- User17706Bon génie
C'est là que le terme de « thèse » (surtout quand on tient mordicus à l'employer au singulier) est inadapté à un job tant soit peu fin. Si on reprend le texte, Pascal soutient par exemple :
La liste n'est pas du tout exhaustive et elle mélange des choses d'importance différente et de statut différent, mais toutes ces affirmations sont dans le texte. On hésitera à nommer « thèses » les affirmations [4], [5] et [6], dans la mesure où elles relèvent non d'un propos qui lui serait propre, mais du savoir de son temps, ou de son temps et du nôtre (en l'espèce, [6] est démontrable, comme il l'indique, autrement dit c'est un théorème ─ classique ─ d'arithmétique ou de théorie des nombres ; nous ne regardons plus [4], en revanche, du même œil qu'au XVIIe siècle).
Reste que [1] et [3] (qui reviennent d'ailleurs à peu près au même), par exemple, sont bien des thèses pascaliennes (on voit mal comment leur refuser ce nom, surtout compte tenu du terme de « cœur » qui lui est propre en ce sens-là), et se trouvent expressément dans ce texte. Simplement, ce n'est pas là que ce texte veut ultimement en venir. C'est plutôt à quelque chose comme [8] que le texte veut ultimement en venir.
Ce texte soutient bien une thèse sur la connaissance humaine. Mais s'il le fait, c'est parce qu'elle lui permet de soutenir, à titre de conséquence, une autre thèse, sur la légitimité et la vérité de la croyance religieuse, qui est celle qui l'intéresse au premier chef et qui constitue la raison d'être de toute cette argumentation. Cela ne veut pas du tout dire que la première est accessoire ou qu'elle devrait être commentée vite fait ; il convient d'y passer tout le temps nécessaire pour la clarifier au mieux. Il reste qu'elle ne constitue pas l'objet ultime du texte ; c'est la seconde qui constitue l'objet ultime du texte (il s'agit de montrer, par une analyse préalable des contributions respectives du « cœur » et de la raison à la connaissance, qu'une contestation de la vérité de la foi au nom de la raison serait, est, outrecuidante et ridicule).
On ne peut donc pas dire en toute rigueur que « la thèse soutenue serait une thèse relative à la religion plutôt qu'à la connaissance ou à la pratique démonstrative » ; au risque de me répéter, ça ne voudrait pas dire grand'chose, dans la mesure où on est bien obligé de dire que le texte soutient (au moins) deux thèses, l'une relative à la connaissance en général et l'autre relative à la vérité de la religion. Cependant, il y a une nette hiérarchie entre les deux : on n'examine ici la connaissance en général que dans la mesure où l'on s'intéresse à la vérité de la religion.
- que ce qu'il appelle « le cœur » est un principe de connaissance authentique,
- que la connaissance des premiers principes ne relève pas de la raison,
- qu'il y a des vérités auxquelles nous avons accès autrement que par la raison,
- qu'il y a trois dimensions dans l'espace,
- que les nombres sont infinis,
- qu'il n'y a pas deux carrés dont l'un soit double de l'autre,
- que jouir de connaissances « par instinct et par sentiment » serait préférable à devoir les acquérir par raisonnement,
- que la persuasion de « ceux à qui Dieu a donné la Religion par sentiment du cœur » est légitime,
- etc.
La liste n'est pas du tout exhaustive et elle mélange des choses d'importance différente et de statut différent, mais toutes ces affirmations sont dans le texte. On hésitera à nommer « thèses » les affirmations [4], [5] et [6], dans la mesure où elles relèvent non d'un propos qui lui serait propre, mais du savoir de son temps, ou de son temps et du nôtre (en l'espèce, [6] est démontrable, comme il l'indique, autrement dit c'est un théorème ─ classique ─ d'arithmétique ou de théorie des nombres ; nous ne regardons plus [4], en revanche, du même œil qu'au XVIIe siècle).
Reste que [1] et [3] (qui reviennent d'ailleurs à peu près au même), par exemple, sont bien des thèses pascaliennes (on voit mal comment leur refuser ce nom, surtout compte tenu du terme de « cœur » qui lui est propre en ce sens-là), et se trouvent expressément dans ce texte. Simplement, ce n'est pas là que ce texte veut ultimement en venir. C'est plutôt à quelque chose comme [8] que le texte veut ultimement en venir.
Ce texte soutient bien une thèse sur la connaissance humaine. Mais s'il le fait, c'est parce qu'elle lui permet de soutenir, à titre de conséquence, une autre thèse, sur la légitimité et la vérité de la croyance religieuse, qui est celle qui l'intéresse au premier chef et qui constitue la raison d'être de toute cette argumentation. Cela ne veut pas du tout dire que la première est accessoire ou qu'elle devrait être commentée vite fait ; il convient d'y passer tout le temps nécessaire pour la clarifier au mieux. Il reste qu'elle ne constitue pas l'objet ultime du texte ; c'est la seconde qui constitue l'objet ultime du texte (il s'agit de montrer, par une analyse préalable des contributions respectives du « cœur » et de la raison à la connaissance, qu'une contestation de la vérité de la foi au nom de la raison serait, est, outrecuidante et ridicule).
On ne peut donc pas dire en toute rigueur que « la thèse soutenue serait une thèse relative à la religion plutôt qu'à la connaissance ou à la pratique démonstrative » ; au risque de me répéter, ça ne voudrait pas dire grand'chose, dans la mesure où on est bien obligé de dire que le texte soutient (au moins) deux thèses, l'une relative à la connaissance en général et l'autre relative à la vérité de la religion. Cependant, il y a une nette hiérarchie entre les deux : on n'examine ici la connaissance en général que dans la mesure où l'on s'intéresse à la vérité de la religion.
- ParménideNeoprof expérimenté
En général dans les méthodes de commentaire enseignées, on parle de thèse au singulier. D'ailleurs, Tinland dans sa méthode dit bien qu'il faut hiérarchiser les énoncés du texte pour en extraire la thèse. Car l'ordre apparent des énoncés serait toujours trompeur, justement. Et la thèse ne serait en général jamais l'énoncé le plus apparent mais un énoncé plutôt implicite, donc à construire. Après, je ne conteste pas qu'il y ait une pluralité de thèses dans un texte. Mais ne sont-elles pas toutes orchestrées par une thèse (ou opération principale) générale répondant à un problème ?
Je suppose que tu te souviens de la méthode que je disais utiliser il y a encore peu de temps et qui consistait à retranscrire le texte au brouillon de façon ultra simplifiée. C'est une méthode que j'ai plus ou moins abandonnée depuis 2-3 devoirs. Pour justement me rapprocher davantage de ce que tu conseilles dans la fiche que tu m'as passée.
Mais là, le fait d'avoir abandonné cette ancienne méthode m'a fait rater la thèse du texte je crois bien, ou disons la perception juste de ce qu'il est, ainsi que de la volonté de l'auteur.
Je suppose que tu te souviens de la méthode que je disais utiliser il y a encore peu de temps et qui consistait à retranscrire le texte au brouillon de façon ultra simplifiée. C'est une méthode que j'ai plus ou moins abandonnée depuis 2-3 devoirs. Pour justement me rapprocher davantage de ce que tu conseilles dans la fiche que tu m'as passée.
Mais là, le fait d'avoir abandonné cette ancienne méthode m'a fait rater la thèse du texte je crois bien, ou disons la perception juste de ce qu'il est, ainsi que de la volonté de l'auteur.
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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
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- User17706Bon génie
Certes, mais leurs auteurs, de plus en plus, les rédigent entre la poire et le fromage, contrairement à moi lorsque je poste ici. Autrement dit, il faut hiérarchiser les conseils en qualité : de ce point de vue, il n'y a pas photo, c'est moi le boss. (Je dis ça sans affect aucun, hein )Parménide a écrit:En général dans les méthodes de commentaire enseignées, on parle de thèse au singulier.
Même remarque, d'une part ; d'autre part j'ai bien indiqué une hiérarchie ci-dessus, non ? Si l'on cherche dans mon dernier message « la » thèse au sens de Tinland, elle est ici :Parménide a écrit: D'ailleurs, Tinland dans sa méthode dit bien qu'il faut hiérarchiser les énoncés du texte pour en extraire la thèse.
... ce qui constitue, sauf si j'ai des mottes de beurre devant les yeux, la conclusion à laquelle le texte aboutit et pour laquelle il est écrit.PauvreYorick, paraphrasant Pascal, a écrit: Une contestation de la vérité de la foi au nom de la raison serait, est, outrecuidante et ridicule.
Mais il n'en demeure pas moins que l'on aura plus précisément et bien mieux décrit le texte en ne se contentant pas de cela, mais en délivrant, ce que je ferais en introduction, la description plus complète que revoici :
Voilà voilà.PauvreYorick, paraphrasant Pascal, a écrit: Il s'agit [dans ce fragment] de montrer, par une analyse préalable des contributions respectives du « cœur » et de la raison à la connaissance, qu'une contestation de la vérité de la foi au nom de la raison serait, est, outrecuidante et ridicule.
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« En général jamais » ? Si Tinland écrit ça (j'en doute, mais peu importe, ne va surtout pas vérifier), il écrit n'imp. Il y a foule de textes qui sont là pour soutenir une thèse qu'ils énoncent de manière parfaitement explicite.Parménide a écrit: Et la thèse ne serait en général jamais l'énoncé le plus apparent mais un énoncé plutôt implicite, donc à construire. Après, je ne conteste pas qu'il y ait une pluralité de thèses dans un texte. Mais ne sont-elles pas toutes orchestrées par une thèse (ou opération principale) générale répondant à un problème ?
Pour ta question : pour peu que le texte soit bien coupé pour un exercice, si, c'est exactement ce que je viens de dire, non ? Modulo « répondant à un problème » qui à la limite peut faire sens vis-à-vis de l'idée de « thèse », mais peut très bien ne pas avoir de sens vis-à-vis de la description plus large « opération principale » ( PauvreYorick) qui convient à certains textes dont le but n'est pas de soutenir une thèse. Par exemple, s'il me venait dans l'idée de donner à expliquer un extrait d'Arrien où Épictète engueule un disciple, ex hypothesi l'opération principale consisterait à engueuler le disciple, pas à « répondre à un problème » (après, on pourrait toujours reconstruire un « problème » vis-à-vis duquel l'engueulade apparaît nécessaire, mais dans certains cas ce serait tout à fait artificiel).
Mais bien sûr la construction {problème implicite ─ thèse plus ou moins explicite} reste opératoire pour la plupart des textes donnés aux examens (notamment au bac) et même aux concours (notamment au capes).
- JPhMMDemi-dieu
Pardon, il me semble manifeste qu'en effet il a quelqu'un en tête. De qui parle-t-il exactement ?PauvreYorick a écrit:Voilà voilà.PauvreYorick, paraphrasant Pascal, a écrit: Il s'agit [dans ce fragment] de montrer, par une analyse préalable des contributions respectives du « cœur » et de la raison à la connaissance, qu'une contestation de la vérité de la foi au nom de la raison serait, est, outrecuidante et ridicule.
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- LevincentNiveau 9
JPhMM a écrit:Pardon, il me semble manifeste qu'en effet il a quelqu'un en tête. De qui parle-t-il exactement ?PauvreYorick a écrit:Voilà voilà.PauvreYorick, paraphrasant Pascal, a écrit: Il s'agit [dans ce fragment] de montrer, par une analyse préalable des contributions respectives du « cœur » et de la raison à la connaissance, qu'une contestation de la vérité de la foi au nom de la raison serait, est, outrecuidante et ridicule.
La démarche de Pascal s'oppose frontalement à celle de Descartes, qui cherche à fonder en raison les principes sur lesquels établir une philosophie sûre. Entreprise laborieuse et stérile, selon Pascal, car le cœur connaît déjà ces principes de manière beaucoup plus sûre que ne le pourra jamais la raison. C'est pourquoi, dans les Pensées, il juge Descartes "inutile et incertain". A mon avis, c'est lui qui est visé dans le passage avec la raison "qui voudrait juger de tout".
En revanche, pour les pyrrhoniens, je ne sais pas à qui Pascal pense précisément. Peut-être combat-il simplement l'esprit de son temps, et quelques intellectuels de seconde zone aujourd'hui oubliés.
- JPhMMDemi-dieu
Merci.
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Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- User17706Bon génie
Ce sont plutôt les libertins de son siècle que les cartésiens, moins encore Descartes, que vise Pascal. Attention ici. Descartes est un allié inutile et incertain dans cette entreprise, si je puis dire. Gassendi serait déjà une cible plus crédible : voir http://www.cairn.info/revue-dix-septieme-siecle-2006-4-page-635.htm par exemple.
Quant aux pyrrhoniens, outre Montaigne et Charron (voir à ce sujet l'Entretien avec M. de Sacy), il ne faut pas oublier les tonnes d'écrits sceptiques ou pseudo-sceptiques contemporains de la Réforme puis de la Contre-Réforme (voir à ce sujet Le Scepticisme d'Érasme à Spinoza de Popkin) ; et par exemple le Quod nihil scitur de Sanchez (Lyon, 1581).
Quant aux pyrrhoniens, outre Montaigne et Charron (voir à ce sujet l'Entretien avec M. de Sacy), il ne faut pas oublier les tonnes d'écrits sceptiques ou pseudo-sceptiques contemporains de la Réforme puis de la Contre-Réforme (voir à ce sujet Le Scepticisme d'Érasme à Spinoza de Popkin) ; et par exemple le Quod nihil scitur de Sanchez (Lyon, 1581).
- BartlebyNiveau 6
Oh ! Joie ! Mon intuition était donc juste : quand je parlais des "esprits forts", je pensais aux libertins du XVIIe siècle. J'avoue ne pas avoir pensé à Descartes, puisqu'il cherche à prouver l'existence de Dieu...
- User17706Bon génie
Oui, c'est ça : il se donne même en une occasion le mal d'accorder l'eucharistie avec son système, pour satisfaire à une objection. (Non sans réticence, à mon avis : il évite d'ordinaire au maximum de causer théologie.) Mais bon, les preuves de ce type, comme dit le même Pascal, on s'y rend sur le moment, et un quart d'heure après on craint de s'être trompé.
Ah, et voir les travaux de Jean-Pierre Cavaillé sur cette question du libertinage au XVIIe. Il a sorti un récent Les Déniaisés chez Garnier je crois.
Ah, et voir les travaux de Jean-Pierre Cavaillé sur cette question du libertinage au XVIIe. Il a sorti un récent Les Déniaisés chez Garnier je crois.
- ParménideNeoprof expérimenté
PauvreYorick a écrit:
Une contestation de la vérité de la foi au nom de la raison serait, est, outrecuidante et ridicule.
Où Pascal écrit-il cela?
Je n'ai pas compris le texte ainsi.
Enfin, oui, la notion de contestation est présente, mais il s'agit d'une double contestation , non? Celle du cœur par la raison et celle de la raison par le cœur, les deux cherchant à agir sur un terrain où ils n'ont pas de prise.
Voici comment j'ai présenté le problème et la thèse :
Selon Pascal, la méthode rationnelle et discursive de démonstration n'est pas l'unique façon, pour la pensée, d'accéder à la vérité. Il est aussi possible de saisir intuitivement des principes indémontrables, particulièrement dans les domaines logico-mathématiques et religieux. Pouvons-nous affirmer qu'il existe des principes ou objets de pensée indémontrables ? La réponse est oui selon Pascal, ce qui permet de mettre un terme au phénomène de régression à l'infini.
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- JPhMMDemi-dieu
Merci.PauvreYorick a écrit:Ce sont plutôt les libertins de son siècle que les cartésiens, moins encore Descartes, que vise Pascal. Attention ici. Descartes est un allié inutile et incertain dans cette entreprise, si je puis dire. Gassendi serait déjà une cible plus crédible : voir http://www.cairn.info/revue-dix-septieme-siecle-2006-4-page-635.htm par exemple.
Quant aux pyrrhoniens, outre Montaigne et Charron (voir à ce sujet l'Entretien avec M. de Sacy), il ne faut pas oublier les tonnes d'écrits sceptiques ou pseudo-sceptiques contemporains de la Réforme puis de la Contre-Réforme (voir à ce sujet Le Scepticisme d'Érasme à Spinoza de Popkin) ; et par exemple le Quod nihil scitur de Sanchez (Lyon, 1581).
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Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- User17706Bon génie
Ici :Parménide a écrit:PauvreYorick a écrit:
Une contestation de la vérité de la foi au nom de la raison serait, est, outrecuidante et ridicule.
Où Pascal écrit-il cela?
Et ici :Pascal a écrit:Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais encore par le cœur. C'est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes et c'est en vain que le raisonnement, qui n'y a point de part, essaie de les combattre. Les pyrrhoniens, qui n’ont que cela pour objet, y
travaillent inutilement.
Et ici (noter le passage de l'indicatif au conditionnel) :Pascal a écrit:Nous savons que nous ne rêvons point, quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison; cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison [...].
Et ici :Pascal a écrit:Et il est aussi inutile et aussi ridicule que la raison demande au cœur des preuves de ses premiers principes pour vouloir y consentir, qu'il serait ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions quelle démontre pour vouloir les recevoir.
Et ici :Pascal a écrit:Cette impuissance ne doit donc servir qu'à humilier la raison, qui voudrait juger de tout, mais non pas à combattre notre certitude comme s'il n’y avait que la raison capable de nous instruire.
Pascal a écrit:Et c'est pourquoi ceux à qui Dieu a donné la Religion par sentiment du cœur sont bienheureux et bien légitimement persuadés [...].
Bref il passe son temps à le dire et c'est à peine si, dans ce texte, il dit autre chose.
- JPhMMDemi-dieu
Je trouve cocasse le fait d'utiliser un raisonnement pour montrer que la vérité connue par la raison est inférieure à celle connue par le cœur.
Cette infériorité-là est-elle aussi valide pour le raisonnement du texte lui-même ?
Ce texte serait-il une russellinade ?
Cette infériorité-là est-elle aussi valide pour le raisonnement du texte lui-même ?
Ce texte serait-il une russellinade ?
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Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- User17706Bon génie
Typisch Pascal. La raison a tout juste assez de puissance pour se persuader elle-même de la nécessité de se dessaisir de certaines questions.JPhMM a écrit:Je trouve cocasse le fait d'utiliser un raisonnement pour montrer que la vérité connue par la raison est inférieure à celle connue par le cœur.
M'enfin il ne dit pas qu'elle est inférieure (en tant que vérité, du moins). Il dit que les vérités de la raison dépendent (axiomatiquement si l'on veut) de celles du cœur, d'une part, et que les vérités du cœur ne sont pas moins vraies que celles de la raison. De toute façon il n'y a pas de degrés de vérité : une proposition est vraie ou elle ne l'est pas.
- ParménideNeoprof expérimenté
J'ai compris le texte de façon trop imprécise, et en le réduisant trop à l'un de ses moments, à savoir, tout ce qui n'est pas la religion
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- JPhMMDemi-dieu
Euh...PauvreYorick a écrit:Typisch Pascal. La raison a tout juste assez de puissance pour se persuader elle-même de la nécessité de se dessaisir de certaines questions.JPhMM a écrit:Je trouve cocasse le fait d'utiliser un raisonnement pour montrer que la vérité connue par la raison est inférieure à celle connue par le cœur.
M'enfin il ne dit pas qu'elle est inférieure (en tant que vérité, du moins). Il dit que les vérités de la raison dépendent (axiomatiquement si l'on veut) de celles du cœur, d'une part, et que les vérités du cœur ne sont pas moins vraies que celles de la raison. De toute façon il n'y a pas de degrés de vérité : une proposition est vraie ou elle ne l'est pas.
Mon cœur me dit que le tiers n'est pas exclu.
(Sincèrement).
PS : évidemment, je ne parlais pas d'infériorité de « valeur de vérité ».
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Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- User17706Bon génie
Oh, mon cœur à moi s'est tu depuis un moment là-dessus
Mais je ne pense pas, sincèrement, que Pascal l'envisage autrement. (Ce serait à vérifier.) Mais à supposer même que le tiers ne soit pas exclu, on n'aurait pas pour autant la relation « plus vrai que... ». (EDIT : Je vois que tu viens de faire la même remarque.)
Mais je ne pense pas, sincèrement, que Pascal l'envisage autrement. (Ce serait à vérifier.) Mais à supposer même que le tiers ne soit pas exclu, on n'aurait pas pour autant la relation « plus vrai que... ». (EDIT : Je vois que tu viens de faire la même remarque.)
- PanturleNiveau 8
JPhMM a écrit:
Mon cœur me dit que le tiers n'est pas exclu.
Et c'est une idée difficile à brouwer
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Multaque res subita et paupertas horrida suasit.
- User17706Bon génie
Les premières citations que je viens de faire concernent avant tout les « premiers principes », le terrain sur lequel Pascal choisit de se battre d'abord. Mais les dernières montrent ce qui se joue depuis le début dans toute cette histoire.Parménide a écrit:J'ai compris le texte de façon trop imprécise, et en le réduisant trop à l'un de ses moments, à savoir, tout ce qui n'est pas la religion
Le passage où j'ai souligné le passage de l'indicatif au conditionnel est important. Pascal combat une certaine forme de ratiocination antireligieuse qui existe, même si c'est de manière diffuse, au temps où il écrit. Alors que personne ne demande de « sentir » qu'il n'y a pas de carré qui soit double d'un autre. Cela ne peut que se conclure, jusqu'à plus ample informé.
- JPhMMDemi-dieu
Pas nécessairement, en effet. Mais c'est possible, cependant. Par exemple en logique floue.PauvreYorick a écrit:Oh, mon cœur à moi s'est tu depuis un moment là-dessus
Mais je ne pense pas, sincèrement, que Pascal l'envisage autrement. (Ce serait à vérifier.) Mais à supposer même que le tiers ne soit pas exclu, on n'aurait pas pour autant la relation « plus vrai que... ».
Pardon pour la digression.
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Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- JPhMMDemi-dieu
:lol:Panturle a écrit:JPhMM a écrit:
Mon cœur me dit que le tiers n'est pas exclu.
Et c'est une idée difficile à brouwer
A intuitionner , ce n'est pas très difficile cependant :
L'idée générale :
d(vrai)=1 ; d(faux)=0
Posons R={x|x∉x}
On a :
d(x∈R)=d(x∉x)
d(x∈R)=1-d(x∈x)
Pour x=R, il vient :
d(R∈R)=1-d(R∈R)
C'est-à-dire d(R∈R)=1/2
Mais les mathématiciens n'ont pas aimé du tout du tout la blague. :lol:
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Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- ParménideNeoprof expérimenté
J'ai vu mon correcteur, il a corrigé cette copie sur Pascal : cela vaudrait largement la moyenne. De quoi rassurer depuis ma mésaventure sur "la moralité est-elle utile à la vie sociale?" (6).
Dans la reprise qu'il a faite, deux points m'ont marqué :
- Le terme de "nature" vers la fin du texte est un piège : il ne s'agit pas de tout ce qui est indépendant de l'homme, mais de la caractéristique humaine, la nature sensible !
- Le texte a un aspect sophistique qui le rend par certains aspects contestable. Le glissement final de l'épistémologie vers la religion est surtout rhétorique. Pascal met sur le même plan les vérités mathématiques et les vérités religieuses alors que rien ne l'autorise à le faire.
Ce n'est pas parce que, par exemple, on est contraint d'admettre que la numération est infinie, que l'on sera contraint d'admettre le bien fondé de la révélation divine chez certains.
Dans la reprise qu'il a faite, deux points m'ont marqué :
- Le terme de "nature" vers la fin du texte est un piège : il ne s'agit pas de tout ce qui est indépendant de l'homme, mais de la caractéristique humaine, la nature sensible !
- Le texte a un aspect sophistique qui le rend par certains aspects contestable. Le glissement final de l'épistémologie vers la religion est surtout rhétorique. Pascal met sur le même plan les vérités mathématiques et les vérités religieuses alors que rien ne l'autorise à le faire.
Ce n'est pas parce que, par exemple, on est contraint d'admettre que la numération est infinie, que l'on sera contraint d'admettre le bien fondé de la révélation divine chez certains.
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- User17706Bon génie
Je dois avouer que je ne comprends pas la remarque sur la nature, et moins encore ce qu'elle vient corriger.
Ensuite, sophistique ou rhétorique, pardon mais il faut étayer un peu, quand même
(Mais bon, c'est possible aussi de passer à autre chose: après tout ce n'est qu'un exercice, il faut savoir s'arrêter.)
Ensuite, sophistique ou rhétorique, pardon mais il faut étayer un peu, quand même
(Mais bon, c'est possible aussi de passer à autre chose: après tout ce n'est qu'un exercice, il faut savoir s'arrêter.)
- JPhMMDemi-dieu
Moi je ne suis pas d'accord avec Pascal.
Parce que la vérité connue par le cœur, c'est bien beau, encore faut-il qu'elle soit reconnue comme telle par autrui, sinon il s'agit seulement d'une vérité solipsistique.
Si un Aztèque connaît par son cœur une vérité sur la nature divine, et que Pascal connaît par son cœur une autre vérité, contradictoire avec la première, sur la nature divine, c'est bien qu'au moins l'une des vérités est erronée. Je ne doute pas que Pascal trouverait à nous dire que son coeur lui dit que sa vérité à lui est la bonne. Sauf que l'Aztèque (la Japonaise shintoïste, etc) dirait respectivement exactement la même chose, avec le même argument.
Parce que la vérité connue par le cœur, c'est bien beau, encore faut-il qu'elle soit reconnue comme telle par autrui, sinon il s'agit seulement d'une vérité solipsistique.
Si un Aztèque connaît par son cœur une vérité sur la nature divine, et que Pascal connaît par son cœur une autre vérité, contradictoire avec la première, sur la nature divine, c'est bien qu'au moins l'une des vérités est erronée. Je ne doute pas que Pascal trouverait à nous dire que son coeur lui dit que sa vérité à lui est la bonne. Sauf que l'Aztèque (la Japonaise shintoïste, etc) dirait respectivement exactement la même chose, avec le même argument.
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Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- User17706Bon génie
Au sujet de la «sophistique»:
L'argument de Pascal est un peu plus subtil, j'ai l'impression (même si, à lui seul, ce texte ne peut pas en donner idée). C'est sûr que si l'on dit: «il y a des choses intuitivement connues, donc tout ce qui se présente comme intuitivement certain est vrai», c'est absurde. (Donc il ne peut pas vouloir dire cela et encore moins le présenter sous la forme d'une déduction qui serait effectivement un gros non sequitur.)
(Autrement dit rien n'autorise à dire que Pascal met sur le même plan les vérités mathématiques et religieuses, ou alors en un sens vraiment très lâche de «mettre sur le même plan».)
En revanche, compris sur le mode réfutatif et dirigé contre une certaine forme d'idolâtrie de la raison, c'est beaucoup plus solide. Ce texte revient à dire que l'exigence de preuve est parfois outrecuidante: certes cela ne suffit pas à faire que tout ce qui paraît vrai sans preuve soit vrai sans preuve, mais ce n'est pas ce qu'il dit. (Et l'on ne comprend pas la référence à la façon humaine de donner la foi si l'on n'admet pas qu'il faille malgré tout quelques raisons pour commencer à croire quand on n'a pas la grâce; un travail auquel, au demeurant, les Pensées s'attellent.)
L'argument de Pascal est un peu plus subtil, j'ai l'impression (même si, à lui seul, ce texte ne peut pas en donner idée). C'est sûr que si l'on dit: «il y a des choses intuitivement connues, donc tout ce qui se présente comme intuitivement certain est vrai», c'est absurde. (Donc il ne peut pas vouloir dire cela et encore moins le présenter sous la forme d'une déduction qui serait effectivement un gros non sequitur.)
(Autrement dit rien n'autorise à dire que Pascal met sur le même plan les vérités mathématiques et religieuses, ou alors en un sens vraiment très lâche de «mettre sur le même plan».)
En revanche, compris sur le mode réfutatif et dirigé contre une certaine forme d'idolâtrie de la raison, c'est beaucoup plus solide. Ce texte revient à dire que l'exigence de preuve est parfois outrecuidante: certes cela ne suffit pas à faire que tout ce qui paraît vrai sans preuve soit vrai sans preuve, mais ce n'est pas ce qu'il dit. (Et l'on ne comprend pas la référence à la façon humaine de donner la foi si l'on n'admet pas qu'il faille malgré tout quelques raisons pour commencer à croire quand on n'a pas la grâce; un travail auquel, au demeurant, les Pensées s'attellent.)
- ParménideNeoprof expérimenté
La nature ne serait pas ici le synonyme de la physis que nous connaissons habituellement. Mais la désignation de la nature sensible humaine résultant de la Chute ! Il me l'a bien marqué en marge d'ailleurs. En me disant par ailleurs que dans ce texte l'erreur d'interprétation était constante par rapport à ça. A l'oral de l'agrégation, il m'a dit avoir toujours vu les candidats se tromper dessus, et que c'est d'ailleurs normal car il faut vraiment connaitre Pascal pour être au fait du sens spécifique ici de "nature"PauvreYorick a écrit:Je dois avouer que je ne comprends pas la remarque sur la nature, et moins encore ce qu'elle vient corriger.
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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
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- Blaise Pascal, la foi et la raison (explication d'un extrait des Pensées)
- La plateforme APB, telle que nous la connaissons, ce sera effectivement terminé l’an prochain.
- Rétablissons la vérité: on dit que les profs....., mais.....
- Quelques salons du livre (SFF, mais pas seulement!)
- Brûlot du "Cercle des recteurs disparus" contre le gouvernement et les enseignants : "Nous connaissons tous des personnes parmi les 3,5 millions de chômeurs, qui seraient ravis de travailler un 30 août!"
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