Le jeunisme dans les manuels scolaires
- lilith888Grand sage
V.Marchais a écrit:
Bonjour,
En fait, les rebelles d'aujourd'hui s'appellent Cécile Ladjali, Rachel Boutonnet... Quand on suit sagement les IO qui depuis plus de quinze ans recommandent l'étude de la littérature de jeunesse, cultivent la modernité pour elle-même, multiplient les formes d'étude de l'image, on peut toujours user de l'argument d'autorité, mais pas se prétendre rebelle.
Je ne doute en aucun cas de votre sincérité : vous êtes terriblement dans l'air du temps, qui est au consensus mou (il faut, justement, n'être méchant avec personne et ne rien critiquer sous prétexte qu'il y en a qui aiment) et au relativisme.
Pourtant, pour parodier vos propos, je dirais que refuser de voir cette hiérarchie des valeurs à l'oeuvre dans la société, c'est refuser de donner aux élèves une clé essentielle de cette société. Encore une fois, nous avons un rôle à jouer sur le plan social.
Cordialement,
Véronique.
merci de ne garder que la phrase polémique de mon propos et de tronquer tout le reste. Vous me parlez de personnes que je ne connais pas, de théories que je ne connais pas. En fait, vous plaquez des stéréotypes tout fait... allez, je vais achever de vous faire peur (bouh !). Ma pratique se base en réalité sur les théories de Jean Ricardou, notamment à travers la textique et son enseignement (dont je suis le colloque tous les étés).
Si vous aviez bien lu, vous auriez vu que je ne fais PAS de littérature de jeunesse.
De plus, vous confondez télévision et 7ème art, ce qui est grave.
Enfin, ignorer l'étude de l'image, c'est ignorer l'art pictural, ce qui est encore plus grave.
Pour la hiérarchie des "classiques" je maintiens qu'elle est fondée sur du flou absolu : d'où les énergumènes qui s'extasient sur les faux Rimbaud, les faux Baudelaire qui surgissent ça et là comme des inédits... et voilà comment "classique" et "modernité" (merci les faussaires !) se confondent pour le plus grand plaisir des gens comme moi.
- lilith888Grand sage
marquisedemerteuil a écrit:Je suis d'accord avec VM: les oeuvres modernes, de plus, ne peuvent être bien comprises que si on maîtrise bien leurs sources, c'est à dire les classiques. Donc les classiques d'abord, ils sauront bien discerner ensuite les allusions dans le seigneur des anneaux et les simpsons.
mais c'est ce que je dis depuis le début !!!!!!
argh !
- InvitéInvité
en 4ème, dans l'étude de la lettre, on conseille Voltaire et Diderot, tout de même.
- lilith888Grand sage
V.Marchais a écrit:Or la technique est, selon moi, un angle d'approche des textes très pauvre. Si je fais exceptionnellement une corrélation entre texte et image, elle ne se situera jamais à ce niveau. La "technique" déployée lors des études de textes vient essentiellement de structuralistes qui ont dénoncé l'introduction de leurs travaux dans les classes secondaires. N'avez-vous jamais entendu Genette ou Todorov s'exprimer sur le sujet ? Même les IO appellent à corriger le tir.
.
oui, voilà notre désaccord profond : je suis essentiellement formaliste. Le littéraire extasié, très peu pour moi. Cela mène à la paraphrase et au fantasme idéologique ("je ressens l'auteur au plus profond de mon âme et je lui fais dire n'importe quoi")
Et puis, faudrait savoir : vous critiquez les IO et vous les aimez quand ils vont dans leur sens. Personnellement, je me fiche des IO qui retournent leur veste pour justifier des salaires du ministère (ils sont où les NOUVEAUX programmes ?).
Je fais ce que je pense être juste, en suivant mes convictions. Hors de question de me laisser manipuler, au choix : par l'arnaque économique des éditeurs de manuels / par l'arnaque idéologique des concepteurs de programmes
- lilith888Grand sage
Bon, définitivement, je pense que vous avez une vision très "sentimentale" de la littérature, ce qui représente tout ce contre quoi je me bat, à la fois sur le plan universitaire et sur le plan scolaire depuis des années
- InvitéInvité
lilith888 a écrit: Je fais ce que je pense être juste, en suivant mes convictions. Hors de question de me laisser manipuler, au choix : par l'arnaque économique des éditeurs de manuels / par l'arnaque idéologique des concepteurs de programmes
C'est lorsque tu parles ainsi que je trouve que ton avatar te sied le mieux, Lilith!
- charlottofraiseNiveau 10
N'est-ce pas les apauvrir que de les étudier uniquement dans le cadre de l'épistolaire ?Camélionne a écrit:en 4ème, dans l'étude de la lettre, on conseille Voltaire et Diderot, tout de même.
- InvitéInvité
Eh bien si, mais c'est déjà ça!
Ma séquence sur Micromégas, c'était quand même pas toujours simple. Je devais souvent traduire le texte pour que les élèves le comprennent.
C'est terrible d'avoir l'impression d'être un prof de langue étrangère.
Question : On nous dit toujours "Il faut suivre le programme d'histoire. On fait le Moyen-Age en 5ème en histoire, donc paf! on le voit en français aussi!"
Mais pourquoi est-ce NOUS qui devons les suivre et pas l'inverse, après tout?
C'est vrai, quoi!
C'est tout de même plus facile d'étudier l'histoire du siècle des Lumières que d'en lire les textes!!!!
Ma séquence sur Micromégas, c'était quand même pas toujours simple. Je devais souvent traduire le texte pour que les élèves le comprennent.
C'est terrible d'avoir l'impression d'être un prof de langue étrangère.
Question : On nous dit toujours "Il faut suivre le programme d'histoire. On fait le Moyen-Age en 5ème en histoire, donc paf! on le voit en français aussi!"
Mais pourquoi est-ce NOUS qui devons les suivre et pas l'inverse, après tout?
C'est vrai, quoi!
C'est tout de même plus facile d'étudier l'histoire du siècle des Lumières que d'en lire les textes!!!!
- AuroreEsprit éclairé
lilith888 a écrit : "oui, voilà notre désaccord profond : je suis essentiellement
formaliste. Le littéraire extasié, très peu pour moi. Cela mène à la
paraphrase et au fantasme idéologique ("je ressens l'auteur au plus
profond de mon âme et je lui fais dire n'importe quoi")"
Ce qui captive les élèves est plus l'histoire, le(s) message(s) que soulève(nt) l'œuvre que sa forme. Ces messages peuvent être aussi bien strictement esthétiques et/ou politiques, philosophiques... Voir dans un opéra qu'une ouverture suivie d'une succession de récitatifs et d'airs revient à passer à côté de l'œuvre et de ses enjeux dramatiques. Pourquoi les gens vont-ils à l'opéra ? Pour entendre une histoire avant tout.
Après, bien sûr que la musique est en rapport avec l'histoire et que la forme la sert. La forme est au service d'un projet esthétique et pas l'inverse sauf dans le formalisme extrême des années 60 en musique (Boulez) comme en littérature (le Nouveau Roman). Donc vouloir commencer à étudier une oeuvre en s'attachant à sa forme est :
1- pas judicieux pédagogiquement,
2- anachronique (projection d'une conception récente sur des oeuvres qui n'en demandaient pas tant).
formaliste. Le littéraire extasié, très peu pour moi. Cela mène à la
paraphrase et au fantasme idéologique ("je ressens l'auteur au plus
profond de mon âme et je lui fais dire n'importe quoi")"
Ce qui captive les élèves est plus l'histoire, le(s) message(s) que soulève(nt) l'œuvre que sa forme. Ces messages peuvent être aussi bien strictement esthétiques et/ou politiques, philosophiques... Voir dans un opéra qu'une ouverture suivie d'une succession de récitatifs et d'airs revient à passer à côté de l'œuvre et de ses enjeux dramatiques. Pourquoi les gens vont-ils à l'opéra ? Pour entendre une histoire avant tout.
Après, bien sûr que la musique est en rapport avec l'histoire et que la forme la sert. La forme est au service d'un projet esthétique et pas l'inverse sauf dans le formalisme extrême des années 60 en musique (Boulez) comme en littérature (le Nouveau Roman). Donc vouloir commencer à étudier une oeuvre en s'attachant à sa forme est :
1- pas judicieux pédagogiquement,
2- anachronique (projection d'une conception récente sur des oeuvres qui n'en demandaient pas tant).
- charlottofraiseNiveau 10
J'en parlais hier dans une autre discussion, à propos de Retz et mes anciens lycéens : j'aime traduire un texte avec les élèves, j'aime quand ils réagissent spontanément ("Ah madame, mais c'est une vrai langue de p***, en fait !") et surtout avec plaisir, une fois qu'ils ont lutté pour comprendre un texte.
Je bosse sur Micromegas et Zadig en ce moment, l'un en lecture cursive et l'autre étudié en classe. Je sais que mes élèves se coltinent beaucoup avec le texte mais ils sont assez fiers d'eux quand ils arrivent à dégager la problématique d'un passage ou à dépister l'ironie.
Je ne dis pas que je "crache" sur les lettres, on a justement étudié une lettre de Rousseau en lecture complémentaire, mais si l'année de 4e durait 20 mois au lieu de 10, j'aurais peut-être opté pour une œuvre complète.
edit : Je répondais à Camélionne.
Je bosse sur Micromegas et Zadig en ce moment, l'un en lecture cursive et l'autre étudié en classe. Je sais que mes élèves se coltinent beaucoup avec le texte mais ils sont assez fiers d'eux quand ils arrivent à dégager la problématique d'un passage ou à dépister l'ironie.
Je ne dis pas que je "crache" sur les lettres, on a justement étudié une lettre de Rousseau en lecture complémentaire, mais si l'année de 4e durait 20 mois au lieu de 10, j'aurais peut-être opté pour une œuvre complète.
edit : Je répondais à Camélionne.
- AuroreEsprit éclairé
Camélionne a écrit :
"Question : On nous dit toujours "Il faut
suivre le programme d'histoire. On fait le Moyen-Age en 5ème en
histoire, donc paf! on le voit en français aussi!"
Mais pourquoi est-ce NOUS qui devons les suivre et pas l'inverse, après tout?
C'est vrai, quoi!
C'est tout de même plus facile d'étudier l'histoire du siècle des Lumières que d'en lire les textes!!!!"
L'année où j'ai le plus appris en littérature c'était quand le professeur (qui était par ailleurs brillant) nous faisait étudier les œuvres chronologiquement. Tout prend alors du sens. Et oui, les écrivains lisaient avant d'écrire, et bien souvent se situent esthétiquement ou au niveau des idées en relation par rapport à leurs prédécesseurs et au contexte général.
Je trouve que lorsque c'est possible, relier les œuvres au programme d'histoire est très efficace pédagogiquement (ex : parler de Chostakovitch en 3ème quand les élèves étudient l'URSS ou de Beethoven en 4ème avec Napoléon en histoire). Il est vrai que suivre le programme d'histoire systématiquement peut poser des problèmes (que fait-on en 6ème, les 5èmes ont-ils les outils et la maturité pour étudier la littérature médiévale ?)
Ce qui me met en boule, c'est le saucissonnage chronologique sous prétexte d'étudier un aspect de la littérature (par exemple, l'étude de la lettre). Ceci est une aberration pédagogique. Les élèves du secondaire n'ont pas les connaissances de base en histoire comme en littérature pour se permettre de faire des ponts entre les différentes périodes qu'ils ne maîtrisent pas (ce serait un bon sujet universitaire).
Un écrivain n'écrit pas une lettre pour écrire une lettre mais parce qu'il veut y faire passer des idées et que cette forme-ci s'y prête mieux qu'une autre. Il me paraît plus judicieux alors d'intégrer l'étude d'un lettre par rapport à la production générale de l'auteur et de ses contemporains. Pourquoi avoir choisi à ce moment-là, pour ce sujet, d'écrire une lettre et pas autre chose ?
"Question : On nous dit toujours "Il faut
suivre le programme d'histoire. On fait le Moyen-Age en 5ème en
histoire, donc paf! on le voit en français aussi!"
Mais pourquoi est-ce NOUS qui devons les suivre et pas l'inverse, après tout?
C'est vrai, quoi!
C'est tout de même plus facile d'étudier l'histoire du siècle des Lumières que d'en lire les textes!!!!"
L'année où j'ai le plus appris en littérature c'était quand le professeur (qui était par ailleurs brillant) nous faisait étudier les œuvres chronologiquement. Tout prend alors du sens. Et oui, les écrivains lisaient avant d'écrire, et bien souvent se situent esthétiquement ou au niveau des idées en relation par rapport à leurs prédécesseurs et au contexte général.
Je trouve que lorsque c'est possible, relier les œuvres au programme d'histoire est très efficace pédagogiquement (ex : parler de Chostakovitch en 3ème quand les élèves étudient l'URSS ou de Beethoven en 4ème avec Napoléon en histoire). Il est vrai que suivre le programme d'histoire systématiquement peut poser des problèmes (que fait-on en 6ème, les 5èmes ont-ils les outils et la maturité pour étudier la littérature médiévale ?)
Ce qui me met en boule, c'est le saucissonnage chronologique sous prétexte d'étudier un aspect de la littérature (par exemple, l'étude de la lettre). Ceci est une aberration pédagogique. Les élèves du secondaire n'ont pas les connaissances de base en histoire comme en littérature pour se permettre de faire des ponts entre les différentes périodes qu'ils ne maîtrisent pas (ce serait un bon sujet universitaire).
Un écrivain n'écrit pas une lettre pour écrire une lettre mais parce qu'il veut y faire passer des idées et que cette forme-ci s'y prête mieux qu'une autre. Il me paraît plus judicieux alors d'intégrer l'étude d'un lettre par rapport à la production générale de l'auteur et de ses contemporains. Pourquoi avoir choisi à ce moment-là, pour ce sujet, d'écrire une lettre et pas autre chose ?
- Reine MargotDemi-dieu
lilith888 a écrit:marquisedemerteuil a écrit:Je suis d'accord avec VM: les oeuvres modernes, de plus, ne peuvent être bien comprises que si on maîtrise bien leurs sources, c'est à dire les classiques. Donc les classiques d'abord, ils sauront bien discerner ensuite les allusions dans le seigneur des anneaux et les simpsons.
mais c'est ce que je dis depuis le début !!!!!!
argh !
Mais tu dis que tu fais les deux en même temps (parallèle Classique/ moderne), or les élèves n'ont pe pas assez de connaissances de leurs classiques pour pouvoir établir une chronologie claire. Mes lycéens il y a qques années croyaient que Hugo était un poète du XVIIe siècle. Je suis d'accord avec Aurore: les "ponts" entre les époques ne font que brouiller la chronologie pour les élèves. J'ai toujours été outrée de voir qu'en lycée on commençait par "un mouvement du 19e ou 20e" en seconde, et ensuite uniquement les 16e, 17e, 18e...stupide!
_________________
Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
La famille Bélier
- jehanneNiveau 8
L'approche techniciste peut sembler réductrice et desséchante, dans la mesure où les élèves risquent de considérer qu'à chaque effet visé correspond un procédé: les écrivains apparaissent alors comme de super techniciens (ce qu'ils sont aussi, formés par la rhétorique jusqu'à la fin du XIXè, et réfléchissant à leur art de manière évidemment consciente).
Ce qu'on perd en route, c'est l'intérêt des élèves pour l'aspect organique de l'oeuvre, au sens où elle vient d'un vivant, qui a connu des expériences parfois uniques, dans une période singulière, et qui a tout simplement dit des choses nouvelles, qui n'avaient jamais été dites, ou jamais de manière aussi frappante avant lui, révélé des aspects du monde et de l'être (Proust a dû dire cela beaucoup mieux que moi)
On passionne les élèves avec Rousseau (celui des Rêveries, des Dialogues, des Confessions, des Lettres à Malesherbes) quand on part du bonhomme Rousseau, de son parcours unique de plébéien. On peut les passionner avec La Princesse de Clèves quand on étudie les idées en jeu : conception de la passion, rapport à l'être aimé, "surmoi".
Il faut que ce soit pour eux comme des expériences de vie.
C'est pourquoi la nouvelle orientation des programmes, s'il y en a une, me paraît bonne, à condition bien sûr d'éviter le bla-bla vaseux: la littérature est remise en rapport avec la vie, les choix moraux, les affects...
Cela va demander beaucoup aux collègues, car c'était peut-être plus facile d'avoir une approche techniciste (dont la caricature est pour moi cette question à laquelle devait répondre ma fille collégienne sur un extrait de la Bible (le sacrifice d'Isaac): "relever les verbes ancrés dans l'énonciation"!!!)
Cela dit, je ne doute pas que Lilith intéresse grandement ses élèves. La passion pour ce qu'on fait, c'est tout de même la clef...
Ce qu'on perd en route, c'est l'intérêt des élèves pour l'aspect organique de l'oeuvre, au sens où elle vient d'un vivant, qui a connu des expériences parfois uniques, dans une période singulière, et qui a tout simplement dit des choses nouvelles, qui n'avaient jamais été dites, ou jamais de manière aussi frappante avant lui, révélé des aspects du monde et de l'être (Proust a dû dire cela beaucoup mieux que moi)
On passionne les élèves avec Rousseau (celui des Rêveries, des Dialogues, des Confessions, des Lettres à Malesherbes) quand on part du bonhomme Rousseau, de son parcours unique de plébéien. On peut les passionner avec La Princesse de Clèves quand on étudie les idées en jeu : conception de la passion, rapport à l'être aimé, "surmoi".
Il faut que ce soit pour eux comme des expériences de vie.
C'est pourquoi la nouvelle orientation des programmes, s'il y en a une, me paraît bonne, à condition bien sûr d'éviter le bla-bla vaseux: la littérature est remise en rapport avec la vie, les choix moraux, les affects...
Cela va demander beaucoup aux collègues, car c'était peut-être plus facile d'avoir une approche techniciste (dont la caricature est pour moi cette question à laquelle devait répondre ma fille collégienne sur un extrait de la Bible (le sacrifice d'Isaac): "relever les verbes ancrés dans l'énonciation"!!!)
Cela dit, je ne doute pas que Lilith intéresse grandement ses élèves. La passion pour ce qu'on fait, c'est tout de même la clef...
- jehanneNiveau 8
À propos d'un classique en collège, Jjaime beaucoup ce témoignage trouvé sur le blog d'une collègue:
http://samantdi.net/dotclear/index.php?post/2009/05/28/Pendard%2C-vaurien%2C-infâme
Le lien n'ayant pas l'air de marcher, je colle son texte:
Mes 5ème 2 qui m'ont fait tourner en bourrique durant des mois se sont brusquement assagis depuis que nous avons commencé l'étude des Fourberies de Scapin.
Pourtant, j'ai beaucoup hésité à leur proposer cette pièce, pensant qu'ils n'y comprendraient rien et ne s'y intéresseraient pas.
Du coup, j'ai opté pour des lectures en classe avec des explications et des reformulations modernes, des indications de mise en scène.
Dès la première heure, ils ont été subjugués par ce texte, que je redécouvre finalement en le lisant avec leurs yeux.
Les garçons adorent jouer les pères en colère et se disputent les répliques où les fils se font admonester, soit par Scapin jouant un rôle, soit par les pères eux-mêmes.
- Madame, là, il est en colère?
- Oui, là, il est très en colère.
Je vois leurs joues se gonfler, leurs yeux lancer des flammes :
Comment, pendard, vaurien, infâme, fils indigne d'un père comme moi, oses-tu bien paraître devant mes yeux, après le lâche tour que tu m'as joué pendant mon absence?
Les filles préfèrent les scènes d'amour entre Hyacinthe et son mari clandestin, le bel Octave. Isadora se pâme en échangeant des répliques avec son propre amoureux, Enzo :
Mais que vois-je? vous pleurez! Pourquoi ces larmes? Me soupçonnez-vous, dites-moi, de quelque infidélité, et n'êtes-vous pas assurée de l'amour que j'ai pour vous?
Oui, Octave, je suis sûre que vous m'aimez; mais je ne le suis pas que vous m'aimiez toujours.
Pendant ce temps, Thomas et Alfred rient sous cape avec Romaine et Célia en entendant Hyacinthe déclarer : votre sexe aime moins longtemps que le nôtre, et les ardeurs que les hommes font voir sont des feux qui s'éteignent aussi facilement qu'ils naissent.
Je savoure ces moments de félicité.
Merci Molière !
http://samantdi.net/dotclear/index.php?post/2009/05/28/Pendard%2C-vaurien%2C-infâme
Le lien n'ayant pas l'air de marcher, je colle son texte:
Mes 5ème 2 qui m'ont fait tourner en bourrique durant des mois se sont brusquement assagis depuis que nous avons commencé l'étude des Fourberies de Scapin.
Pourtant, j'ai beaucoup hésité à leur proposer cette pièce, pensant qu'ils n'y comprendraient rien et ne s'y intéresseraient pas.
Du coup, j'ai opté pour des lectures en classe avec des explications et des reformulations modernes, des indications de mise en scène.
Dès la première heure, ils ont été subjugués par ce texte, que je redécouvre finalement en le lisant avec leurs yeux.
Les garçons adorent jouer les pères en colère et se disputent les répliques où les fils se font admonester, soit par Scapin jouant un rôle, soit par les pères eux-mêmes.
- Madame, là, il est en colère?
- Oui, là, il est très en colère.
Je vois leurs joues se gonfler, leurs yeux lancer des flammes :
Comment, pendard, vaurien, infâme, fils indigne d'un père comme moi, oses-tu bien paraître devant mes yeux, après le lâche tour que tu m'as joué pendant mon absence?
Les filles préfèrent les scènes d'amour entre Hyacinthe et son mari clandestin, le bel Octave. Isadora se pâme en échangeant des répliques avec son propre amoureux, Enzo :
Mais que vois-je? vous pleurez! Pourquoi ces larmes? Me soupçonnez-vous, dites-moi, de quelque infidélité, et n'êtes-vous pas assurée de l'amour que j'ai pour vous?
Oui, Octave, je suis sûre que vous m'aimez; mais je ne le suis pas que vous m'aimiez toujours.
Pendant ce temps, Thomas et Alfred rient sous cape avec Romaine et Célia en entendant Hyacinthe déclarer : votre sexe aime moins longtemps que le nôtre, et les ardeurs que les hommes font voir sont des feux qui s'éteignent aussi facilement qu'ils naissent.
Je savoure ces moments de félicité.
Merci Molière !
- DwarfVénérable
Lilith, sur la forme supérieure au fond, nous avons déjà eu un débat dessus avec Abraxas et de nombreux autres intervenants et, comme souvent, la vérité se trouve être plus proche de l'équilibre entre forme et fond que de l'un des deux exclusivement (c'était la conclusion naturelle à laquelle la majorité était arrivée). Cela ne signifie pas que l'on doit évacuer la forme mais elle ne saurait se suffire à elle-même, voilà tout.
Quant au débat qui semble vous opposer Véronique et toi, une fois de plus je crois que vous êtes victimes de la radicalisation de vos idées, fort intéressantes au demeurant.
De fait, il est EVIDENT que le but d'un enseignant est de transmettre une culture solide et la plus large possible à ses élèves. Faut-il pour cela partir de leurs références? D'expérience, je n'en suis pas convaincu : il faut au contraire leur laisser voir par eux-mêmes comment ce qu'on leur présente comme des nouveautés absolues n'en sont aucunement et ne font que s'inspirer de ce qui les précède.
Tu donnes l'exemple de Groening et des Simpsons. Très bon choix. Je connais les Simpsons, je les regarde et les apprécie quand j'en ai l'occasion (même si je les ai trouvés moins incisifs avec le temps, mais c'est un autre débat) : j'y repère spontanément un tas de références (notamment bibliques mais pas seulement, bien sûr) aux classiques que nous nous efforçons de faire passer à nos élèves. Cependant, je ne saurais PARTIR des Simpsons. Je préfère laisser les élèves intervenir en disant, pour commenter des épisodes de classiques vus en classe : "Tiens, c'est comme dans les Simpsons!". Et là, je leur fais dans la foulée comprendre et dire que pas exactement : "Ce sont les Simpsons qui sont comme... ", nuance!
Donc, dotons d'abord les élèves d'une culture pour qu'ils la retrouvent dans leurs références actuelles mais avec suffisamment d'ouverture et de connaissance desdites références (que nous ne sommes pas pour autant obligés d'apprécier) pour pouvoir rebondir sur leurs remarques. Mais encore faut-il effectivement les connaître un minimum.
En cela, Véronique, il paraît important de maîtriser ces mêmes références pour mettre en perspective ce que nous leur enseignons quand l'occasion se présente d'effectuer non pas un parallèle (qui induirait une mise sur le même plan relativiste, je suis d'accord avec vous) mais un prolongement.
Je vérifie chaque année en sixième le bien fondé du développement qui précède : après avoir étudié Bible et oeuvres d'Homère (parmi tant d'autres à commencer par Gilgamesh ou Ovide), les élèves comprennent conséquemment que le cheminement des références ne se fait pas du présent vers le passé mais l'inverse : et croyez-moi, c'est loin d'être évident pour des enfants (et même pour certains adultes) élevés dans le consumérisme, qui reproduit un éternel présent en prenant soin de le détacher de tout passé (et même de tout avenir).
Autre exemple : les élèves de quatrième mettant en avant Twilight, j'ai pu rebondir sur leur lecture en leur démontrant que c'était un anti-Dracula, mais PRECISEMENT parce que j'avais étudié le roman de Stoker avec eux dans l'année! Quant aux sixièmes qui m'ont fait le coup, j'ai rebondi sur les origines mythologiques bibliques de la figure du vampire (n'est-ce pas, Lilith?) et du thème de l'amour impossible (fort relatif en définitive dans Twilight, mais bon) pour leur montrer que Mme Meyer n'avait - contrairement à ce qu'ils croyaient de bonne foi, puisqu'on les avait entretenus dans cette certitude - pas inventé l'eau chaude! Certes, j'ai dû outrepasser le programme strict de sixième et leur raconter l'histoire de Tristan et Iseult (qu'aucun ne connaissait) et faire raconter celle de Roméo et Juliette au seul élève qui la connaissait. Bien sûr, je n'ai pu aller trop loin dans l'analyse (sixièmes oblige) mais au moins, j'ai pu voir à leurs mines un brin outrées qu'ils avaient compris avoir été floués et de fait victimes d'une publicité mensongère.
D'aucuns trouvera parmi les pédagogos le moyen de m'accuser de briser leurs enthousiasmes d'enfant et de désenchanter leur monde : non pas, juste de leur permettre d'exercer leur esprit critique en leur faisant apprécier les choses pour ce qu'elles sont et non pas pour ce qu'on veut leur faire croire.
EDIT : Pour finir, je pense, Lilith, que tu as raison de souligner qu'il ne faut pas cloisonner la culture et en faire un ensemble mort perçu comme propre aux enseignants et exclusivement rattaché au scolaire. C'est précisément le plus grand défi d'un professeur aujourd'hui, dans un monde à l'idéologie relativiste persistante et aux repères flous (entre autres, je rejoins Véronique sur ce point).
Quant au débat qui semble vous opposer Véronique et toi, une fois de plus je crois que vous êtes victimes de la radicalisation de vos idées, fort intéressantes au demeurant.
De fait, il est EVIDENT que le but d'un enseignant est de transmettre une culture solide et la plus large possible à ses élèves. Faut-il pour cela partir de leurs références? D'expérience, je n'en suis pas convaincu : il faut au contraire leur laisser voir par eux-mêmes comment ce qu'on leur présente comme des nouveautés absolues n'en sont aucunement et ne font que s'inspirer de ce qui les précède.
Tu donnes l'exemple de Groening et des Simpsons. Très bon choix. Je connais les Simpsons, je les regarde et les apprécie quand j'en ai l'occasion (même si je les ai trouvés moins incisifs avec le temps, mais c'est un autre débat) : j'y repère spontanément un tas de références (notamment bibliques mais pas seulement, bien sûr) aux classiques que nous nous efforçons de faire passer à nos élèves. Cependant, je ne saurais PARTIR des Simpsons. Je préfère laisser les élèves intervenir en disant, pour commenter des épisodes de classiques vus en classe : "Tiens, c'est comme dans les Simpsons!". Et là, je leur fais dans la foulée comprendre et dire que pas exactement : "Ce sont les Simpsons qui sont comme... ", nuance!
Donc, dotons d'abord les élèves d'une culture pour qu'ils la retrouvent dans leurs références actuelles mais avec suffisamment d'ouverture et de connaissance desdites références (que nous ne sommes pas pour autant obligés d'apprécier) pour pouvoir rebondir sur leurs remarques. Mais encore faut-il effectivement les connaître un minimum.
En cela, Véronique, il paraît important de maîtriser ces mêmes références pour mettre en perspective ce que nous leur enseignons quand l'occasion se présente d'effectuer non pas un parallèle (qui induirait une mise sur le même plan relativiste, je suis d'accord avec vous) mais un prolongement.
Je vérifie chaque année en sixième le bien fondé du développement qui précède : après avoir étudié Bible et oeuvres d'Homère (parmi tant d'autres à commencer par Gilgamesh ou Ovide), les élèves comprennent conséquemment que le cheminement des références ne se fait pas du présent vers le passé mais l'inverse : et croyez-moi, c'est loin d'être évident pour des enfants (et même pour certains adultes) élevés dans le consumérisme, qui reproduit un éternel présent en prenant soin de le détacher de tout passé (et même de tout avenir).
Autre exemple : les élèves de quatrième mettant en avant Twilight, j'ai pu rebondir sur leur lecture en leur démontrant que c'était un anti-Dracula, mais PRECISEMENT parce que j'avais étudié le roman de Stoker avec eux dans l'année! Quant aux sixièmes qui m'ont fait le coup, j'ai rebondi sur les origines mythologiques bibliques de la figure du vampire (n'est-ce pas, Lilith?) et du thème de l'amour impossible (fort relatif en définitive dans Twilight, mais bon) pour leur montrer que Mme Meyer n'avait - contrairement à ce qu'ils croyaient de bonne foi, puisqu'on les avait entretenus dans cette certitude - pas inventé l'eau chaude! Certes, j'ai dû outrepasser le programme strict de sixième et leur raconter l'histoire de Tristan et Iseult (qu'aucun ne connaissait) et faire raconter celle de Roméo et Juliette au seul élève qui la connaissait. Bien sûr, je n'ai pu aller trop loin dans l'analyse (sixièmes oblige) mais au moins, j'ai pu voir à leurs mines un brin outrées qu'ils avaient compris avoir été floués et de fait victimes d'une publicité mensongère.
D'aucuns trouvera parmi les pédagogos le moyen de m'accuser de briser leurs enthousiasmes d'enfant et de désenchanter leur monde : non pas, juste de leur permettre d'exercer leur esprit critique en leur faisant apprécier les choses pour ce qu'elles sont et non pas pour ce qu'on veut leur faire croire.
EDIT : Pour finir, je pense, Lilith, que tu as raison de souligner qu'il ne faut pas cloisonner la culture et en faire un ensemble mort perçu comme propre aux enseignants et exclusivement rattaché au scolaire. C'est précisément le plus grand défi d'un professeur aujourd'hui, dans un monde à l'idéologie relativiste persistante et aux repères flous (entre autres, je rejoins Véronique sur ce point).
- lilith888Grand sage
Aurore a écrit:
Ce qui captive les élèves est plus l'histoire, le(s) message(s) que soulève(nt) l'œuvre que sa forme. Ces messages peuvent être aussi bien strictement esthétiques et/ou politiques, philosophiques... Voir dans un opéra qu'une ouverture suivie d'une succession de récitatifs et d'airs revient à passer à côté de l'œuvre et de ses enjeux dramatiques. Pourquoi les gens vont-ils à l'opéra ? Pour entendre une histoire avant tout.
Après, bien sûr que la musique est en rapport avec l'histoire et que la forme la sert. La forme est au service d'un projet esthétique et pas l'inverse sauf dans le formalisme extrême des années 60 en musique (Boulez) comme en littérature (le Nouveau Roman). Donc vouloir commencer à étudier une oeuvre en s'attachant à sa forme est :
1- pas judicieux pédagogiquement,
2- anachronique (projection d'une conception récente sur des oeuvres qui n'en demandaient pas tant).
Vous êtes donc d'accord que l'art ne sert qu'à se regarder le nombril dans un miroir ? De l'art par l'homme et pour l'homme. Or, excusez moi, mais jusqu'à preuve du contraire, les personnages de papier ne sont pas des vrais humains, ils ne peuvent donc pas être étudiés comme tels. Sinon, on tombe dans l'illusion.
D'autre part, concernant les anachronismes, vous êtes selon moi hors-sujet. La rhétorique existe depuis belle lurette.
- lilith888Grand sage
jehanne a écrit:Ce qu'on perd en route, c'est l'intérêt des élèves pour l'aspect organique de l'oeuvre, au sens où elle vient d'un vivant, qui a connu des expériences parfois uniques, dans une période singulière, et qui a tout simplement dit des choses nouvelles, qui n'avaient jamais été dites, ou jamais de manière aussi frappante avant lui, révélé des aspects du monde et de l'être (Proust a dû dire cela beaucoup mieux que moi)
On passionne les élèves avec Rousseau (celui des Rêveries, des Dialogues, des Confessions, des Lettres à Malesherbes) quand on part du bonhomme Rousseau, de son parcours unique de plébéien. On peut les passionner avec La Princesse de Clèves quand on étudie les idées en jeu : conception de la passion, rapport à l'être aimé, "surmoi".
Il faut que ce soit pour eux comme des expériences de vie.
Où place-t-on alors les faux, les pastiches, les réécritures diverses ? Comment expliquer alors qu'on peut imiter à la perfection le style d'un écrivain, sans être cet écrivain là ? Proust lui même était un fameux pasticheur. Pour moi, la littérature ne doit pas se résumer à un reflet de sentimentalisme, ou s'approcher dangereusement du divan....
- lilith888Grand sage
Dwarf, on est d'accord, je n'ai JAMAIS dit que je partais des références des élèves... bien au contraire, lorsque je montre des scènes de films, cela arrive en fin de séquence, pour que l'on fasse des ponts avec les textes étudiés
- DwarfVénérable
lilith888 a écrit:
Vous êtes donc d'accord que l'art ne sert qu'à se regarder le nombril dans un miroir ? De l'art par l'homme et pour l'homme. Or, excusez moi, mais jusqu'à preuve du contraire, les personnages de papier ne sont pas des vrais humains, ils ne peuvent donc pas être étudiés comme tels. Sinon, on tombe dans l'illusion.
D'autre part, concernant les anachronismes, vous êtes selon moi hors-sujet. La rhétorique existe depuis belle lurette.
J'avoue que ton matérialisme m'effraie un peu quand je t'entends parler de personnages de papier qui font tomber dans l'illusion... :shock: Je suppose que tu dois alors profondément mépriser l'approche symbolique d'un Michel Tournier sur ses personnages...
Ensuite, à propos de ta référence à la rhétorique, je rappellerai qu'elle est à la base censée s'appliquer aux discours et trouve matière à donner les clés d'une expression orale plus efficace dans une visée argumentative. Les clausules métriques sont là pour codifier l'articulation de la phrase et de sa fonction argumentative autant que pour faire beau.
Il ne faut, sur un plan général, pas confondre règles de composition qui régissent une esthétique pour en définir des cadres et des formes typées (c'est là que l'on parle d'école) et inspiration personnelle qui trouve à s'épanouir dans ces mêmes formes. L'écriture ne saurait être seulement un ensemble de méthodes et de codes à appliquer pour le tout venant. Souvent, un génie se démarque, fascine puis inspire des continuateurs zélés qui s'enferment dans la reproduction d'une forme précise mais à la longue stérile. Dans les écoles,on retient surtout les inspirateurs, les premiers suiveurs mais certes pas les autres.
Et tant que nous y sommes, il suffira, pour montrer les pièges que pose la considération exclusive de la forme, de faire référence à Zoïle face à Homère. Qui a-t-on retenu des deux et lequel des deux a-t-il fait de son nom un terme plutôt péjoratif?
- DwarfVénérable
lilith888 a écrit:Dwarf, on est d'accord, je n'ai JAMAIS dit que je partais des références des élèves... bien au contraire, lorsque je montre des scènes de films, cela arrive en fin de séquence, pour que l'on fasse des ponts avec les textes étudiés
Dans ces conditions, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes (matériels, si j'ai bien compris ).
- CarabasVénérable
Ah, toi aussi? Comment leur faire comprendre après que les oeuvres s'inscrivent dans un contexte, quand on met ainsi la charrue avant les boeufs?marquisedemerteuil a écrit:lilith888 a écrit:marquisedemerteuil a écrit:Je suis d'accord avec VM: les oeuvres modernes, de plus, ne peuvent être bien comprises que si on maîtrise bien leurs sources, c'est à dire les classiques. Donc les classiques d'abord, ils sauront bien discerner ensuite les allusions dans le seigneur des anneaux et les simpsons.
mais c'est ce que je dis depuis le début !!!!!!
argh !
Mais tu dis que tu fais les deux en même temps (parallèle Classique/ moderne), or les élèves n'ont pe pas assez de connaissances de leurs classiques pour pouvoir établir une chronologie claire. Mes lycéens il y a qques années croyaient que Hugo était un poète du XVIIe siècle. Je suis d'accord avec Aurore: les "ponts" entre les époques ne font que brouiller la chronologie pour les élèves. J'ai toujours été outrée de voir qu'en lycée on commençait par "un mouvement du 19e ou 20e" en seconde, et ensuite uniquement les 16e, 17e, 18e...stupide!
C'est exactement ça que je trouve passionnant dans le métier de prof de Lettres : les doter des références qui leur manquent! J'aime quand mes élèves font tout seuls le lien avec le présent, montrer la continuité et la rupture. Les priver de cette culture classique, c'est les condamner à se contenter de la médiocrité. Bien sûr, la modernité ne produit pas que de la médiocrité, mais ils sauront la trouvont après qu'ils auront intégré la culture classique (malgré le flou de ses frontières.)De fait, il est EVIDENT que le but d'un enseignant est de transmettre une culture solide et la plus large possible à ses élèves. Faut-il pour cela partir de leurs références? D'expérience, je n'en suis pas convaincu : il faut au contraire leur laisser voir par eux-mêmes comment ce qu'on leur présente comme des nouveautés absolues n'en sont aucunement et ne font que s'inspirer de ce qui les précède.
Tu donnes l'exemple de Groening et des Simpsons. Très bon choix. Je connais les Simpsons, je les regarde et les apprécie quand j'en ai l'occasion (même si je les ai trouvés moins incisifs avec le temps, mais c'est un autre débat) : j'y repère spontanément un tas de références (notamment bibliques mais pas seulement, bien sûr) aux classiques que nous nous efforçons de faire passer à nos élèves. Cependant, je ne saurais PARTIR des Simpsons. Je préfère laisser les élèves intervenir en disant, pour commenter des épisodes de classiques vus en classe : "Tiens, c'est comme dans les Simpsons!". Et là, je leur fais dans la foulée comprendre et dire que pas exactement : "Ce sont les Simpsons qui sont comme... ", nuance!
Donc, dotons d'abord les élèves d'une culture pour qu'ils la retrouvent dans leurs références actuelles mais avec suffisamment d'ouverture et de connaissance desdites références (que nous ne sommes pas pour autant obligés d'apprécier) pour pouvoir rebondir sur leurs remarques. Mais encore faut-il effectivement les connaître un minimum.
En cela, Véronique, il paraît important de maîtriser ces mêmes références pour mettre en perspective ce que nous leur enseignons quand l'occasion se présente d'effectuer non pas un parallèle (qui induirait une mise sur le même plan relativiste, je suis d'accord avec vous) mais un prolongement.
Je vérifie chaque année en sixième le bien fondé du développement qui précède : après avoir étudié Bible et oeuvres d'Homère (parmi tant d'autres à commencer par Gilgamesh ou Ovide), les élèves comprennent conséquemment que le cheminement des références ne se fait pas du présent vers le passé mais l'inverse : et croyez-moi, c'est loin d'être évident pour des enfants (et même pour certains adultes) élevés dans le consumérisme, qui reproduit un éternel présent en prenant soin de le détacher de tout passé (et même de tout avenir).
Autre exemple : les élèves de quatrième mettant en avant Twilight, j'ai pu rebondir sur leur lecture en leur démontrant que c'était un anti-Dracula, mais PRECISEMENT parce que j'avais étudié le roman de Stoker avec eux dans l'année! Quant aux sixièmes qui m'ont fait le coup, j'ai rebondi sur les origines mythologiques bibliques de la figure du vampire (n'est-ce pas, Lilith?) et du thème de l'amour impossible (fort relatif en définitive dans Twilight, mais bon) pour leur montrer que Mme Meyer n'avait - contrairement à ce qu'ils croyaient de bonne foi, puisqu'on les avait entretenus dans cette certitude - pas inventé l'eau chaude! Certes, j'ai dû outrepasser le programme strict de sixième et leur raconter l'histoire de Tristan et Iseult (qu'aucun ne connaissait) et faire raconter celle de Roméo et Juliette au seul élève qui la connaissait. Bien sûr, je n'ai pu aller trop loin dans l'analyse (sixièmes oblige) mais au moins, j'ai pu voir à leurs mines un brin outrées qu'ils avaient compris avoir été floués et de fait victimes d'une publicité mensongère.
- Reine MargotDemi-dieu
vi. Paraît que même les étudiants en licence de LM font des confusions terribles là-dessus.
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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
La famille Bélier
- DwarfVénérable
marquisedemerteuil a écrit:vi. Paraît que même les étudiants en licence de LM font des confusions terribles là-dessus.
Il faudrait demander à Abraxas... :lol:
- DwarfVénérable
Certes, mais le pastiche reste un jeu, un exercice, une forme d'hommage ou le palliatif à une absence (cf. La Bataille de Rambaud) et ne saurait à elle seule constituer une fin. Quant au divan, inutile d'aller trop loin ou de caricaturer : on peut s'arrêter à ce que l'on sait des intentions avérées de l'auteur (c'est déjà beaucoup de matière à travailler) sans vouloir aller explorer sa psyché et en tirer (souvent) des interprétations foireuses voire même des contre-sens. une fois de plus, tout ici n'est qu'une question de MESURE et ce n'est pas en radicalisant les propos des différents tenants du débat que nous avancerons ensemble.lilith888 a écrit:
Où place-t-on alors les faux, les pastiches, les réécritures diverses ? Comment expliquer alors qu'on peut imiter à la perfection le style d'un écrivain, sans être cet écrivain là ? Proust lui même était un fameux pasticheur. Pour moi, la littérature ne doit pas se résumer à un reflet de sentimentalisme, ou s'approcher dangereusement du divan....
- jehanneNiveau 8
lilith888 a écrit:
Vous êtes donc d'accord que l'art ne sert qu'à se regarder le nombril dans un miroir ? De l'art par l'homme et pour l'homme. Or, excusez moi, mais jusqu'à preuve du contraire, les personnages de papier ne sont pas des vrais humains, ils ne peuvent donc pas être étudiés comme tels. Sinon, on tombe dans l'illusion.
J'assume l'illusion comme porte d'entrée dans l'oeuvre. Wilde : "La mort de Lucien de Rubempré est le plus grand drame de ma vie". Et Vargas LLosa "Une poignée de personnages littéraires ont marqué ma vie de façon plus durable qu'une bonne partie des êtres en chair et en os" (dans "L'orgie perpétuelle", où il avoue, je crois, qu'il n'a jamais été amoureux d'aucune femme autant que d'Emma Bovary). Le bouquin de Vargas LLosa est d'ailleurs un des meilleurs écrits sur Flaubert.
Position de lecteur naïve peut-être, mais qui en ce qui me concerne a déterminé mon métier: je ne me serais jamais consacré à enseigner les lettres si je n'étais pas entrée dans ces oeuvres absolument comme dans un monde vrai. En tout cas, pour de jeunes élèves, je pense que c'est la bonne entrée (cf l'expérience de la collègue que j'ai citée...). Ensuite, pour des étudiants en lettres, on voit le fonctionnement, les procédés, les figures, les codes et formules, et éventuellement on met ça en équations...
Pour le second Todorov (le repenti) contre le premier!
- lilith888Grand sage
Dwarf a écrit:Certes, mais le pastiche reste un jeu, un exercice, une forme d'hommage ou le palliatif à une absence (cf. La Bataille de Rambaud) et ne saurait à elle seule constituer une fin. Quant au divan, inutile d'aller trop loin ou de caricaturer : on peut s'arrêter à ce que l'on sait des intentions avérées de l'auteur (c'est déjà beaucoup de matière à travailler) sans vouloir aller explorer sa psyché et en tirer (souvent) des interprétations foireuses voire même des contre-sens. une fois de plus, tout ici n'est qu'une question de MESURE et ce n'est pas en radicalisant les propos des différents tenants du débat que nous avancerons ensemble.
argh, le pastiche est mon domaine de recherche actuel. Et je peux te garantir qu'il peut être une fin en soi, et qu'il soulève une infinité de problématiques, pour ne pas dire une révolution culturelle (osons).
Pour les intentions avérées de l'auteur, là encore, je rappelle souvent aux élèves qu'un écrivain est le plus grand des menteurs.... et pour les lettres, comme l'a dit si bien Mauriac avant moi "rien que le mot "correspondances" devrait nous interpeller : il s'agit en effet, et en premier lieu, de "correspondre" à l'image que l'autre se fait de nous"... Le message et la sincérité supposée sont donc bien loin.
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