- RagnetrudeExpert spécialisé
On ne parlait pas seulement des dérives de la pensée de Bourdieu, Chocolat a été claire sur ce qu'elle pensait de Bourdieu.
Sur les mauvaises solutions qui sont apportées, je suis d'accord.
Sur les mauvaises solutions qui sont apportées, je suis d'accord.
- OsmieSage
Elaïna a écrit:abricotedapi a écrit:Mais qui va dire à un bon élève "c'est injuste" ? :shock:
Des profs (quand l'élève est jeune). Des collègues, des connaissances, des "amis"... plein de gens d'une extrême délicatesse. Combien de fois ai-je entendu un "oui mais toi t'as intégré parce que tes parents, etc". Ce qui est drôle, dans l'affaire, c'est que mes parents sont profs (agrégé et certifié) donc pas non plus des rois du pétrole hein. Et que dans ma prépa, il y avait des gens qui venaient d'un milieu bien plus fortuné que le mien.
Renvoyer un bon élève à cela, c'est une façon commode de se dédouaner soi-même : la "tête de classe" ne l'est que parce qu'il lou elle est héritièrE, non parce qu'il ou elle bosse plus que les autres ou est exceptionnellement douéE. (NDLR : je n'ai jamais été extrêmement douée, par contre en prépa je bossais 15h par jour. Probablement par la faute de mes parents...)
Le "cela" en question est tout de même un sacré avantage : possibilité d'aller au théâtre, à l'opéra, d'apprendre la musique, d'offrir des livres, d'aller à Chichilianne pour comprendre un Roi sans divertissement, de voyager en Europe, etc. ; ça aide un peu.
J'ai une amie dont les parents agrégés ont donné une bonne éducation à leurs filles : chacune a été au bout du conservatoire pour son instrument (pas le triangle) et toutes leurs vacances étaient culturelles (découverte d'une région, de son patrimoine architectural, littéraire, gastronomique, etc.) ; ça aide un peu, il suffit de voir le résultat aujourd'hui.
- DhaiphiGrand sage
Le vilain procès d'intention (fait à un collègue, eh oui !) !yogi a écrit:J'ai fait prépa, mon P.P en Tle a essayé de me dissuader de candidater pourtant et, pour cause, je me suis retrouvée dans la classe de sa fifille, moi basanée fille de prolos, à fréquenter la fille de Mr, agrégés de père en fils et avocats pour l'autre partie de leurs familles.
N'avait-il pas le droit d'estimer que tu n'avais pas le niveau ? Il s’est trompé et tu as réussi malgré de "sales notes", tant mieux mais...
Dimka a écrit: la statistique n’invalide pas l’expérience personnelle, mais l’expérience personnelle n’invalide pas non plus la statistique.
_________________
De toutes les écoles que j’ai fréquentées, c’est l’école buissonnière qui m’a paru la meilleure.
[Anatole France]
J'aime les regretteurs d'hier qui voudraient changer le sens des rivières et retrouver dans la lumière la beauté d'Ava Gardner.
[Alain Souchon]
- DhaiphiGrand sage
"aller à Chichilianne pour comprendre un Roi sans divertissement", mes neurones peu connectés ont surchaufé à vouloir comprendre cette assertion (Giono et tout ça, merci Wikipédia ). Décidément, ma culture n'a jamais été et ne sera jamais celle des "héritiers". :lol:Janne a écrit:Le "cela" en question est tout de même un sacré avantage : possibilité d'aller au théâtre, à l'opéra, d'apprendre la musique, d'offrir des livres, d'aller à Chichilianne pour comprendre un Roi sans divertissement, de voyager en Europe, etc. ; ça aide un peu.
J'ai une amie dont les parents agrégés ont donné une bonne éducation à leurs filles : chacune a été au bout du conservatoire pour son instrument (pas le triangle) et toutes leurs vacances étaient culturelles (découverte d'une région, de son patrimoine architectural, littéraire, gastronomique, etc.) ; ça aide un peu, il suffit de voir le résultat aujourd'hui.
Je n'ai pas reçu la "bonne éducation", j'ai tenté d'accéder à la Kultur de l'élite contraint et forcé par mes profs (violence symbolique) mais il a bien fallu que je me rende à l'évidence : je n'avais ni les capacités ni surtout l'appétence.
Et pourtant, à l'époque, j'ignorais tout de Bourdieu.
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- IphigénieProphète
ça c'est peut-être juste la culture de qui était en TL dans les années 2000 comme élève, ou comme prof! pas grand chose à voir avec l'"héritage".aller à Chichilianne pour comprendre un Roi sans divertissement", mes neurones peu connectés ont surchaufé à vouloir comprendre cette assertion (Giono et tout ça, merci Wikipédia Razz ). Décidément, ma culture n'a jamais été et ne sera jamais celle des "héritiers". Laughing
(en plus pas sûr que Chichilianne aide à comprendre Giono: lui même a choisi de tourner son film sur le plateau de l'Aubrac, donc...
Quant à l'appétence, vaste question: part de l'individu dans tout ça? Je ne nie évidemment pas le milieu familial, mais je trouve qu'aujourd'hui on accepte trop comme une évidence que c'est le milieu familial qui fait tout. Je ne le pense pas. Par contre j'ai tendance à penser que c'est l'entrée dans l'école qui est essentielle et là, entre celui qui va ramasser les détritus sur les plages avec le t-shirt Leclerc et celui qui apprend à lire, ça fait des différences énormes.
- DhaiphiGrand sage
Je comprends pas bien : ce n'est pas lié à tes yeux ?Iphigénie a écrit:Je ne nie évidemment pas le milieu familial, mais je trouve qu'aujourd'hui on accepte trop comme une évidence que c'est le milieu familial qui fait tout. Je ne le pense pas. Par contre j'ai tendance à penser que c'est l'entrée dans l'école qui est essentielle et là, entre celui qui va ramasser les détritus sur les plages avec le t-shirt Leclerc et celui qui apprend à lire, ça fait des différences énormes.
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- TristanaVénérable
Dimka a écrit:C’est marrant, les passions que déchaîne le pauvre Bourdieu, et comment les avis peuvent être tranchés et binaires.Je ne vois pas en quoi la vie personnelle des auteurs peut contredire le fait que l’utilisation contemporaine de ces auteurs puisse s’inscrire dans une logique de domination sociale, ou encore en quoi le fait d’avoir été un rebelle hier empêche d’être utilisé par la pensée dominante d’aujourd’hui (c’est également le cas pour un grand nombre de figures historiques). Par ailleurs, que certains aient un rapport désintéressé à la littérature n’empêche pas que c’est aussi, pour d’autres, un marqueur social : j’ai eu cette année un petit groupe de collègues très fiers de leur culture, très « cercle mondain », et avec un regard très convenu sur ce qu’il faut penser de la littérature, je l’ai vraiment ressenti comme une volonté d’écraser l’interlocuteur.F.Lemoine a écrit:V.Marchais a écrit:De Bourdieu, je n'ai lu que La Reproduction, mais je dois dire que ça ne m'a guère donnée envie de lire le reste. Tout le discours est fondé sur un tas de prémisses pour le moins discutables : les oeuvres d'art, en particulier les oeuvres littéraires, seraient choisies et imposées par une élite en fonction de ses goûts, proposition ahurissante, qui réduit Homère, Hölderlin, Virgile, Balzac, Hugo à de vulgaires serviteurs du pouvoir et nie le caractère universel des grands chefs d'oeuvre. .
Je n'ai lu que l'intervention de Véronique, mais depuis que je suis lycéen, j'ai toujours trouvé extraordinaire de présenter les "grands auteurs" comme des oppresseurs (avec les profs, la police et tout le reste). A-t-on oublié qu'avant d'avoir été digérés par les manuels scolaires, ces gens ont souvent subi l'exil, la prison, les asiles, le mépris familial...Mettez ça dans l'ordre que vous voulez, les écrivains (les vrais) ont souvent décrit l'envers du décor, et en ont subi les conséquences. Alors, les conneries de Bourdieu...
Freddie
Bourdieu est sociologue, pas prof de lettres ni historien de la littérature, c’est donc normal qu’il analyse les usages sociaux de la littérature : ce n’est pas réduire la littérature à… c’est juste l’analyser selon l’angle de sa spécialité.
Enfin, je n’ai pas eu l’impression que Bourdieu réduisait les humains à être soumis à un déterminisme social, mais il me semble qu’il y a quelque chose entre un déterminisme pur et la réussite individuelle de type « moi j’ai réussi alors Bourdieu il dit n’importe quoi ». Ce n’est quand même pas extraordinaire de constater que le milieu social d’origine est un paramètre non-négligeable (un paramètre, pas un mur), et que ce paramètre recouvre divers aspects (idéologie, héritage culturel, moyens matériels, etc.). Et ce n’est pas incompatible de dire qu’un individu peut contredire une donnée statistique : la statistique n’invalide pas l’expérience personnelle, mais l’expérience personnelle n’invalide pas non plus la statistique.
Ce qui est dingue, c'est qu'on fait toujours dire à Bourdieu ce qu'il n'a pas dit. Il n'a certainement jamais dit qu'il fallait abaisser les exigences pour s'adapter aux plus faibles, il n'a certainement jamais dit qu'il fallait exclure les grands classiques de l'enseignement, il n'a certainement jamais dit non plus que l'origine sociale était une excuse qui pouvait servir à justifier l'échec : ça, c'est que certains ont sorti de leur chapeau pour ne pas avoir à se poser les vraies questions et à tirer les vraies conclusions de la difficulté de s'en sortir quand on vient d'un milieu peu favorisé. D'ailleurs, c'est un peu dingue de tenir des propos pareils quand on sait d'où vient Bourdieu lui-même... il est un pur produit de l'ascenseur social.
On peut prendre toutes les études qu'on veut, les résultats sont toujours les mêmes : oui, il est plus difficile de réussir ses études et professionnellement quand on vient d'un milieu défavorisé. Ce qui ne signifie nullement que tous ceux qui viennent d'un milieu défavorisé ne pourront pas y arriver, ou que personne ne va les y aider. Je pense, contrairement à Bourdieu justement, que les enseignants sont précisément là pour aider ces élèves-là, ceux dont les parents n'ont pas mis un livre dans leurs mains dès leur plus jeune âge, ceux qui ne sont jamais allés ni au théâtre ni au cinéma, ceux qui ne savent même pas qu'on peut passer le périph' et aller visiter Paris pour découvrir son architecture, etc.
Reconnaître qu'il y a des inégalités à la base, cela ne veut certainement pas dire qu'on doit se contenter de ce constat, et qu'on ne doit rien faire pour le dépasser. Comme reconnaître qu'il est plus difficile pour une femme d'arriver à un poste de pouvoir ne signifie pas non plus qu'on va dire aux jeunes filles : "arrête tes études tout de suite, tu ne seras jamais patron de toute manière". Non : ces constats permettent simplement de savoir qu'il y a, à la base, une inégalité, mais qu'elle peut être dépassée, par le travail, par la volonté. Et qu'il faut plus de travail et de volonté quand on vient d'un milieu populaire que quand on vient d'un milieu plus aisé (je ne parle pas spécialement en termes économiques, mais plutôt en termes d'arrière-plan culturel). Un enfant dont les deux parents ont fait des études sera aidé le soir pour faire ses devoirs, aura entendu parler de Victor Hugo avant d'aller à l'école, aura un vocabulaire riche (je le vois bien : mon neveu est entré à l'école en septembre dernier, il parle bien mieux que tous ses petits camarades...).
Partant de ce constat, on peut essayer d'aider du mieux qu'on peut ceux qui n'ont pas eu toutes les chances de leur côté. Mais jamais, en revanche, cet argument ne doit pas servir à victimiser (je trouve vraiment étrange le glissement sémantique qui fait qu'on part d'un constat d'inégalité et qu'on en arrive à la victimisation de ceux qui en font les frais) ni à excuser la paresse. Vraiment, la lutte contre les inégalités ne signifie pas qu'on va tout excuser venant d'une personne qui subit ces inégalités-là. Cela permet simplement d'expliquer pourquoi il est plus difficile pour certains d'y arriver, et qu'il n'est pas idiot de penser à des solutions pour pallier ce qu'ils n'ont pas pu avoir chez eux.
- DhaiphiGrand sage
...quoique pour certains en dehors de l’adoption, je ne vois pas.Tristana a écrit: et qu'il n'est pas idiot de penser à des solutions pour pallier ce qu'ils n'ont pas pu avoir chez eux.
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J'aime les regretteurs d'hier qui voudraient changer le sens des rivières et retrouver dans la lumière la beauté d'Ava Gardner.
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- Presse-puréeGrand sage
Tristana a écrit:Il n'a certainement jamais dit qu'il fallait abaisser les exigences pour s'adapter aux plus faibles, il n'a certainement jamais dit qu'il fallait exclure les grands classiques de l'enseignement,
Pourtant, ce qu'il ne dit pas (et bien sûr qu'il ne l'a pas dit) est le discours dominant dans le monde éducatif, sous de multiples avatars.
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Homines, dum docent, discunt.Sénèque, Epistulae Morales ad Lucilium VII, 8
"La culture est aussi une question de fierté, de rapport de soi à soi, d’esthétique, si l’on veut, en un mot de constitution du sujet humain." (Paul Veyne, La société romaine)
"Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres". La Boétie
"Confondre la culture et son appropriation inégalitaire du fait des conditions sociales : quelle erreur !" H. Pena-Ruiz
"Il vaut mieux qu'un élève sache tenir un balai plutôt qu'il ait été initié à la philosophie: c'est ça le socle commun" un IPR
- yogiSage
Mais quoi? C'est normal de vouloir préserver son rang social, de juger des élèves sans fondements et de les dissuader pour les orientations?Dhaiphi a écrit:Le vilain procès d'intention (fait à un collègue, eh oui !) !yogi a écrit:J'ai fait prépa, mon P.P en Tle a essayé de me dissuader de candidater pourtant et, pour cause, je me suis retrouvée dans la classe de sa fifille, moi basanée fille de prolos, à fréquenter la fille de Mr, agrégés de père en fils et avocats pour l'autre partie de leurs familles.
N'avait-il pas le droit d'estimer que tu n'avais pas le niveau ? Il s’est trompé et tu as réussi malgré de "sales notes", tant mieux mais...Dimka a écrit: la statistique n’invalide pas l’expérience personnelle, mais l’expérience personnelle n’invalide pas non plus la statistique.
Sales notes en prépa = meilleures notes à la fac, sans compter les méthodes de travail efficaces et la tonne de livres avalée.
Si je n'avais pas insisté pour monter mon dossier prépa, je n'aurais jamais eu accès à tout cela.
Ce P.P ,au moment des candidatures,m'avait dit :"Tu délires tu ne seras jamais prise en prépa!" Il s'est avéré que je fus la seule du lycée à être acceptée. Quel ironie!
Je ne faisais pas de procès d'intention : le fait d'être basanée et fille d'ouvrière et d'un handicapé c'était rare dans la promo Je me sentais en minorité. On va pas se raconter d'histoires.
Pour ce qui est de Bourdieu, je pense aussi que les désaccords sur ce fil sont le fruit d'interprétations différentes et contradictoires. Je respecte le fait qu'on puisse ne pas adhérer à son travail mais, de là à dire qu'on le "vomit" ...écrivez vos bouquins et on comparera!
Ma foi, pour que de nouvelles idées émergent ,il faut en passer par la provoc' et le tabula rasa, j'en conviens.
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"Jboirai du lait le jour où les vaches mangeront du raisin!"
- TristanaVénérable
Presse-purée a écrit:Tristana a écrit:Il n'a certainement jamais dit qu'il fallait abaisser les exigences pour s'adapter aux plus faibles, il n'a certainement jamais dit qu'il fallait exclure les grands classiques de l'enseignement,
Pourtant, ce qu'il ne dit pas (et bien sûr qu'il ne l'a pas dit) est le discours dominant dans le monde éducatif, sous de multiples avatars.
Je n'ai jamais dit le contraire, mais à dire vrai, s'il a été mal compris et mal interprété, ce n'est pas non plus sa faute. Comme ceux qui pensent que Nietzsche a inspiré Hitler, alors qu'il suffit de connaître un tout petit peu sa philosophie pour comprendre que ça ne tient pas debout. Ou même Dolto aussi dont on a fait l'image de la psy qui revendique l'absence de punition et qui voudrait qu'on laisse tout faire aux enfants, alors que sa pensée est quand même bien plus subtile que ça.
Le monde éducatif a compris les problèmes évoqués par Bourdieu, et a choisi des solutions faciles, qui ne demandaient pas trop d'efforts. On ne change absolument rien au problème de départ (un enfant d'ouvrier continue à s'en sortir moins bien qu'un enfant d'avocats), mais on masque mieux le problème en bradant des diplômes qui n'ont plus aucun sens. Et la reproduction sociale peut tranquillement continuer sans que ça ne gêne personne — et ça tombe bien, car ceux qui nous tiennent des discours vains sur les inégalités bénéficient de ce système inégalitaire car leurs propres enfants ont les armes pour s'en sortir, malgré l'abaissement du niveau général. On dit qu'on agit, mais en réalité on ne fait rien du tout, et on protège les intérêts de classe. Non : ce n'est vraiment pas ce qu'aurait voulu Bourdieu.
- yogiSage
Tristana a écrit:Presse-purée a écrit:Tristana a écrit:Il n'a certainement jamais dit qu'il fallait abaisser les exigences pour s'adapter aux plus faibles, il n'a certainement jamais dit qu'il fallait exclure les grands classiques de l'enseignement,
Pourtant, ce qu'il ne dit pas (et bien sûr qu'il ne l'a pas dit) est le discours dominant dans le monde éducatif, sous de multiples avatars.
Je n'ai jamais dit le contraire, mais à dire vrai, s'il a été mal compris et mal interprété, ce n'est pas non plus sa faute. Comme ceux qui pensent que Nietzsche a inspiré Hitler, alors qu'il suffit de connaître un tout petit peu sa philosophie pour comprendre que ça ne tient pas debout. Ou même Dolto aussi dont on a fait l'image de la psy qui revendique l'absence de punition et qui voudrait qu'on laisse tout faire aux enfants, alors que sa pensée est quand même bien plus subtile que ça.
Le monde éducatif a compris les problèmes évoqués par Bourdieu, et a choisi des solutions faciles, qui ne demandaient pas trop d'efforts. On ne change absolument rien au problème de départ (un enfant d'ouvrier continue à s'en sortir moins bien qu'un enfant d'avocats), mais on masque mieux le problème en bradant des diplômes qui n'ont plus aucun sens. Et la reproduction sociale peut tranquillement continuer sans que ça ne gêne personne — et ça tombe bien, car ceux qui nous tiennent des discours vains sur les inégalités bénéficient de ce système inégalitaire car leurs propres enfants ont les armes pour s'en sortir, malgré l'abaissement du niveau général. On dit qu'on agit, mais en réalité on ne fait rien du tout, et on protège les intérêts de classe. Non : ce n'est vraiment pas ce qu'aurait voulu Bourdieu.
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"Jboirai du lait le jour où les vaches mangeront du raisin!"
- ElyasEsprit sacré
+1 avec Yogi, avec cette seule différence que moi, j'étais d'origine nomade.
- adelaideaugustaFidèle du forum
Presse-purée a écrit:Tristana a écrit:Il n'a certainement jamais dit qu'il fallait abaisser les exigences pour s'adapter aux plus faibles, il n'a certainement jamais dit qu'il fallait exclure les grands classiques de l'enseignement,
Pourtant, ce qu'il ne dit pas (et bien sûr qu'il ne l'a pas dit) est le discours dominant dans le monde éducatif, sous de multiples avatars.
Un de ses avatars ne serait-il pas Meirieu soi-même, ce grrrrand sociologue qui continue depuis des dizaines d'années à inspirer nos ministres ??
Et Antibi, cet "obscur mathématicien" (selon J.P.Brighelli) , même combat, avec sa "constante macabre" et son "contrat de confiance".
Tout le mal vient de la notation, bien sûr !
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"Instruire une nation, c'est la civiliser.Y éteindre les connaissances, c'est la ramener à l'état primitif de la barbarie." (Diderot)
"Un mensonge peut faire le tour du monde pendant que la vérité se met en route". (Mark Twain)
"Quand les mots perdent leur sens, les hommes perdent leur liberté".(Confucius)
- OsmieSage
Tristana a écrit:Presse-purée a écrit:Tristana a écrit:Il n'a certainement jamais dit qu'il fallait abaisser les exigences pour s'adapter aux plus faibles, il n'a certainement jamais dit qu'il fallait exclure les grands classiques de l'enseignement,
Pourtant, ce qu'il ne dit pas (et bien sûr qu'il ne l'a pas dit) est le discours dominant dans le monde éducatif, sous de multiples avatars.
Je n'ai jamais dit le contraire, mais à dire vrai, s'il a été mal compris et mal interprété, ce n'est pas non plus sa faute. Comme ceux qui pensent que Nietzsche a inspiré Hitler, alors qu'il suffit de connaître un tout petit peu sa philosophie pour comprendre que ça ne tient pas debout. Ou même Dolto aussi dont on a fait l'image de la psy qui revendique l'absence de punition et qui voudrait qu'on laisse tout faire aux enfants, alors que sa pensée est quand même bien plus subtile que ça.
Le monde éducatif a compris les problèmes évoqués par Bourdieu, et a choisi des solutions faciles, qui ne demandaient pas trop d'efforts. On ne change absolument rien au problème de départ (un enfant d'ouvrier continue à s'en sortir moins bien qu'un enfant d'avocats), mais on masque mieux le problème en bradant des diplômes qui n'ont plus aucun sens. Et la reproduction sociale peut tranquillement continuer sans que ça ne gêne personne — et ça tombe bien, car ceux qui nous tiennent des discours vains sur les inégalités bénéficient de ce système inégalitaire car leurs propres enfants ont les armes pour s'en sortir, malgré l'abaissement du niveau général. On dit qu'on agit, mais en réalité on ne fait rien du tout, et on protège les intérêts de classe. Non : ce n'est vraiment pas ce qu'aurait voulu Bourdieu.
Elle a enfanté Carlos !
- OsmieSage
Dhaiphi a écrit:"aller à Chichilianne pour comprendre un Roi sans divertissement", mes neurones peu connectés ont surchaufé à vouloir comprendre cette assertion (Giono et tout ça, merci Wikipédia ). Décidément, ma culture n'a jamais été et ne sera jamais celle des "héritiers". [/b] :lol:Janne a écrit:Le "cela" en question est tout de même un sacré avantage : possibilité d'aller au théâtre, à l'opéra, d'apprendre la musique, d'offrir des livres, d'aller à Chichilianne pour comprendre un Roi sans divertissement, de voyager en Europe, etc. ; ça aide un peu.
J'ai une amie dont les parents agrégés ont donné une bonne éducation à leurs filles : chacune a été au bout du conservatoire pour son instrument (pas le triangle) et toutes leurs vacances étaient culturelles (découverte d'une région, de son patrimoine architectural, littéraire, gastronomique, etc.) ; ça aide un peu, il suffit de voir le résultat aujourd'hui.
Je n'ai pas reçu la "bonne éducation", j'ai tenté d'accéder à la Kultur de l'élite contraint et forcé par mes profs (violence symbolique) mais il a bien fallu que je me rende à l'évidence : je n'avais ni les capacités ni surtout l'appétence.
Et pourtant, à l'époque, j'ignorais tout de Bourdieu.
Mon amie a reçu la bonne éducation dont tu parles et honnêtement, cela lui a ouvert toutes les portes. Cette culture-là est plus qu'un plus, c'est évident. On peut toujours jeter un œil aux livres des Pinçot-Charlot (à La violence des riches par exemple...) pour s'en convaincre. Quant à Bourdieu, je partage l'avis de Tristana.
- DimkaVénérable
Janne a écrit:On peut toujours jeter un œil aux livres des Pinçot-Charlot (à La violence des riches par exemple...) pour s'en convaincre.
Ou la BD Riche, pourquoi pas toi ?, avec Marion Montaigne.
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- Spoiler:
- DhaiphiGrand sage
Je crois qu'il ne faut pas mêler culture des "héritiers" et richesse matérielle.Janne a écrit:Mon amie a reçu la bonne éducation dont tu parles et honnêtement, cela lui a ouvert toutes les portes. Cette culture-là est plus qu'un plus, c'est évident. On peut toujours jeter un œil aux livres des Pinçot-Charlot (à La violence des riches par exemple...) pour s'en convaincre.
Le monde de la bourgeoisie fait d'apparences et hanté de personnages falots n'est pas un monde dont j'ai envie "d'ouvrir les portes".
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De toutes les écoles que j’ai fréquentées, c’est l’école buissonnière qui m’a paru la meilleure.
[Anatole France]
J'aime les regretteurs d'hier qui voudraient changer le sens des rivières et retrouver dans la lumière la beauté d'Ava Gardner.
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- DimkaVénérable
Les Pinçot-Charlot distinguent le fait d’avoir de l’argent (en gagnant au loto, par exemple) et la richesse de la (grande) bourgeoisie, qui comporte un capital économique, mais aussi un capital culturel, un capital social et familial, et un capital symbolique.
Le but des livres n’est pas de donner envie de devenir riche, mais plutôt d’étudier les caractéristiques des riches et de leur impact sur la société. Par ailleurs, c’est clair qu’hors de la grande bourgeoisie, certains groupes sociaux possèdent certains de ces capitaux : le capital culturel correspond assez à celui d’un intellectuel (professeur, par exemple).
Le but des livres n’est pas de donner envie de devenir riche, mais plutôt d’étudier les caractéristiques des riches et de leur impact sur la société. Par ailleurs, c’est clair qu’hors de la grande bourgeoisie, certains groupes sociaux possèdent certains de ces capitaux : le capital culturel correspond assez à celui d’un intellectuel (professeur, par exemple).
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- Spoiler:
- User17706Bon génie
Le procès fait à Bourdieu, ici, c'est un peu comme si on reprochait à un couteau de cuisine de ne pas être capable de couper une tomate sous prétexte qu'il a servi à un assassinat.
- Luigi_BGrand Maître
Note qu'il y a des couteaux (pas de cuisine, j'en conviens) qui permettent d'assassiner mais dont l'utilisation est malaisée pour couper des tomates.
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- Luigi_BGrand Maître
Plaisanterie à part, on peut critiquer la pensée de Bourdieu sans nécessairement en faire le procès à proprement parler. Par exemple sa critique des enseignants, agents de la reproduction sociale par exemple.
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- User17706Bon génie
J'avoue que je suis bluffé par la photo et je précise tout de suite à ceux qui se poseraient la question que Luigi et moi ne nous sommes pas préalablement entendus pour livrer ce petit numéro qui paraît trop beau pour être fortuit
Sinon, la question de savoir s'il y a une critique des enseignants chez Bourdieu est une vraie question, et en dépit des citations que tu as données, je crois qu'il faut répondre par la négative, mais encore une fois, c'est une longue histoire, et une question qui, je pense, a perdu aujourd'hui de son urgence. En revanche, confondre le déterminisme social, qui est par essence statistique, et une sorte de fatalité qui s'exercerait individu par individu, c'est une erreur qu'il est à la fois très facile et nécessaire de corriger.
Sinon, la question de savoir s'il y a une critique des enseignants chez Bourdieu est une vraie question, et en dépit des citations que tu as données, je crois qu'il faut répondre par la négative, mais encore une fois, c'est une longue histoire, et une question qui, je pense, a perdu aujourd'hui de son urgence. En revanche, confondre le déterminisme social, qui est par essence statistique, et une sorte de fatalité qui s'exercerait individu par individu, c'est une erreur qu'il est à la fois très facile et nécessaire de corriger.
- DhaiphiGrand sage
parce que nous transmettons la culture des héritiers et que ce sont eux qui sont les plus à même d'en tirer profit ?Luigi_B a écrit: agents de la reproduction sociale
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- yogiSage
Dhaiphi a écrit:Je crois qu'il ne faut pas mêler culture des "héritiers" et richesse matérielle.Janne a écrit:Mon amie a reçu la bonne éducation dont tu parles et honnêtement, cela lui a ouvert toutes les portes. Cette culture-là est plus qu'un plus, c'est évident. On peut toujours jeter un œil aux livres des Pinçot-Charlot (à La violence des riches par exemple...) pour s'en convaincre.
Le monde de la bourgeoisie fait d'apparences et hanté de personnages falots n'est pas un monde dont j'ai envie "d'ouvrir les portes".
Bourdieu explique très bien justement ce qu'est le capital culturel, social et économique. En gros, quand tu as déjà les 3 ,tu t'en sors mieux que tous les autres.
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- Luigi_BGrand Maître
Alors que si nous transmettions une autre culture que - par exemple - le français...Dhaiphi a écrit:parce que nous transmettons la culture des héritiers et que ce sont eux qui sont les plus à même d'en tirer profit ?
Un bon exemple de la culture "arbitraire" censément véhiculée par l'école pour opérer la reproduction. J'en parlais plus haut, mais sans réponse.
On pourrait décliner d'ailleurs : qu'est-ce qui est "arbitraire" (au sens de choisi arbitrairement par la bourgeoisie pour opérer une distinction) dans l'enseignement des mathématiques ?
Cette considération me rappelle d'ailleurs que Pierre Bourdieu pensait les mathématiques comme moins "arbitraires" que les humanités "bourgeoises" : le renversement qui s'est opéré au XXe siècle (et a commencé avant Bourdieu) est saisissant de ce point de vue puisque les mathématiques sont devenues - bien malgré elles, je pense - l'outil de sélection scolaire par excellence au niveau Bac. Pas sûr que la reproduction s'en soit trouvée diminuée...
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
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