- ElaïnaDevin
RogerMartin a écrit:DesolationRow a écrit:Elaïna a écrit:
C'est là que nous divergeons (et dix verges, bref, heu, voilà)
Dans mon monde idéal, ça serait cool d'avoir des tas de profs normaliens (et des docteurs, chartistes, etc)
Mais dans ce même monde idéal, ces profs auraient des edt pas pourris pour faire de la recherche, assister à des séminaires, etc
Tout le monde y gagnerait
Ah, dans ce monde idéal on pourrait effectivement rediscuter et je ne tiendrais pas le même discours.
C'est le monde dans lequel a vécu mon directeur de thèse. Ulm juste après guerre, Fondation Thiers, assistant à Nanterre quelques années, puis une bonne vingtaine d'années dans divers lycées de sa Picardie natale où on lui foutait une paix royale (et où son accent anglais a pu dangereusement essaimer ) puis re-assistanat, thèse d'Etat magnifique, et poste de PR dans la foulée. Il était halluciné du train de vie miteux que je menais pour faire ma thèse, puis du bagne que constituaient certains postes de MCF de ses anciens étudiants, avec presque autant de copies qu'en CPGE par ex.
C'est une des premières phrases de l'intro des Paysans de Languedoc de Le Roy Ladurie : "J'avais des sixièmes et des loisirs" :blague:
- RuthvenGuide spirituel
DesolationRow a écrit: ce qui implique peut-être qu'on accepte, effectivement, que des normaliens travaillent éventuellement dans le privé (mais enfin, le privé ce n'est pas le diable, et l'État a aussi tout à gagner à avoir des entreprises qui fonctionnent, avec des gens compétents et cultivés à leur tête...).
On a tellement envie d'avoir plein de Christophe Barbier et d'avoir financé leurs études avec nos impôts ...
- DesolationRowEmpereur
Je n'ai pas dit que tous les normaliens étaient des cadeaux du ciel
- RogerMartinBon génie
Elaïna a écrit:RogerMartin a écrit:DesolationRow a écrit:Elaïna a écrit:
C'est là que nous divergeons (et dix verges, bref, heu, voilà)
Dans mon monde idéal, ça serait cool d'avoir des tas de profs normaliens (et des docteurs, chartistes, etc)
Mais dans ce même monde idéal, ces profs auraient des edt pas pourris pour faire de la recherche, assister à des séminaires, etc
Tout le monde y gagnerait
Ah, dans ce monde idéal on pourrait effectivement rediscuter et je ne tiendrais pas le même discours.
C'est le monde dans lequel a vécu mon directeur de thèse. Ulm juste après guerre, Fondation Thiers, assistant à Nanterre quelques années, puis une bonne vingtaine d'années dans divers lycées de sa Picardie natale où on lui foutait une paix royale (et où son accent anglais a pu dangereusement essaimer ) puis re-assistanat, thèse d'Etat magnifique, et poste de PR dans la foulée. Il était halluciné du train de vie miteux que je menais pour faire ma thèse, puis du bagne que constituaient certains postes de MCF de ses anciens étudiants, avec presque autant de copies qu'en CPGE par ex.
C'est une des premières phrases de l'intro des Paysans de Languedoc de Le Roy Ladurie : "J'avais des sixièmes et des loisirs" :blague:
Ils étaient de la même promo
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- FeuchtwangerNiveau 9
DesolationRow a écrit:
Je n'ai pas dit que tous les normaliens étaient des cadeaux du ciel
Je crois que la situation est différente en lettres et en sciences où la réduction des postes est sans doute moins nécessaire.
Pour ce qui est des lettres, je ne suis pas certain que la formation soit si excellente que cela. Lorsque je rencontre des gens qui ne sont pas passés par l'ENS mais qui ont cultivé leur veine autodidacte, je les trouve souvent plus ouverts, plus en prise avec les réalités et parfois avec une culture générale plus importante que celle des normaliens.
Quand je suis sorti de l'ENS, j'avais des lacunes immenses en culture générale. Certes je disposais également des outils pour les combler, mais dans ce cas précis je les devais avant tout à la prépa.
Quand j'avais 25 ans, un ami de 35 ans m'avait dit "un normalien, quelqu'un de très doué pour les études mais très mal orienté". A l'époque j'avais trouvé qu'il exagérait mais à présent je dois constater qu'il est dans le vrai.
Christophe Barbier est malheureusement assez symptomatique dans la dérive de beaucoup de normaliens prisonniers de la bulle de l'écosystème où ils évoluent pendant les années de formation. Je ne nie pas que l'argent m'a rendu ces années plus agréables, mais j'ai vu beaucoup de collègues les payer au prix fort.
C'est pour cela qu'à mon sens, il vaudrait mieux réduire le nombre de postes, réhausser le niveau des concours et garantir des places pour permettre aux normaliens de redevenir ce qui est leur mission : des privilégiés en vertu de la méritocratie qui doivent rendre au centuple ce que le peuple et la République leur ont donné.
- e-WandererGrand sage
Sulfolobus a écrit:C'est faux : c'est la somme approximative que touchent les normaliens pendant leur scolarité. Mais ce n'est pas la somme que cela coûte à l'état, ni la somme qu'ils touchent au final, il faut y rajouter :Feuchtwanger a écrit:Il faut voir ce que représentent les salaires des normaliens : en gros 60 000 euros en tout.
- 4 années de cotisation retraite (ce qui fait une carrière de 4 ans plus courte par normalien, dans un monde où les carrières s'allongent pour tous, ce n'est franchement pas négligeable, ni en terme d'argent, ni en terme de qualité de vie)
- les frais supplémentaires (remboursement des transports, chômage possible à la fin (même si ça doit être rare, ça peut quand même être utile), sécu (oui vous savez les arrêts de travail (même si c'est rare, ça existe et ça fait une différence majeure)...)
- les bourses de thèses dédiées aux normaliens qui comme l'expliquent Kinette permettent aux normaliens de passer même si leurs résultats académiques sont plus faibles que ceux des autres étudiants. On pourrait arguer que ces bourses seraient bien mieux utilisées pour payer les thèses des meilleurs étudiants plutôt que celles des normaliens).
- salaire supplémentaire après réussite à un concours de la fonction publique (grâce à l'ancienneté accumulée pendant les années d'ENS). La différence est vraiment pas négligeable.
Ça fait vraiment beaucoup plus que 60 000 euros. Mais je conçois que ça ne soit pas perceptible dès le début.
Honnêtement faire l'ENS et une thèse en France, puis se barrer à l'étranger, dans le privé en remboursant ce que l'on doit : c'est un très très bon plan financier. Il y a aussi la possibilité de rentrer dans la haute administration, ce qui est tout à fait dans l'engagement décennal.
Je ne connais aucun pays qui met une telle somme (en plus du prix de la formation disciplinaire) pour son "élite". Surtout associée à un si petit engagement finalement.
Alors certes, il est vrai que les ENS ont une tradition de fonction publique très forte : il est vrai que beaucoup de leurs anciens touchent aujourd'hui des salaires bien plus faibles que ce qu'ils auraient pu percevoir (mais la différence est en partie compensée par les avantages qu'ils doivent à l'école). Et il est vrai que le système pouvait être rentable. Mais aujourd'hui ce n'est plus le cas. Les normaliens n'ont pas envie de la précarité qui va avec les carrières de recherche (je ne leur jette pas la pierre, ils ont bien raison et ils sont loin d'être les seuls), les normaliens n'ont pas envie des conditions de travail difficiles de l'EN (je ne leur jette pas la pierre, ils ont bien raison et ils sont loin d'être les seuls), donc les normaliens font ce que beaucoup feraient ils partent dans le privé, dans la haute administration ou à l'étranger, à la sortie de l'école ou après. Et l'école les y aide (de même qu'elle aide ses auditeurs à le faire et c'est énorme l'aide qu'elle peut apporter). Et l'école à raison : parce qu'une école ne peut pas accepter d'envoyer ses étudiants là où ils seront malheureux et que son rôle premier est d'aider ses étudiants à avoir la carrière qu'ils souhaitent.
Ou simplement ils ne rentrent pas à l'école et vont en école d'ingénieurs ou en école de commerce. Il y a des années où même Ulm n'a pas rempli sur certains concours.
Je trouve ton raisonnement un peu biaisé. Typiquement (en tout cas en lettres), le khâgneux qui n'entre pas à l'ENS passe son agrégation et va enseigner dans le secondaire : il coûte plus cher à l'Etat (normal, puisqu'il effectue des heures de cours), mais en tout cas il ne prend pas de retard pour sa retraite par rapport à un normalien. Et c'est même le normalien qui prend un sacré retard en termes de salaire, puisqu'il a un salaire de fonctionnaire stagiaire pendant 4 ans, et puis pendant son monitorat (qui ne compte d'ailleurs pas complètement pour la retraite et pour l'avancement, il faut racheter des annuités) ou le poste de demi-ATER qu'il va prendre pour boucler sa thèse.
Tout cela est compensé, nous sommes d'accord, par le confort de très belles années de liberté avec une bibliothèque sous la main et des facilités pour aller à l'étranger. Mais sur l'ensemble d'une carrière, c'est là que se situe le réel avantage, pas du côté du porte-monnaie. Après avoir été nommé MCF, j'ai mis encore 8 ans pour rattraper le niveau de salaire de mes copains de khâgne qui ont passé l'agreg la même année que moi et qui ont rejoint directement le secondaire. Ce qui fait quand même au total, dans mon cas, 15 ans avec un salaire moins important que celui auquel le titre d'agrégé aurait pu me faire prétendre. Et je rappelle incidemment que seuls 10% des universitaires accèdent un jour au grade de PU 1ère classe.
Ce qui veut dire aussi que le normalien qui s'embête à rédiger une thèse mais ne trouve pas de poste à l'université et rejoint un poste dans le secondaire, traînera ce retard à l'allumage pendant toute sa carrière. Ça fait quand même un sacré manque à gagner.
- ElaïnaDevin
e-Wanderer a écrit:
Ce qui veut dire aussi que le normalien qui s'embête à rédiger une thèse mais ne trouve pas de poste à l'université et rejoint un poste dans le secondaire, traînera ce retard à l'allumage pendant toute sa carrière. Ça fait quand même un sacré manque à gagner.
Tout à fait
Agrégée en 2009, je n'ai enseigné dans le secondaire qu'à partir de 2013 : mes copines qui ont enseigné tout de suite dans le secondaire ont au moins un échelon de plus que moi
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It took me forty years to realize this. But for guys like us... our lives aren't really our own. There's always someone new to help. Someone we need to protect. These past few years, I fought that fate with all I had. But I'm done fighting. It's time I accept the hand I was dealt. Too many people depend on us. Their dreams depend on us.
Kiryu Kazuma inYakuza 4 Remastered
Ma page Facebook https://www.facebook.com/Lire-le-Japon-106902051582639
- DesolationRowEmpereur
Feuchtwanger a écrit:DesolationRow a écrit:
Je n'ai pas dit que tous les normaliens étaient des cadeaux du ciel
Pour ce qui est des lettres, je ne suis pas certain que la formation soit si excellente que cela.
Si si, je t'assure
- FeuchtwangerNiveau 9
DesolationRow a écrit:
Pour ce qui est des lettres, je ne suis pas certain que la formation soit si excellente que cela.
Si si, je t'assure
[/quote]
Sincèrement non. Il manque des disciplines majeures pour comprendre le monde contemporain (le droit ou l'économie), il n'y avait (du moins à mon époque) aucune réelle pression pour apprendre des langues étrangères et il y avait une grande fermeture sur ce qui se faisait à l'extérieur du landerneau.
Après, j'étais de Lyon sous une direction...compliquée. J'avais eu effectivement l'impression avec d'autres membres de ma famille qu'Ulm était bien plus poussé.
- RogerMartinBon génie
A Ulm je n'ai pas connu cette étroitesse, au contraire on nous encourageait vraiment à suivre tout ce qu'on voulait comme cours en plus de la fac, à l'ENS ou ailleurs, mais j'avais des copains à Fontenay, le Lyon de l'époque, et c'est certain que le formatage allait bon train. En anglais au moins ils étaient inscrits de force à des espèces de cours qui doublaient ceux de la fac, histoire de bien tout assurer. Je crois que je me serais tiré une balle si on m'avait mis la pression comme ça, d'autant que je me suis mise sérieusement à l'anglais seulement une fois entrée à Ulm.
Barbier a fait Sciences Po pratiquement dès qu'il est entré à l'école. Je n'ai pas ses idées politiques, mais je ne trouve pas qu'il pratique un journalisme déshonorant, si ?
Barbier a fait Sciences Po pratiquement dès qu'il est entré à l'école. Je n'ai pas ses idées politiques, mais je ne trouve pas qu'il pratique un journalisme déshonorant, si ?
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- FeuchtwangerNiveau 9
RogerMartin a écrit: Je crois que je me serais tiré une balle si on m'avait mis la pression comme ça, d'autant que je me suis mise sérieusement à l'anglais seulement une fois entrée à Ulm.
Barbier a fait Sciences Po pratiquement dès qu'il est entré à l'école. Je n'ai pas ses idées politiques, mais je ne trouve pas qu'il pratique un journalisme déshonorant, si ?
C'est quelqu'un qui dit quand même se flatter de ne jamais se laisser influencer par le terrain lorsqu'il fait ses analyses. Je trouve cela très révélateur du problème des études à l'ENS (de Lyon assurément et peut-être dans une moindre mesure des auters) : enfermer les gens dans une bulle.
- SulfolobusÉrudit
Non, il faut comparer ce qui est comparable.e-Wanderer a écrit:
Je trouve ton raisonnement un peu biaisé. Typiquement (en tout cas en lettres), le khâgneux qui n'entre pas à l'ENS passe son agrégation et va enseigner dans le secondaire : il coûte plus cher à l'Etat (normal, puisqu'il effectue des heures de cours), mais en tout cas il ne prend pas de retard pour sa retraite par rapport à un normalien. Et c'est même le normalien qui prend un sacré retard en termes de salaire, puisqu'il a un salaire de fonctionnaire stagiaire pendant 4 ans, et puis pendant son monitorat (qui ne compte d'ailleurs pas complètement pour la retraite et pour l'avancement, il faut racheter des annuités) ou le poste de demi-ATER qu'il va prendre pour boucler sa thèse.
Si tu prends deux khâgneux, deux ans de prépa (on va simplifier un peu) :
- l'un rentre à l'ENS, fait ses 4 ans d'études à l'ENS, obtient l'agreg et part directement enseigné
- l'autre entre à la fac, passe son agreg après son M2 (c'est la norme en lettres si j'ai bien compris) et part enseigné.
Le premier aura eu 4 ans de salaire et un salaire d'agrégé plus important puisqu'il aura de l'ancienneté que le second n'aura pas.
Si les deux font une thèse (avec contrat doc) puis partent dans le secondaire, rebelote.
Le seul cas où le second est gagant est si le premier fait une thèse et pas le second : rien n'oblige un normalien à faire une thèse : c'est un choix. On est tous les deux d'accord qu'il n'est pas normal qu'un profésseur du secondaire soit mieux payé qu'un universitaire (pas tant à cause des grilles que des âges d'entrée dans le corps, et je précise que je ne trouve pas les enseignants du secondaires trop payés ) mais ceci n'a rien à voir avec le fait d'être normalien ou pas. Un non normalien agrégé qui ferait une thèse aura le même problème qu'un normalien agrégé qui ferait une thèse, à la différence qu'il ne pourra pas compenser partiellement par l'ancienneté.
C'est le cas de toute personne faisant une prépa, normalien ou pas.Feuchtwanger a écrit:
Vous avez raison sur tous les points que vous avancez. Néanmoins ce sont des avantages que je ne trouve pas assez importants au regard de l'effort consenti (on parle tout de même de trois ans après bac en moyenne où on ne fait que cela, à la différence d'un étudiant à l'université qui peut accumuler d'autres expériences).
Je ne suis pas d'accord avec vous. Un normalien qui entrent en lettres classiques peut tout à fait se faire plaisir à étudier pendant plusieurs années les lettres classiques et ensuite se réorienter vers la haute administration ou les écoles de commerce. Rien ne l'empêche de le faire, l'école aide même les étudiants voulant faire ce choix (enfin en tout cas les départements que je connais). C'est une question de choix : encore faut-il en avoir envie et avoir réfléchi. Et ce qui me gêne le plus c'est que la bulle de l'ENS ne pousse pas les normaliens à réfléchir (étonnement les auditeurs sont plus motivés ) alors que pourtant ils ont des conditions extraordinaires pour ces parcours là et une aide importante.Un jeune qui rentre à l'heure actuelle à l'ENS en lettres classiques va au casse-pipe au regard de ce qu'il pourrait faire ailleurs et c'est cela qui est inacceptable. Ce l'est d'autant plus que les dépenses effectuées pour lui sont importantes.
Vaut-il mieux que ce même étudiant ne puisse pas étudier ce qui lui plait, acquérir la formation intellectuelle que donnent les lettres classiques et parte tout de suite vers des études "rémunératrices" ? Je n'en suis pas persuadée du tout. Mais il faut que les étudiants entrant à l'ENS (quelque soit leur statut) aient suffisamment de maturité intellectuelle pour savoir se saisir des outils que l'école met à leur disposition.
- RogerMartinBon génie
Feuchtwanger a écrit:RogerMartin a écrit: Je crois que je me serais tiré une balle si on m'avait mis la pression comme ça, d'autant que je me suis mise sérieusement à l'anglais seulement une fois entrée à Ulm.
Barbier a fait Sciences Po pratiquement dès qu'il est entré à l'école. Je n'ai pas ses idées politiques, mais je ne trouve pas qu'il pratique un journalisme déshonorant, si ?
C'est quelqu'un qui dit quand même se flatter de ne jamais se laisser influencer par le terrain lorsqu'il fait ses analyses. Je trouve cela très révélateur du problème des études à l'ENS (de Lyon assurément et peut-être dans une moindre mesure des autres) : enfermer les gens dans une bulle.
La plupart des journalistes télé et de la grande presse forment un microcosme très détaché des contingences, je ne crois pas que ce soit le fait du seul Christophe Barbier que d'être hors-sol.
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- FeuchtwangerNiveau 9
Sulfolobus a écrit: Je n'en suis pas persuadée du tout. Mais il faut que les étudiants entrant à l'ENS (quelque soit leur statut) aient suffisamment de maturité intellectuelle pour savoir se saisir des outils que l'école met à leur disposition.
Mais comment pourraient-ils avoir la maturité intellectuelle nécessaire quand ils ont passé trois ans dans des conditions proches du lycée à se préparer corps et âmes pour un concours. A vingt ans, il est difficile de se remettre aussi radicalement en question, d'autant plus que les normaliens, en étant à l'abri du besoin d'un point de vue financier ne sont pas aiguillonnés par l'un des principes les plus formateurs en matière de maturité : trouver comment se financer.
Personnellement, je l'avais vu dans ma promotion (en première année). J'étais le seul qui était entré en étant conscient de ce qu'offrait réellement la carrière universitaire (au début des années 2000). J'avais été traumatisé par l'expérience récente d'un aîné qui, pour la première fois dans la famille, avait décroché difficilement un poste de MCF et je n'ai donc pas cru en certains discours. Dans ma promo de cent, nous étions cinq à être dans mon cas. L'administration nous a pourri la vie (enfin pas vraiment la mienne car j'ai toujours avancé masqué ), les profs aussi et le pire c'est que beaucoup de camarades se sont retournés contre nous (et ont bien déchanté par la suite).
A présent, je crois que le problème de postes à l'université est tellement criant que l'école a (du moins je l'espère) été obligée de s'adapter mais je me rappelle d'une conversation entre deux profs quand j'étais en thèse sur le thème "c'est dommage tous ces anciens thésards avec qui on perd le contact à la fin de leur thèse"...
- VicomteDeValmontGrand sage
Quoi qu'il en soit, ce système a plusieurs vitesses n'est pas normal.
On entre, ce me semble, à l'ENS pour la qualité de la formation dispensée, pas pour le fric. Donc, s'il y a de moins en moins de normaliens qui bossent ensuite pour l'Etat, soit il faut durcir les conditions (dans un premier temps sortir les années de scolarité du décompte de l'engagement, dans un deuxième temps 20 ans d'engagement, etc.), soit il faut supprimer ce système et ses avantages (traitement, retraite, avancement) et le remplacer par les bourses étudiantes pour des questions d'équité.
On entre, ce me semble, à l'ENS pour la qualité de la formation dispensée, pas pour le fric. Donc, s'il y a de moins en moins de normaliens qui bossent ensuite pour l'Etat, soit il faut durcir les conditions (dans un premier temps sortir les années de scolarité du décompte de l'engagement, dans un deuxième temps 20 ans d'engagement, etc.), soit il faut supprimer ce système et ses avantages (traitement, retraite, avancement) et le remplacer par les bourses étudiantes pour des questions d'équité.
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Cette insigne faveur que votre coeur réclame
Nuit à ma renommée et répugne à mon âme.
- RogerMartinBon génie
Ben tiens.
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- KimberliteExpert
Tu veux dire quoi par "d'autres expériences"?Feuchtwanger a écrit:Sulfolobus a écrit:C'est faux : c'est la somme approximative que touchent les normaliens pendant leur scolarité. Mais ce n'est pas la somme que cela coûte à l'état, ni la somme qu'ils touchent au finalFeuchtwanger a écrit:Il faut voir ce que représentent les salaires des normaliens : en gros 60 000 euros en tout.
Vous avez raison sur tous les points que vous avancez. Néanmoins ce sont des avantages que je ne trouve pas assez importants au regard de l'effort consenti (on parle tout de même de trois ans après bac en moyenne où on ne fait que cela, à la différence d'un étudiant à l'université qui peut accumuler d'autres expériences).
Tu signifies que passer par la fac en étant dans les meilleurs demande moins d'efforts et de temps qu'être à l'ENS?
Que les étudiants de la fac peuvent avoir plein de loisirs?
Et que doit-on penser des étudiants qui sont acceptés pour suivre les mêmes cours que ceux de l'ENS mais ne sont pas payés (je ne sais pas en lettres, mais en sciences, c'est possible, et les étudiants qui vont suivre les formation de l'ENS sont sélectionnés).
K
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- Spoiler:
- KimberliteExpert
Ben tout comme n'importe quel docteur qui ne trouve pas de travail dans la recherche (voire pire, car être docteur ne permet pas nécessairement d'être moniteur, surtout que les places vont en priorité aux normaliens dans les coins où il y en a, et qu'en plus le "docteur lambda" il n'a pas cotisé avant sa thèse)...e-Wanderer a écrit:Je trouve ton raisonnement un peu biaisé. Typiquement (en tout cas en lettres), le khâgneux qui n'entre pas à l'ENS passe son agrégation et va enseigner dans le secondaire : il coûte plus cher à l'Etat (normal, puisqu'il effectue des heures de cours), mais en tout cas il ne prend pas de retard pour sa retraite par rapport à un normalien. Et c'est même le normalien qui prend un sacré retard en termes de salaire, puisqu'il a un salaire de fonctionnaire stagiaire pendant 4 ans, et puis pendant son monitorat (qui ne compte d'ailleurs pas complètement pour la retraite et pour l'avancement, il faut racheter des annuités) ou le poste de demi-ATER qu'il va prendre pour boucler sa thèse.
Tout cela est compensé, nous sommes d'accord, par le confort de très belles années de liberté avec une bibliothèque sous la main et des facilités pour aller à l'étranger. Mais sur l'ensemble d'une carrière, c'est là que se situe le réel avantage, pas du côté du porte-monnaie. Après avoir été nommé MCF, j'ai mis encore 8 ans pour rattraper le niveau de salaire de mes copains de khâgne qui ont passé l'agreg la même année que moi et qui ont rejoint directement le secondaire. Ce qui fait quand même au total, dans mon cas, 15 ans avec un salaire moins important que celui auquel le titre d'agrégé aurait pu me faire prétendre. Et je rappelle incidemment que seuls 10% des universitaires accèdent un jour au grade de PU 1ère classe.
Ce qui veut dire aussi que le normalien qui s'embête à rédiger une thèse mais ne trouve pas de poste à l'université et rejoint un poste dans le secondaire, traînera ce retard à l'allumage pendant toute sa carrière. Ça fait quand même un sacré manque à gagner.
K
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- Spoiler:
- e-WandererGrand sage
Oui, je n'en disconviens pas, mais il est de plus en plus clair pour tout le monde qu'ill est franchement imprudent de se lancer dans une thèse sans financement, d'autant que l'un des critères du CNU pour la qualification est d'avoir une expérience d'enseignement (dans le secondaire ou si possible le supérieur). Faire une thèse de 3 à 5 ans en la finançant en bossant au MacDo et avec des chances de recrutement à peu près nulles relève un peu de l'inconscience, non ?
L'an dernier, j'ai refusé en thèse une de mes anciennes étudiantes de master : elle n'a pas l'agrégation, c'est pour moi un critère rédhibitoire (sachant que 95% des collègues de ma disciplines sont titulaires de ce concours), et en plus je ne la trouvais pas suffisamment armée. Un de mes collègues l'a acceptée malgré tout, ce que je trouve criminel : elle va perdre plusieurs années en vivant de façon précaire, et il est évident qu'elle se retrouvera le bec dans l'eau à la fin. En pareil cas, il vaut mieux passer les concours pour assurer un train de vie plus confortable, et si on a vraiment envie de faire une thèse pour le plaisir, faire ça sur le long terme tranquillement, quitte à ne pas inscrire son sujet tout de suite.
Je ne mets pas ce cas de figure tout à fait sur le même plan qu'un étudiant déjà trié sur le volet par un concours sélectif, et qui fait le choix stratégique d'une scolarité à rallonges (ENS + monitorat) pour bénéficier de conditions très favorables pour faire sa thèse et qui derrière a des chances non nulles d'être recruté à l'université (même aujourd'hui) ou d'être nommé en prépa (la thèse devient un critère de plus en plus important).
L'an dernier, j'ai refusé en thèse une de mes anciennes étudiantes de master : elle n'a pas l'agrégation, c'est pour moi un critère rédhibitoire (sachant que 95% des collègues de ma disciplines sont titulaires de ce concours), et en plus je ne la trouvais pas suffisamment armée. Un de mes collègues l'a acceptée malgré tout, ce que je trouve criminel : elle va perdre plusieurs années en vivant de façon précaire, et il est évident qu'elle se retrouvera le bec dans l'eau à la fin. En pareil cas, il vaut mieux passer les concours pour assurer un train de vie plus confortable, et si on a vraiment envie de faire une thèse pour le plaisir, faire ça sur le long terme tranquillement, quitte à ne pas inscrire son sujet tout de suite.
Je ne mets pas ce cas de figure tout à fait sur le même plan qu'un étudiant déjà trié sur le volet par un concours sélectif, et qui fait le choix stratégique d'une scolarité à rallonges (ENS + monitorat) pour bénéficier de conditions très favorables pour faire sa thèse et qui derrière a des chances non nulles d'être recruté à l'université (même aujourd'hui) ou d'être nommé en prépa (la thèse devient un critère de plus en plus important).
- FeuchtwangerNiveau 9
KinetteKinette a écrit:
Tu veux dire quoi par "d'autres expériences"?
Tu signifies que passer par la fac en étant dans les meilleurs demande moins d'efforts et de temps qu'être à l'ENS?
Que les étudiants de la fac peuvent avoir plein de loisirs?
Et que doit-on penser des étudiants qui sont acceptés pour suivre les mêmes cours que ceux de l'ENS mais ne sont pas payés (je ne sais pas en lettres, mais en sciences, c'est possible, et les étudiants qui vont suivre les formation de l'ENS sont sélectionnés).
K
Au contraire, passer par la fac demande beaucoup plus d'efforts et de maturité (ou du moins d'adaptation au monde réel). C'est quelque chose que j'ai souvent remarqué chez mes collègues thésards n'étant passé que par l'université. Ils ont souvent un dynamisme, acquis par la nécessité, qui leur a permis de varier les expériences et de penser de manière très concrète.
- RogerMartinBon génie
e-Wanderer a écrit:Oui, je n'en disconviens pas, mais il est de plus en plus clair pour tout le monde qu'ill est franchement imprudent de se lancer dans une thèse sans financement, d'autant que l'un des critères du CNU pour la qualification est d'avoir une expérience d'enseignement (dans le secondaire ou si possible le supérieur). Faire une thèse de 3 à 5 ans en la finançant en bossant au MacDo et avec des chances de recrutement à peu près nulles relève un peu de l'inconscience, non ?
L'an dernier, j'ai refusé en thèse une de mes anciennes étudiantes de master : elle n'a pas l'agrégation, c'est pour moi un critère rédhibitoire (sachant que 95% des collègues de ma disciplines sont titulaires de ce concours), et en plus je ne la trouvais pas suffisamment armée. Un de mes collègues l'a acceptée malgré tout, ce que je trouve criminel : elle va perdre plusieurs années en vivant de façon précaire, et il est évident qu'elle se retrouvera le bec dans l'eau à la fin. En pareil cas, il vaut mieux passer les concours pour assurer un train de vie plus confortable, et si on a vraiment envie de faire une thèse pour le plaisir, faire ça sur le long terme tranquillement, quitte à ne pas inscrire son sujet tout de suite.
Je ne mets pas ce cas de figure tout à fait sur le même plan qu'un étudiant déjà trié sur le volet par un concours sélectif, et qui fait le choix stratégique d'une scolarité à rallonges (ENS + monitorat) pour bénéficier de conditions très favorables pour faire sa thèse et qui derrière a des chances non nulles d'être recruté à l'université (même aujourd'hui) ou d'être nommé en prépa (la thèse devient un critère de plus en plus important).
Tu me rassures. Je suis effarée par le nombre de collègues qui inscrivent des thésards sans agrég, quand on sait ce que sont les débouchés.
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I User5899.
User 17706 s'est retiré à Helsingør.
Strange how paranoia can link up with reality now and then.
- RogerMartinBon génie
Feuchtwanger a écrit:KinetteKinette a écrit:
Tu veux dire quoi par "d'autres expériences"?
Tu signifies que passer par la fac en étant dans les meilleurs demande moins d'efforts et de temps qu'être à l'ENS?
Que les étudiants de la fac peuvent avoir plein de loisirs?
Et que doit-on penser des étudiants qui sont acceptés pour suivre les mêmes cours que ceux de l'ENS mais ne sont pas payés (je ne sais pas en lettres, mais en sciences, c'est possible, et les étudiants qui vont suivre les formation de l'ENS sont sélectionnés).
K
Au contraire, passer par la fac demande beaucoup plus d'efforts et de maturité (ou du moins d'adaptation au monde réel). C'est quelque chose que j'ai souvent remarqué chez mes collègues thésards n'étant passé que par l'université. Ils ont souvent un dynamisme, acquis par la nécessité, qui leur a permis de varier les expériences et de penser de manière très concrète.
On ne doit pas connaître les mêmes étudiants ni les mêmes normaliens, c'est certain. J'étais assez sidérée à Ulm de l'ouverture d'esprit d'une majorité de scientifiques -- je m'y attendais moins que de la part des littéraires, j'avais un petit préjudice anti-taupin. Juste après ma scolarité, des séminaires croisés sciences-lettres se sont ouverts, et rendaient visible cet intérêt, et à haut niveau.
Les étudiants recrutés au 3e concours (c'est arrivé bien plus tard ) étaient beaucoup plus polards.
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Strange how paranoia can link up with reality now and then.
- FeuchtwangerNiveau 9
RogerMartin a écrit:
On ne doit pas connaître les mêmes étudiants ni les mêmes normaliens, c'est certain.
Peut-être parce que l'immense majorité des élèves qui passent par la fac ne finissent pas par faire une thèse et que seuls les plus matures y arrivent?
- RogerMartinBon génie
Je ne comprends pas : quels élèves ? Les normaliens ou les bacheliers ?
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- ElaïnaDevin
RogerMartin a écrit:e-Wanderer a écrit:Oui, je n'en disconviens pas, mais il est de plus en plus clair pour tout le monde qu'ill est franchement imprudent de se lancer dans une thèse sans financement, d'autant que l'un des critères du CNU pour la qualification est d'avoir une expérience d'enseignement (dans le secondaire ou si possible le supérieur). Faire une thèse de 3 à 5 ans en la finançant en bossant au MacDo et avec des chances de recrutement à peu près nulles relève un peu de l'inconscience, non ?
L'an dernier, j'ai refusé en thèse une de mes anciennes étudiantes de master : elle n'a pas l'agrégation, c'est pour moi un critère rédhibitoire (sachant que 95% des collègues de ma disciplines sont titulaires de ce concours), et en plus je ne la trouvais pas suffisamment armée. Un de mes collègues l'a acceptée malgré tout, ce que je trouve criminel : elle va perdre plusieurs années en vivant de façon précaire, et il est évident qu'elle se retrouvera le bec dans l'eau à la fin. En pareil cas, il vaut mieux passer les concours pour assurer un train de vie plus confortable, et si on a vraiment envie de faire une thèse pour le plaisir, faire ça sur le long terme tranquillement, quitte à ne pas inscrire son sujet tout de suite.
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Tu me rassures. Je suis effarée par le nombre de collègues qui inscrivent des thésards sans agrég, quand on sait ce que sont les débouchés.
Je crois que dans certaines fac (Paris I par exemple), on ne peut même plus prendre quelqu'un en thèse qui n'a pas un revenu assuré par ailleurs (salaire de prof ou autre, allocation de recherche, etc)
En même temps c'est assez logique, il est en effet criminel d'accepter en thèse des gens qui, en l'état actuel des choses en France, se dirigent par ailleurs tout droit vers le chômage s'ils n'assurent pas leurs arrières dès maintenant
Sur ce point, le livre de Tiphaine Rivière, Carnets de thèse, est assez parlant, sur ces jeunes chercheurs qui se lancent dans une thèse en lâchant leur boulot et en se rendant compte après coup que, bah, c'est pas l'idée du siècle, que bosser à la fac c'est généralement précaire et mal payé
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It took me forty years to realize this. But for guys like us... our lives aren't really our own. There's always someone new to help. Someone we need to protect. These past few years, I fought that fate with all I had. But I'm done fighting. It's time I accept the hand I was dealt. Too many people depend on us. Their dreams depend on us.
Kiryu Kazuma inYakuza 4 Remastered
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- SulfolobusÉrudit
On retrouve le problème du concours et je suis tout à fait d'accord avec toi. Mais la scolarité à l'ENS c'est 4 ans, 4 ans où tu rencontres des gens de tout horizon, 4 ans où tu bouges beaucoup, 4 ans où tu peux développer cette intelligence.Feuchtwanger a écrit:Sulfolobus a écrit: Je n'en suis pas persuadée du tout. Mais il faut que les étudiants entrant à l'ENS (quelque soit leur statut) aient suffisamment de maturité intellectuelle pour savoir se saisir des outils que l'école met à leur disposition.
Mais comment pourraient-ils avoir la maturité intellectuelle nécessaire quand ils ont passé trois ans dans des conditions proches du lycée à se préparer corps et âmes pour un concours.
Et c'est aussi le rôle des professeurs de prépa que de le faire. Un certain nombre des miens n'avaient pas hésité à me dire réellement ce que voulait dire enseigner dans le secondaire ou être jeune chercheur. Ils avaient raison : j'ai fait un choix éclairé.
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