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Robin
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Martin Heidegger, Question IV, Sérénité Empty Martin Heidegger, Question IV, Sérénité

par Robin Jeu 11 Juil 2013 - 9:49
"La pensée calculante ne s'arrête jamais, ne rentre pas en elle-même. Elle n'est pas une pensée méditante, une pensée à la poursuite du sens dans tout ce qui est. Il y a ainsi deux sortes de pensées, dont chacune est à la fois légitime et nécessaire : la pensée qui calcule et la pensée qui médite." (Martin Heidegger, Question III, "Sérénité, NRF Gallimard, p.166, traduction André Préau)

"Qu'il nous plaise ou non d'en convenir, nous sommes des plantes qui, s'appuyant sur leurs racines, doivent sortir de terre, pour pouvoir fleurir dans l'éther, et y porter ses fruits." (citation de Johann Peter Hebel, p. 181)

"Le poète (Hebel) veut dire : là où une oeuvre humaine vraiment vigoureuse et saine, doit se former et se parfaire, c'est à partir des profondeurs du sol natal que l'homme doit pouvoir s'élever dans l'éther. "Ether" veut dire ici : l'air libre qui est celui des hauteurs du ciel, le domaine ouvert de l'esprit."


"Sérénité" (Gelassenheit) est une conférence prononcée par Martin Heidegger en 1955 dans sa ville natale de Messkirch, à l'occasion des fêtes commémoratives en l'honneur de Conradin Kreutzer (1780-1849), compositeur souabe né à Messkirch.

C'est dans ce texte qu'apparaît la distinction fondamentale entre "pensée calculante" et "pensée méditante".

La pensée calculante :

Elle est née en Europe au XVIIème siècle comme "volonté de se rendre comme maîtres et possesseurs de la nature" (Descartes), mais elle a débordé la volonté et le contrôle de l'homme parce qu'elle ne procède plus désormais  de lui.

Elle est la caractéristique fondamentale de "l'âge atomique". Pour la pensée calculante,  le monde est un "objet" et la nature n'est rien d'autre qu'un réservoir d'énergie pour la technique et l'industrie.

C'est une pensée "déracinée" (sans terre et sans ciel) : "l'âge atomique menace l'enracinement des oeuvres humaines dans une terre natale." Heidegger se réfère au poète Johann Peter Hebbel : "Qu'il nous plaise ou non d'en convenir, nous sommes des plantes qui, s'appuyant sur leurs racines, doivent sortir de terre, pour pouvoir fleurir dans l'éther, et y porter ses fruits." (p. 181)

Elle constitue une agression contre la vie et contre l'être même de l'homme. Elle gouverne tout et absorbe la sphère politique : "aucune organisation purement humaine n'est en état de prendre en main le gouvernement de notre époque." (p. 175)

La suprématie de la pensée calculante est déjà en germe dans la pensée grecque, notamment chez les sophistes (Protagoras :"L'homme est la mesure de toutes choses"), mais aussi chez Aristote et Platon. Elle se développe au moment de la "Renaissance" avec "l'humanisme" et l'essor des "sciences de la nature" (Gallilée), elle est est explicitée chez Descartes dans Les Méditations métaphysiques et dans le Discours de la Méthode, le critère de la vérité comme certitudo résidant désormais dans la subjectivité humaine, l'ego cogito, le je pense.

Les distinctions de degré de la philosophie d'Aristote et de la scolastique médiévale : âme végétative, âme sensitive, âme rationnelle et que l'on retrouve chez Leibniz et chez "le bon La Fontaine" (Discours à Madame de La Sablière) sont balayées au profit du dualisme de l'âme et du corps, de la pensée et de l'étendue. Tout ce qui n'est pas l'esprit humain, réduit à l'entendement : la dimension corporelle de l'homme, les plantes, les animaux étant exclu du domaine de l'esprit et de la pensée.

La pensée méditante :

Elle ne sert à rien dans les affaires courantes, elle n'aide en rien aux réalisations d'ordre pratique, elle est lente et patiente, elle requiert un grand effort et un long entraînement.

La pensée méditante n'est pas la philosophie. Heidegger montre tout au long de son oeuvre, à partir du "tournant" que la philosophie est à l'origine de la pensée calculante, de la science et de la technique et non l'inverse.  La tâche de la philosophie est de se "déconstruire" elle-même en tant que métaphysique pour penser la différence (le pli) de l'Etre et de l'étant. Ce n'est qu'à cette condition qu'elle pourra, avec l'art et la parole poétique, devenir "méditante".

Une fois éveillée, la pensée méditante doit être à l'oeuvre sans trêve et s'animer à la moindre occasion.

Elle amène à se demander si, "l'ancien enracinement venant à disparaître, il n'est pas possible qu'en retour un nouveau terrain, un nouveau sol soit offert à l'homme, un sol où l'homme et ses oeuvres puiseraient une sève nouvelle pour leur développement, au coeur même de l'âge atomique".

Heidegger n'est donc pas un "passéiste" rêvant d'un âge d'or, d'un impossible retour au passé, à une civilisation agraire, comme on a pu le lui reprocher. Il parle au contraire d'"un nouveau sol" "au coeur même de l'âge atomique".

La pensée méditante à la recherche de ce "nouveau sol" exige que nous ne nous fixions pas sur un seul aspect des choses, elle exige que nous acceptions de nous arrêter sur des choses qui, à première vue, paraissent inconciliables.

Peut-on refuser la technique ?

Non répond Heidegger, la technique est devenue indispensable, bien que dans une mesure plus ou moins grande selon les personnes. En tout état de cause : "il serait insensé de donner l'assaut, tête baissée, au monde technique ; et ce serait faire preuve de vue courte que de vouloir condamner ce monde comme étant l'oeuvre du diable."

Sinon, où est le problème ?

Il réside dans le fait que nous dépendons de plus en plus des objets de la technique et "que notre attachement aux choses techniques est maintenant si fort que nous sommes, à notre insu, devenus leurs esclaves." (p. 176)

Nous sommes donc pris dans une contradiction : Comment dire à la fois "oui" et "non" à la technique ? Comment vivre avec la technique ? Comment faire en sorte que les objets  techniques ne nous accaparent pas et "ne nous vident de notre être" ?

Heidegger propose d'user des objets de la technique "comme il faut qu'on en use", mais en même temps "de les laisser à eux-mêmes"

L'égalité d'âme

L'attitude du "oui et du non" à l'égard de la technique, Heidegger la nomme "Gelassenheit", "sérénité", "égalité d'âme". On pourrait traduire "Gelassenheit" par "lâcher prise" (lassen = laisser). Gelassenheit serait alors le contraire de Gestell (l'arraisonnement du monde par la pensée calculante et la technique). Heidegger explique qu'il s'agit d'un concept très ancien, sans préciser davantage. On le trouve effectivement dans la Grèce antique, chez les stoïciens et les épicuriens sous le nom "d'ataraxie". L'ataraxie apparaît d'abord chez Démocrite et désigne la tranquillité d'âme résultant de la modération et de l'harmonie de l'existence

Note : L’ataraxie (du grec ἀταραξία / ataraxía signifiant « absence de troubles ») apparaît d'abord chez Démocrite et désigne la tranquillité de l’âme résultant de la modération et de l’harmonie de l’existence.

L’ataraxie devient ensuite le principe du bonheur (eudaimonia) dans le stoïcisme, l’épicurisme et le scepticisme. Elle provient d’un état de profonde quiétude, découlant de l’absence de tout trouble ou douleur.

L'ataraxie à l'âge atomique est une manière de vivre qui découle d'une manière de penser ; elle consiste à ne plus voir les choses du seul point de vue de la technique. Heidegger donne l'exemple de l'agriculture industrielle. L'agriculture industrielle n'est pas un nouveau moyen de nourrir les hommes et de lutter contre la disette.

Le secret

Nous ne savons pas à quoi tend la domination de la technique : "le sens du monde technique se voile." Nous devons nous tenir ouverts au sens caché du monde technique. Heidegger nomme cette attitude "l'esprit ouvert au secret" (Die Offenheit für das Geheimnis)

Ce qu'elle est vraiment dans son essence, nous ne le savons pas encore. Cette ignorance est féconde car il vaut mieux mesurer les limites de son savoir et réserver son jugement en vue de la vérité (aléthéia) que de croire à tort que l'on sait en s'arrêtant aux apparences : la technique, selon l'opinion commune, est l'adaptation de moyens en vue d'une fin, alors qu'elle est, dans son essence, tout autre chose. "L'essence de la technique n'a rien de technique." (Essais et conférences, 1953, "La question de la technique"). L'essence de la technique, selon Heidegger serait plutôt à chercher du côté de la pensée nietzschéenne de l'éternel retour et de la volonté de puissance.

L'égalité d'âme et l'esprit ouvert au secret nous dévoilent la perspective d'un futur enracinement.


Et en attendant ?

L'humanité se trouve dans une situation dangereuse. Le danger, selon Heidegger réside moins dans l'éclatement d'une nouvelle Guerre mondiale, l'explosion d'une bombe atomique ou un accident dans une centrale nucléaire.

Cette assertion a souvent été mal comprise. Heidegger ne dit pas que des événements factuels tels que l'explosion d'une bombe atomique ou un accident dans une centrale nucléaire ne sont pas "graves". Ils sont, au contraire d'une extrême gravité, comme nous l'avons vu à au moins deux reprises (Tchernobyl en Ukraine et Fukushima au Japon). Ce que veut dire Heidegger, c'est qu'il ne faut pas s'arrêter à ces phénomènes, mais qu'il faut en chercher la cause, que cette cause ne réside pas dans la technique proprement dite et qu'il ne suffit donc pas de chercher une "solution" technique à un "problème" technique, mais dans la pensée qui la gouverne, la "pensée calculante" qui, dans son essence, n'a rien de technique.

Des phénomènes "ontiques" tels que l'explosion d'une bombe atomique ou un accident dans une centrale nucléaire résultent d'un rapport ontologique (métaphysique) entre l'homme et le monde. Le danger fondamental réside dans la prédominance de la pensée calculante et le renoncement à la pensée méditante : "Si l'homme renonçait à jouer la pensée méditante contre la pensée calculante, il serait livré sans conseil et sans défense au flot montant de la technique."

La véritable menace est la disparition de la pensée méditante, c'est-à-dire l'absence de pensée.

Discussion :

La pensée de Heidegger invite aux interrogations et au dialogue. Il faut d'abord s'efforcer de la comprendre avant de chercher à la discuter. La thèse d'une "philosophie crypto-nazie" paraît difficilement soutenable. Le nazisme s'est parfaitement accomodé de la technique et a même mis la technique (l'armement, la bureaucratie, la propagande...) au service de son projet irrationnel de domination et d'anéantissement. Nous avons vu par ailleurs que même si on décèle chez Heidegger une nostalgie du passé et d'une nature encore familière, on ne peut pas parler de "retour en arrière".

En réalité, l'inspiration de Heidegger est à chercher du côté des poètes, des artistes et des mystiques (Jacob Boëhm, maître Eckart) ; la connaissance approfondie,  intime et vécue de notre propre tradition spirituelle étant la condition d'un dialogue fécond avec les autres traditions, notamment avec l'orient (le bouddhisme). Elle est avant tout d'ordre spirituelle.

Heidegger cherche un chemin de salut, une perspective de "réenracinement" au coeur même de l'âge atomique, un nouveau terrain, un nouveau sol, une nouvelle patrie, au sein d'un monde dévasté dans lequel l'homme ne peut se sentir parfaitement chez lui, qu'à condition d'abandonner son humanité.

La notion "d'égalité d'âme", de sérénité n'est pas synonyme d'égoïsme et d'indifférence. Elle ne signifie pas que la technique ne doit pas nous concerner, que nous n'avons pas, comme on dit, "à nous en faire".

Elle s'oppose à deux attitudes : l'impuissance angoissée d'une part, le volontarisme irréfléchi d'autre part. La prolifération de la technique, la domination de la technique, les dangers de la technique : la bombe atomique, les centrales nucléaires, la logique de guerre des complexes militaro-industriels, les manipulations génétiques, la commercialisation du corps humain, la publicité, la propagande, les techniques d'espionnage et de manipulation de masse... suscitent l'angoisse, mais l'angoisse seule, même si elle suppose une prise de conscience, même si elle vaut mieux que l'indifférence ou l'approbation, demeure stérile.

C'est pourquoi Hans Jonas dans Le Principe Responsabilité parle d'une "heuristique de la peur" ("heuristique", du grec "heurizein" = chercher). La peur d'une catastrophe venant de l'avenir ne doit pas nous paralyser, mais nous inciter à penser, à travailler et à chercher.

Cette recherche suppose le savoir de ce qui est en question, mais aussi, au-delà de l'aspect factuel, la saisie de l'essence de la technique comme volonté de puissance et éternel retour du même.

L'égalité d'âme consiste d'abord "à bien penser" (le début de la morale, selon Pascal), c'est-à-dire à penser la technique comme un certain type de rapport du Dasein (le "là" de l'Etre) à l'étant, une phase du destin historial du rapport à l'Etre de l'étant et non comme un "horizon indépassable", ensuite à nous servir des objets techniques en les laissant (lassen) à leur place, sans leur laisser la possibilité de nous entamer.

Penser la technique comme rapport aliéné du Dasein à l'étant et "oubli de l'Etre", telle est la tâche de la philosophie comme "pensée méditante". L'aspect le plus problématique de la pensée de Heidegger repose dans l'ambiguité de expression "oubli de l'Etre".

Cette expression a deux sens : le premier et le plus évident est le fait que l'homme, le Dasein "oublie" l'Etre pour ne se préoccuper que de l'étant, tout en faisant de l'Etre un étant suprême qu'il nomme "Dieu" ou substance.

C'est là le destin de la philosophie comme métaphysique après les présocratiques. Le deuxième sens est plus étrange : l'Etre se fait oublier de l'homme car c'est la condition même de l'éclosion de l'étant (nous voyons des "étants", mais nous ne voyons pas l'Etre de l'étant en lequel nous voyons l'étant).

Il s'agit donc de se déprendre de l'étant pour se remémorer l'Etre qui, selon Heidegger, n'est pas la transcendance elle-même, mais la dimension dans laquelle elle se déploie. L'Etre, c'est aussi la nature (la "Phusis") telle que la concevaient les Grecs et particuièrement la "pensée aurorale" de Parménide et d'Héraclite et qui demeure celle des poètes et des artistes. L'homme moderne se donne le droit d'asservir et de détruire la nature car il la réduit à des "objets" définissables et utilisables.

Ainsi, "L'arboriculture" ne parle pas arbre, elle parle "sur" l'arbre, elle dit "ce qu'est l'arbre", elle en donne une "définition", elle enferme l'arbre dans des concepts ("plante lignée", "croissance secondaire", "xylème", assise libéro-ligneuse", "cambium", "méristème", "phellogène", "Gymnospermes", "Dicotylédones"...). L'arboriculture nous dit ce que sont les arbres en général, elle n'évoque aucun arbre particulier, mais rattache chaque arbre à une espèce. Et si elle s'intéresse aux arbres, c'est surtout pour leur "utilité", leur intérêt économique : produire des pommes, des agrumes, du bois de chauffage, du papier, décorer les maisons des hommes à Noël...

Nous voyons des arbres, mais nous ne voyons pas "l'artiste" qui les fait éclore à l'éclat du paraître : la nature, nous voyons des amandiers en fleurs mais nous ne voyons pas le Printemps. Heidegger nous incite à accomplir au fond une chose très simple (mais le plus simple est souvent aussi, ajoute-t-il ce qu'il y a de plus difficile) : regarder le monde autrement et notamment la nature, non pas comme un réservoir inépuisable d'énergie (nous savons maintenant qu'elle n'est pas inépuisable et que dans un siècle, il n'y aura plus "d'énergies fossiles"), mais comme l'oeuvre d'une artiste.

L'accueil de l'Etre comme ce qui rassemble les étants dans la dimension du quadripati : la terre, le ciel, les hommes et les dieux,  suppose un autre rapport à la parole car la parole est la "maison de l'Etre".

Vivre la technique dans un libre rapport aux objets techniques (en refusant d'asservir ou d'être asservi), telle est la tâche de l'éthique issue de la pensée méditante.

Cette éthique ne suppose ni ne repousse une "politique". Heidegger suggère, comme le préconisaient les stoïciens "qu'il faut d'abord se changer soi-même avant de vouloir changer le monde".

Elle se fonde essentiellement sur le refus de considérer autrui et le monde comme des objets manipulables, comme des moyens adaptés à des fins au sein d'une totalité close où dominent le principe de plaisir, le profit et la volonté de puissance.

Ce refus a été formulé par Emmanuel Kant de la manière suivante : « Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans toute autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen. » (Emmanuel Kant, 1785, Fondement de la métaphysiquie des mœurs). Il a été repris sous une autre forme par Emmanuel Levinas dans la thématique de la vulnérabilité du visage du prochain comme présence de l'infini dans le fini et par Hans Jonas (Le Principe Responsabilité) qui considère que nous avons des devoirs moraux et politiques envers la nature et envers les générations futures : "Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la Permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre."

"Quelle que soit la faiblesse de la parole face à la contrainte des choses et face à la poussée des intérêts, elle peut néanmoins contribuer à ce que cette conscience franchisse le pas de la crainte vers la responsabilité pour l'avenir menacé et que nous devenions ainsi un peu plus disponibles pour ce que la cause de l'humanité exigera de nous avec une urgence croissante." (Hans Jonas)


Dernière édition par Robin le Mer 17 Juil 2013 - 12:46, édité 16 fois
Iliana
Iliana
Grand sage

Martin Heidegger, Question IV, Sérénité Empty Re: Martin Heidegger, Question IV, Sérénité

par Iliana Jeu 11 Juil 2013 - 22:33
Merci Robin ! C'est très intéressant !

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Je vais m'endormir contre vous, respirer doucement, parce que je sais où nous allons désormais.
Fauve - Révérence
Robin
Robin
Fidèle du forum

Martin Heidegger, Question IV, Sérénité Empty Re: Martin Heidegger, Question IV, Sérénité

par Robin Ven 12 Juil 2013 - 9:38
Merci ! J'ai ajouté quelque chose (esprit de l'escalier !)

L'humanité se trouve dans une situation dangereuse. Le danger, selon Heidegger réside moins dans l'éclatement d'une nouvelle Guerre mondiale, l'explosion d'une bombe atomique ou un accident dans une centrale nucléaire.

Cette assertion a souvent été mal comprise. Heidegger ne dit pas que des événements factuels tels que l'explosion d'une bombe atomique ou un accident dans une centrale nucléaire ne sont pas "graves". Ils sont, au contraire d'une extrême gravité, comme nous l'avons vu à au moins deux reprises (Tchernobyl en Ukraine, Fukushima au Japon). Ce que veut dire Heidegger, c'est qu'il ne faut pas s'arrêter à ces phénomènes, mais qu'il faut en chercher l'essence et qu'il ne suffit pas de chercher une "solution" technique à un "problème" technique, mais dans la pensée qui la gouverne, la "pensée calculante" qui, dans son essence, n'a rien de technique.

Ces phénomènes "ontiques" résultent d'un rapport ontologique (métaphysique) entre l'homme et le monde. Le danger fondamental réside dans la prédominance de la pensée calculante et le renoncement à la pensée méditante : "Si l'homme renonçait à jouer la pensée méditante contre la pensée calculante, il serait livré sans conseil et sans défense au flot montant de la technique."

La véritable menace est la disparition de la pensée méditante, c'est-à-dire l'absence de pensée.


Dernière édition par Robin le Mer 17 Juil 2013 - 12:48, édité 1 fois
JPhMM
JPhMM
Demi-dieu

Martin Heidegger, Question IV, Sérénité Empty Re: Martin Heidegger, Question IV, Sérénité

par JPhMM Ven 12 Juil 2013 - 10:03
Merci beaucoup Robin.

L'actualité de ce texte est frappante. Angoissante aussi.

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