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- User17706Bon génie
Bis repetita :
Vous n'avez fait, je crois, aucun commentaire sur cette explication, que j'ai proposée, du choix de traduction de Renaut pour genau angemessene Analogie. Si vous estimez que mon explication ne rend pas bien compte de ce choix, ou qu'elle ne suffit pas à justifier ce choix par rapport à une autre traduction qui serait meilleure, bien entendu votre qualité de germaniste vous y autorise, et plus encore les arguments que vous fournirez pour cela. Seulement, vous vous êtes pour l'instant contenté du verdict, nous n'avons pas eu les attendus.
Autrement dit, vous traitez ce cas comme un cas où l'on voit tout de suite qu'aucune justification qu'on pourrait en donner ne pourrait sauver la traduction, et si je suis tout prêt à ranger « Ort = point » dans cette catégorie-là, je suis beaucoup plus circonspect sur l'exemple du § 65.
(Toute cette discussion s'entend évidemment à partir du moment où l'on suppose que tout le monde sait, y compris Renaut évidemment, que la traduction la plus ordinaire d'angemessen, c'est « approprié », « adapté »... « adéquat »... éventuellement « convenable ».)
PauvreYorick, page 27, a écrit:Ce que le texte français essaie d'expliciter, ce n'est pas du tout l'idée d'une conformité de l'analogie à quelque chose, mais l'idée d'une analogie au sein de laquelle (« où ») le rapport entre art et produit de l'art est conforme au rapport entre nature et produit de la nature. Ce qui pose exactement zéro problème, me semble-t-il, parce que ce concept de la « conformité » fonctionne naturellement comme définition même du caractère correct ou approprié d'une analogie.
Vous n'avez fait, je crois, aucun commentaire sur cette explication, que j'ai proposée, du choix de traduction de Renaut pour genau angemessene Analogie. Si vous estimez que mon explication ne rend pas bien compte de ce choix, ou qu'elle ne suffit pas à justifier ce choix par rapport à une autre traduction qui serait meilleure, bien entendu votre qualité de germaniste vous y autorise, et plus encore les arguments que vous fournirez pour cela. Seulement, vous vous êtes pour l'instant contenté du verdict, nous n'avons pas eu les attendus.
Autrement dit, vous traitez ce cas comme un cas où l'on voit tout de suite qu'aucune justification qu'on pourrait en donner ne pourrait sauver la traduction, et si je suis tout prêt à ranger « Ort = point » dans cette catégorie-là, je suis beaucoup plus circonspect sur l'exemple du § 65.
(Toute cette discussion s'entend évidemment à partir du moment où l'on suppose que tout le monde sait, y compris Renaut évidemment, que la traduction la plus ordinaire d'angemessen, c'est « approprié », « adapté »... « adéquat »... éventuellement « convenable ».)
- klaus2Habitué du forum
Il faut être agrégé de philosophie pour trouver ça, non ?
je suis très éloigné de cela !! Le texte allemand dit à mon avis : la perfection inhérente à la nature n'est pas compréhensible par les humains, même si on trouvait une analogie convenable, une comparaison appropriée avec (la perfection de?) l'art.
P.S.: "yorick", ça a un sens en français ?
je suis très éloigné de cela !! Le texte allemand dit à mon avis : la perfection inhérente à la nature n'est pas compréhensible par les humains, même si on trouvait une analogie convenable, une comparaison appropriée avec (la perfection de?) l'art.
P.S.: "yorick", ça a un sens en français ?
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Eine andere Sprache zu können, ist wie eine zweite Seele zu besitzen.“ – Karl der Große. "Parler une autre langue, c'est comme posséder une seconde âme" (Charlemagne)
- User17706Bon génie
Je précisais bien, au moment où j'écrivais cela, que ça faisait de la phrase française une « glose ». Ça tend à vous donner partiellement raison : le texte français se livre à des précisions que, littéralement, la phrase allemande ne comporte pas. Je ne pense pas qu'on puisse reprocher grand'chose à votre proposition de traduction : mais je ne pense pas non plus qu'on puisse qualifier la glose de Renaut, sans plus, comme « mauvaise », parce que je crois que, comme glose, elle est exacte.
Petite précision : je crois que ce que la phrase dit, c'est plutôt que nous ne trouverons pas d'analogie convenable ou correcte parce que nous appartenons nous-mêmes à la nature. (C'est cette appartenance qui empêche précisément que la condition angemessene Analogie soit remplie.)
Il n'est pas nécessaire d'avoir spécifiquement étudié la philosophie pour trouver cela, ce qu'il faut en revanche c'est prendre en compte d'autres textes de Kant que cet extrait, ça c'est certain. J'en ai indiqué certains plus haut dans le fil, notamment celui qui définit l'usage kantien du concept d'analogie dans les Prolégomènes. Kant, qui n'est pas toujours absolument constant dans ses choix terminologiques (Vermögen justement en fournit un bon exemple), se surveille de très près, me semble-t-il, toutes les fois qu'il emploie Analogie.
P.S. : pas plus qu'en anglais
Petite précision : je crois que ce que la phrase dit, c'est plutôt que nous ne trouverons pas d'analogie convenable ou correcte parce que nous appartenons nous-mêmes à la nature. (C'est cette appartenance qui empêche précisément que la condition angemessene Analogie soit remplie.)
Il n'est pas nécessaire d'avoir spécifiquement étudié la philosophie pour trouver cela, ce qu'il faut en revanche c'est prendre en compte d'autres textes de Kant que cet extrait, ça c'est certain. J'en ai indiqué certains plus haut dans le fil, notamment celui qui définit l'usage kantien du concept d'analogie dans les Prolégomènes. Kant, qui n'est pas toujours absolument constant dans ses choix terminologiques (Vermögen justement en fournit un bon exemple), se surveille de très près, me semble-t-il, toutes les fois qu'il emploie Analogie.
P.S. : pas plus qu'en anglais
- klaus2Habitué du forum
Ce n'est pas, selon moi, ce que dit l'allemand : on ne comprendrait pas cette perfection de la nature même si on avait une analogie appropriée avec l'art (donc on pourrait se donner la peine d'en trouver une, mais ça ne servirait à rien).etite précision : je crois que ce que la phrase dit, c'est plutôt que nous ne trouverons pas d'analogie convenable ou correcte parce que nous appartenons nous-mêmes à la nature. (C'est cette appartenance qui empêche précisément que la condition angemessene Analogie soit remplie.)
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- User17706Bon génie
Mais dans ce cas, pourquoi cela ne servirait-il à rien ? (On risque d'aboutir à une incohérence, me semble-t-il, au niveau du raisonnement même.)klaus2 a écrit:Ce n'est pas, selon moi, ce que dit l'allemand : on ne comprendrait pas cette perfection de la nature même si on avait une analogie appropriée avec l'art (donc on pourrait se donner la peine d'en trouver une, mais ça ne servirait à rien).Petite précision : je crois que ce que la phrase dit, c'est plutôt que nous ne trouverons pas d'analogie convenable ou correcte parce que nous appartenons nous-mêmes à la nature. (C'est cette appartenance qui empêche précisément que la condition angemessene Analogie soit remplie.)
EDIT : bon, avec « incohérence », je vais un peu vite en besogne. Disons que ça aboutirait, me semble-t-il, à supposer que Kant lâche ici une affirmation sans justification. À voir de plus près.
- klaus2Habitué du forum
excusez-moi, j'ai du mal à m'exprimer avec clarté (pourtant je fais des effort) ; (cela ne servirait à rien) parce que nous faisons partie, dans une large acception, de cette nature, dit Kant. Doit-on comprendre : le sujet ne peut juger que l'objet extérieur à lui-même ? là, c'est vous qui savez !
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- User17706Bon génie
Les deux interprétations, en tout cas, me semblent grammaticalement possibles. (J'attends de savoir si vous êtes d'accord avec ça.)
Pour défendre ma lecture (apparemment Renaut a fait la même, en tout cas c'est ainsi que je m'explique qu'il ait choisi de traduire ainsi et d'utiliser un conditionnel pour parler de l'analogie), j'ai donné une explication page 1 du fil (c'est tout simplement mon premier post dans ce fil, j'ai explicité un peu après).
Pour ne pas prendre abusivement de la place je mets en spoiler le copié-collé.
Pour défendre ma lecture (apparemment Renaut a fait la même, en tout cas c'est ainsi que je m'explique qu'il ait choisi de traduire ainsi et d'utiliser un conditionnel pour parler de l'analogie), j'ai donné une explication page 1 du fil (c'est tout simplement mon premier post dans ce fil, j'ai explicité un peu après).
Pour ne pas prendre abusivement de la place je mets en spoiler le copié-collé.
- Spoiler:
- PauvreYorick, page 1, a écrit:Ce qui rend l'analogie fragile c'est (en restant tout près du sens littéral) l'absence d'indépendance des termes comparant et comparé : on n'a pas spéculativement les moyens d'exclure que les produits de l'art, étant les produits d'une partie de la nature, soient en un sens des produits de la nature, ou du moins on a forcément une difficulté à cause de cette relation même. Et d'ailleurs, il y a bien des produits de l'art où il est explicitement envisagé qu'en un sens c'est la nature qui s'exprime : toute l'analyse du génie tient là-dessus.
[...]
Kant [...] insiste sur le rapport qui lie les termes eux-mêmes, soit « art / produits de l'art » d'un côté et « nature / produits de la nature » de l'autre, le terme à éclairer étant le troisième ─ et sans que Kant fasse ici référence à une difficulté supplémentaire qui tiendrait au caractère réflexif de la démarche.PauvreYorick, page 3, a écrit:Si j'essaie de dire différemment ce que j'ai suggéré page 1 (sur le passage précis qui a provoqué l'ouverture du fil), je peux arriver à ceci: penser la nature par une analogie précise avec l'art (la production humaine) supposerait d'être d'abord capable d'isoler strictement ce qui, dans l'art, ne doit justement rien à la nature, puisque c'est le concept de nature qui est, suppose-t-on, à éclairer par le recours à un autre concept supposément mieux connu et connu indépendamment. Le hic, c'est que les analyses qui ont précédé et notamment l'analyse du génie, §46, tendent à ruiner cet objectif préalable: par le génie, la nature intervient, de manière insondable, dans l'art. Les productions de l'art sont aussi, en un sens, des productions de la nature (plus on s'approche du génie dans son côté «brutal», si j'ose dire, c'est-à-dire d'un talent qui crée volcaniquement sans savoir lui-même comment il s'y prend, plus c'est visible).
Dit encore autrement: il n'y a pas d'un côté les productions humaines et de l'autre les productions de la nature. Si comprendre comment la nature produit à partir du modèle de la production humaine n'est pas une piste suffisamment satisfaisante, c'est entre autres, pas seulement mais entre autres, parce que comprendre l'analogon proposé, comprendre la production humaine, supposerait déjà de comprendre la part de nature qui s'y manifeste. Cela, outre les limites (traditionnellement reconnues) indiquées en tout début de texte. Bref ce qui rend l'analogie imprécise c'est le fait que le terme qui devrait aider à penser ou expliquer l'autre n'est pas clairement connaissable indépendamment de l'autre. Je serais curieux d'autres suggestions d'interprétation, bien sûr.
- GrypheMédiateur
Juste pour ma gouverne, est-ce que quelque part dans les 35 pages du discussion figurerait une sorte de résumé de ce que signifie le fameux paragraphe 65 ? Enfin, un résumé accessible au commun des mortels sans trop de prise de tête ?
- Spoiler:
- Ayez pitié des pauvres non-philosophes qui font semblant de s'intéresser au truc, mais qui n'y comprennent pas grand chose. :lol!:
- User17706Bon génie
J'ai proposé plus haut de résumer non les arguments mais le propos de l'extrait de la façon suivante :
(Les explications page 4 sont plus complètes ; elles sont à l'intérieur d'un spoiler.)
PauvreYorick, page 4, a écrit:le pouvoir auto-organisateur de la nature, visible dans les «êtres organisés», est mystérieux dans la mesure où il paraît entièrement original (nous n'avons pas à notre disposition d'exemple précis d'un pouvoir analogue, que nous comprendrions).
(Les explications page 4 sont plus complètes ; elles sont à l'intérieur d'un spoiler.)
- ParménideNeoprof expérimenté
Gryphe a écrit:Juste pour ma gouverne, est-ce que quelque part dans les 35 pages du discussion figurerait une sorte de résumé de ce que signifie le fameux paragraphe 65 ? Enfin, un résumé accessible au commun des mortels sans trop de prise de tête ?
- Spoiler:
Ayez pitié des pauvres non-philosophes qui font semblant de s'intéresser au truc, mais qui n'y comprennent pas grand chose. :lol!:
Très simple : il suffira que je tape mon commentaire. Qui est "remarquable" à ce qu'il parait
Mais c'est quelque chose de toute façon perfectible, même si je suis au maximum objectif de mes capacités.
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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
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https://www.babelio.com/monprofil.php
- GrypheMédiateur
Merci !PauvreYorick a écrit:PauvreYorick, page 4, a écrit:le pouvoir auto-organisateur de la nature, visible dans les «êtres organisés», est mystérieux dans la mesure où il paraît entièrement original (nous n'avons pas à notre disposition d'exemple précis d'un pouvoir analogue, que nous comprendrions).
(Les explications page 4 sont plus complètes ; elles sont à l'intérieur d'un spoiler.)
- klaus2Habitué du forum
je remets l'allemand et (mon) français en spoiler :
Aber innere Naturvollkommenheit, wie sie diejenigen Dinge besitzen, welche nur als Naturzwecke möglich sind und darum organisierte Wesen heißen, ist nach keiner Analogie irgendeines uns bekannten physischen, d. i. Naturvermögens, ja da wir selbst zur Natur im weitesten Verstande gehören, selbst nicht einmal durch eine genau angemessene Analogie mit menschlicher Kunst denkbar und erklärlich.
S'il fallait traduire plus littéralement, il faudrait avoir traduit le nach keiner Analogie par : après avoir fait des analogies.. mais c'est lourd !!
Aber innere Naturvollkommenheit, wie sie diejenigen Dinge besitzen, welche nur als Naturzwecke möglich sind und darum organisierte Wesen heißen, ist nach keiner Analogie irgendeines uns bekannten physischen, d. i. Naturvermögens, ja da wir selbst zur Natur im weitesten Verstande gehören, selbst nicht einmal durch eine genau angemessene Analogie mit menschlicher Kunst denkbar und erklärlich.
- Spoiler:
- Mais une perfection inhérente à la nature, telle que la possèdent les objets qui ne sont possibles qu’en tant que fins naturelles, et ont pour cela le nom d’êtres organisés, ne peut être ni pensable ni explicable au moyen d’une analogie avec une quelconque aptitude physique, c’est-à-dire de la nature, connue de nous, et, étant donné que nous faisons partie de la nature dans une large acception, ne peut même pas être pensable ni explicable au moyen d’une analogie avec l’art humain, fût-elle tout à fait appropriée.
S'il fallait traduire plus littéralement, il faudrait avoir traduit le nach keiner Analogie par : après avoir fait des analogies.. mais c'est lourd !!
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- User17706Bon génie
Mmmh, vous ne tranchez pas sur la question de la possibilité d'une telle analogie, ou plutôt votre traduction tranche, mais dans un sens qui, je crois, introduit une possibilité que précisément Kant veut exclure.
Êtes-vous sûr que le texte sous-entend obligatoirement qu'une comparaison genau angemessene avec l'art est possible? parce que le fait qu'une comparaison avec l'art soit possible n'est effectivement absolument pas remis en cause, puisque l'ensemble du texte n'est là que pour évaluer l'utilité et les limites de cette comparaison tout à fait traditionnelle et qui remonte au moins à Aristote.
Sinon, je maintiens mon autre réserve, évoquée il y a une douzaine de pages ou plus : « aptitude » est une traduction délicate à défendre pour Vermögen parce qu'en général, une aptitude est quelque chose que l'on peut exercer ou ne pas exercer, quelque chose qui implique une forme de spontanéité. Or, ici, Kant pense très généralement à tout ce qui dans la nature produit des effets. On parlerait difficilement de l'aptitude des nuages à produire de la pluie, par exemple.
Chez Baumgarten et Kant, Vermögen fonctionne en couple avec Kraft, le rapport entre les deux étant en gros celui d'une puissance envisagée dans la possibilité de son exercice et celui d'une puissance envisagée dans son exercice. On trouve des traductions latines : Kraft est proposé comme équivalent de vis et Vermögen comme équivalent de facultas. Mais en français moderne, il est un peu rude de parler des « facultés » de la nature (on dit difficilement qu'un corps en mouvement a la « faculté » de provoquer le mouvement d'un autre corps et plus aisément qu'il en a le « pouvoir » ; enfin c'est ce qu'il me semble).
Êtes-vous sûr que le texte sous-entend obligatoirement qu'une comparaison genau angemessene avec l'art est possible? parce que le fait qu'une comparaison avec l'art soit possible n'est effectivement absolument pas remis en cause, puisque l'ensemble du texte n'est là que pour évaluer l'utilité et les limites de cette comparaison tout à fait traditionnelle et qui remonte au moins à Aristote.
Sinon, je maintiens mon autre réserve, évoquée il y a une douzaine de pages ou plus : « aptitude » est une traduction délicate à défendre pour Vermögen parce qu'en général, une aptitude est quelque chose que l'on peut exercer ou ne pas exercer, quelque chose qui implique une forme de spontanéité. Or, ici, Kant pense très généralement à tout ce qui dans la nature produit des effets. On parlerait difficilement de l'aptitude des nuages à produire de la pluie, par exemple.
Chez Baumgarten et Kant, Vermögen fonctionne en couple avec Kraft, le rapport entre les deux étant en gros celui d'une puissance envisagée dans la possibilité de son exercice et celui d'une puissance envisagée dans son exercice. On trouve des traductions latines : Kraft est proposé comme équivalent de vis et Vermögen comme équivalent de facultas. Mais en français moderne, il est un peu rude de parler des « facultés » de la nature (on dit difficilement qu'un corps en mouvement a la « faculté » de provoquer le mouvement d'un autre corps et plus aisément qu'il en a le « pouvoir » ; enfin c'est ce qu'il me semble).
- klaus2Habitué du forum
on a : ist... nicht einmal durch eine genau angemessene Analogie mit .. erklärlich.Êtes-vous sûr que le texte sous-entend obligatoirement qu'une comparaison genau angemessene avec l'art est possible?
donc, littéralement : "n'est pas explicable, même pas par une analogie/comparaison parfaitement appropriée (tout à fait pertinente) avec l'art humain." Si Kant avait voulu dire que cette analogie n'est pas possible, il aurait ajouté un subj II, donc un irréel : und wäre nicht einmal durch eine genau ... ; l''indicatif "ist" va dans le sens de la possibilité de telles comparaisons.
On peut penser à "capacité" pour Vermögen. Sinon, "gehören zu", ce n'est pas appartenir, mais faire partie, un germaniste de base le sait.
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- User17706Bon génie
« Capacité » pose un peu le même genre de problème, mais à un moindre degré, je vous l'accorde. Les plus récents traducteurs anglais de Kant ont fait le choix de traduire aussi souvent que possible Kraft par « power » et Vermögen par « faculty », parfois par « capacity » (lequel est utilisé aussi pour des composés en -fähigkeit) ; ce qui devrait vous convenir mieux que les choix que font majoritairement les traducteurs français.
Sinon, merci pour l'explicitation de votre lecture (ist à l'indicatif). J'y réfléchis : vous avez là un argument.
La remarque est juste, mais on doit ajouter qu'en français, « appartenir à » peut, en certains contextes (au nombre desquels, sans le moindre doute, celui-ci), signifier très exactement la même chose que « faire partie de », ne pensez-vous pas ?klaus2 a écrit: Sinon, "gehören zu", ce n'est pas appartenir, mais faire partie, un germaniste de base le sait.
Sinon, merci pour l'explicitation de votre lecture (ist à l'indicatif). J'y réfléchis : vous avez là un argument.
- ParménideNeoprof expérimenté
Je n'aurais jamais cru que juste un paragraphe d'un ouvrage de Kant puisse soulever de telles difficultés de traduction. Enfin, c'est quelque chose que je savais plus ou moins mais dont je n'avais pas clairement conscience avant de lire tous ces échanges.
C'est surprenant parce qu'un auteur comme Kant, hyper classique, devrait se montrer rassurant en ce qui concerne l'interprétation. Après tout, n'est il pas légitime, pour chaque auteur classique et très connu qu'il existe une sorte de "vulgate" sur laquelle le monde universitaire doit nécessairement s'accorder?
Car si ce n'est pas le cas comment établir la philosophie ainsi que son histoire sur des bases fermes, solides, et qui permettront de transmettre le savoir, se repérer, apprendre, passer les concours, etc?...
Il me semble que c'est une vraie question.
C'est surprenant parce qu'un auteur comme Kant, hyper classique, devrait se montrer rassurant en ce qui concerne l'interprétation. Après tout, n'est il pas légitime, pour chaque auteur classique et très connu qu'il existe une sorte de "vulgate" sur laquelle le monde universitaire doit nécessairement s'accorder?
Car si ce n'est pas le cas comment établir la philosophie ainsi que son histoire sur des bases fermes, solides, et qui permettront de transmettre le savoir, se repérer, apprendre, passer les concours, etc?...
Il me semble que c'est une vraie question.
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"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
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- klaus2Habitué du forum
...parce qu'un grand philosophe doit être traduit à la fois par des (bons) germanistes et des (bons) philosophes réunis en équipe.Je n'aurais jamais cru que juste un paragraphe d'un ouvrage de Kant puisse soulever de telles difficultés de traduction
Et il ne faut pas se plaindre : ce que les traducteurs aux PUF ont fait à Freud ressemble à ce que les nazis ont fait à la Pologne (citation de ""to be or not to be").
Regardez partout, vous verrez bien des approximations dans les traductions, à commencer par la bible : les dix "commandements" sont en fait des "Paroles" en hébreu, le Nouveau "testament" est en fait le mauvais latin testamentum qui renvoie à berit, c'est donc la nouvelle "Alliance", les "serviteurs" souvent mentionnés dans les paraboles sont en fait des douloi : des esclaves, et quand moïse descend du Sinaï, il n'a pas une tête cornue mais rayonannte...
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- User17706Bon génie
Je n'ai pas tellement le temps tout de suite, mais il faudrait idéalement se demander, maintenant, quel sens prend la dernière phrase si l'on adopte la suggestion de correction de klaus2 (celle qui implique la possibilité d'une genau angemessene Analogie de la nature avec l'art humain), et si cette phrase demeure explicable.
C'est pourquoi, d'ailleurs, je me demandais si l'interprétation que j'en avais spontanément faite, mais, il est vrai, à partir de la traduction, est moins naturelle (on peut reconnaître, comme le dit klaus2, que « l'indicatif ist va dans le sens de la possibilité de telles comparaisons », même si je me demande si un Konj. II aurait tranché [on se fût retrouvé devant l'éventualité d'interpréter : « si nous avions une telle analogie, ce qui est possible mais de fait n'est pas le cas, alors... », non ?]) ou si elle est impossible (notons que cet indicatif est en facteur sur pas mal de choses, tout de même, et les premières analogies évoquées juste après ce ist sont elles aussi des « analogies impossibles », ou qui ne mènent pas loin par défaut de corrélation précise entre les termes) ; enfin, il faudrait, pour être sûr d'avoir vraiment le choix ici, savoir si, compte tenu de ce qu'est techniquement une analogie, cela aurait tout simplement un sens de dire correcte, adaptée ou appropriée une analogie entre deux phénomènes qui ne permet pas de penser le second à partir de premier ; sur quoi j'ai des doutes.
Sinon, @Parménide : ce qui est fait ici, c'est un peu le genre de travail qu'on fait en langues en CPGE, et qu'on retrouve parfois dans les facs, mais après la licence (en général pas avant le M2). Il y a des séminaires de traduction ; certes surtout à Paris. En fait, ce genre d'interrogation est parfaitement ordinaire et très banal, ça se transpose à tout auteur (ceux de la propre langue du lecteur exceptés, et encore : l'intérêt de scruter la façon dont on passe d'une langue à l'autre, c'est de forcer à regarder l'original d'extrêmement près, mais il faudrait idéalement pouvoir le faire y compris dans sa propre langue). Après, il y a la lenteur propre à une discussion par le web, certes.
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Enfin, naturellement on ne peut faire autrement qu'approuver la leçon générale de klaus2 : la familiarité avec un auteur (jusqu'où peut-on parler de familiarité, d'ailleurs, si on ne l'a lu qu'en traduction ?) ne suffira jamais à remplacer la maîtrise de la langue. Ça va sans dire, mais mieux en le disant aussi, et ça plaide bien sûr pour le travail de traduction en équipe.
C'est pourquoi, d'ailleurs, je me demandais si l'interprétation que j'en avais spontanément faite, mais, il est vrai, à partir de la traduction, est moins naturelle (on peut reconnaître, comme le dit klaus2, que « l'indicatif ist va dans le sens de la possibilité de telles comparaisons », même si je me demande si un Konj. II aurait tranché [on se fût retrouvé devant l'éventualité d'interpréter : « si nous avions une telle analogie, ce qui est possible mais de fait n'est pas le cas, alors... », non ?]) ou si elle est impossible (notons que cet indicatif est en facteur sur pas mal de choses, tout de même, et les premières analogies évoquées juste après ce ist sont elles aussi des « analogies impossibles », ou qui ne mènent pas loin par défaut de corrélation précise entre les termes) ; enfin, il faudrait, pour être sûr d'avoir vraiment le choix ici, savoir si, compte tenu de ce qu'est techniquement une analogie, cela aurait tout simplement un sens de dire correcte, adaptée ou appropriée une analogie entre deux phénomènes qui ne permet pas de penser le second à partir de premier ; sur quoi j'ai des doutes.
- autrement dit (ou, si l'on préfère, corollaire) :
- klaus2 a écrit: (cela ne servirait à rien) parce que nous faisons partie, dans une large acception, de cette nature, dit Kant. Doit-on comprendre : le sujet ne peut juger que l'objet extérieur à lui-même ?
- autres références et réflexions, longuettes, sur l'autre point de traduction :
De très nombreux composés en -vermögen donnent « faculté de... » en français, et cela dans presque toutes les traductions. Ainsi, le générique Erkenntnisvermögen donne « faculté de connaître », et Begehrungsvermögen « faculté de désirer ».
Il faut, on l'a dit, faire une place au mot Fähigkeit, également très employé simplement et dans des composés, et qui, lui, tend à être traduit en français par « capacité » (et en anglais, assez souvent, par “capacity”, comme Vermögen donc). Par exemple, presque tout le monde traduit Vorstellungsfähigkeit par « capacité de représentation » (Renaut dans Aubier/GF et Marty en Pléiade/folio font ce choix) pour le § 1 de la Critique de la raison pure, voir ici http://korpora.zim.uni-duisburg-essen.de/kant/aa03/050.html première ligne. (En anglais, on trouve “faculty of representation” chez Kemp Smith, dont la traduction, certes, est datée.)
L'aptitude à la pensée discursive qu'on désigne souvent, en contexte kantien, en français par « pouvoir de juger » (Vermögen zu urteilen), et en anglais, parfois, par “capacity to judge”, et parfois (comme N. Kemp Smith) par “faculty of judgment”, c'est quelque chose que Kant aurait très probablement traduit en latin par facultas. (Mais on est loin d'un pouvoir de la nature, c'est-à-dire d'une capacité ou faculté qu'on puisse vouloir attribuer également à des êtres inanimés, même si une partie de ces êtres sont organisés.) Au demeurant c'est ce genre de traduction qu'on trouve dans la version allemande (due à Meier) de la Metaphysica de Baumgarten ; § 144, [...] eine Möglichkeit zu handeln oder ein Vermögen (facultas, potentia activa). Dans l'original latin, c'est au § 216 qu'il faut se reporter : possibilitatem agendi seu facultatem (potentiam activam, vim).
Dans les passages correspondants chez Kant (qui utilisait justement ce manuel à Königsberg), cf. par exemple le 1er volume du tome XXVIII de l'édition de l'Académie, la p. 434, par exemple (Metaphysik Volckmann, correspondant aux cours du semestre d'hiver 1784-1785 ; non numérisé à Duisburg, apparemment). Kant distingue assez nettement Kraft (vis) et Vermögen (facultas) (cf. également Refl. 3582 : http://korpora.zim.uni-duisburg-essen.de/kant/aa17/072.html ). Alors c'est délicat, évidemment, d'exciper de ces textes sans scrupule aucun, vu que cette Réflexion semble antérieure à 1777, et que, par ailleurs, le cours de 1785 se fait sur un manuel lui-même « précritique ».
La traduction par « faculté » se heurterait, même hors du contexte où l'on parle de la nature, à une difficulté. En effet, il faut tenir compte du fait qu'il faut traduire Urteilskraft, la traduction aujourd'hui reçue étant « faculté de juger » et non plus « jugement » (que j'aimais bien). Pour ce genre de raison, les traducteurs essaient de maintenir une distinction entre Vermögen et Kraft dans les occurrences où Kraft ne désigne pas tant la force active qu'une faculté envisagée dans son exercice, ces occurrences étant difficiles à mettre de côté, puisque . On notera toutefois que Kant lui-même ne la fait pas toujours (KU § 35 : http://korpora.zim.uni-duisburg-essen.de/kant/aa05/287.html lignes 06-07), alors même que l'expression Vermögen zu Urteilen désigne non la « faculté de juger » mais bien l'« entendement » (Verstand) dans des textes on ne peut plus canoniques (p. ex. Critique de la raison pure A 69 / B 94, ici: http://korpora.zim.uni-duisburg-essen.de/kant/aa03/086.html lignes 09-11, et ici : http://korpora.zim.uni-duisburg-essen.de/kant/aa04/059.html lignes 09-11 également).
Toutefois, comme je l'ai signalé, les anglophones ont franchi ce Rubicon-là : dans la récente traduction anglaise de la Critique de la raison pure due à Paul Guyer et Allen Wood, Urteilskraft est rendu par “power of judgment” et Vermögen zu urteilen par “faculty of judging”. Du coup, dans l'encore plus récente traduction (Paul Guyer, Eric Matthews) de la troisième Critique le titre est devenu Critique of the Power of Judgment (il était Critique of Judgment auparavant).
Enfin, s'agissant d'ouvrages très abondamment commentés, on peut estimer qu'on a les mains en partie liées par la tradition qui s'est constituée. Il est très difficile de refondre entièrement le vocabulaire. Il y a des cas connus et embarrassants : on trouve chez Kant Erscheinung (traduit par « phénomène »), mais aussi Phänomen. Voir par exemple un passage qui, dans ces conditions, se trouve très embêtant à traduire, ici : http://korpora.zim.uni-duisburg-essen.de/kant/aa05/098.html
En l'occurrence, et cela recouvre de fait la plupart des contextes, un traducteur peut être attaché à préserver la distinction entre une faculté envisagée dans son exercice (Kraft comme dans Urteilskraft et une faculté envisagée dans la simple potentialité de son exercice (Vermögen comme dans pas mal de composés ou, par exemple, dans Vermögen zu urteilen). On pourrait, comme les traducteurs de la nouvelle Cambridge edition, réserver « faculté » à Vermögen et « pouvoir » à Kraft, mais cela supposerait de changer une nouvelle fois le titre de la troisième Critique (c'est sûrement plus délicat en français qu'en anglais, dans la mesure où l'ouvrage a déjà changé une fois de titre).
À titre personnel, dans la mesure où il s'agit ici de termes techniques avec lesquels le lecteur devra de toute façon, quelle que soit la langue, se familiariser lentement, je ne suis pas certain du tout que ce genre de modification s'impose.
Sinon, @Parménide : ce qui est fait ici, c'est un peu le genre de travail qu'on fait en langues en CPGE, et qu'on retrouve parfois dans les facs, mais après la licence (en général pas avant le M2). Il y a des séminaires de traduction ; certes surtout à Paris. En fait, ce genre d'interrogation est parfaitement ordinaire et très banal, ça se transpose à tout auteur (ceux de la propre langue du lecteur exceptés, et encore : l'intérêt de scruter la façon dont on passe d'une langue à l'autre, c'est de forcer à regarder l'original d'extrêmement près, mais il faudrait idéalement pouvoir le faire y compris dans sa propre langue). Après, il y a la lenteur propre à une discussion par le web, certes.
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Enfin, naturellement on ne peut faire autrement qu'approuver la leçon générale de klaus2 : la familiarité avec un auteur (jusqu'où peut-on parler de familiarité, d'ailleurs, si on ne l'a lu qu'en traduction ?) ne suffira jamais à remplacer la maîtrise de la langue. Ça va sans dire, mais mieux en le disant aussi, et ça plaide bien sûr pour le travail de traduction en équipe.
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