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- LefterisEsprit sacré
le vrai problème du mot, c'st qu'il est employé par des gens qui, selon des critères très objectifs, ne sont pas républicains. On ne peut être comme un certain parti, clanique , défenseur d'intérêts d privés contre l'intérêt commun, et arborer ce nom qui suppose d'oeuvrer pur la res publica et de la faire vivre. On ne peut non plus être régionaliste, européiste, et soumis à des injonctions extérieures à l'intérêt de cette res publica et n'avoir que ça à la bouche. Les "valeurs républicaines" dont à pleine bouche des gens au service d'eux-mêmes nous rebattent les oreilles seraient louables s'il ne s'agissait pas en fait d'un faux nez pour promouvoir en réalité les valeurs et lubies du parti au pouvoir.
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- lucilNiveau 6
Gryphe a écrit:lucil a écrit:et qu'est ce que la BIEP?
La BIEP, c'est merveilleux, c'est le monde de tous les possibles.
http://www.biep.fonction-publique.gouv.fr/common/jobSearch
hum hum, je vois, mais sauf erreur de ma part, les postes proposés sont liés au fonctionnariat, n'est ce pas?
- lucilNiveau 6
dandelion a écrit:Après 45 ans, il est réputé difficile de se reconvertir.
"Réputé"... Mais si j'osais hein!
- roxanneOracle
Sinon, hier je suis tombée de ma chaise. J'ai une copine, ancienne collègue du collège qui vient me voir. Elle finit par me dire qu'elle est très amie avec les parents d'un élève que j'ai en première, gamin gentil mais complétement paumé, d'autant qu'il est en euro (ES). Les parents le poussent. Avant qu'elle ne sache que c'était mon élève, elle avait accepté de l'aider un peu en français. Evidemment, il ne comprenait pas sa note, vu que "la prof ne lui avait rien dit ". Bon, la collègue a vu la page de commentaires, les fiches méthode. Mais pour vous montrer à quel point il est paumé et s'en fout, il lui a dit qu'ion en était à la cinquième séquence (la copine trouvait bien que ça allait vite !). Dans les faits, on vient à peine de commencer la deuxième séquence . Et ça ne l'a pas interpelé plus que ça de ne pas savoir où étaient les séquences trois et quatre. Voilà, ça fait bien relativiser sur l'utilité de tout de ce qu'on fait.
- 79 airlinesNiveau 9
dita a écrit:En français, nous avons au programme de seconde : le théâtre au XVIIè siècle, et l'argumentation au XVIIè siècle et au XVIIè siècle. Autant dire que les textes, quels qui'ils soient, sont écrits dans une langue tout à fait étrangère aux élèves. avant toute analyse, il s'agit de les aider à les comprendre.
La série L est, d'après ce que j'entends, une arrière gare de triage pour cassos, drogués et suicidaires illettrés.
Les élèves disent, lorsqu'ils sont nuls à peu près partout : "mais je vais aller en L !" Ouiiii, quelle bonne idée !
Quand ils sont assez bons et qu'ils arrivent à passer en S ou en ES, certains disent : "heureusement, j'ai échappé à la L"
J'ai quelques élèves passionnés par la lecture. Ils ont un mal fou à développer la moindre idée. Je crois en eux, car grâce à la lecture, leur réflexion, sans parler de l'étendue de leur vocabulaire sont là. les srtuctures syntaxiques correctes sont connues. Je tiens à les repêcher pour qu'ils aillent en L.
Mais qu'est-ce que je leur offre ? Un ticket d'entrée pour une arrière-gare de triage.
Il faut pourtant se battre.
C'est dur.
je vous rassure, on tenait ce même discours en 1980.....
- LefterisEsprit sacré
les reconversions sont faciles... dans l'enseignement ! Parce qu'il n'y a pas de limite d'âge, ni de conditions d'aptitude physique, que c'est un métier qui peut aspirer des tas de gens ayant perdu leur emploi, où il y aura de plus en plus de postes à pourvoir parce que ça n'intéresse plus grand monde . Dans l'autre sens , c'est difficile, parce qu'il y a moins de postes, que les carrières sont hiérarchisées en plusieurs grades (un enseignant trop avancé se retrouve bloqué, par reclassement), parce que les détachements se comptent sur les doigts de la main et qu'il faut être un peu "aidé"...
Quant au privé, c'est déjà la foire d'empoigne, et à moins d'avoir une spécialité très recherchée, on ne va pas chercher un quadra ou quinqua , surtout issu d'une matière littéraire.
Quant au privé, c'est déjà la foire d'empoigne, et à moins d'avoir une spécialité très recherchée, on ne va pas chercher un quadra ou quinqua , surtout issu d'une matière littéraire.
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- dandelionVénérable
+1 Pour se reconvertir dans le privé, c'est très difficile car à 45 ans on est considéré comme vieux (même s'il reste vingt années avant la retraite, on est vieux jeune de nos jours).
- lucilNiveau 6
dandelion a écrit:+1 Pour se reconvertir dans le privé, c'est très difficile car à 45 ans on est considéré comme vieux (même s'il reste vingt années avant la retraite, on est vieux jeune de nos jours).
Je le pense aussi!
- ElaïnaDevin
roxanne a écrit:Sinon, hier je suis tombée de ma chaise. J'ai une copine, ancienne collègue du collège qui vient me voir. Elle finit par me dire qu'elle est très amie avec les parents d'un élève que j'ai en première, gamin gentil mais complétement paumé, d'autant qu'il est en euro (ES). Les parents le poussent. Avant qu'elle ne sache que c'était mon élève, elle avait accepté de l'aider un peu en français. Evidemment, il ne comprenait pas sa note, vu que "la prof ne lui avait rien dit ". Bon, la collègue a vu la page de commentaires, les fiches méthode. Mais pour vous montrer à quel point il est paumé et s'en fout, il lui a dit qu'ion en était à la cinquième séquence (la copine trouvait bien que ça allait vite !). Dans les faits, on vient à peine de commencer la deuxième séquence . Et ça ne l'a pas interpelé plus que ça de ne pas savoir où étaient les séquences trois et quatre. Voilà, ça fait bien relativiser sur l'utilité de tout de ce qu'on fait.
si ça peut te rassurer, l'an dernier, j'ai reçu une mère d'élève de première S, de bonne foi, gentille et tout... qui m'a dit que son fils (élève moyen, pas gênant, plutôt sérieux) n'avait jamais fait de méthode. JAMAIS ! J'ai fini par lui expliquer que "la méthode", en soi, ça n'existe pas. Et même discours sur les copies, "il ne comprend pas sa note". Mais, il lit les commentaires ? "euh, pour être franche, non". Et il prend le corrigé ? Non plus, ça je le vois bien pendant... donc bon... autant dire que cette année, sur les commentaires, je ne me foule pas, - en revanche je prends la peine de recevoir les élèves désireux de comprendre davantage leur note et mes commentaires sur leur copie. Finalement, je gagne énormément de temps.
- moonieNiveau 9
stench a écrit:Elaïna a écrit:[
D'autant que ne pas être républicain ne veut pas dire être un abominable nazi.
J'ai côtoyé dans ma jeunesse un bon paquet de royalistes qui étaient tout à fait charmants, non violents, courtois et ouverts.
Je précise assez régulièrement que je ne suis pas républicain du tout. Ca surprend souvent, puis ça ouvre la discussion.
Ce que je déplore, c'est "l'idéologisme" , tout républicain qu'il soit. Je tente de rendre compte des faits de façon la plus neutre possible de façon à ne pas faire de moralisme historique ou de formater une pensée. Tout le contraire des conseils de l'Espé.
- ElaïnaDevin
moonie a écrit:stench a écrit:Elaïna a écrit:[
D'autant que ne pas être républicain ne veut pas dire être un abominable nazi.
J'ai côtoyé dans ma jeunesse un bon paquet de royalistes qui étaient tout à fait charmants, non violents, courtois et ouverts.
Je précise assez régulièrement que je ne suis pas républicain du tout. Ca surprend souvent, puis ça ouvre la discussion.
Ce que je déplore, c'est "l'idéologisme" , tout républicain qu'il soit. Je tente de rendre compte des faits de façon la plus neutre possible de façon à ne pas faire de moralisme historique ou de formater une pensée. Tout le contraire des conseils de l'Espé.
Exactement. Et comme Stench, je dis souvent aussi que je ne suis pas républicaine - ou qu'au moins, je ne suis pas persuadée que la République soit l'alpha et l'oméga du bien politique. En général, quand on parle avec des gens intelligents, on peut avoir des discussions très enrichissantes (j'adore discuter de ça avec les gens, j'apprends toujours des tas de trucs). Les andouilles se contentent de vous asséner un catéchisme idéologique digne des plus belles pages d'Eduscol sur l'EMC.
- moonieNiveau 9
Ah, je me sens moins seule tout d'un coup Stench et Elaïna : je déplore également que les discussions intelligentes se fassent rares. Les historiens de mon groupe ne jurent que par "l'idéologisme" ambiant. Comment leur expliquer, moi qui suis pourtant littéraire de formation, que l'Histoire n'est pas manichéiste (manichéenne?), qu'elle peut être orientée suivant ce qu'on peut faire dire aux faits.
- RenéNiveau 6
Raoul Volfoni a écrit:J'ignore si cela va durer, mais je suis très désabusée en ce moment.
Je suis professeur d'histoire-géographie (et EMC ) ; cela signifie que je suis censée transmettre les valeurs de la République et de la citoyenneté... et justement, je n'y crois plus. La démocratie française m'apparaît comme une sorte de mascarade. La volonté du peuple n'a guère d'importance ; une très grande partie de notre destin nous échappe, parce que nous n'avons pas le choix de nos dirigeants et de la politique mise en œuvre (ou parce que nous nous satisfaisons du simulacre de choix offert). Faire société me semble de plus en plus improbable. J'ai l'impression de vivre dans un pays formé de communautés, où chacun tire la couverture à soi, où l'intérêt général n'a plus de sens face aux particularismes. Je ne dis pas que j'ai raison, c'est seulement l'impression que j'ai. Je n'aurais jamais cru dire cela, mais je pense que je vais m'abstenir de voter désormais. Cela n'a plus de sens à mes yeux.
Lorsque je suis en cours, j'ai l'impression de raconter des fables. Je crois de moins en moins à ce que je dis (l'importance du vote, être un citoyen actif, les valeurs qui fondent notre pays...) : tout cela me fait l'effet d'un vernis en train de se craqueler.
Je vais bosser parce qu'il faut, j'essaie de m'acquitter au mieux de ma tâche, mais je suis mal à l'aise : j'ai l'impression de mentir lorsque j'en viens à aborder certains points. Mon rôle de fonctionnaire m'oblige à traiter les notions demandées, je le fais, mais un peu en "pilote automatique" ; j'ai presque autant mauvaise conscience que si je vendais de mauvais produits...
Je réfléchis à une reconversion, mais j'ignore encore dans quel domaine. Ce n'est pas seulement à cause de ce sentiment de malaise, mais je pense que ça compte dans mon peu de motivation à aller travailler (ça, plus les copies, plus le salaire bof, plus le mépris de notre hiérarchie, plus, plus...)
Bref, voilà. J'avais besoin de le dire. Je n'en ai parlé à personne pour le moment.
Deux options :
--Soit tu racontes des fable , ce n'est pas qu'une impression, et alors il convient de t'interroger sur ce qui te pousse à le faire. Et, qui sait, à oeuvrer contre la manipulation.
--Soit tu ne racontes pas de fables, ton impression est erronée, et alors tout va bien dans le meilleur des mondes.
- RenéNiveau 6
Audrey a écrit:Marillion a écrit:Miss, je me reconnais dans tes propos et je ne peux que te conseiller de prendre du recul.
Tu as une famille formidable et c'est à cela qu'il faut que tu te raccroches.
Je fais ce métier depuis 18 ans et demi, je suis désabusée par la politique menée depuis quelques mois contre les enseignants, le mépris affiché de notre ministre mais aussi du Premier Ministre. Je sais que la mise en place de la Réforme va faire des couacs, j'ai perdu plus de 350€ en mai et juin derniers, mais je me raccroche à mes valeurs.
On veut supprimer mon poste, m'imposer une autre manière d'enseigner, supprimer les matières chères à mon cœur (latin et grec) ? Ok, je n'ai pas le choix, c'est la loi. Je ne proposerai rien l'an prochain, tant pis.
Mais je me dis que ça ne durera pas et que d'autres ministres mettront à mal cette réforme. Et qu'on renaîtra, reconnus, soutenus... Je l'espère, du moins.
C'est ce que me dit mon meilleur ami, prof d'anglais, pour me remonter le moral, en me disant qu'au pire, j'aurai à tenir 3 ans sans latin, le temps que la droite (qui va forcément revenir), le rétablisse pleinement... mais jamais on n'a vu des heures disparues revenir miraculeusement. Jamais. Quand on nous a pris des heures, on ne nous les a jamais rendues. Et si la droite revient, y aura fort à parier que ce sera avec comme contrepartie une augmentation de notre service... bref, j'ai du mal à être optimiste.
Courage en tout cas...
Mais ce n'est pas la droite qui le fera, mais le Père Noêl !
Bonne nouvelle : plus qu'un mois et trois semaines au lieu de trois ans
- moonieNiveau 9
René a écrit:Raoul Volfoni a écrit:J'ignore si cela va durer, mais je suis très désabusée en ce moment.
Je suis professeur d'histoire-géographie (et EMC ) ; cela signifie que je suis censée transmettre les valeurs de la République et de la citoyenneté... et justement, je n'y crois plus. La démocratie française m'apparaît comme une sorte de mascarade. La volonté du peuple n'a guère d'importance ; une très grande partie de notre destin nous échappe, parce que nous n'avons pas le choix de nos dirigeants et de la politique mise en œuvre (ou parce que nous nous satisfaisons du simulacre de choix offert). Faire société me semble de plus en plus improbable. J'ai l'impression de vivre dans un pays formé de communautés, où chacun tire la couverture à soi, où l'intérêt général n'a plus de sens face aux particularismes. Je ne dis pas que j'ai raison, c'est seulement l'impression que j'ai. Je n'aurais jamais cru dire cela, mais je pense que je vais m'abstenir de voter désormais. Cela n'a plus de sens à mes yeux.
Lorsque je suis en cours, j'ai l'impression de raconter des fables. Je crois de moins en moins à ce que je dis (l'importance du vote, être un citoyen actif, les valeurs qui fondent notre pays...) : tout cela me fait l'effet d'un vernis en train de se craqueler.
Je vais bosser parce qu'il faut, j'essaie de m'acquitter au mieux de ma tâche, mais je suis mal à l'aise : j'ai l'impression de mentir lorsque j'en viens à aborder certains points. Mon rôle de fonctionnaire m'oblige à traiter les notions demandées, je le fais, mais un peu en "pilote automatique" ; j'ai presque autant mauvaise conscience que si je vendais de mauvais produits...
Je réfléchis à une reconversion, mais j'ignore encore dans quel domaine. Ce n'est pas seulement à cause de ce sentiment de malaise, mais je pense que ça compte dans mon peu de motivation à aller travailler (ça, plus les copies, plus le salaire bof, plus le mépris de notre hiérarchie, plus, plus...)
Bref, voilà. J'avais besoin de le dire. Je n'en ai parlé à personne pour le moment.
Deux options :
--Soit tu racontes des fable , ce n'est pas qu'une impression, et alors il convient de t'interroger sur ce qui te pousse à le faire. Et, qui sait, à oeuvrer contre la manipulation.
--Soit tu ne racontes pas de fables, ton impression est erronée, et alors tout va bien dans le meilleur des mondes.
Le constat de Raoul Volfoni est tragiquement juste: certains jours, on a juste l'impression d'anônner des platitudes à des gamins qui on ne peut plus montrer l'avenir en technicolor. L'enseignant a souvent la tâche ingrate de faire croire aux platitudes s'il enseigne académiquement.
- olocNiveau 6
lucil a écrit:Gryphe a écrit:lucil a écrit:et qu'est ce que la BIEP?
La BIEP, c'est merveilleux, c'est le monde de tous les possibles.
http://www.biep.fonction-publique.gouv.fr/common/jobSearch
hum hum, je vois, mais sauf erreur de ma part, les postes proposés sont liés au fonctionnariat, n'est ce pas?
Pour une bourse INTERMINISTERIELLE de l'emploi PUBLIC, c'est heureux, il me semble. Bientôt tous contractuels
- SaloumHabitué du forum
Au début de ma carrière, ce catéchisme pseudo-républicain m'a clairement indisposée, en bonne individualiste à tendance libertaire que j'étais. Mes collègues qui le prenaient au sérieux au point d'en faire la clé de voûte de leur enseignement me surprenaient. J'ai écouté leurs leçons de morale, certains ont même été convaincants voire culpabilisants (des profs d'Histoire-géo d'ailleurs ...) J'étais influençable, j'ai revu ma copie (bien que je n'aie jamais réussi à m'approprier leur discours au point de prêcher en cours. L'"éducation à la citoyenneté", ça continuait de sonner faux à mes oreilles). J'ai participé aux élections, j'ai même siégé au conseil municipal de ma commune. Résultat : je suis encore plus désabusée qu'avant. Raoul Volfoni a très bien exprimé ce que j'ai constaté de la politique, même à l'échelle d'une petite commune rurale de 1000 habitants. Je le remercie d'ailleurs d'avoir créé ce fil. Je rejoins Dimka et ceux qui ont répondu dans son sens. Et je me sens soudain moins illégitime en tant qu'enseignante.
- SeiGrand Maître
Je suis étonnée par une partie de ce post. Je pensais que tout ce blabla sur les valeurs n'était justement que du blabla, et n'imaginais pas vraiment que l'on puisse se sentir une mission de transmettre les valeurs de la démocratie et tutti quanti une fois passée l'épreuve Agir en fonctionnaire de l'État du Capes (encore moins si l'on n'est pas professeur d'éducation civique). Ce qui me paraît important, c'est d'apprendre comment fonctionne l'institution politique aujourd'hui, de la comparer à d'autres régimes possibles, d'apprendre les droits et les devoirs d'un citoyen, de comprendre les rouages de l'histoire, de saisir la complexité des luttes de la Révolution, de percevoir d'où viennent les croyances et certitudes actuelles, de reconnaître le capitalisme et le libéralisme comme des possibles parmi d'autres… Mais nul besoin n'est de croire au système actuel ou de faire croire à son bien fondé, si ? En revanche, l'EMC telle qu'elle est présentée dans les programmes me fait bien flipper, et je plains les collègues qui auront à se faner le truc (et je me plains moi-même parce que je pense que je n'y échapperai pas facilement), parce que la liberté de se dépatouiller me semble amoindrie.
Désolée, je ne suis ni historienne, ni géographe, ni rien, je parle en parfaite béotienne.
Au-delà de ça, je comprends ton état d'esprit, Raoul. Moi, je trouve le système absolument monstrueux. J'ai l'impression d'un crabe qui serre lentement ses pinces oxydées sur moi.
Désolée, je ne suis ni historienne, ni géographe, ni rien, je parle en parfaite béotienne.
Au-delà de ça, je comprends ton état d'esprit, Raoul. Moi, je trouve le système absolument monstrueux. J'ai l'impression d'un crabe qui serre lentement ses pinces oxydées sur moi.
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"Humanité, humanité, engeance de crocodile."
- RendashBon génie
Sei a écrit:une fois passée l'épreuve Agir en fonctionnaire de l'État du Capes
Cette épreuve n'existe plus en tant que telle (et ce n'est pas plus mal). L'éducation civique est vaguement intégrée à l'épreuve sur dossier du nouveau CAPES HG (il y a une "dimension civique" à dégager du dossier et à analyser ... :lol: ), mais on est assez loin de l'idéologie EMCienne. En tout cas c'est ce que j'ai ressenti. Mais il semble que les jurys de CAPES, en HG en particulier, se fassent régulièrement taper sur les doigts pour défaut d'idéologie, justement
Trop scientifiques, qu'y sont, askondi. Tsss.
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"Ce serait un bien bel homme s’il n’était pas laid ; il est grand, bâti en Hercule, mais a un teint africain ; des yeux vifs, pleins d’esprit à la vérité, mais qui annoncent toujours la susceptibilité, l’inquiétude ou la rancune, lui donnent un peu l’air féroce, plus facile à être mis en colère qu’en gaieté. Il rit peu, mais il fait rire. [...] Il est sensible et reconnaissant ; mais pour peu qu’on lui déplaise, il est méchant, hargneux et détestable."
- AponieNiveau 6
Chers collègues,
Bien des sentiments ont été exprimés, depuis les illusions de la démocratie jusqu'au désenchantement d'enseigner. Il en ressort, chez les professeurs qui se sont fait entendre, une dilution du sentiment républicain, mais aussi, si vous me le permettez, une confusion sémantique. Légitime méprise ! La République : cent fois, au bas mot, on a violé le mot, la chose.
Il paraît y avoir consensus sur l'existence d'un catéchisme républicain dont les enseignants, en majorité, seraient les dociles desservants. Il est fatal qu'en toute institution dépendant de l'Etat entre l'idéologie des différents pouvoirs qui le dominent. Mais quels sont ces pouvoirs, quelles sont ces idéologies ? Une idéologie, un pouvoir républicains ? En apparence seulement.
Rien aujourd'hui n'est plus caricaturé ni plus mal compris que l'idée républicaine. Vous la croyez partout, oppressante et impérieuse ? Je ne la vois nulle part, à l'Ecole non plus qu'en la cité, dans les discours non plus que dans les cœurs, dans les lois ni les mœurs. La République a déserté l'Ecole du jour où l'Ecole est devenue le théâtre de la politique, au sens de Péguy : soit précisément le contraire de la mystique qui animait les Pères fondateurs de la IIIe République, et les positivistes, et tous ceux d'entre ces hommes, qui nourris de la connaissance du passé, la croyaient la condition même de la liberté.
Ces hommes n'avaient ni les dehors ni les dedans de saints ; ils étaient des croyants, emportés et fougueux, et, comme tels, passablement irritants. S'ils défendaient fermement un parti, je veux dire une opinion, une idée, si même ils étaient des hommes de foi, nous ne les voyions jamais béats. Quel ne serait pas aujourd'hui leur surprise, bien davantage, leur amertume, s'ils s'avisaient de revenir en l'objet de leur croyance : j'entends l'Ecole !
Assurément, ils riraient bien jaune, devant ce mauvais théâtre dont le scandale, depuis cinquante ou soixante ans, et plus encore, a été de redire le mot, de singer l'idée, et conséquemment de tromper non seulement et le mot et l'idée, mais plusieurs générations de professeurs, sur le sens profond de la République. Car on a pris le singe pour l'ancêtre, le masque pour la face, la forme pour le fond. Si vraiment d'un pareil voyage, l'un de ces Pères s'en retournait, et s'il lui restait encore la force de le conter, je crois qu'il dirait jusqu'à s'y épuiser, je crois qu'il dirait et redirait que jamais la République n'entre ni n'entrera dans une Ecole où la bassesse et l'ignorance, où l'entreprise et l'argent s'infiltrent si bien.
La mystique de l'Ecole, c'est de la penser, c'est de la bâtir sur un rêve qui fait image : et par exemple, c'est à la condition d'être une autre société, autonome et ambitieuse, c'est à la condition de se faire une haute idée d'elle-même, que l'Ecole entraîne, ennoblit et élève la société tout entière. Qu'on s'accorde au moins sur cette fin : et suivront les moyens. Le cas contraire, notre voyage se poursuivrait indéfiniment en un monde tristement plat, sans relief et sans couleur, à tout instant assombri par l'universelle démission.
Bien des sentiments ont été exprimés, depuis les illusions de la démocratie jusqu'au désenchantement d'enseigner. Il en ressort, chez les professeurs qui se sont fait entendre, une dilution du sentiment républicain, mais aussi, si vous me le permettez, une confusion sémantique. Légitime méprise ! La République : cent fois, au bas mot, on a violé le mot, la chose.
Il paraît y avoir consensus sur l'existence d'un catéchisme républicain dont les enseignants, en majorité, seraient les dociles desservants. Il est fatal qu'en toute institution dépendant de l'Etat entre l'idéologie des différents pouvoirs qui le dominent. Mais quels sont ces pouvoirs, quelles sont ces idéologies ? Une idéologie, un pouvoir républicains ? En apparence seulement.
Rien aujourd'hui n'est plus caricaturé ni plus mal compris que l'idée républicaine. Vous la croyez partout, oppressante et impérieuse ? Je ne la vois nulle part, à l'Ecole non plus qu'en la cité, dans les discours non plus que dans les cœurs, dans les lois ni les mœurs. La République a déserté l'Ecole du jour où l'Ecole est devenue le théâtre de la politique, au sens de Péguy : soit précisément le contraire de la mystique qui animait les Pères fondateurs de la IIIe République, et les positivistes, et tous ceux d'entre ces hommes, qui nourris de la connaissance du passé, la croyaient la condition même de la liberté.
Ces hommes n'avaient ni les dehors ni les dedans de saints ; ils étaient des croyants, emportés et fougueux, et, comme tels, passablement irritants. S'ils défendaient fermement un parti, je veux dire une opinion, une idée, si même ils étaient des hommes de foi, nous ne les voyions jamais béats. Quel ne serait pas aujourd'hui leur surprise, bien davantage, leur amertume, s'ils s'avisaient de revenir en l'objet de leur croyance : j'entends l'Ecole !
Assurément, ils riraient bien jaune, devant ce mauvais théâtre dont le scandale, depuis cinquante ou soixante ans, et plus encore, a été de redire le mot, de singer l'idée, et conséquemment de tromper non seulement et le mot et l'idée, mais plusieurs générations de professeurs, sur le sens profond de la République. Car on a pris le singe pour l'ancêtre, le masque pour la face, la forme pour le fond. Si vraiment d'un pareil voyage, l'un de ces Pères s'en retournait, et s'il lui restait encore la force de le conter, je crois qu'il dirait jusqu'à s'y épuiser, je crois qu'il dirait et redirait que jamais la République n'entre ni n'entrera dans une Ecole où la bassesse et l'ignorance, où l'entreprise et l'argent s'infiltrent si bien.
La mystique de l'Ecole, c'est de la penser, c'est de la bâtir sur un rêve qui fait image : et par exemple, c'est à la condition d'être une autre société, autonome et ambitieuse, c'est à la condition de se faire une haute idée d'elle-même, que l'Ecole entraîne, ennoblit et élève la société tout entière. Qu'on s'accorde au moins sur cette fin : et suivront les moyens. Le cas contraire, notre voyage se poursuivrait indéfiniment en un monde tristement plat, sans relief et sans couleur, à tout instant assombri par l'universelle démission.
- egometDoyen
dita a écrit:En français, nous avons au programme de seconde : le théâtre au XVIIè siècle, et l'argumentation au XVIIè siècle et au XVIIè siècle. Autant dire que les textes, quels qui'ils soient, sont écrits dans une langue tout à fait étrangère aux élèves. avant toute analyse, il s'agit de les aider à les comprendre.
La série L est, d'après ce que j'entends, une arrière gare de triage pour cassos, drogués et suicidaires illettrés.
Les élèves disent, lorsqu'ils sont nuls à peu près partout : "mais je vais aller en L !" Ouiiii, quelle bonne idée !
Quand ils sont assez bons et qu'ils arrivent à passer en S ou en ES, certains disent : "heureusement, j'ai échappé à la L"
J'ai quelques élèves passionnés par la lecture. Ils ont un mal fou à développer la moindre idée. Je crois en eux, car grâce à la lecture, leur réflexion, sans parler de l'étendue de leur vocabulaire sont là. les srtuctures syntaxiques correctes sont connues. Je tiens à les repêcher pour qu'ils aillent en L.
Mais qu'est-ce que je leur offre ? Un ticket d'entrée pour une arrière-gare de triage.
Il faut pourtant se battre.
C'est dur.
Il faut se battre pour la littérature, pas pour la série L. Actuellement, je ne la conseillerais à personne. En choisissant L plutôt que S, on perd beaucoup sur les sciences et on gagne peu, voire rien du tout, sur les lettres.
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Primum non nocere.
Ubi bene, ibi patria.
Mes livres, mes poèmes, réflexions pédagogiques: http://egomet.sanqualis.com/
- barègesÉrudit
Aponie, quelle justesse
La mystique de l'Ecole, le contraire de "faire rentrer la "vie" (à remplacer par société, ville, modernité, ce qu'on veut) dans l'école.
J'ai cru lire cette mystique dans Pagnol, une "civilisation" scolaire sanctuarisée, avec ses bonheurs et malheurs indépendants du milieu familial.
La mystique de l'Ecole, le contraire de "faire rentrer la "vie" (à remplacer par société, ville, modernité, ce qu'on veut) dans l'école.
J'ai cru lire cette mystique dans Pagnol, une "civilisation" scolaire sanctuarisée, avec ses bonheurs et malheurs indépendants du milieu familial.
- egometDoyen
Raoul Volfoni a écrit:J'ignore si cela va durer, mais je suis très désabusée en ce moment.
Je suis professeur d'histoire-géographie (et EMC ) ; cela signifie que je suis censée transmettre les valeurs de la République et de la citoyenneté... et justement, je n'y crois plus. La démocratie française m'apparaît comme une sorte de mascarade. La volonté du peuple n'a guère d'importance ; une très grande partie de notre destin nous échappe, parce que nous n'avons pas le choix de nos dirigeants et de la politique mise en œuvre (ou parce que nous nous satisfaisons du simulacre de choix offert). Faire société me semble de plus en plus improbable. J'ai l'impression de vivre dans un pays formé de communautés, où chacun tire la couverture à soi, où l'intérêt général n'a plus de sens face aux particularismes. Je ne dis pas que j'ai raison, c'est seulement l'impression que j'ai. Je n'aurais jamais cru dire cela, mais je pense que je vais m'abstenir de voter désormais. Cela n'a plus de sens à mes yeux.
Lorsque je suis en cours, j'ai l'impression de raconter des fables. Je crois de moins en moins à ce que je dis (l'importance du vote, être un citoyen actif, les valeurs qui fondent notre pays...) : tout cela me fait l'effet d'un vernis en train de se craqueler.
Je vais bosser parce qu'il faut, j'essaie de m'acquitter au mieux de ma tâche, mais je suis mal à l'aise : j'ai l'impression de mentir lorsque j'en viens à aborder certains points. Mon rôle de fonctionnaire m'oblige à traiter les notions demandées, je le fais, mais un peu en "pilote automatique" ; j'ai presque autant mauvaise conscience que si je vendais de mauvais produits...
Je réfléchis à une reconversion, mais j'ignore encore dans quel domaine. Ce n'est pas seulement à cause de ce sentiment de malaise, mais je pense que ça compte dans mon peu de motivation à aller travailler (ça, plus les copies, plus le salaire bof, plus le mépris de notre hiérarchie, plus, plus...)
Bref, voilà. J'avais besoin de le dire. Je n'en ai parlé à personne pour le moment.
Ce constat est une preuve de lucidité. Tu peux en tirer une force ou en rester accablée.
Au fond, qui sers-tu? L'administration ou les élèves?
Une jolie idéologie ou la vérité?
Qui veux-tu être? Un professeur ou un fonctionnaire? Qu'est-ce qui est le plus important?
Ta matière est de loin celle qui est la plus facile à enrôler sous une bannière quelconque. Ce n'est pas nouveau. Tous les régimes l'ont fait. La naïveté, c'était de croire que la République faisait exception ou que cela ne portait pas à conséquence.
Il y a moyen de continuer à servir et à être utile. Plutôt que de chercher absolument à convaincre qu'on a le régime le plus juste, expose objectivement la loi positive. Que la loi soit bonne ou mauvaise, on a besoin de savoir quelle est la loi.
Ne dis pas que le vote a réponse à tout. Expose l'organisation des élections. Explique pourquoi on les a mises en place. Si tu es assez calée, tu peux même donner un aperçu des difficultés qu'il y a à choisir un mode de scrutin ou les hésitations de la société avant l'adoption du scrutin universel. Rien que de comparer les modes de scrutin des municipales, des présidentielles et des européennes permet de remettre un peu les choses à leur place.
Le scrutin est un moyen de prendre des décisions qui ne soient pas trop mauvaises, mais il ne garantit nullement la justice ou la volonté populaire.
Il ne faut pas demander à la démocratie plus qu'elle ne peut offrir. Mais ne pas oublier ce qu'elle apporte.
D'ailleurs, la république ne se confond pas avec la démocratie. Avoir une constitution et une séparation des pouvoirs est plus important que le suffrage universel par exemple.
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Primum non nocere.
Ubi bene, ibi patria.
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- ditaNeoprof expérimenté
egomet a écrit:dita a écrit:En français, nous avons au programme de seconde : le théâtre au XVIIè siècle, et l'argumentation au XVIIè siècle et au XVIIè siècle. Autant dire que les textes, quels qui'ils soient, sont écrits dans une langue tout à fait étrangère aux élèves. avant toute analyse, il s'agit de les aider à les comprendre.
La série L est, d'après ce que j'entends, une arrière gare de triage pour cassos, drogués et suicidaires illettrés.
Les élèves disent, lorsqu'ils sont nuls à peu près partout : "mais je vais aller en L !" Ouiiii, quelle bonne idée !
Quand ils sont assez bons et qu'ils arrivent à passer en S ou en ES, certains disent : "heureusement, j'ai échappé à la L"
J'ai quelques élèves passionnés par la lecture. Ils ont un mal fou à développer la moindre idée. Je crois en eux, car grâce à la lecture, leur réflexion, sans parler de l'étendue de leur vocabulaire sont là. les srtuctures syntaxiques correctes sont connues. Je tiens à les repêcher pour qu'ils aillent en L.
Mais qu'est-ce que je leur offre ? Un ticket d'entrée pour une arrière-gare de triage.
Il faut pourtant se battre.
C'est dur.
Il faut se battre pour la littérature, pas pour la série L. Actuellement, je ne la conseillerais à personne. En choisissant L plutôt que S, on perd beaucoup sur les sciences et on gagne peu, voire rien du tout, sur les lettres.
C'est ça qui coince, précisément. Les quelques élèves dont j'ai évoqué le cas sont nuls en maths.
D'une manière générale, je pense que si on peut en saver un ou deux par an, c'est déjà pas si mal.
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