- Luigi_BGrand Maître
Alors que si nous transmettions une autre culture que - par exemple - le français...Dhaiphi a écrit:parce que nous transmettons la culture des héritiers et que ce sont eux qui sont les plus à même d'en tirer profit ?
Un bon exemple de la culture "arbitraire" censément véhiculée par l'école pour opérer la reproduction. J'en parlais plus haut, mais sans réponse.
On pourrait décliner d'ailleurs : qu'est-ce qui est "arbitraire" (au sens de choisi arbitrairement par la bourgeoisie pour opérer une distinction) dans l'enseignement des mathématiques ?
Cette considération me rappelle d'ailleurs que Pierre Bourdieu pensait les mathématiques comme moins "arbitraires" que les humanités "bourgeoises" : le renversement qui s'est opéré au XXe siècle (et a commencé avant Bourdieu) est saisissant de ce point de vue puisque les mathématiques sont devenues - bien malgré elles, je pense - l'outil de sélection scolaire par excellence au niveau Bac. Pas sûr que la reproduction s'en soit trouvée diminuée...
- Luigi_BGrand Maître
Ravi que tu aies goûté mes tomates, Yorick. :lol:
De son urgence peut-être mais de son actualité je ne pense pas, notamment quand je lis récemment par exemple sous la plume de Philippe Watrelot, président des "Cahiers pédagogiques", cette quasi-paraphrase de Bourdieu :PauvreYorick a écrit:Sinon, la question de savoir s'il y a une critique des enseignants chez Bourdieu est une vraie question, et en dépit des citations que tu as données, je crois qu'il faut répondre par la négative, mais encore une fois, c'est une longue histoire, et une question qui, je pense, a perdu aujourd'hui de son urgence.
Philippe Watrelot a écrit:Je sais aussi faire la différence entre ceux qui s’interrogent sincèrement et ceux qui pensent l’autre camp uniquement en termes d’adversaires. Et entre ceux qui dans leurs actions et pas seulement leurs discours, ne se résignent pas au fatalisme du déterminisme social et ont comme objectif une école vraiment démocratique et ceux qui, par leurs pratiques, permettent à l’École de n'être qu’un éventuel moyen de renouveler les élites tout en préservant l’ordre établi et les inégalités sociales, mon choix est fait. C’est là qu’est mon engagement militant.
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- User17706Bon génie
Je crois vraiment que la phrase de Watrelot que tu viens de citer («fatalisme du déterminisme social», tiens tiens ) est assez rigoureusement incompatible avec le travail de Bourdieu, et, pour la partie en gras, qu'elle manifeste des intentions qui sont sans grand rapport avec les siennes (et notamment celle de stigmatiser un camp supposé adverse, en dépit de la déclaration de début de phrase). Maintenant, j'en ai peut-être une lecture exagérément généreuse (de Bourdieu). Cela dit, à supposer même qu'il y ait eu une intention polémique de la part du bonhomme, quelle importance cela peut-il bien avoir pour juger d'un travail qui se veut scientifique? Ou bien les phénomènes que croit avoir identifié le sociologue existent ou ils n'existent pas; s'ils existent, ou il les quantifie de manière à peu près correcte, ou non; ou son étiologie est plausible, ou elle ne l'est pas.
Cela étant dit, je partage un bon nombre de tes diagnostics quand il s'agit d'identifier les pratiques qui (en dépit des bonnes intentions et de leur déclaration) finissent par faire de l'école une machine reproductive (EDIT: m'enfin, il faudrait préciser de quoi et à quel degré, en toute rigueur, mais bon, on se comprend je pense sur ce coup).
Cela étant dit, je partage un bon nombre de tes diagnostics quand il s'agit d'identifier les pratiques qui (en dépit des bonnes intentions et de leur déclaration) finissent par faire de l'école une machine reproductive (EDIT: m'enfin, il faudrait préciser de quoi et à quel degré, en toute rigueur, mais bon, on se comprend je pense sur ce coup).
- Luigi_BGrand Maître
C'est qu'il faut distinguer les phénomènes (la reproduction sociale) et l'analyse de leurs causes, laquelle est cruciale dans une perspective non plus de description, mais d'action.
La question du français me semble particulièrement parlante : bien sûr que la non maîtrise de la langue est un grave handicap, mais il me semble très dangereux de qualifier le français que nous nous efforçons d'inculquer à tous nos élèves de "langue bourgeoise" relevant d'un "arbitraire culturel". En employant ces expressions c'est bien Pierre Bourdieu qui ouvre la porte à toutes les dérives que nous connaissons.
Pour revenir à Watrelot, quand ce professeur de sciences économiques et sociales incrimine les "pratiques" de ses collègues, il ne fait que paraphraser Pierre Bourdieu critiquant par exemple "la dissertation à la française", le "cours ex cathedra" (et sa "théodicée magistrale" condamnant les élèves en difficulté) et se faisant accusateur de la "pédagogie traditionnelle comme non-pédagogie" (les professeurs et leur "leur nostalgie du paradis pédagogique de l'enseignement traditionnel où ils pouvaient se dispenser de toute conscience pédagogique"). Les nouvelles pédagogies sont ici en quelque sorte consacrées.
A noter combien cette analyse des causes est très influencée par la réflexion sur le supérieur (et donc en partie irrecevable pour expliquer la reproduction sociale dans le primaire).
A noter aussi que les adeptes des nouvelles pédagogies, comme par exemple Antoine Prost, se sont démarqués de la pensée de Pierre Bourdieu, justement parce que jugée trop "déterministe" dans une perspective d'action, mais ni de son constat ni de ses analyses.
On retrouve un peu, avec la question du "déterminisme", l'opposition violente des jésuites et des jansénistes, dont ce fil se fait un peu le lointain écho d'ailleurs.
La question du français me semble particulièrement parlante : bien sûr que la non maîtrise de la langue est un grave handicap, mais il me semble très dangereux de qualifier le français que nous nous efforçons d'inculquer à tous nos élèves de "langue bourgeoise" relevant d'un "arbitraire culturel". En employant ces expressions c'est bien Pierre Bourdieu qui ouvre la porte à toutes les dérives que nous connaissons.
Pour revenir à Watrelot, quand ce professeur de sciences économiques et sociales incrimine les "pratiques" de ses collègues, il ne fait que paraphraser Pierre Bourdieu critiquant par exemple "la dissertation à la française", le "cours ex cathedra" (et sa "théodicée magistrale" condamnant les élèves en difficulté) et se faisant accusateur de la "pédagogie traditionnelle comme non-pédagogie" (les professeurs et leur "leur nostalgie du paradis pédagogique de l'enseignement traditionnel où ils pouvaient se dispenser de toute conscience pédagogique"). Les nouvelles pédagogies sont ici en quelque sorte consacrées.
A noter combien cette analyse des causes est très influencée par la réflexion sur le supérieur (et donc en partie irrecevable pour expliquer la reproduction sociale dans le primaire).
A noter aussi que les adeptes des nouvelles pédagogies, comme par exemple Antoine Prost, se sont démarqués de la pensée de Pierre Bourdieu, justement parce que jugée trop "déterministe" dans une perspective d'action, mais ni de son constat ni de ses analyses.
On retrouve un peu, avec la question du "déterminisme", l'opposition violente des jésuites et des jansénistes, dont ce fil se fait un peu le lointain écho d'ailleurs.
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- User17706Bon génie
Il me paraît indéniable effectivement:
1. que le choix des mots permet voire facilite ce genre de contresens (notamment «arbitraire» qui n'a pas nécessairement le genre de sens que certains, trop bien intentionnés, veulent y voir),
2. qu'il y a quelques facilités et quelques erreurs «d'époque» dans ces analyses (cf. «bourgeois» qui dispensait souvent d'en dire plus long).
Cela étant dit, je continue à penser à la fois que (a) si l'on veut absolument placer Bourdieu quelque part dans les débats contemporains il faut essayer de le faire avec exactitude, mais surtout que (b) ça n'est pas indispensable: Bourdieu ne joue plus qu'un rôle de vague totem, non? du coup j'ai l'impression que l'investissement (en travail) considérable qu'il faudrait consentir pour obtenir une exégèse un tant soit peu fidèle sur ces questions risque d'être en partie une perte de temps. Pour quel enjeu? montrer qu'il est dans un camp, ou dans l'autre, ou dans aucun des deux? mais quelle importance, vu que de toute façon il s'est réduit à un nom et que personne ne le lit?
1. que le choix des mots permet voire facilite ce genre de contresens (notamment «arbitraire» qui n'a pas nécessairement le genre de sens que certains, trop bien intentionnés, veulent y voir),
2. qu'il y a quelques facilités et quelques erreurs «d'époque» dans ces analyses (cf. «bourgeois» qui dispensait souvent d'en dire plus long).
Cela étant dit, je continue à penser à la fois que (a) si l'on veut absolument placer Bourdieu quelque part dans les débats contemporains il faut essayer de le faire avec exactitude, mais surtout que (b) ça n'est pas indispensable: Bourdieu ne joue plus qu'un rôle de vague totem, non? du coup j'ai l'impression que l'investissement (en travail) considérable qu'il faudrait consentir pour obtenir une exégèse un tant soit peu fidèle sur ces questions risque d'être en partie une perte de temps. Pour quel enjeu? montrer qu'il est dans un camp, ou dans l'autre, ou dans aucun des deux? mais quelle importance, vu que de toute façon il s'est réduit à un nom et que personne ne le lit?
- Luigi_BGrand Maître
Assez d'accord avec toi.
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- MathusalemNiveau 2
En ce qui concerne ma terminale littéraire de l'an passé, je dirais que je devais trouver environ trois copies sur quatre avec des erreurs de grammaire ou de syntaxe élémentaire.
Donc cette allégation me semble pour le moins optimiste.
Donc cette allégation me semble pour le moins optimiste.
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