) saute du haut d'un mur de dix mètres et se brise l'astragale. Recueillie par un petit malfrat, elle entame avec lui une vie de galères ; braquages, prostitution, séjours en prison...
Et non, Prévost n'y est pour rien car le roman est largement autobiographique. Narration à la première personne qui fait entendre la voix de la catin. Curieusement, l'action commence en Picardie.. à 30 km d'Amiens !
Delia a écrit:Dorine a écrit:C'est sûr, ce n'est pas une oeuvre contemporaine : je demandais juste un avis sur le roman tout en indiquant que je recherchais également une oeuvre contemporaine qui pourrait plaire aux élèves.roxanne a écrit:Je l'ai lu il y a très longtemps ( à mon âge, ça se compte en décennies) et il me semble que c'était déjà daté. Enfin, on fait plus contemporain disons.
L'Astragale forme un bel effet miroir avec Manon. L'histoire est authentique, fortement inspirée de la vie d'Albertine Sarazin, cependant les points communs sont nombreux : délinquance des mineurs, répression par la société et force de l'amour.
- NLM76Grand Maître
Je n'aime pas tellement ces plaisanteries, qui tendent à réduire la tragédie à la mauvaise fin et à "pitié terreur admiration".Sei a écrit:Qu'avez-vous donné comme dissertation sur Manon Lescaut ? Je pense à un sujet qui aboutirait à une question qui ressemblerait à "Dans quelle mesure ML est-il un roman tragique ?".
Qu'en pensez-vous ?
Beaucoup ont fait le même coup pour La princesse de Clèves, depuis à peu près les années 1980, ce me semble. L'intérêt de ces romans est ailleurs, et essayer d'appliquer une telle catégorie amène à des bavardages formels qui m'ennuient.
J'ai donné un sujet très bateau : "Manon Lescaut est-elle vraiment l'héroïne du roman qui porte son nom ?". Tu as dû remarquer aussi que j'ai proposé une liste d'une centaine de sujets de dissertation sur le roman de Prévost.
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- SolovieïNiveau 10
La notion de topos littéraire, sans que ce terme déroutant n'apparaisse pour autant dans la formulation, ne pourrait-elle fournir une bonne entrée dans l'œuvre, pour un sujet de dissertation ?
@NLM76 : J'aime beaucoup ces sujets un peu iconoclastes, qui prennent le contrepied des attendus.
Pour ma part, j'ai choisi Colette.
Il me semble avoir croisé un dossier de la NRP récemment, à propos de L'Astragale et de son adaptation. Quelqu'un voudrait-il que je recherche cette ressource ?
@NLM76 : J'aime beaucoup ces sujets un peu iconoclastes, qui prennent le contrepied des attendus.
Pour ma part, j'ai choisi Colette.
Il me semble avoir croisé un dossier de la NRP récemment, à propos de L'Astragale et de son adaptation. Quelqu'un voudrait-il que je recherche cette ressource ?
- SeiGrand Maître
NLM76 a écrit:Je n'aime pas tellement ces plaisanteries, qui tendent à réduire la tragédie à la mauvaise fin et à "pitié terreur admiration".Sei a écrit:Qu'avez-vous donné comme dissertation sur Manon Lescaut ? Je pense à un sujet qui aboutirait à une question qui ressemblerait à "Dans quelle mesure ML est-il un roman tragique ?".
Qu'en pensez-vous ?
Beaucoup ont fait le même coup pour La princesse de Clèves, depuis à peu près les années 1980, ce me semble. L'intérêt de ces romans est ailleurs, et essayer d'appliquer une telle catégorie amène à des bavardages formels qui m'ennuient.
J'ai donné un sujet très bateau : "Manon Lescaut est-elle vraiment l'héroïne du roman qui porte son nom ?". Tu as dû remarquer aussi que j'ai proposé une liste d'une centaine de sujets de dissertation sur le roman de Prévost.
Ah zut, ce n'est pas du tout ça que j'avais en tête.
Je pensais plutôt à une tension entre le narrateur qui semble en apparence subir le destin - qu'il accuse sans cesse - alors que c'est tout à fait contestable (en allant plus loin, on peut dire que c'est lui-même qui tue Manon) et au sublime sans cesse contaminé par le comique (les exemples sont multiples, mais quand DG fait évader Manon sans sa culotte ou la déroute et son renoncement pile au moment où il pourrait enfin devenir un vrai héros romanesque en sauvant Manon des gardes... ^^).
Tivinou, merci pour la proposition. Oui, le lien avec le parcours me questionne dans le choix du sujet...
Cependant, je ne vois pas vraiment le lien avec le plaisir du lecteur... ou plutôt, ça me paraît compliqué à vraiment justifier.
Solovieï, de quel topos parles-tu ?
Edit : ou bien un sujet du type ML est-il un roman romanesque ? DG est-il romanesque ?
En réalité, je ne suis pas vraiment convaincue par l'intitulé du parcours pour ce roman...
Edit bis : je n'ai pas en tête de façon suffisamment précise les récentes études sur la tragédie, mais il me semblait que la notion de catharsis avait quand même pas mal évolué, non ?
Edit ter : pour ton sujet, oui, mais c'est l'usage qui a écourté le titre.
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"Humanité, humanité, engeance de crocodile."
- NLM76Grand Maître
Je trouve au contraire que ce type de sujets est de nos jours très convenu. Quant au topos, il me semble que c'est une façon intellectualiste de dire que la littérature ne parle pas de la vie !Solovieï a écrit:La notion de topos littéraire, sans que ce terme déroutant n'apparaisse pour autant dans la formulation, ne pourrait-elle fournir une bonne entrée dans l'œuvre, pour un sujet de dissertation ?
@NLM76 : J'aime beaucoup ces sujets un peu iconoclastes, qui prennent le contrepied des attendus.
Pour ma part, j'ai choisi Colette.
Il me semble avoir croisé un dossier de la NRP récemment, à propos de L'Astragale et de son adaptation. Quelqu'un voudrait-il que je recherche cette ressource ?
@ Sein : pas si simple, pour le titre. Regarde l'édition de 1753 sur Gallica.
- SolovieïNiveau 10
@NLM76 Je trouve au contraire qu'un sujet qui invite à aller a priori contre la représentation habituelle d'une œuvre est intéressant pour forcer les élèves à sortir des sentiers battus.
Je ne comprends pas l'opposition que tu fais entre les topos littéraire et "la vie". Les topos, aussi discutables soient-ils aujourd'hui du point de vue de l'universitaire, sont des outils pédagogiques très pratiques pour aborder l'histoire littéraire, l'intertextualité, la filiation, et ils n'ont rien de savant. De plus, il me semble à moi que certains de ces schémas parlent très exactement de la vie, tout comme certains mythes fondateurs desquels ils proviennent parfois.
Il faut distinguer le débat de spécialiste des nécessités pédagogiques, ces dernières nous obligeant parfois à nous emparer de grilles de lecture nécessairement simplifiées, pour la bonne cause.
Je ne comprends pas l'opposition que tu fais entre les topos littéraire et "la vie". Les topos, aussi discutables soient-ils aujourd'hui du point de vue de l'universitaire, sont des outils pédagogiques très pratiques pour aborder l'histoire littéraire, l'intertextualité, la filiation, et ils n'ont rien de savant. De plus, il me semble à moi que certains de ces schémas parlent très exactement de la vie, tout comme certains mythes fondateurs desquels ils proviennent parfois.
Il faut distinguer le débat de spécialiste des nécessités pédagogiques, ces dernières nous obligeant parfois à nous emparer de grilles de lecture nécessairement simplifiées, pour la bonne cause.
- NLM76Grand Maître
En fait, je ne dois pas voir ce que tu veux dire. Tu pourrais donner un exemple ?
Quant à la "représentation habituelle", j'ai constaté avec effarement sur La princesse de Clèves que beaucoup d'élèves étaient biberonnés à l'idée de "roman tragique".
Pour Manon Lescaut, j'ai le sentiment de bien voir ce que je pourrais produire comme exercice de style dans cette optique ; mais j'ai le sentiment que je perdrais beaucoup de temps dans l'exercice de style avant de m'occuper de ce qui fait l'intérêt du roman. Surtout, cela me paraît hors de portée d'un lycéen... mais ma vision est sans doute faussée du fait du niveau général des élèves qui me sont confiés.
Quant à la "représentation habituelle", j'ai constaté avec effarement sur La princesse de Clèves que beaucoup d'élèves étaient biberonnés à l'idée de "roman tragique".
Pour Manon Lescaut, j'ai le sentiment de bien voir ce que je pourrais produire comme exercice de style dans cette optique ; mais j'ai le sentiment que je perdrais beaucoup de temps dans l'exercice de style avant de m'occuper de ce qui fait l'intérêt du roman. Surtout, cela me paraît hors de portée d'un lycéen... mais ma vision est sans doute faussée du fait du niveau général des élèves qui me sont confiés.
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Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- TivinouDoyen
Peut-être pour Manon, à la fin du récit.Solovieï a écrit:@Tivinou : on peut vraiment ressentir de la pitié à la lecture de Manon Lescaut (à part pour le lecteur) ?
Et je n'ai aucune pitié pour mes élèves qui ne font pas l'effort de lire le livre.
- The PaperHabitué du forum
Réduire, ça n'est jamais une bonne idée. En revanche, oui, La princesse de Clèves, c'est tragique (dès la scène du bal) et l'un des intérêts de Manon Lescaut, c'est le décalage entre le discours de Des Grieux qui se prétend le jouet de la fatalité alors que c'est faux, et le destin réellement tragique de Manon.NLM76 a écrit:Je n'aime pas tellement ces plaisanteries, qui tendent à réduire la tragédie à la mauvaise fin et à "pitié terreur admiration".
Beaucoup ont fait le même coup pour La princesse de Clèves, depuis à peu près les années 1980, ce me semble. L'intérêt de ces romans est ailleurs, et essayer d'appliquer une telle catégorie amène à des bavardages formels qui m'ennuient.
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- Publicité:
- Etude de "Manon Lescaut" https://www.amazon.fr/dp/B0B8BM227F
"Cahier de Douai" + étude https://www.amazon.fr/dp/B0CF4CWMPH
Etude du Menteur de Corneille : https://www.amazon.fr/dp/B0DG31W66J
Etude du "Malade imaginaire" https://www.amazon.fr/dp/B08D54RDYF
Etude de la "Déclaration des droits de la femme" : https://www.amazon.fr/dp/B09B7DHTXP
Etude de "La princesse de Clèves" : https://www.amazon.fr/dp/B07VWGR4L4
"Bataille de dames" + étude https://www.amazon.fr/dp/B09FC7XCW4
"Les Romanesques" + étude : https://www.amazon.fr/dp/B0DC78GZR9
"Bisclavret" et "Le laüstic" + dossier sur le loup https://www.amazon.fr/dp/B0CGL84111
- roxanneOracle
La rédemption de Manon qui la sauve même des élèves très sévères à son égard.
- DorineHabitué du forum
Pour le plaisir du lecteur, j'évoquerais justement la variété des registres, les personnages (la rencontre entre "un fripon" et "une catin" ne laisse pas indifférent ), la structure du roman et les nombreux rebondissements... À mon avis les arguments et les exemples ne manquent pas.Sei a écrit:NLM76 a écrit:Je n'aime pas tellement ces plaisanteries, qui tendent à réduire la tragédie à la mauvaise fin et à "pitié terreur admiration".Sei a écrit:Qu'avez-vous donné comme dissertation sur Manon Lescaut ? Je pense à un sujet qui aboutirait à une question qui ressemblerait à "Dans quelle mesure ML est-il un roman tragique ?".
Qu'en pensez-vous ?
Beaucoup ont fait le même coup pour La princesse de Clèves, depuis à peu près les années 1980, ce me semble. L'intérêt de ces romans est ailleurs, et essayer d'appliquer une telle catégorie amène à des bavardages formels qui m'ennuient.
J'ai donné un sujet très bateau : "Manon Lescaut est-elle vraiment l'héroïne du roman qui porte son nom ?". Tu as dû remarquer aussi que j'ai proposé une liste d'une centaine de sujets de dissertation sur le roman de Prévost.
Ah zut, ce n'est pas du tout ça que j'avais en tête.
Je pensais plutôt à une tension entre le narrateur qui semble en apparence subir le destin - qu'il accuse sans cesse - alors que c'est tout à fait contestable (en allant plus loin, on peut dire que c'est lui-même qui tue Manon) et au sublime sans cesse contaminé par le comique (les exemples sont multiples, mais quand DG fait évader Manon sans sa culotte ou la déroute et son renoncement pile au moment où il pourrait enfin devenir un vrai héros romanesque en sauvant Manon des gardes... ^^).
Tivinou, merci pour la proposition. Oui, le lien avec le parcours me questionne dans le choix du sujet...
Cependant, je ne vois pas vraiment le lien avec le plaisir du lecteur... ou plutôt, ça me paraît compliqué à vraiment justifier.
Solovieï, de quel topos parles-tu ?
Edit : ou bien un sujet du type ML est-il un roman romanesque ? DG est-il romanesque ?
En réalité, je ne suis pas vraiment convaincue par l'intitulé du parcours pour ce roman...
Edit bis : je n'ai pas en tête de façon suffisamment précise les récentes études sur la tragédie, mais il me semblait que la notion de catharsis avait quand même pas mal évolué, non ?
Edit ter : pour ton sujet, oui, mais c'est l'usage qui a écourté le titre.
- DorineHabitué du forum
Les sujets que tu évoques sont intéressants et permettent de balayer l'oeuvre.Tivinou a écrit:Une question ressemblant à cela est traitée dans le cahier Lire les classiques chez Bordas (p. 54-55), si cela peut t'aider. L'interêt de la formulation proposée est qu'elle fait le lien avec le parcours associé: "dans quelle mesure peut-on dire que Manon Lescaut est une tragédie qui, outre la crainte et la pitié, susicte le plaisir du lecteur?"
J'ai travaillé sur la citation de Renoncour dans "l'Avis de l'auteur" qui évoque le "plaisir d'une lecture agréable" et "l'instruction des moeurs". J'aimerais traiter aussi la citation célèbre de Montesquieu ("fripon" et "catin") mais je n'en aurai pas le temps avec tous les lundis qui disparaissent.
- SeiGrand Maître
Dorine a écrit:Pour le plaisir du lecteur, j'évoquerais justement la variété des registres, les personnages (la rencontre entre "un fripon" et "une catin" ne laisse pas indifférent ), la structure du roman et les nombreux rebondissements... À mon avis les arguments et les exemples ne manquent pas.Sei a écrit:NLM76 a écrit:Je n'aime pas tellement ces plaisanteries, qui tendent à réduire la tragédie à la mauvaise fin et à "pitié terreur admiration".Sei a écrit:Qu'avez-vous donné comme dissertation sur Manon Lescaut ? Je pense à un sujet qui aboutirait à une question qui ressemblerait à "Dans quelle mesure ML est-il un roman tragique ?".
Qu'en pensez-vous ?
Beaucoup ont fait le même coup pour La princesse de Clèves, depuis à peu près les années 1980, ce me semble. L'intérêt de ces romans est ailleurs, et essayer d'appliquer une telle catégorie amène à des bavardages formels qui m'ennuient.
J'ai donné un sujet très bateau : "Manon Lescaut est-elle vraiment l'héroïne du roman qui porte son nom ?". Tu as dû remarquer aussi que j'ai proposé une liste d'une centaine de sujets de dissertation sur le roman de Prévost.
Ah zut, ce n'est pas du tout ça que j'avais en tête.
Je pensais plutôt à une tension entre le narrateur qui semble en apparence subir le destin - qu'il accuse sans cesse - alors que c'est tout à fait contestable (en allant plus loin, on peut dire que c'est lui-même qui tue Manon) et au sublime sans cesse contaminé par le comique (les exemples sont multiples, mais quand DG fait évader Manon sans sa culotte ou la déroute et son renoncement pile au moment où il pourrait enfin devenir un vrai héros romanesque en sauvant Manon des gardes... ^^).
Tivinou, merci pour la proposition. Oui, le lien avec le parcours me questionne dans le choix du sujet...
Cependant, je ne vois pas vraiment le lien avec le plaisir du lecteur... ou plutôt, ça me paraît compliqué à vraiment justifier.
Solovieï, de quel topos parles-tu ?
Edit : ou bien un sujet du type ML est-il un roman romanesque ? DG est-il romanesque ?
En réalité, je ne suis pas vraiment convaincue par l'intitulé du parcours pour ce roman...
Edit bis : je n'ai pas en tête de façon suffisamment précise les récentes études sur la tragédie, mais il me semblait que la notion de catharsis avait quand même pas mal évolué, non ?
Edit ter : pour ton sujet, oui, mais c'est l'usage qui a écourté le titre.
Je pensais au sujet que Tivinou rapportait : en quoi ML est-elle une tragédie qui suscite le plaisir du lecteur ? Quel intérêt, du coup, d'en faire une tragédie ? le mot "roman" suffirait, non ?
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Le destin de Manon est tragique, en ce qu'il est toujours inextricablement lié au social. La vraie fatalité est là. Elle n'échappe pas à sa condition, même en Amérique où les classes sociales sont redéfinies, elle doit encore se soumettre au bon vouloir du désir des hommes qui continuent à la voir comme une catin.
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Je ne comprends pas la discussion sur les topoï. Tu envisageais un sujet sur un topos en particulier, Solovieï ?
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"Humanité, humanité, engeance de crocodile."
- DorineHabitué du forum
@Sei, j'ai séparé les 2 sujets : j'en ai proposé un sur le roman tragique et un autre sur le plaisir du lecteur.
- SeiGrand Maître
Dorine, je veux bien les sujets, si ça ne t'embête pas... je cherche encore. ; )
NLM, je n'ai pas trouvé l'édition à laquelle tu faisais référence. Tu as un lien ?
J'ai trouvé ça : http://classes.bnf.fr/essentiels/grand/ess_810.htm
NLM, je n'ai pas trouvé l'édition à laquelle tu faisais référence. Tu as un lien ?
J'ai trouvé ça : http://classes.bnf.fr/essentiels/grand/ess_810.htm
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"Humanité, humanité, engeance de crocodile."
- DorineHabitué du forum
Je t'ai envoyé un MP.Sei a écrit:Dorine, je veux bien les sujets, si ça ne t'embête pas... je cherche encore. ; )
NLM, je n'ai pas trouvé l'édition à laquelle tu faisais référence. Tu as un lien ?
J'ai trouvé ça : http://classes.bnf.fr/essentiels/grand/ess_810.htm
- NLM76Grand Maître
Pardon par avance pour le hachis parmentier qui suit ; j'ai le cerveau un peu en bouillie sous l'effet du rhume.
Pour ce que tu dis de Manon Lescaut, je suis beaucoup plus d'accord avec toi. Ce qui fait qu'en somme on est est très loin du tragique, parce que la cause de la tragédie, d'une certaine façon, est la crétinerie de Grieux. Cela dit, Manon aussi n'est pas mal crétine. Tout cela fait qu'on est très loin d'un ton tragique. Encore une fois, ça n'est pas parce que ça finit mal pour certains, qu'on est dans la tragédie. Mais soit ; prenons "tragique" dans le sens commun, et autorisons les élèves à utiliser le langage commun.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8613367z/f28.item.r=manon%20lescaut%20pr%C3%A9vost[/quote]
Pas du tout d'accord. Pour moi, la nécessité pédagogique c'est de faire avec des lecteurs non-experts, donc non-pourvus de grilles de lecture.Solovieï a écrit:Il faut distinguer le débat de spécialiste des nécessités pédagogiques, ces dernières nous obligeant parfois à nous emparer de grilles de lecture nécessairement simplifiées, pour la bonne cause.
Pas du tout d'accord pour La princesse de Clèves. Rien de tragique dans la scène du bal; mais alors rien du tout.The Paper a écrit:En revanche, oui, La princesse de Clèves, c'est tragique (dès la scène du bal) et l'un des intérêts de Manon Lescaut, c'est le décalage entre le discours de Des Grieux qui se prétend le jouet de la fatalité alors que c'est faux, et le destin réellement tragique de Manon.
Pour ce que tu dis de Manon Lescaut, je suis beaucoup plus d'accord avec toi. Ce qui fait qu'en somme on est est très loin du tragique, parce que la cause de la tragédie, d'une certaine façon, est la crétinerie de Grieux. Cela dit, Manon aussi n'est pas mal crétine. Tout cela fait qu'on est très loin d'un ton tragique. Encore une fois, ça n'est pas parce que ça finit mal pour certains, qu'on est dans la tragédie. Mais soit ; prenons "tragique" dans le sens commun, et autorisons les élèves à utiliser le langage commun.
Tension, tension... c'est vite dit ! Sa pré-tension au tragique est toujours et continuellement parfaitement ridicule. Qui peut admirer Grieux ? Oui, finalement on l'admire dans la mesure où justement ce n'est pas un héros tragique, mais un humain, qui essaie de se débrouiller dans la fange de l'existence, dans ses petitesses qui sont aussi les nôtres. C'est quand même plus de la pitié que de l'admiration.Sei a écrit:Je pensais plutôt à une tension entre le narrateur qui semble en apparence subir le destin - qu'il accuse sans cesse - alors que c'est tout à fait contestable (en allant plus loin, on peut dire que c'est lui-même qui tue Manon) et au sublime sans cesse contaminé par le comique (les exemples sont multiples, mais quand DG fait évader Manon sans sa culotte ou la déroute et son renoncement pile au moment où il pourrait enfin devenir un vrai héros romanesque en sauvant Manon des gardes... ^^).
Le lien de quoi avec le plaisir du lecteur ? Pour le roman, il est évident que nombre de lecteurs l'ont dévoré avec gourmandise, à cause du romanesque, et cause surtout du caractère érotique du roman.Sei a écrit:
Cependant, je ne vois pas vraiment le lien avec le plaisir du lecteur... ou plutôt, ça me paraît compliqué à vraiment justifier.
Je n'ai lu que l'article de Frontier, intéressant. Je voudrais bien, comme toi, en lire d'autres.
Edit bis : je n'ai pas en tête de façon suffisamment précise les récentes études sur la tragédie, mais il me semblait que la notion de catharsis avait quand même pas mal évolué, non ?
D'accord avec toi.Sei a écrit:
Je pensais au sujet que Tivinou rapportait : en quoi ML est-elle une tragédie qui suscite le plaisir du lecteur ? Quel intérêt, du coup, d'en faire une tragédie ? le mot "roman" suffirait, non ?
Du tragique inextricablement lié au social ? Vous appelez du tragique ? Pour moi, le tragique n'a rien à voir avec le social. C'est peut-être ce qui fait que je ne comprends pas les considérations qui rapprochent, à mon appétit abusivement, un roman d'une tragédie.Sei a écrit:
Le destin de Manon est tragique, en ce qu'il est toujours inextricablement lié au social. La vraie fatalité est là. Elle n'échappe pas à sa condition, même en Amérique où les classes sociales sont redéfinies, elle doit encore se soumettre au bon vouloir du désir des hommes qui continuent à la voir comme une catin.
Regarde la page de garde et la page 1.Sei a écrit:NLM, je n'ai pas trouvé l'édition à laquelle tu faisais référence. Tu as un lien ?
J'ai trouvé ça : http://classes.bnf.fr/essentiels/grand/ess_810.htm
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8613367z/f28.item.r=manon%20lescaut%20pr%C3%A9vost[/quote]
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- The PaperHabitué du forum
NLM76 a écrit:Pas du tout d'accord pour La princesse de Clèves. Rien de tragique dans la scène du bal; mais alors rien du tout.
Pour ce que tu dis de Manon Lescaut, je suis beaucoup plus d'accord avec toi. Ce qui fait qu'en somme on est est très loin du tragique, parce que la cause de la tragédie, d'une certaine façon, est la crétinerie de Grieux. Cela dit, Manon aussi n'est pas mal crétine. Tout cela fait qu'on est très loin d'un ton tragique. Encore une fois, ça n'est pas parce que ça finit mal pour certains, qu'on est dans la tragédie. Mais soit ; prenons "tragique" dans le sens commun, et autorisons les élèves à utiliser le langage commun.
- Le tragique, ça ne se résume pas à terreur, pitié et mort. C'est avant tout la réalisation d'un destin contre lequel le personnage ne peut rien. La scène du bal est le moment où l'héroïne commence à ne rien maîtriser : ce n'est pas elle qui choisit avec qui danser, c'est le roi. Et les circonstances (curiosité de savoir qui est Nemours à cause de la dauphine, retard de Nemours au bal, jeu malsain des souverains qui les empêchent de se présenter l'un à l'autre) font d'elle un jouet dans un monde dont elle ne maîtrise pas les règles. En bonus, un peu d'ironie du sort : le coup de foudre intervient peu de temps après son mariage (on pourrait faire un parallèle avec Phèdre qui, si mes souvenirs sont bons, rencontre Hippolyte juste après avoir épousé Thésée).
- D'accord avec toi : Des Grieux est un crétin (mais j'estime que Manon n'est pas crétine, c'est une formidable manipulatrice). Pas du tout d'accord en revanche pour dire que ça nous éloigne du tragique. Je vais reprendre la formule que j'utilise dans mon bouquin :
je vois avant tout l’histoire de Manon Lescaut comme une incroyable ironie du sort où le personnage le plus fort se fait enterrer par le plus faible, où un être malicieux finit comme dommage collatéral du crétin qui l’accompagne, où la manipulatrice finit victime de sa marionnette.
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- NLM76Grand Maître
Pour moi, le tragique n'est pas "la réalisation d'un destin contre lequel ne peut rien". Il y a un peu de ça, mais c'est beaucoup plus puissant que ça. Il faut que je réfléchisse à formuler pourquoi ; mais pour commencer on peut penser à un passage de Sous le soleil de Satan où Bernanos évoque un personnage que (citation approximative) "le tragique a traversé sans le toucher". Le tragique implique une espèce de relation foudroyante avec le cosmique... et pour cela il ne suffit pas de mourir, ou d'avoir peur de mourir.The Paper a écrit:NLM76 a écrit:Pas du tout d'accord pour La princesse de Clèves. Rien de tragique dans la scène du bal; mais alors rien du tout.
Pour ce que tu dis de Manon Lescaut, je suis beaucoup plus d'accord avec toi. Ce qui fait qu'en somme on est est très loin du tragique, parce que la cause de la tragédie, d'une certaine façon, est la crétinerie de Grieux. Cela dit, Manon aussi n'est pas mal crétine. Tout cela fait qu'on est très loin d'un ton tragique. Encore une fois, ça n'est pas parce que ça finit mal pour certains, qu'on est dans la tragédie. Mais soit ; prenons "tragique" dans le sens commun, et autorisons les élèves à utiliser le langage commun.
- Le tragique, ça ne se résume pas à terreur, pitié et mort. C'est avant tout la réalisation d'un destin contre lequel le personnage ne peut rien. La scène du bal est le moment où l'héroïne commence à ne rien maîtriser : ce n'est pas elle qui choisit avec qui danser, c'est le roi. Et les circonstances (curiosité de savoir qui est Nemours à cause de la dauphine, retard de Nemours au bal, jeu malsain des souverains qui les empêchent de se présenter l'un à l'autre) font d'elle un jouet dans un monde dont elle ne maîtrise pas les règles. En bonus, un peu d'ironie du sort : le coup de foudre intervient peu de temps après son mariage (on pourrait faire un parallèle avec Phèdre qui, si mes souvenirs sont bons, rencontre Hippolyte juste après avoir épousé Thésée).
- D'accord avec toi : Des Grieux est un crétin (mais j'estime que Manon n'est pas crétine, c'est une formidable manipulatrice). Pas du tout d'accord en revanche pour dire que ça nous éloigne du tragique. Je vais reprendre la formule que j'utilise dans mon bouquin :
je vois avant tout l’histoire de Manon Lescaut comme une incroyable ironie du sort où le personnage le plus fort se fait enterrer par le plus faible, où un être malicieux finit comme dommage collatéral du crétin qui l’accompagne, où la manipulatrice finit victime de sa marionnette.
Ainsi, je suis tout à fait d'accord avec la phrase de ton bouquin ; mais pour moi cela n'a rien à voir avec le tragique.
- Spoiler:
- Par définition, ce qui est tragique, c'est ce qu'on rencontre dans Eschyle, Sophocle, Euripide. Les définitions conceptuelles ne valent que si elles permettent de définir cette affaire.
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Sites du grip :
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- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- SeiGrand Maître
Il faudrait s'entendre sur la définition du tragique, en effet. Ou penser un sujet avec le mot "fatalité", très présent dans le roman, et qui serait donc moins risqué.
Des Grieux est certes très souvent ridicule (personnellement, j'ai tendance à voir dans ML une parodie du romanesque, d'où le fait que je suis un peu mal à l'aise avec le parcours), mais il est aussi asservi à une passion contre laquelle il ne peut rien et qui le rend terriblement passif. Outre les passages comiques, il y a aussi des passages émouvants dans le roman, où il tente d'exprimer des sentiments trop puissants pour être nommés, où il s'exprime avec lucidité sur son propre aveuglement. Je n'arrive pas à le trouver ridicule dans la scène de rupture avec son père, par exemple. Je conçois qu'on puisse continuer à le voir comme un horrible fils à papa ingrat, mais il me semble qu'il n'est pas seulement ça. Le point de vue de Renoncour sur le personnage n'est pas à prendre à la légère non plus, et je trouve son raisonnement casuiste face à Tiberge pas idiot.
Pour la définition de la catharsis, je pense avoir lu des choses chez Florence Dupont et Nicole Loraux, mais je ne me souviens malheureusement plus avec exactitude, et il me semble que je confonds avec des écrits plus récents. Je me rappelle avoir lu des articles intéressants sur la tragédie comme "entraînement" à la guerre, pour des Grecs qui étaient tous destinés à faire la guerre au moins une fois dans leur vie (donc quelque chose de très concret). Mais c'était il y a longtemps, et je ne retrouve pas mes notes, si toutefois j'en avais pris.
J'ai regardé l'édition sur Gallica, en effet, le titre dans le titre est ambigu (d'abord le titre entier, puis Histoire de Manon Lescaut). Vous trouvez qu'on raconte vraiment son histoire, vous ?
Des Grieux est certes très souvent ridicule (personnellement, j'ai tendance à voir dans ML une parodie du romanesque, d'où le fait que je suis un peu mal à l'aise avec le parcours), mais il est aussi asservi à une passion contre laquelle il ne peut rien et qui le rend terriblement passif. Outre les passages comiques, il y a aussi des passages émouvants dans le roman, où il tente d'exprimer des sentiments trop puissants pour être nommés, où il s'exprime avec lucidité sur son propre aveuglement. Je n'arrive pas à le trouver ridicule dans la scène de rupture avec son père, par exemple. Je conçois qu'on puisse continuer à le voir comme un horrible fils à papa ingrat, mais il me semble qu'il n'est pas seulement ça. Le point de vue de Renoncour sur le personnage n'est pas à prendre à la légère non plus, et je trouve son raisonnement casuiste face à Tiberge pas idiot.
Pour la définition de la catharsis, je pense avoir lu des choses chez Florence Dupont et Nicole Loraux, mais je ne me souviens malheureusement plus avec exactitude, et il me semble que je confonds avec des écrits plus récents. Je me rappelle avoir lu des articles intéressants sur la tragédie comme "entraînement" à la guerre, pour des Grecs qui étaient tous destinés à faire la guerre au moins une fois dans leur vie (donc quelque chose de très concret). Mais c'était il y a longtemps, et je ne retrouve pas mes notes, si toutefois j'en avais pris.
J'ai regardé l'édition sur Gallica, en effet, le titre dans le titre est ambigu (d'abord le titre entier, puis Histoire de Manon Lescaut). Vous trouvez qu'on raconte vraiment son histoire, vous ?
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"Humanité, humanité, engeance de crocodile."
- NLM76Grand Maître
D'accord avec toi Sei sur à peu près tout.
J'ai le sentiment cependant, à travers l'écume de vos réflexions qui apparaît ici, et donc sans doute à tort, que vous négligez quelque chose d'essentiel dans "plaisir du romanesque", dans la mesure où on peut y entendre "romanesque de l'érotique". Je l'ai déjà dit plus haut, mais le succès du livre vient du fait que les lecteurs sont des Grieux : les Manon Lescaut, qui sont des Aphrodites humaines, eh bien elles sont... aphrodisiaques.
On est comme Grieux ; on peut se trouver ridicules, coupables, sordides. Il n'en reste pas moins qu'une Manon est palpitante, et qu'elle constitue un irrésistible aimant. Le cadet de bonne famille qui se vautre dans le stupre et le lucre est aussi ridicule que répugnant, certes ; mais ce privilégié pour qui le plaisir de s'encanailler est irrépressible, c'est nous.
Autrement dit, certes, Manon Lescaut, c'est l'histoire de Grieux ; mais comme lui, nous ne voyons qu'une image en lisant le roman, c'est celle de la délicieuse d'entre les délicieuses. Tiens par exemple, encore une affaire un peu sordide : Grieux sans culotte pour s'évader. C'est certes sordide et ridicule ; mais c'est aussi, et surtout... érotique.
J'ai le sentiment cependant, à travers l'écume de vos réflexions qui apparaît ici, et donc sans doute à tort, que vous négligez quelque chose d'essentiel dans "plaisir du romanesque", dans la mesure où on peut y entendre "romanesque de l'érotique". Je l'ai déjà dit plus haut, mais le succès du livre vient du fait que les lecteurs sont des Grieux : les Manon Lescaut, qui sont des Aphrodites humaines, eh bien elles sont... aphrodisiaques.
On est comme Grieux ; on peut se trouver ridicules, coupables, sordides. Il n'en reste pas moins qu'une Manon est palpitante, et qu'elle constitue un irrésistible aimant. Le cadet de bonne famille qui se vautre dans le stupre et le lucre est aussi ridicule que répugnant, certes ; mais ce privilégié pour qui le plaisir de s'encanailler est irrépressible, c'est nous.
Autrement dit, certes, Manon Lescaut, c'est l'histoire de Grieux ; mais comme lui, nous ne voyons qu'une image en lisant le roman, c'est celle de la délicieuse d'entre les délicieuses. Tiens par exemple, encore une affaire un peu sordide : Grieux sans culotte pour s'évader. C'est certes sordide et ridicule ; mais c'est aussi, et surtout... érotique.
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- LDRNiveau 6
NLM76 a écrit:Pour moi, le tragique n'est pas "la réalisation d'un destin contre lequel ne peut rien". Il y a un peu de ça, mais c'est beaucoup plus puissant que ça. Il faut que je réfléchisse à formuler pourquoi ; mais pour commencer on peut penser à un passage de Sous le soleil de Satan où Bernanos évoque un personnage que (citation approximative) "le tragique a traversé sans le toucher". Le tragique implique une espèce de relation foudroyante avec le cosmique... et pour cela il ne suffit pas de mourir, ou d'avoir peur de mourir.The Paper a écrit:NLM76 a écrit:Pas du tout d'accord pour La princesse de Clèves. Rien de tragique dans la scène du bal; mais alors rien du tout.
Pour ce que tu dis de Manon Lescaut, je suis beaucoup plus d'accord avec toi. Ce qui fait qu'en somme on est est très loin du tragique, parce que la cause de la tragédie, d'une certaine façon, est la crétinerie de Grieux. Cela dit, Manon aussi n'est pas mal crétine. Tout cela fait qu'on est très loin d'un ton tragique. Encore une fois, ça n'est pas parce que ça finit mal pour certains, qu'on est dans la tragédie. Mais soit ; prenons "tragique" dans le sens commun, et autorisons les élèves à utiliser le langage commun.
- Le tragique, ça ne se résume pas à terreur, pitié et mort. C'est avant tout la réalisation d'un destin contre lequel le personnage ne peut rien. La scène du bal est le moment où l'héroïne commence à ne rien maîtriser : ce n'est pas elle qui choisit avec qui danser, c'est le roi. Et les circonstances (curiosité de savoir qui est Nemours à cause de la dauphine, retard de Nemours au bal, jeu malsain des souverains qui les empêchent de se présenter l'un à l'autre) font d'elle un jouet dans un monde dont elle ne maîtrise pas les règles. En bonus, un peu d'ironie du sort : le coup de foudre intervient peu de temps après son mariage (on pourrait faire un parallèle avec Phèdre qui, si mes souvenirs sont bons, rencontre Hippolyte juste après avoir épousé Thésée).
- D'accord avec toi : Des Grieux est un crétin (mais j'estime que Manon n'est pas crétine, c'est une formidable manipulatrice). Pas du tout d'accord en revanche pour dire que ça nous éloigne du tragique. Je vais reprendre la formule que j'utilise dans mon bouquin :
je vois avant tout l’histoire de Manon Lescaut comme une incroyable ironie du sort où le personnage le plus fort se fait enterrer par le plus faible, où un être malicieux finit comme dommage collatéral du crétin qui l’accompagne, où la manipulatrice finit victime de sa marionnette.
Ainsi, je suis tout à fait d'accord avec la phrase de ton bouquin ; mais pour moi cela n'a rien à voir avec le tragique.
- Spoiler:
Par définition, ce qui est tragique, c'est ce qu'on rencontre dans Eschyle, Sophocle, Euripide. Les définitions conceptuelles ne valent que si elles permettent de définir cette affaire.
Revenir donc à Aristote, qui dit ceci: "c’est celle d’un homme qui n’a rien de supérieur par son mérite ou ses sentiments de justice, et qui ne doit pas à sa perversité et à ses mauvais penchants le malheur qui le frappe, mais plutôt à une certaine erreur qu’il commet pendant qu’il est en pleine gloire et en pleine prospérité [...]"
Cela tend à faire du tragique, en effet, une traversée violente et sublime en un être profondément humain.
J'aime beaucoup en ce sens la phrase de Bernanos que tu cites, NLM.
- IphigénieProphète
Je suis de loin ce fil très intéressant, j'aime bcp la lecture de Nlm.
Je me demande, sans avoir travaillé comme vous le texte, donc, avec prudence, si la part de tragique de cette histoire n'est pas, peut-être (comme le dit je crois Sei) dans le fait- quand même, que l'on n’échappe pas à son destin: DG par sa passion, par son déterminisme de caractère (mi-naïf mi-envoûté par Manon) ce qui en fait une sorte de Phèdre triviale, et homme d'une seule passion, et Manon par son horreur de la pauvreté et son déterminisme social? Je veux dire l’impuissance de l’homme a être autre chose que ce qu’il est, en somme, ce qui parle de tous de ce fait.
Par contre j'ai du mal à voir vraiment dans Manon une manipulatrice: on est loin de la Merteuil: sa manipulation des hommes (riches) a quelque chose d'instinctif (une urgence vitale), et dans une grande mesure, naïve elle aussi: d'ailleurs c'est toujours elle qui "se fait avoir".
Je me demande, sans avoir travaillé comme vous le texte, donc, avec prudence, si la part de tragique de cette histoire n'est pas, peut-être (comme le dit je crois Sei) dans le fait- quand même, que l'on n’échappe pas à son destin: DG par sa passion, par son déterminisme de caractère (mi-naïf mi-envoûté par Manon) ce qui en fait une sorte de Phèdre triviale, et homme d'une seule passion, et Manon par son horreur de la pauvreté et son déterminisme social? Je veux dire l’impuissance de l’homme a être autre chose que ce qu’il est, en somme, ce qui parle de tous de ce fait.
Par contre j'ai du mal à voir vraiment dans Manon une manipulatrice: on est loin de la Merteuil: sa manipulation des hommes (riches) a quelque chose d'instinctif (une urgence vitale), et dans une grande mesure, naïve elle aussi: d'ailleurs c'est toujours elle qui "se fait avoir".
- NLM76Grand Maître
A ce compte-là, toute comédie est tragique. Thomas Diafoirus n'échappe pas à son destin d'imbécile congénital, ni Argan à son destin d'hypocondriaque...
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- IphigénieProphète
C’est vrai ….
Mais ons’en fiche pour Diafoirus, on se contente d’en rire. Là le romanesque sert a nous attacher bien davantage aux personnages, qui nous irritent, nous émeuvent, nous portent à réfléchir : ce que ne fait pas Diafoirus? Je veux dire que je ne trouve rien dans le roman d’une tragédie au sens propre, mais un peu en effet de dimension tragique dans cette équipée sauvage vers le drame final…
Mais bon, je ne poste que pour m’aider à y réfléchir, sans certitude aucune.
Mais ons’en fiche pour Diafoirus, on se contente d’en rire. Là le romanesque sert a nous attacher bien davantage aux personnages, qui nous irritent, nous émeuvent, nous portent à réfléchir : ce que ne fait pas Diafoirus? Je veux dire que je ne trouve rien dans le roman d’une tragédie au sens propre, mais un peu en effet de dimension tragique dans cette équipée sauvage vers le drame final…
Mais bon, je ne poste que pour m’aider à y réfléchir, sans certitude aucune.
- AbdelNiveau 5
J'aime beaucoup votre discussion, je la suis avec intérêt... Le vieil enseignant que je suis se réjouit de voir que ces oeuvres que parfois je trouve trop méconnues et à propos desquelles on lit beaucoup de poncifs font encore l'objet de vives réflexions chez les véritables professeurs de français. Bravo à vous, et merci ! Pardonnez, juste une piste, il me semble que certains désaccords sur le tragique viennent peut-être d'un malentendu: on confond peut-être la tragédie (le genre tragique donc) et le registre tragique, qui lui en effet peut se retrouver à des degrés divers dans beaucoup d'oeuvres, dans beaucoup de passages de certaines oeuvres qui ne sont pas du tout des tragédies. Ce qui est dit si j'ai bien compris plus haut c'est que dans La Princesse de Clèves ou dans Manon il y a des passages où le registre tragique est présent, ou si vous préférez, des passages qui contiennent une dimension tragique (et cela se vérifie avec les élèves en leur faisant repérer les outils précis de tel registre provoquant tel effet - et cela me semble à moi aussi indéniable pour ces oeuvres), et cela n'empêche pas que ces mêmes passages puissent aussi être lus avec une autre dimension, burlesque bien sûr pour Prévost, dans son aspect "réaliste", et je pense même que ces mélanges étaient parfaitement conscients chez Prévost.
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