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- AspasieNiveau 10
J'ouvre un fil concernant la question de Parménide (par souci d'ordre et pour ne pas polluer l'autre fil pas une question HS).
Parménide a écrit:
ça fait un certain temps que je lis des choses contradictoires sur le rapport existentiel-existential.
L'existentiel s'enracine-t-il dans l'existential ou bien est-ce l'inverse? Car j'ai lu les deux(...) je ne sais pas lequel fonde l'autre.
L'existentiel désigne le niveau de l'existence concrète tel qu'il est compris de prime abord par le Dasein. Tandis que l'existential désigne le niveau de l'être de l'existence du Dasein, par conséquent compréhension non vulgaire de son être.
Mais il semble, tantôt que l'analytique existentiale n'est possible qu'à partir d'un fondement existentiel, tantôt que le vécu concret existentiel n'est possible qu'à partir de ces structures assurant l'être du Dasein.
Alors ce que je me demande c'est : est ce que les existentiaux ont une existence objective, au fondement de notre existence concrète, ou bien au contraire, est ce que l'analytique existentiale n'est possible qu'à partir de notre existence concrète?
- ParménideNeoprof expérimenté
Merci d'avoir ouvert cette discussion, ça me préoccupe vraiment cette question
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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
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https://www.babelio.com/monprofil.php
- AspasieNiveau 10
Et dans la foulée, je donne une première piste de précision (que d'autres complèteront je l'espère).
Le Dasein est l'être "pour lequel il y va, en son être, de l'être". C'est donc forcément dans la mesure où il y a de l'existential qu'on peut avoir une approche existentielle ; pour le dire autrement, pour ceux que le vocabulaire heideggerien irrite, c'est parce que l'être humain est caractérisé par une certaine manière d'être (il pense son propre devenir, il est ouvert à l'altérité, etc.) qu'il aborde les choses et le monde d'une manière qui lui est particulière (il se donne des projets, il se lance dans l'action humanitaire, toutes choses au sujet desquelles il prend des décisions suite à des questions "existentielles" du type "mais que vais-je faire de ma vie ?")
Donc il n'y a d'existentiel que parce qu'il y a de l'existential.
Mais parler de "fondement" c'est déjà orienter le problème : fonder, c'est structurer un système. La question de l'existence est plutôt une question de l'origine : il y a de l'existential, donc il y a de l'existentiel pour l'homme.
Heidegger appelle "analytique existentiale" l'analyse de ce qui constitue ces "fondamentaux" de l'être humain que sont les existentiaux du Dasein.
Or pour analyser ces fondamentaux (existentiaux) on ne peut s'appuyer, dans la recherche, que sur ce que l'on peut voir, constater, à savoir les conduites concrètes de l'être humaine (les existentiels donc).
Pas conséquent, l'analytique existentiale s'appuye ou s'enracine dans une approche existentielle.
Et donc, l'alternative de ta question, Parménide, n'en est pas une.
Les existentiaux conduisent aux formes que prend notre existence concrète, ET l'analytique existentiale n'est possible qu'à partir de notre existence concrète.
Le Dasein est l'être "pour lequel il y va, en son être, de l'être". C'est donc forcément dans la mesure où il y a de l'existential qu'on peut avoir une approche existentielle ; pour le dire autrement, pour ceux que le vocabulaire heideggerien irrite, c'est parce que l'être humain est caractérisé par une certaine manière d'être (il pense son propre devenir, il est ouvert à l'altérité, etc.) qu'il aborde les choses et le monde d'une manière qui lui est particulière (il se donne des projets, il se lance dans l'action humanitaire, toutes choses au sujet desquelles il prend des décisions suite à des questions "existentielles" du type "mais que vais-je faire de ma vie ?")
Donc il n'y a d'existentiel que parce qu'il y a de l'existential.
Mais parler de "fondement" c'est déjà orienter le problème : fonder, c'est structurer un système. La question de l'existence est plutôt une question de l'origine : il y a de l'existential, donc il y a de l'existentiel pour l'homme.
Heidegger appelle "analytique existentiale" l'analyse de ce qui constitue ces "fondamentaux" de l'être humain que sont les existentiaux du Dasein.
Or pour analyser ces fondamentaux (existentiaux) on ne peut s'appuyer, dans la recherche, que sur ce que l'on peut voir, constater, à savoir les conduites concrètes de l'être humaine (les existentiels donc).
Pas conséquent, l'analytique existentiale s'appuye ou s'enracine dans une approche existentielle.
Et donc, l'alternative de ta question, Parménide, n'en est pas une.
Les existentiaux conduisent aux formes que prend notre existence concrète, ET l'analytique existentiale n'est possible qu'à partir de notre existence concrète.
- ParménideNeoprof expérimenté
Donc ça explique la contradiction que je croyais voir :
En M2 j'ai suivi en auditeur libre un cours de L3 sur Etre et temps, et le professeur disait que l'existentiel s'enracinait dans l'existential. Ce que je trouvais cohérent avec ce que dit Heidegger. Une compréhension vulgaire de notre existence (niveau existentiel) n'est possible qu'à partir de ces traits universaux propres au Dasein que sont les existentiaux.
Or, dans Heidegger et la question du temps, Françoise Dastur écrit :
"Il n'y a certes pas de niveau existential sans fondement existentiel, c'est à dire sans la compréhension qu'a de sa propre existence un Dasein à chaque fois singulier."
Selon le point de vue duquel on se place, c'est soit l'existentiel, soit l'existential, qui est premier.
En M2 j'ai suivi en auditeur libre un cours de L3 sur Etre et temps, et le professeur disait que l'existentiel s'enracinait dans l'existential. Ce que je trouvais cohérent avec ce que dit Heidegger. Une compréhension vulgaire de notre existence (niveau existentiel) n'est possible qu'à partir de ces traits universaux propres au Dasein que sont les existentiaux.
Or, dans Heidegger et la question du temps, Françoise Dastur écrit :
"Il n'y a certes pas de niveau existential sans fondement existentiel, c'est à dire sans la compréhension qu'a de sa propre existence un Dasein à chaque fois singulier."
Selon le point de vue duquel on se place, c'est soit l'existentiel, soit l'existential, qui est premier.
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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
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"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
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- RobinFidèle du forum
Oui, il me semble qu'il faut ramener la distinction existentiel/existential à la différence ontologique entre l'Être et l'étant. "Existential" renvoie à l'être du Dasein (à l'essence de l'être-là, du "là de l'être") et donc à une structure ontologique : le fait d'être une personne, de pouvoir choisir, d'être-pour-la mort, existentialité de cet existant particulier qui répond à l'être, alors que "existentiel" renvoie au Dasein en tant qu'étant (telle ou telle personne, tel ou tel choix). C'est un peu la différence entre "Tous les hommes sont mortels." (dimension exitentiale) et "Socrate est mortel." (dimension existentielle)Aspasie a écrit:J'ouvre un fil concernant la question de Parménide (par souci d'ordre et pour ne pas polluer l'autre fil pas une question HS).Parménide a écrit:
ça fait un certain temps que je lis des choses contradictoires sur le rapport existentiel-existential.
L'existentiel s'enracine-t-il dans l'existential ou bien est-ce l'inverse? Car j'ai lu les deux(...) je ne sais pas lequel fonde l'autre.
L'existentiel désigne le niveau de l'existence concrète tel qu'il est compris de prime abord par le Dasein. Tandis que l'existential désigne le niveau de l'être de l'existence du Dasein, par conséquent compréhension non vulgaire de son être.
Mais il semble, tantôt que l'analytique existentiale n'est possible qu'à partir d'un fondement existentiel, tantôt que le vécu concret existentiel n'est possible qu'à partir de ces structures assurant l'être du Dasein.
Alors ce que je me demande c'est : est ce que les existentiaux ont une existence objective, au fondement de notre existence concrète, ou bien au contraire, est ce que l'analytique existentiale n'est possible qu'à partir de notre existence concrète?
Existential désigne une structure fondamentale, commune à tous les hommes existants, "existentiel" désigne la façon d'être, d'incarner dans des situations historiques le fait d'ex-sister.
On retrouve la même distinction entre "historicité " et historialité à propos de l'Histoire humaine et plus particulièrement de l'Histoire de la philosophie. Heidegger parle de la dimension historiale de la philosophie pour caractériser l'essence de la philosophie en tant que destin de l'occident, depuis les Présocratiques jusqu'à Nietzsche, comme "oubli de l'Être", qui diffère de sa dimension simplement "historique" : l'histoire de la philosophie comme succession de penseurs et de "systèmes".
- AspasieNiveau 10
"Premier" est un terme vague puisqu'il n'indique pas si l'on parle de primat logique, chronologique, moral etc.
Faire une analyse existentiale, ce n'est jamais qu'utiliser la caractéristique existentielle du Dasein qui est celle de se questionner sur son être, en vue, non de choisir une action (un projet de vie) mais en vue de comprendre quelque chose au Dasein lui-même. Et ce faisant, on "découvre" l'existential.
Si vraiment on veut utiliser ces termes, on pourrait dire que :
-l'existential est logiquement premier.
-L'existentiel est chronologiquement premier.
-Et contrairement à ce que le terme "compréhension vulgaire" ou "inauthentique" pourrait laisser penser, ni l'un ni l'autre n'a de primat moral (s'il y a morale, elle ne se pose pas en ces termes chez Heidegger).
On voit bien cette difficulté du primat dans Etre et temps §43, mais en termes d'ontique et d'ontologique cette fois-ci : "Ce qui, ontiquement est le plus proche et le plus connu est ce qui, ontologiquement, est le plus inconnu et le plus éloigné, et constamment inaperçu en sa signification ontologique".
Edit : @Robin. Je vois que nous avons pensé à la même chose...
Faire une analyse existentiale, ce n'est jamais qu'utiliser la caractéristique existentielle du Dasein qui est celle de se questionner sur son être, en vue, non de choisir une action (un projet de vie) mais en vue de comprendre quelque chose au Dasein lui-même. Et ce faisant, on "découvre" l'existential.
Si vraiment on veut utiliser ces termes, on pourrait dire que :
-l'existential est logiquement premier.
-L'existentiel est chronologiquement premier.
-Et contrairement à ce que le terme "compréhension vulgaire" ou "inauthentique" pourrait laisser penser, ni l'un ni l'autre n'a de primat moral (s'il y a morale, elle ne se pose pas en ces termes chez Heidegger).
On voit bien cette difficulté du primat dans Etre et temps §43, mais en termes d'ontique et d'ontologique cette fois-ci : "Ce qui, ontiquement est le plus proche et le plus connu est ce qui, ontologiquement, est le plus inconnu et le plus éloigné, et constamment inaperçu en sa signification ontologique".
Edit : @Robin. Je vois que nous avons pensé à la même chose...
- GrypheMédiateur
Je proteste. Si vous vous mettez à parler de choses sérieuses, je ne vais même pas réussir à faire semblant de comprendre quelque chose.
- Spoiler:
- Merci Aspasie.
- ParménideNeoprof expérimenté
Aspasie a écrit:
Faire une analyse existentiale, ce n'est jamais qu'utiliser la caractéristique existentielle du Dasein qui est celle de se questionner sur son être, en vue, non de choisir une action (un projet de vie) mais en vue de comprendre quelque chose au Dasein lui-même. Et ce faisant, on "découvre" l'existential.
Si vraiment on veut utiliser ces termes, on pourrait dire que :
-l'existential est logiquement premier.
-L'existentiel est chronologiquement premier.
-Et contrairement à ce que le terme "compréhension vulgaire" ou "inauthentique" pourrait laisser penser, ni l'un ni l'autre n'a de primat moral (s'il y a morale, elle ne se pose pas en ces termes chez Heidegger).
On voit bien cette difficulté du primat dans Etre et temps §43, mais en termes d'ontique et d'ontologique cette fois-ci : "Ce qui, ontiquement est le plus proche et le plus connu est ce qui, ontologiquement, est le plus inconnu et le plus éloigné, et constamment inaperçu en sa signification ontologique".
Edit : @Robin. Je vois que nous avons pensé à la même chose...
Oui, donc l'ambiguïté entre la primauté de l'existential et celle de l'existentiel, expliquait que je n'arrivais pas à voir lequel était vraiment originaire.
Mais quand on dit qu'il n'y pas de niveau existential sans fondement existentiel, en fait, on entend par niveau existential non pas une structure objective mais la compréhension rationnelle, par le biais de la pensée, de cette structure. En ce sens, on peut dire que l'approche de Heidegger est phénoménologique.
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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
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- CarnyxNeoprof expérimenté
Je sais bien que Heidegger est un chouchou des profs de philo mais c'était un nazi. Voir ses adorateurs en France, « troupeau » disait Jankélévitch.
Je conçois qu'on puisse apprécier Céline pour son style (et encore), mais pour un « philosophe » dont la vie n'a rien « d'examinée » comme disait Socrate, quand même ça pue !
Après si vous aimez le brouillard allemand…
Je conçois qu'on puisse apprécier Céline pour son style (et encore), mais pour un « philosophe » dont la vie n'a rien « d'examinée » comme disait Socrate, quand même ça pue !
Après si vous aimez le brouillard allemand…
- RobinFidèle du forum
Carnyx a écrit:Je sais bien que Heidegger est un chouchou des profs de philo mais c'était un nazi. Voir ses adorateurs en France, « troupeau » disait Jankélévitch.
Je conçois qu'on puisse apprécier Céline pour son style (et encore), mais pour un « philosophe » dont la vie n'a rien « d'examinée » comme disait Socrate, quand même ça pue !
Après si vous aimez le brouillard allemand…
Vous mettez le doigt sur un problème très douloureux pour moi. Je ne suis pas un admirateur de Heidegger, mais j'ai beaucoup lu et travaillé sa pensée, découverte en hypokhâgne avec une prof. de philo marxiste. Je sais aussi ce qu'en pensait Jankélévitch et Sartre. Il y a la grandeur de la pensée et la petitesse de l'homme. Sein und Zeit a influencé toute la philosophie ultérieure (Arendt, Lévinas, Sartre, Merleau-Ponty) Il y a quelque chose qui m'échappe chez Heidegger, une sorte de trou noir. C'est d'autant plus douloureux pour moi en raison de mes origines. Il y avait beaucoup d'étudiants juifs qui suivaient les cours de Heidegger (dont Hannah Arendt dont on sait qu'elle fut sa maîtresse). Je ne sais pas quoi vous dire. Ça fait partie de mes contradictions. Heidegger est à la fois indéfendable et incontournable.
- RobinFidèle du forum
Carnyx a écrit:Je sais bien que Heidegger est un chouchou des profs de philo mais c'était un nazi. Voir ses adorateurs en France, « troupeau » disait Jankélévitch.
Je conçois qu'on puisse apprécier Céline pour son style (et encore), mais pour un « philosophe » dont la vie n'a rien « d'examinée » comme disait Socrate, quand même ça pue !
Après si vous aimez le brouillard allemand…
Vous mettez le doigt sur un point très douloureux pour moi. J'ai découvert Heidegger en hypokhâgne, grâce à une prof de philo marxiste et je n'ai pas arrêté de le lire et de le travailler depuis. Il y a la grandeur de la pensée et la petitesse de l'homme. Je sais ce qu'en disait Hannah Arendt (qui fut sa maîtresse), E. Lévinas, Sartre et Jankélévitch. Mais Heidegger a influencé toute la pensée après lui (Sartre, Merleau-Ponty, Arendt, Derrida...). . Vous savez qu'il y avait beaucoup d'étudiants juifs qui suivaient les cours de Heidegger. Je ne sais pas quoi vous dire. C'est une contradiction douloureuse. Il y a un "trou noir" chez Heidegger. Quelque chose d'incompréhensible dans son engagement politique. Je crois qu'il en a eu honte après la guerre en parlant de Jaspers dont l'épouse était juive. Il y a quelque chose de terrible dans la faiblesse des hommes, y compris des plus grands, face à la contagion du mal.
- RobinFidèle du forum
Pardon pour le doublet ! Je croyais que la machine avait "mangé" le premier message.
- AspasieNiveau 10
Il est vrai que c'est, de manière générale, toujours mieux de vouer aux autodafés les auteurs, plutôt que de les lire. C'est un sain réflexe. Mieux vaut se donner des interdits de principes. C'est la garantie de la liberté de la pensée.Carnyx a écrit:Je sais bien que Heidegger est un chouchou des profs de philo mais c'était un nazi. Voir ses adorateurs en France, « troupeau » disait Jankélévitch.
Je conçois qu'on puisse apprécier Céline pour son style (et encore), mais pour un « philosophe » dont la vie n'a rien « d'examinée » comme disait Socrate, quand même ça pue !
Après si vous aimez le brouillard allemand…
- User5899Demi-dieu
Gourinat déclamait du Heidegger à l'ENS avec une pantoufle sur la tête et un tintement de cuillère sur une tasse à café (source : Jean-Paul Aron, Les Modernes), et il n'était pas naziCarnyx a écrit:Je sais bien que Heidegger est un chouchou des profs de philo mais c'était un nazi. Voir ses adorateurs en France, « troupeau » disait Jankélévitch.
Je conçois qu'on puisse apprécier Céline pour son style (et encore), mais pour un « philosophe » dont la vie n'a rien « d'examinée » comme disait Socrate, quand même ça pue !
Après si vous aimez le brouillard allemand…
Par ailleurs, ayant été scolarisé en khâgne avec Jean-Baptiste, son fils, j'ai un témoignage de première main concernant la mort de Jankélévitch : Gourinat senior aurait attrapé une tranche de jambon dans son assiette et l'aurait lancée au plafond en hurlant : "Enfin ! Crève, s alope !".
C'était notre série "Philosophie, ou histoire de la philosophie" et nous revenons maintenant à l'essential
- RoninMonarque
Ces philosophes quand même, quelle bande de déconneurs
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- RobinFidèle du forum
Cripure a écrit:Gourinat déclamait du Heidegger à l'ENS avec une pantoufle sur la tête et un tintement de cuillère sur une tasse à café (source : Jean-Paul Aron, Les Modernes), et il n'était pas naziCarnyx a écrit:Je sais bien que Heidegger est un chouchou des profs de philo mais c'était un nazi. Voir ses adorateurs en France, « troupeau » disait Jankélévitch.
Je conçois qu'on puisse apprécier Céline pour son style (et encore), mais pour un « philosophe » dont la vie n'a rien « d'examinée » comme disait Socrate, quand même ça pue !
Après si vous aimez le brouillard allemand…
Par ailleurs, ayant été scolarisé en khâgne avec Jean-Baptiste, son fils, j'ai un témoignage de première main concernant la mort de Jankélévitch : Gourinat senior aurait attrapé une tranche de jambon dans son assiette et l'aurait lancée au plafond en hurlant : "Enfin ! Crève, s alope !".
C'était notre série "Philosophie, ou histoire de la philosophie" et nous revenons maintenant à l'essential
Jankélévitch (que nos appelions Janké) est décédé dans son appartement du 1, quai aux fleurs, face à la cathédrale Notre-Dame de Paris. Lui qui possédait l'intelligence la plus brillante que j'aie jamais vue et qui était doué en tout : il jouait aussi du violon et du piano et pouvait passer de Spinoza à Debussy sans débrayer était retombé en enfance et les étudiants de toutes les facultés de Paris (pharmacie, médecine, Lettres...) se relayaient auprès de celui qui avait perdu les siennes (pardon pour ce mauvais jeu de mots). Ce fut sans doute la plus grande leçon de philosophie que nous ayons jamais reçue de lui. C'était quelqu'un d'absolument adorable. J'en ai encore les larmes aux yeux quand j'y pense.
Mais il ne fallait pas lui parler de Heidegger, de philosophie allemande et de musique allemande et de tout ce qui était allemand. Il avait ses raisons que j'ai comprises pas la suite en le voyant fleurir la plaque dédiée à Jean Cavaillès dans la salle du même nom à la Sorbonne.
« Celui qui a été ne peut plus désormais ne pas avoir été ; désormais ce fait mystérieux et profondément obscur d’avoir vécu est son viatique pour l'éternité. », Vladimir Jankélévitch, L’Irréversible et la nostalgie.
- AspasieNiveau 10
Revenons donc à cette approche de Heidegger (sans nier ceci dit le problème que pose le reste. Mais de fait, ce fil aborde déjà la question, et ce, de manière frontale et précise...)
Mais Heidegger n'est pas Husserl. Il lui reproche d'ailleurs de ne pas être réellement aussi phénoménologue qu'il le dit, et de "recouvrir" en quelque sorte les choses de sa méthode au lieu de laisser les choses advenir par sa méthode -à partir des Ideen et du rôle qu'il donne à la conscience donc ( cf la définition de la phénoménologie comme "science descriptive de la conscience pure transcendantale" dans Idéen I). En fait, Heidegger reproche à Husserl (on trouve cela dans l'introduction à la recherche phénoménologique) de s'être laissé guidé par son "souci" d'une connaissance absolue... où l'on voit réapparaître le "désir de connaissance" et ses effets, tiens... Passons...
Donc l'approche de Heidegger se veut "plus" phénoménologique que celle de Husserl, et pour ce faire, propose une destruction de la phénoménologie.
Re-mais on ne peut pas oublier qu'Heidegger propose une approche phénoménologique pour reposer la question de l'être, oubliée (recouverte) par la métaphysique selon lui. Mais (re-re-mais) il faut se garder de considérer que l'être puisse être explicité sur le mode d'une quelconque "structure objective", ce qui reviendrait toujours à parler de l'être comme d'un étant, et à renouveller le "recouvrement" reproché à la métaphysique (ce qui est finalement reproché à la phénoménologie de Husserl justement).
Bon alors qu'est-ce que la phénoménologie de Heidegger ? Une phénoméno-logie justement. C'est tout le §7 de Etre et temps. Le logos "rend manifeste ce dont la parole parle", non pas dans une approche théorique (souci de connaître) mais dans une approche pratique, dans "l'accomplissement concret" du fait de parler.
Donc, lorsque tu parles de "compréhension rationnelle" ou de "biais de la pensée", il faut faire attention à ne pas en rester à l'approche théorique justement, car ce n'est pas ce que vise Heidegger ; il faut revenir à l'analytique du Dasein, à l'existence.
Oui. L'approche d'Heidegger est phénoménologique. Ce n'est pas un hasard qu'il ait été lié à Husserl...Parménide a écrit:Mais quand on dit qu'il n'y pas de niveau existential sans fondement existentiel, en fait, on entend par niveau existential non pas une structure objective mais la compréhension rationnelle, par le biais de la pensée, de cette structure. En ce sens, on peut dire que l'approche de Heidegger est phénoménologique.
Mais Heidegger n'est pas Husserl. Il lui reproche d'ailleurs de ne pas être réellement aussi phénoménologue qu'il le dit, et de "recouvrir" en quelque sorte les choses de sa méthode au lieu de laisser les choses advenir par sa méthode -à partir des Ideen et du rôle qu'il donne à la conscience donc ( cf la définition de la phénoménologie comme "science descriptive de la conscience pure transcendantale" dans Idéen I). En fait, Heidegger reproche à Husserl (on trouve cela dans l'introduction à la recherche phénoménologique) de s'être laissé guidé par son "souci" d'une connaissance absolue... où l'on voit réapparaître le "désir de connaissance" et ses effets, tiens... Passons...
Donc l'approche de Heidegger se veut "plus" phénoménologique que celle de Husserl, et pour ce faire, propose une destruction de la phénoménologie.
Re-mais on ne peut pas oublier qu'Heidegger propose une approche phénoménologique pour reposer la question de l'être, oubliée (recouverte) par la métaphysique selon lui. Mais (re-re-mais) il faut se garder de considérer que l'être puisse être explicité sur le mode d'une quelconque "structure objective", ce qui reviendrait toujours à parler de l'être comme d'un étant, et à renouveller le "recouvrement" reproché à la métaphysique (ce qui est finalement reproché à la phénoménologie de Husserl justement).
Bon alors qu'est-ce que la phénoménologie de Heidegger ? Une phénoméno-logie justement. C'est tout le §7 de Etre et temps. Le logos "rend manifeste ce dont la parole parle", non pas dans une approche théorique (souci de connaître) mais dans une approche pratique, dans "l'accomplissement concret" du fait de parler.
Donc, lorsque tu parles de "compréhension rationnelle" ou de "biais de la pensée", il faut faire attention à ne pas en rester à l'approche théorique justement, car ce n'est pas ce que vise Heidegger ; il faut revenir à l'analytique du Dasein, à l'existence.
- RobinFidèle du forum
Aspasie a écrit:Revenons donc à cette approche de Heidegger (sans nier ceci dit le problème que pose le reste. Mais de fait, ce fil aborde déjà la question, et ce, de manière frontale et précise...)Oui. L'approche d'Heidegger est phénoménologique. Ce n'est pas un hasard qu'il ait été lié à Husserl...Parménide a écrit:Mais quand on dit qu'il n'y pas de niveau existential sans fondement existentiel, en fait, on entend par niveau existential non pas une structure objective mais la compréhension rationnelle, par le biais de la pensée, de cette structure. En ce sens, on peut dire que l'approche de Heidegger est phénoménologique.
Mais Heidegger n'est pas Husserl. Il lui reproche d'ailleurs de ne pas être réellement aussi phénoménologue qu'il le dit, et de "recouvrir" en quelque sorte les choses de sa méthode au lieu de laisser les choses advenir par sa méthode -à partir des Ideen et du rôle qu'il donne à la conscience donc ( cf la définition de la phénoménologie comme "science descriptive de la conscience pure transcendantale" dans Idéen I). En fait, Heidegger reproche à Husserl (on trouve cela dans l'introduction à la recherche phénoménologique) de s'être laissé guidé par son "souci" d'une connaissance absolue... où l'on voit réapparaître le "désir de connaissance" et ses effets, tiens... Passons...
Donc l'approche de Heidegger se veut "plus" phénoménologique que celle de Husserl, et pour ce faire, propose une destruction de la phénoménologie.
Re-mais on ne peut pas oublier qu'Heidegger propose une approche phénoménologique pour reposer la question de l'être, oubliée (recouverte) par la métaphysique selon lui. Mais (re-re-mais) il faut se garder de considérer que l'être puisse être explicité sur le mode d'une quelconque "structure objective", ce qui reviendrait toujours à parler de l'être comme d'un étant, et à renouveller le "recouvrement" reproché à la métaphysique (ce qui est finalement reproché à la phénoménologie de Husserl justement).
Bon alors qu'est-ce que la phénoménologie de Heidegger ? Une phénoméno-logie justement. C'est tout le §7 de Etre et temps. Le logos "rend manifeste ce dont la parole parle", non pas dans une approche théorique (souci de connaître) mais dans une approche pratique, dans "l'accomplissement concret" du fait de parler.
Donc, lorsque tu parles de "compréhension rationnelle" ou de "biais de la pensée", il faut faire attention à ne pas en rester à l'approche théorique justement, car ce n'est pas ce que vise Heidegger ; il faut revenir à l'analytique du Dasein, à l'existence.
Oui. Je ferai la même remarque en ce qui concerne Kierkegaard qui a beaucoup influencé Heidegger, bien qu'il n'en parle guère. Le problème que vous vous posez sur le rapport entre le temps et l'éternité chez Kierkegaard est une expérience EXISTENTIELLE, liée aux trois stades (étapes, sphères) de la vie humaine (esthétique, moral et religieux) et non pas un problème strictement intellectuel, relevant de l'idéalisme.
- CarnyxNeoprof expérimenté
Nous en avions discuté du temps de Bonnet d’âne.Robin a écrit:
C'est une contradiction douloureuse. Il y a un "trou noir" chez Heidegger. Quelque chose d'incompréhensible dans son engagement politique. Je crois qu'il en a eu honte après la guerre en parlant de Jaspers dont l'épouse était juive. Il y a quelque chose de terrible dans la faiblesse des hommes, y compris des plus grands, face à la contagion du mal.
- RobinFidèle du forum
Carnyx a écrit:Nous en avions discuté du temps de Bonnet d’âne.Robin a écrit:
C'est une contradiction douloureuse. Il y a un "trou noir" chez Heidegger. Quelque chose d'incompréhensible dans son engagement politique. Je crois qu'il en a eu honte après la guerre en parlant de Jaspers dont l'épouse était juive. Il y a quelque chose de terrible dans la faiblesse des hommes, y compris des plus grands, face à la contagion du mal.
La nostalgie n'est plus ce qu'elle était !
- ParménideNeoprof expérimenté
J'ouvre à nouveau Heidegger, et je lis ceci, paragraphe 4 de Etre et temps :
La science en général peut être définie le tout d’une connexion de fondation de propositions vraies.
La phrase est elle correcte?
(Traduction Martineau, en ligne sur internet)
La science en général peut être définie le tout d’une connexion de fondation de propositions vraies.
La phrase est elle correcte?
(Traduction Martineau, en ligne sur internet)
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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
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https://www.babelio.com/monprofil.php
- AspasieNiveau 10
Ajoute "comme" (dont la construction allemande permet l'ellipse) et le problème de construction, et donc de sens, disparaît.Parménide a écrit:J'ouvre à nouveau Heidegger, et je lis ceci, paragraphe 4 de Etre et temps :
La science en général peut être définie le tout d’une connexion de fondation de propositions vraies.
La phrase est elle correcte?
(Traduction Martineau, en ligne sur internet)
- ParménideNeoprof expérimenté
Aspasie a écrit:Ajoute "comme" (dont la construction allemande permet l'ellipse) et le problème de construction, et donc de sens, disparaît.Parménide a écrit:J'ouvre à nouveau Heidegger, et je lis ceci, paragraphe 4 de Etre et temps :
La science en général peut être définie le tout d’une connexion de fondation de propositions vraies.
La phrase est elle correcte?
(Traduction Martineau, en ligne sur internet)
ça je l'ai vite rectifié, au fond. Mais c'est surtout "connexion de fondation" qui me parait insensé...
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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
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- AspasieNiveau 10
Ah bon ? J'aurais plutôt tendance à dire que c'est là l'intérêt de cette définition. Si l'on ne parlait que de "connexion de propositions", on aurait tout au plus la définition d'un système. Et le fait d'ajouter le qualificatif "vrai" ferait tout au plus signe vers le mode de validation de ce système. Mais en indiquant que ce qui est "connecté" c'est ce qui fonde les propositions, Heidegger indique que la science est recherche de "fond", et que c'est dans cette connexion fondamentale qu'elle fait système.Parménide a écrit: Mais c'est surtout "connexion de fondation" qui me parait insensé...
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