- egometDoyen
Luigi_B a écrit:Ça s'appelle le chèque éducation et c'est ce que réclame une fondation ultralibérale, l'iFRAP.the educator a écrit:Moi je suis pour l'instruction à la maison, mais l'état n'est pas prêt à me reverser ce qu'il dépenserait pour une instruction via l'EN.
Et alors? C'est une idée intéressante tout de même.
A moins d'avoir peur de la liberté.
- dandelionVénérable
Liberté, nom féminin, voir 'loi du plus fort'
- BalthamosDoyen
dandelion a écrit:Liberté, nom féminin, voir 'loi du plus fort'
J'aime beaucoup.
D'ailleurs, c'est une idée tellement dangereuse qu'elle n'est pas seule dans la devise républicaine...
- egometDoyen
PauvreYorick a écrit:Je redis autrement quelque chose que d'autres ont dit : ce n'est pas une « offre », justement, il n'y a aucun point de comparaison avec une « offre ». Pas davantage que l'armée française n'est une « offre de défense du territoire ».the educator a écrit: Je trouve surprenant qu'une offre d'instruction censée être homogene produisent des resultats aussi variables. En terme de qualité de transmission, mais aussi en terme d'experience de vie au sens large.
De mon point de vue de parent, je ne suis pas contre la liberté pédagogique, et les différentes approches de l'instruction, mais j'aimerais pouvoir les mettre en concurrence, et choisir l'offre qui me parait la plus adaptée (dans cela, je ne remets même pas en cause les exigences finales, ni la mission d'institution.)
Ce n'est pas une offre, parce qu'on a décidé que ce n'en serait pas une. C'est inscrit dans la loi, pas dans l'ordre des choses. A ce compte, il suffit que l’État en décide ainsi, pour qu'il n'y ait pas non plus d'offre de santé, de transport ou de n'importe quoi d'autre. On a essayé, d'ailleurs, ça s'appelait l'URSS.
La comparaison avec l'armée ne tient pas. Il y a un danger grave à mettre les forces armées en concurrence.
A l'inverse, pour l'école, il y a un danger grave à en faire un monopole. C'est trop de pouvoir.
PauvreYorick a écrit:Ce qui est certain, c'est que « le peuple » ne sait plus exactement où il en est, au sens où l'histoire du dernier siècle met en concurrence plusieurs modèles de l'éducation nationale ou de l'instruction publique, ce dont précisément ton discours témoigne à sa façon. On ne peut pas prendre acte sélectivement de certains aspects des tendances contradictoires qui façonnent le beau brouhaha des discours sur l'école à l'échelle du dernier demi-siècle pour les ériger brutalement en « volonté du peuple » ou en « ambition de l'institution ». Que, certes, nos institutions soient travaillées de l'intérieur par des forces qui aspirent à leur transformation et par exemple à la transformation de l'éducation nationale en « offre » ou en « service », sous l'influence de représentations en provenance du secteur marchand, c'est une chose ; que cela constitue à présent leur sens en est une autre.the educator a écrit: C'est pour moi au peuple de décider quelle école il souhaite avoir l'avenir de ses enfants. On est l'école d'une société, pas contre une société. On peut ne pas être d'accord avec les choix de cette société, c'est mon cas, mais du coup, cette affaire devient privée (et, oui, je suis partant dans mon cas de riche jeune, beau, et intelligent, pour le ticket education).
Pour moi ce sont deux plans différents: d'une part l'ambition de l'institution, choisie par la nation, le peuple. Puis une fois cette ambition fixée, soit on travaille tous de la meme maniere, soit on accepte d'etre mis en concurrence et de laisser le choix: pour faire lille-marseille, je prefere la berline allemande, meme si la twingo de ma femme m'amenera aussi (sans doute) a destination.
Historiquement, l'école était d'abord un service libre, philanthropique ou marchand, selon les cas. C'est seulement ensuite que les socialistes ont décidé de créer l'école publique et se sont évertués à faire le vide autour d'elle, notamment grâce à l'impôt. Il ne faudrait pas inverser les choses. On n'a pas attendu les pouvoirs publics pour créer des écoles.
Quant à la volonté du peuple, c'est un concept étrange. Quand s'est-elle exprimée? Le peuple peut-il avoir une volonté unique sur de telles questions? Manifestement non, puisqu'on constate un "brouhaha", comme tu dis.
Pour quelles raisons d'ailleurs obligerait-on tout le monde à adopter les mêmes solutions? Si tu veux adopter une pédagogie traditionnelle, ça n'empêche pas ton voisin de faire du Montessori ou du Freinet. Est-ce que la liberté pédagogique des autres enseignants, ou des autres familles, te lèse en quoi que ce soit?
Je ne sais pas ce qu'est la volonté du peuple, mais je sais que le marché est beaucoup plus efficace que l'élection de députés ou de présidents de la République, pour s'adapter à la volonté des gens. Aucun scrutin ne permet de choisir un menu de façon satisfaisante pour tous.
D'une manière plus générale, les cas où il est absolument nécessaire d'avoir une réponse unique sont rares. La guerre, la violence, ce genre de choses.
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- User17706Bon génie
Oui, bien sûr : et pour la santé et le transport, ça avait quelques avantages non négligeables.egomet a écrit:PauvreYorick a écrit: ce n'est pas une « offre », justement, il n'y a aucun point de comparaison avec une « offre ». Pas davantage que l'armée française n'est une « offre de défense du territoire ».
Ce n'est pas une offre, parce qu'on a décidé que ce n'en serait pas une. C'est inscrit dans la loi, pas dans l'ordre des choses. A ce compte, il suffit que l’État en décide ainsi, pour qu'il n'y ait pas non plus d'offre de santé, de transport ou de n'importe quoi d'autre. On a essayé, d'ailleurs, ça s'appelait l'URSS.
Si, elle tient exactement pour la raison que tu viens de souligner : on a décidé que ce n'en serait pas une. Bien sûr, après, on peut discuter des raisons, plus ou moins impérieuses, de le faire.egomet a écrit: La comparaison avec l'armée ne tient pas.
Bien sûr : si on remonte assez loin ou si on franchit une frontière, on trouvera des types d'enseignement totalement différents de celui que je viens de décrire et qui est en gros condorcetien.egomet a écrit: Historiquement, l'école était d'abord un service libre, philanthropique ou marchand, selon les cas. C'est seulement ensuite que les socialistes ont décidé de créer l'école publique et se sont évertués à faire le vide autour d'elle, notamment grâce à l'impôt. Il ne faudrait pas inverser les choses. On n'a pas attendu les pouvoirs publics pour créer des écoles.
My point exactly.egomet a écrit: Quant à la volonté du peuple, c'est un concept étrange. Quand s'est-elle exprimée?
Pour ça, sûrement.egomet a écrit: Je ne sais pas ce qu'est la volonté du peuple, mais je sais que le marché est beaucoup plus efficace que l'élection de députés ou de présidents de la République, pour s'adapter à la volonté des gens.
- egometDoyen
dandelion a écrit:Liberté, nom féminin, voir 'loi du plus fort'
Égalité, nom féminin, voir "dictature du prolétariat". C'est pour ça qu'elle n'est pas toute seule.
Moi aussi, je sais faire de belles formules.
Blague à part, les institutions qui "encadrent" la liberté sont elles aussi imprégnées de violence.
Vous pouvez craindre le pouvoir des riches sur un marché, et il y a sans doute de bonnes raisons. Mais ce pouvoir n'est ni absolu ni définitif, contrairement à celui d'une administration d’État, qui a derrière elle tout le pouvoir de l'impôt et de la police. Le pouvoir doit équilibrer le pouvoir.
Par ailleurs, le marché, ce n'est pas la loi de la jungle. Le marché repose sur des principes moraux et juridiques, en particulier la responsabilité individuelle.
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- User17706Bon génie
Pardon, en dépit de nos affinités politiques très très divergentes et aussi de certains principes qui doivent diverger aussi, je ne voudrais pas donner une impression de sécheresse, j'apprécie beaucoup la clarté de ton propos.
Toutefois j'ai une question, parce que quelque chose me chiffonne de façon inhabituelle dedans, et précisément dans l'expression ci-dessus:
(Sur la boutade sur l'URSS, je précise que je connais un peu le bloc de l'est, pour y avoir vécu plusieurs années ; mais que, par ailleurs, l'argument par contamination est un peu rapide : en effet, il n'avait pas été question de la santé ni des transports, lesquels, d'ailleurs, étaient très loin, en France du moins, d'être livrés à la simple concurrence. Et par exemple, ce n'est pas parce qu'il y a une instruction publique qu'il doit y avoir des magasins d'État, là est le procédé de contamination.)
Toutefois j'ai une question, parce que quelque chose me chiffonne de façon inhabituelle dedans, et précisément dans l'expression ci-dessus:
Ce que je comprends, quant à moi, là-dedans, c'est que des lois encadrent les marchés, et que ces lois utilisent différentes techniques d'affectation des responsabilités. La partie « morale » m'est plus obscure et l'expression « reposer sur » encore davantage.egomet a écrit: Le marché repose sur des principes moraux et juridiques, en particulier la responsabilité individuelle.
(Sur la boutade sur l'URSS, je précise que je connais un peu le bloc de l'est, pour y avoir vécu plusieurs années ; mais que, par ailleurs, l'argument par contamination est un peu rapide : en effet, il n'avait pas été question de la santé ni des transports, lesquels, d'ailleurs, étaient très loin, en France du moins, d'être livrés à la simple concurrence. Et par exemple, ce n'est pas parce qu'il y a une instruction publique qu'il doit y avoir des magasins d'État, là est le procédé de contamination.)
- egometDoyen
PauvreYorick a écrit:Oui, bien sûr : et pour la santé et le transport, ça avait quelques avantages non négligeables.egomet a écrit:PauvreYorick a écrit: ce n'est pas une « offre », justement, il n'y a aucun point de comparaison avec une « offre ». Pas davantage que l'armée française n'est une « offre de défense du territoire ».
Ce n'est pas une offre, parce qu'on a décidé que ce n'en serait pas une. C'est inscrit dans la loi, pas dans l'ordre des choses. A ce compte, il suffit que l’État en décide ainsi, pour qu'il n'y ait pas non plus d'offre de santé, de transport ou de n'importe quoi d'autre. On a essayé, d'ailleurs, ça s'appelait l'URSS.
En matière de transports, l'URSS n'était pas vraiment un modèle. Mais c'est sûr qu'avec les passeports intérieurs et les délais de livraison des usines automobiles, on avait moins de problèmes d'embouteillages.
Pour la médecine, c'est vrai que les pauvres avaient un accès garanti à des soins, mais globalement on n'y était pas en meilleure santé que dans des pays plus libéraux.
PauvreYorick a écrit:Si, elle tient exactement pour la raison que tu viens de souligner : on a décidé que ce n'en serait pas une. Bien sûr, après, on peut discuter des raisons, plus ou moins impérieuses, de le faire.egomet a écrit: La comparaison avec l'armée ne tient pas.
Si les raisons ne sont pas impérieuses, cette décision est tyrannique.
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- atriumNeoprof expérimenté
Egomet, ce ne sont pas les socialistes qui ont créé l'école publique.
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It's okay to be a responsible member of society if only you know what you're going to be held responsible for.
John Brunner, The Jagged Orbit
- User17706Bon génie
C'est crier un peu vite à la tyrannie. Je suis très sensible également aux dangers de l'étatisation à outrance et notamment à l'inertie formidable de ce genre d'institutions. Mais le cri proudhonien, ici, me paraît précipité, ou plutôt, il me paraît participer d'une volonté de « binariser » quelque chose qui s'y prête assez mal. On peut essayer de décrire des conditions de l'« impérieux » de telle sorte que tout ce qui ne les remplit pas strictement devra être laissé à l'initiative individuelle sous peine de tyrannie ; mais ce programme révolutionnaire, bourré de charme à n'en pas douter (surtout à mes yeux de vieil anarchiste), me paraît faire fi de foule de détails et de foule de réalités, historiques, anthropologiques, etc.
Je peux trouver pragmatiquement extrêmement défendable des institutions qui décident en gros que « l'institution des enfants », pour parler comme Montaigne, est justement chose trop importante pour être laissée à l'initiative individuelle, et que le gâchis des potentialités qui risquerait de s'ensuivre est tout simplement factuellement trop énorme pour prendre un tel risque (certes, c'est un discours qui passe mieux quand l'instruction publique ne donne pas le sentiment de prendre l'eau de toutes parts comme en ce moment). Puis, dans un second temps, encadrer l'enseignement de telle sorte que le degré auquel il empiète sur les libertés individuelles soit sévèrement contrôlé.
Je peux trouver pragmatiquement extrêmement défendable des institutions qui décident en gros que « l'institution des enfants », pour parler comme Montaigne, est justement chose trop importante pour être laissée à l'initiative individuelle, et que le gâchis des potentialités qui risquerait de s'ensuivre est tout simplement factuellement trop énorme pour prendre un tel risque (certes, c'est un discours qui passe mieux quand l'instruction publique ne donne pas le sentiment de prendre l'eau de toutes parts comme en ce moment). Puis, dans un second temps, encadrer l'enseignement de telle sorte que le degré auquel il empiète sur les libertés individuelles soit sévèrement contrôlé.
- Presse-puréeGrand sage
Les principes moraux du marché ne me paraissent pas évidents depuis, disons, 1980...
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Homines, dum docent, discunt.Sénèque, Epistulae Morales ad Lucilium VII, 8
"La culture est aussi une question de fierté, de rapport de soi à soi, d’esthétique, si l’on veut, en un mot de constitution du sujet humain." (Paul Veyne, La société romaine)
"Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres". La Boétie
"Confondre la culture et son appropriation inégalitaire du fait des conditions sociales : quelle erreur !" H. Pena-Ruiz
"Il vaut mieux qu'un élève sache tenir un balai plutôt qu'il ait été initié à la philosophie: c'est ça le socle commun" un IPR
- egometDoyen
PauvreYorick a écrit:Pardon, en dépit de nos affinités politiques très très divergentes et aussi de certains principes qui doivent diverger aussi, je ne voudrais pas donner une impression de sécheresse, j'apprécie beaucoup la clarté de ton propos.
Toutefois j'ai une question, parce que quelque chose me chiffonne de façon inhabituelle dedans, et précisément dans l'expression ci-dessus:Ce que je comprends, quant à moi, là-dedans, c'est que des lois encadrent les marchés, et que ces lois utilisent différentes techniques d'affectation des responsabilités. La partie « morale » m'est plus obscure et l'expression « reposer sur » encore davantage.egomet a écrit: Le marché repose sur des principes moraux et juridiques, en particulier la responsabilité individuelle.
Il peut y avoir marché, de façon très informelle, sans qu'aucune force extérieure ne vienne le réguler, dès lors que des hommes s'entendent librement pour échanger des biens.
Ces principes moraux sont assez simples: respect de la parole donnée et de la propriété d'autrui, non-agression, négociation systématique, si je veux quelque chose je propose autre chose en retour etc.
Sans ces principes, il n'y a pas d'échange possible. Aucune loi ne remplace la confiance que se portent les acteurs économiques. La loi n'intervient qu'en cas de défaillance, ce qui ne concerne heureusement qu'une faible part des transactions. La plupart du temps, la moralité suffit.
Assez paradoxalement, il y a un lieu où l'on observe très bien les mécanismes fondamentaux du marché: dans les camps de prisonniers, quand les détenus s'organisent comme ils le peuvent pour améliorer leur condition. C'est très bien décrit, par exemple, dans Souvenirs de la maison des morts. On y voit par exemple la création de la monnaie, le mécanisme des prix, la compréhension des besoins d'autrui, et beaucoup d'autres choses. Tout cela parvient à fonctionner sans le soutien de l'administration pénitentiaire, et souvent contre elle.
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- User17706Bon génie
Ah, je comprends. Oui, je pense aussi que les phénomènes que tu décris peuvent se produire pour peu qu'on soit à l'intérieur d'un camp de prisonniers. Dans d'autres conditions (inégalité dans la répartition des richesses, différence des langues, des systèmes juridiques, etc., grosseur des acteurs, anonymat, dilution quasi infinie des responsabilités : Morgan Sachs n'est pas entièrement comparable à un prisonnier négociant un bout de pain), c'est, je crois, plus... spéculatif, comme diagnostic.
En tout cas, on ne peut certainement pas dire que « sans ces principes, il n'y a pas d'échange possible » sans autre précision et sans restriction aucune. En revanche je suis tout à fait disposé à admettre que de très nombreuses formes d'échange (notamment d'individu à individu) n'auraient pas lieu sans cela, voire que les marchés au sens plus moderne du terme n'auraient pas émergé en tant que phénomène historique s'ils n'avaient pas bénéficié de ce genre de conditions anthropologiques.
(Aussi ─ mais là, c'est un détail, pour le coup ─ si la « moralité » suffit sans la loi dans la grande majorité des cas, et que la loi n'intervient que sur la faible part des transactions qui sont frauduleuses, on peut se poser la question de l'utilité des lois : pourquoi ne pas accepter tout bonnement la petite part de fraudes, sans se mettre en dépense pour les pourchasser et les corriger, puisqu'on est visiblement assuré qu'elles resteront de toute façon minoritaires même si on ne les sanctionne nullement ?)
EDIT : pour redire de manière explicite, cette fois, la même chose que j'ai déjà dite deux fois dans ce message, la confiance est certainement une condition indispensable de l'échange, mais si la confiance entre individus amenés à se côtoyer quotidiennement n'a que peu à voir avec la loi dans de nombreux cas, il est à parier que la confiance entre inconnus totaux qui ne se verront jamais, ou au seul instant de l'échange, ou encore la confiance entre institutions comme des entreprises, des banques, qui vivent une vie quasi indépendante des individus qui y travaillent, repose, quant à elle, sur les lois.
En tout cas, on ne peut certainement pas dire que « sans ces principes, il n'y a pas d'échange possible » sans autre précision et sans restriction aucune. En revanche je suis tout à fait disposé à admettre que de très nombreuses formes d'échange (notamment d'individu à individu) n'auraient pas lieu sans cela, voire que les marchés au sens plus moderne du terme n'auraient pas émergé en tant que phénomène historique s'ils n'avaient pas bénéficié de ce genre de conditions anthropologiques.
(Aussi ─ mais là, c'est un détail, pour le coup ─ si la « moralité » suffit sans la loi dans la grande majorité des cas, et que la loi n'intervient que sur la faible part des transactions qui sont frauduleuses, on peut se poser la question de l'utilité des lois : pourquoi ne pas accepter tout bonnement la petite part de fraudes, sans se mettre en dépense pour les pourchasser et les corriger, puisqu'on est visiblement assuré qu'elles resteront de toute façon minoritaires même si on ne les sanctionne nullement ?)
EDIT : pour redire de manière explicite, cette fois, la même chose que j'ai déjà dite deux fois dans ce message, la confiance est certainement une condition indispensable de l'échange, mais si la confiance entre individus amenés à se côtoyer quotidiennement n'a que peu à voir avec la loi dans de nombreux cas, il est à parier que la confiance entre inconnus totaux qui ne se verront jamais, ou au seul instant de l'échange, ou encore la confiance entre institutions comme des entreprises, des banques, qui vivent une vie quasi indépendante des individus qui y travaillent, repose, quant à elle, sur les lois.
- egometDoyen
PauvreYorick a écrit:C'est crier un peu vite à la tyrannie. Je suis très sensible également aux dangers de l'étatisation à outrance et notamment à l'inertie formidable de ce genre d'institutions. Mais le cri proudhonien, ici, me paraît précipité, ou plutôt, il me paraît participer d'une volonté de « binariser » quelque chose qui s'y prête assez mal. On peut essayer de décrire des conditions de l'« impérieux » de telle sorte que tout ce qui ne les remplit pas strictement devra être laissé à l'initiative individuelle sous peine de tyrannie ; mais ce programme révolutionnaire, bourré de charme à n'en pas douter (surtout à mes yeux de vieil anarchiste), me paraît faire fi de foule de détails et de foule de réalités, historiques, anthropologiques, etc.
Je peux trouver pragmatiquement extrêmement défendable des institutions qui décident en gros que « l'institution des enfants », pour parler comme Montaigne, est justement chose trop importante pour être laissée à l'initiative individuelle, et que le gâchis des potentialités qui risquerait de s'ensuivre est tout simplement factuellement trop énorme pour prendre un tel risque (certes, c'est un discours qui passe mieux quand l'instruction publique ne donne pas le sentiment de prendre l'eau de toutes parts comme en ce moment). Puis, dans un second temps, encadrer l'enseignement de telle sorte que le degré auquel il empiète sur les libertés individuelles soit sévèrement contrôlé.
On peut aussi trouver pragmatiquement que l'institution des enfants est justement trop importante pour la confier à une seule administration. C'est un pouvoir trop tentant, et c'est prendre le risque d'une catastrophe lorsque cette administration est en crise; tandis que la crise d'une école libre n'empêche nullement l'école voisine d'être efficace et ne peut pas durer très longtemps.
Le problème de ta remarque est dans l'expression "décider en gros". S'il est vrai qu'à l'origine l'école publique s'est contentée de définir des objectifs assez généraux et assez consensuels, son organisation même l'amène mécaniquement à s'occuper d'un tas de détails, qui prennent le pas sur l'essentiel. Si on ne lui impose pas des limites claires, par principe, l'administration finit nécessairement par fourrer son nez partout, au point que la machine se grippe. La loi est cumulative, tu le sais bien. N'en sous-estime pas la force. L'administration n'a pas besoin de vouloir être tyrannique et oppressive, pour l'être dans les faits.
On peut s'assurer que tous les enfants reçoivent une instruction sérieuse, sans pour autant en faire un monopole et sans détruire l'initiative individuelle. C'est précisément l'objet du chèque-éducation.
Laisser l'instruction à la seule initiative individuelle, ce serait dire, par exemple, que seuls les parents ont à décider d'envoyer ou non leurs enfants à l'école, et qu'ils doivent se démerder eux-mêmes pour la financer. Ce n'est pas ce que je propose.
Je suis assez sensible à tes arguments conservateurs, la "foule de détails et de foule de réalités, historiques, anthropologiques", dont il faut tenir compte. Mais ils ne sauraient être invoqués pour justifier des politiques constructivistes et de nouveaux bouleversements des habitudes scolaires. Comme je l'ai déjà dit ailleurs, je ne préconiserais pas le chèque-éducation si l'école publique n'était pas en crise, si elle faisait son travail de façon seulement décente. Mais on parle maintenant de 40 ans d'échec systématique des réformes centralisées. Ce n'est pas une crise ponctuelle. Il y a un moment où il faut bien admettre qu'on s'est fourvoyé!
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- User17706Bon génie
Disons au pif qu'il me semble en aller de ce genre de propositions comme de tout marché moderne qui remplirait véritablement ses promesses sans trop de dégâts : on peut préciser à quelles conditions il pourrait le faire, et ensuite chercher s'il existe une galaxie où elles auraient une chance d'être exactement remplies (pour conclure que, très probablement, non). Après, on se retrouve avec la tâche notoirement complexe d'évaluer les conséquences d'un remplissement incomplet de ces conditions : quel est l'impact des inégalités de richesse à l'instant t ? des inégalités dans l'accès aux informations pertinentes, aux transports, etc. ? ─ et on finit en général assez vite par conclure qu'on a pas d'idée bien précise de la tronche exacte du lapin qui est susceptible, empiriquement, de sortir d'un tel chapeau, le nombre de paramètres étant ouvert, leur poids relatif difficile ou impossible à estimer, les décisions des acteurs impossibles à anticiper exactement (quand bien même on les modélise, ça oui, on sait bien faire), bref le tout formant un système caractéristiquement chaotique.
Je ne dis pas qu'aujourd'hui les plus largués s'en sortent beaucoup mieux avec notre système (qui n'est pas monopolistique mais s'en approche, certes) qu'ils ne le feraient avec un tout autre, du genre de ce que tu sembles proposer : en fait, je n'en sais rien. Mais je me demande très sérieusement si une révolution de ce type (même si je comprends le réflexe de tout péter pour voir si n'importe quoi d'autre ne va pas sortir des ruines par miracle) n'aurait pas pour première conséquence de les abandonner définitivement à la pire version de leur destin (sans changer grand'chose par ailleurs à la condition des moins largués, dont on peut supposer qu'ils apprendront vite à utiliser l'avantage initial dont ils disposent pour préserver leur position). Mais bon, c'est le genre de discussion très technique qui passera mieux (pour moi, en tout cas) après une nuit de sommeil
Je ne dis pas qu'aujourd'hui les plus largués s'en sortent beaucoup mieux avec notre système (qui n'est pas monopolistique mais s'en approche, certes) qu'ils ne le feraient avec un tout autre, du genre de ce que tu sembles proposer : en fait, je n'en sais rien. Mais je me demande très sérieusement si une révolution de ce type (même si je comprends le réflexe de tout péter pour voir si n'importe quoi d'autre ne va pas sortir des ruines par miracle) n'aurait pas pour première conséquence de les abandonner définitivement à la pire version de leur destin (sans changer grand'chose par ailleurs à la condition des moins largués, dont on peut supposer qu'ils apprendront vite à utiliser l'avantage initial dont ils disposent pour préserver leur position). Mais bon, c'est le genre de discussion très technique qui passera mieux (pour moi, en tout cas) après une nuit de sommeil
- egometDoyen
PauvreYorick a écrit:Ah, je comprends. Oui, je pense aussi que les phénomènes que tu décris peuvent se produire pour peu qu'on soit à l'intérieur d'un camp de prisonniers. Dans d'autres conditions (inégalité dans la répartition des richesses, différence des langues, des systèmes juridiques, etc., grosseur des acteurs, anonymat, dilution quasi infinie des responsabilités : Morgan Sachs n'est pas entièrement comparable à un prisonnier négociant un bout de pain), c'est, je crois, plus... spéculatif, comme diagnostic.
En tout cas, on ne peut certainement pas dire que « sans ces principes, il n'y a pas d'échange possible » sans autre précision et sans restriction aucune. En revanche je suis tout à fait disposé à admettre que de très nombreuses formes d'échange (notamment d'individu à individu) n'auraient pas lieu sans cela, voire que les marchés au sens plus moderne du terme n'auraient pas émergé en tant que phénomène historique s'ils n'avaient pas bénéficié de ce genre de conditions anthropologiques.
(Aussi ─ mais là, c'est un détail, pour le coup ─ si la « moralité » suffit sans la loi dans la grande majorité des cas, et que la loi n'intervient que sur la faible part des transactions qui sont frauduleuses, on peut se poser la question de l'utilité des lois : pourquoi ne pas accepter tout bonnement la petite part de fraudes, sans se mettre en dépense pour les pourchasser et les corriger, puisqu'on est visiblement assuré qu'elles resteront de toute façon minoritaires même si on ne les sanctionne nullement ?)
Sans ces principes, il n'y a pas d'échange, il y a un brigandage, brigandage qui peut d'ailleurs très bien se cacher derrière une loi. Aucune loi ne peut être efficace si elle ne trouve une résonance dans les mœurs.
Il est évident qu'on ne peut pas se passer totalement de loi, car il faut réprimer la fraude et la violence. Cependant, si la violence a une définition relativement claire, il n'en va pas de même pour la fraude.
On peut l'envisager sous deux aspects:
- La fraude peut être définie simplement comme une tromperie. Le vendeur par exemple a menti à son client ou a omis de lui fournir une information essentielle. En ce sens, il est évidemment essentiel de réprimer la fraude.
- On a parfois tendance à définir la fraude, comme ce qui ne respecte pas les lois, notamment fiscales. Mais dans ce cas, c'est la loi elle-même qui "crée" la fraude. La transaction pourrait ne pas être frauduleuse, si la loi était rédigée différemment. C'est tout le problème du marché noir, autre situation où l'on peut observer le fonctionnement spontané d'un marché (je ne citais les camps de prisonniers que parce que j'avais des références faciles à proposer). En Afrique, par exemple l'essentiel de l'économie relève de ce que nous appellerions chez nous du marché noir, sans que pour autant il n'y ait de victimes. Le tailleur qui fabrique un pantalon avec sa vieille Singer sur un bout de trottoir ne fait de mal à personne. Au contraire! Dans ce cas précis, on peut effectivement s'interroger sur l'utilité d'une loi.
Je ne conteste pas l'utilité des lois d'une manière générale. Il en faut. Mais il est légitime de s'interroger sur l'utilité de chaque loi en particulier. Une loi inutile est une loi néfaste, par cela même qu'elle nuit aux lois nécessaires. Mais cela, inutile de te le rappeler.
Tu soulèves la question des asymétries, entre une grosse entreprise et un petit client ou un petit employé. C'est un problème sérieux, en effet. La loi peut intervenir pour le contenir. Par exemple l'autorisation récente des "class actions" est une avancée à souligner. Mais il y aurait contradiction à vouloir résoudre cette asymétrie par des méthodes dirigistes. Un monopole public reste un monopole. Ma meilleure protection contre un mauvais patron, c'est l'existence d'un autre patron à qui je puisse proposer mes services. S'il n'y a qu'un seul patron, je suis coincé. Qu'il se donne le nom d’État ne change rien à l'affaire. Le socialisme consiste à lutter contre les gros en créant une entité gigantesque! Brillant! Vraiment!
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- egometDoyen
PauvreYorick a écrit:Disons au pif qu'il me semble en aller de ce genre de propositions comme de tout marché moderne qui remplirait véritablement ses promesses sans trop de dégâts : on peut préciser à quelles conditions il pourrait le faire, et ensuite chercher s'il existe une galaxie où elles auraient une chance d'être exactement remplies (pour conclure que, très probablement, non). Après, on se retrouve avec la tâche notoirement complexe d'évaluer les conséquences d'un remplissement incomplet de ces conditions : quel est l'impact des inégalités de richesse à l'instant t ? des inégalités dans l'accès aux informations pertinentes, aux transports, etc. ? ─ et on finit en général assez vite par conclure qu'on a pas d'idée bien précise de la tronche exacte du lapin qui est susceptible, empiriquement, de sortir d'un tel chapeau, le nombre de paramètres étant ouvert, leur poids relatif difficile ou impossible à estimer, les décisions des acteurs impossibles à anticiper exactement (quand bien même on les modélise, ça oui, on sait bien faire), bref le tout formant un système caractéristiquement chaotique.
Je ne dis pas qu'aujourd'hui les plus largués s'en sortent beaucoup mieux avec notre système (qui n'est pas monopolistique mais s'en approche, certes) qu'ils ne le feraient avec un tout autre, du genre de ce que tu sembles proposer : en fait, je n'en sais rien. Mais je me demande très sérieusement si une révolution de ce type (même si je comprends le réflexe de tout péter pour voir si n'importe quoi d'autre ne va pas sortir des ruines par miracle) n'aurait pas pour première conséquence de les abandonner définitivement à la pire version de leur destin (sans changer grand'chose par ailleurs à la condition des moins largués, dont on peut supposer qu'ils apprendront vite à utiliser l'avantage initial dont ils disposent pour préserver leur position). Mais bon, c'est le genre de discussion très technique qui passera mieux (pour moi, en tout cas) après une nuit de sommeil
Après une nuit de sommeil, je te ferai remarquer qu'on peut renverser ton argument et l'appliquer à l’État centralisateur.
Mais bon, après une nuit de sommeil. Moi aussi, je vais me pieuter.
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Primum non nocere.
Ubi bene, ibi patria.
Mes livres, mes poèmes, réflexions pédagogiques: http://egomet.sanqualis.com/
- CowabungaHabitué du forum
Je n'ai pas lu les six pages du topic, mais je pense que je vais quand même prêcher des convaincus en vous racontant par le menu notre expérimentation de la "classe sans devoirs" (et oui, ma bonne dame, après la classe sans note, voilà ce qui vous attend ! )
Retour en septembre 2013 : notre nouveau principal, qui ne nous connaît que par notre désastreuse réputation, affirme sa volonté de changer nos pratiques (qu'il ne connaît pas) dès la pré-rentrée. Et lance en l'air l'idée d'une classe sans devoirs, en croyant nous choquer.
On se regarde, tellement c'est trop beau : ça fait quelques années qu'on a renoncé à donner du vrai travail à la maison... On leur fait apprendre les leçons en classe ; on donne des exos inutiles pour les obliger à ouvrir leurs cahiers :lol: et surtout pour rassurer les parents. Alors arrêter de faire semblant, et avec la bénédiction du chef, c'est tentant !
Imaginez sa tête quand, deux heures plus tard, on lui annonce que sa classe de sixièmes sans devoirs est un rêve devenu réalité... Heureux ? Non ! En fait, lui, il lançait l'idée pour la rentrée 2014 !
Et c'est parti mon kiki. On explique aux gamins : pas de devoirs = beaucoup plus de travail en classe. Ils sont contents. Nous sommes contents. Le principal, surpris, oublie de faire une réunion d'information pour les parents... qui commencent à paniquer.
Premier trimestre : classe super ; niveau faible, mais active, et bon esprit.
Deuxième trimestre : classe passive :|
Troisième trimestre : classe pénible qui refuse de travailler.
Mais, me direz-vous, qu'est-ce qui me prouve que ce revirement est dû à l'absence de devoirs ? Facile : d'une part les autres classes de 6e présentent des profils différents ; d'autre part il y a des collègues qui ont refusé de participer à cette expérimentation avec cette classe... et qui sont les seuls aujourd'hui à pouvoir montrer les progrès de ces élèves.
Je suis contente d'avoir mené cette expérience, parce qu'elle a radicalement changé ma vision du travail à la maison. Non seulement je remets des devoirs dès l'année prochaine, mais en plus, je ne donnerai plus d'exercices d'automatisation, seulement des exercices de création.
:malmaisbien:
Bon, il y aura toujours des parents pour faire les devoirs de leurs enfants, mais là, franchement, ce n'est plus mon problème.
Quant à la FCPE, je le dis sans aucune arrière-pensée politique, ça m'étonnerait qu'elle passe chez nous.
Retour en septembre 2013 : notre nouveau principal, qui ne nous connaît que par notre désastreuse réputation, affirme sa volonté de changer nos pratiques (qu'il ne connaît pas) dès la pré-rentrée. Et lance en l'air l'idée d'une classe sans devoirs, en croyant nous choquer.
On se regarde, tellement c'est trop beau : ça fait quelques années qu'on a renoncé à donner du vrai travail à la maison... On leur fait apprendre les leçons en classe ; on donne des exos inutiles pour les obliger à ouvrir leurs cahiers :lol: et surtout pour rassurer les parents. Alors arrêter de faire semblant, et avec la bénédiction du chef, c'est tentant !
Imaginez sa tête quand, deux heures plus tard, on lui annonce que sa classe de sixièmes sans devoirs est un rêve devenu réalité... Heureux ? Non ! En fait, lui, il lançait l'idée pour la rentrée 2014 !
Et c'est parti mon kiki. On explique aux gamins : pas de devoirs = beaucoup plus de travail en classe. Ils sont contents. Nous sommes contents. Le principal, surpris, oublie de faire une réunion d'information pour les parents... qui commencent à paniquer.
Premier trimestre : classe super ; niveau faible, mais active, et bon esprit.
Deuxième trimestre : classe passive :|
Troisième trimestre : classe pénible qui refuse de travailler.
Mais, me direz-vous, qu'est-ce qui me prouve que ce revirement est dû à l'absence de devoirs ? Facile : d'une part les autres classes de 6e présentent des profils différents ; d'autre part il y a des collègues qui ont refusé de participer à cette expérimentation avec cette classe... et qui sont les seuls aujourd'hui à pouvoir montrer les progrès de ces élèves.
Je suis contente d'avoir mené cette expérience, parce qu'elle a radicalement changé ma vision du travail à la maison. Non seulement je remets des devoirs dès l'année prochaine, mais en plus, je ne donnerai plus d'exercices d'automatisation, seulement des exercices de création.
:malmaisbien:
Bon, il y aura toujours des parents pour faire les devoirs de leurs enfants, mais là, franchement, ce n'est plus mon problème.
Quant à la FCPE, je le dis sans aucune arrière-pensée politique, ça m'étonnerait qu'elle passe chez nous.
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"La parole est mon domaine, la parole est mon royaume" Paul Ricoeur
- the educatorFidèle du forum
>Ego et Yorick, vous mettez beaucoup d'ordre dans ma petite tête remplie d'intuition. Je l'ai déjà dit, je le redis, c'est un plaisir!
Pour relever deux trois trucs au passage, sur l'armée, de nombreux états ont déjà recours aux "forces de sécurité privées". Par ailleurs, certains choix dans le domaine de la défense sont éminemment politiques. Je fais le raccourci facile politique = peuple, même lorsque les interactions sont plus fines qu'un bon gros referendum.
Pour la notion de marché, je lui préfère l'idée de transaction, moins connotée, et surtout possiblement hors de toute valeur "marchande" comme l'indique Egomet. Parfois même il ne s'agit pas d'échange (visible immédiatement). Je pense aux dons, au(x) bien(s) commun(s).
Quand à l'offre, je la pense tout de même comme une proposition: d'une part parce que les écoles hors contrat existent, d'autre part parce que l'instruction à la maison aussi. Hélas ces deux initiatives sont torpillées par la puissance publique.
Pour relever deux trois trucs au passage, sur l'armée, de nombreux états ont déjà recours aux "forces de sécurité privées". Par ailleurs, certains choix dans le domaine de la défense sont éminemment politiques. Je fais le raccourci facile politique = peuple, même lorsque les interactions sont plus fines qu'un bon gros referendum.
Pour la notion de marché, je lui préfère l'idée de transaction, moins connotée, et surtout possiblement hors de toute valeur "marchande" comme l'indique Egomet. Parfois même il ne s'agit pas d'échange (visible immédiatement). Je pense aux dons, au(x) bien(s) commun(s).
Quand à l'offre, je la pense tout de même comme une proposition: d'une part parce que les écoles hors contrat existent, d'autre part parce que l'instruction à la maison aussi. Hélas ces deux initiatives sont torpillées par la puissance publique.
- MoonchildSage
Je comprends très bien cet argument qui s'illustre malheureusement à merveille depuis que les grands pontes des sciences de l'éducation ont pris les rênes du ministère du même nom. Je ne suis pas opposé par principe à l'existence d'un secteur privé de l'éducation et je reconnais que, sous certaines conditions, la concurrence peut avoir un effet bénéfique (CF un fil récent où étaient évoquées les performances de la Bretagne sur le plan scolaire).egomet a écrit:On peut aussi trouver pragmatiquement que l'institution des enfants est justement trop importante pour la confier à une seule administration. C'est un pouvoir trop tentant, et c'est prendre le risque d'une catastrophe lorsque cette administration est en crise; tandis que la crise d'une école libre n'empêche nullement l'école voisine d'être efficace et ne peut pas durer très longtemps.
Le problème de ta remarque est dans l'expression "décider en gros". S'il est vrai qu'à l'origine l'école publique s'est contentée de définir des objectifs assez généraux et assez consensuels, son organisation même l'amène mécaniquement à s'occuper d'un tas de détails, qui prennent le pas sur l'essentiel. Si on ne lui impose pas des limites claires, par principe, l'administration finit nécessairement par fourrer son nez partout, au point que la machine se grippe. La loi est cumulative, tu le sais bien. N'en sous-estime pas la force. L'administration n'a pas besoin de vouloir être tyrannique et oppressive, pour l'être dans les faits.
Cependant, on peut aussi se demander si le marché est forcément le meilleur régulateur de toute activité humaine ; le monde de l'entreprise regorge d'exemples où, sous couvert de recherche d'une plus grande performance, il finit par se mettre en place des modes d'organisation aussi tyranniques et absurdes que ceux qui peuvent germer au sein d'une administration d'état malade.
On peut concrètement remarquer que lorsque des organismes issus du marché (OCDE, fondations et think tanks divers) s'intéressent à la question de l'école, c'est presque systématiquement pour préconiser des réformes qui vont dans le sens des pires dérives pédagogistes et que c'est encore le dogmatisme qui l'emporte.
Bien sûr, on peut opposer à ce constat que, sur le terrain, l'usager verra bien où est son intérêt ; mais cela suppose qu'il soit bien informé et en capacité de faire le meilleur choix (pour ma part je ne suis déjà pas certain d'être en mesure de le faire pour le choix d'un opérateur téléphonique). Or, là encore, l'expérience et les faits récents montre que les exigences des parents sont souvent contradictoires et parfois franchement irrationnelles. L'une des faiblesses du système scolaire actuel n'est-elle pas justement l'importance du pouvoir de décision confié aux familles ?
Enfin, dans un monde où l'école serait uniquement régulée par le marché, elle devrait tôt ou tard se poser une question cruciale pour toute entreprise soumise à la concurrence : celle de la qualité de la matière première et du choix des meilleurs fournisseurs ; ici, la matière première, c'est l'élève et il n'est pas évident que la somme des intérêts particuliers de chaque entreprise scolaire finisse par être égale à l'intérêt commun.
- Le grincheuxSage
C'est exactement le contraire pour la santé. C'est parce que l'état veut y mettre son nez que ça fonctionne aussi mal et que ça coûte aussi cher au contribuable.PauvreYorick a écrit:Oui, bien sûr : et pour la santé et le transport, ça avait quelques avantages non négligeables.egomet a écrit:PauvreYorick a écrit: ce n'est pas une « offre », justement, il n'y a aucun point de comparaison avec une « offre ». Pas davantage que l'armée française n'est une « offre de défense du territoire ».
Ce n'est pas une offre, parce qu'on a décidé que ce n'en serait pas une. C'est inscrit dans la loi, pas dans l'ordre des choses. A ce compte, il suffit que l’État en décide ainsi, pour qu'il n'y ait pas non plus d'offre de santé, de transport ou de n'importe quoi d'autre. On a essayé, d'ailleurs, ça s'appelait l'URSS.
Quant aux transports, on a bizarrement constaté que dans les pays européens où le secteur du rail avait été libéralisé, il y avait 30% de gens en plus qui prenaient le train. En France, on fait tout pour désorganiser le secteur et empêcher de l'ouvrir à la concurrence pour ne pas voir que cela pourrait fonctionner. Il suffit de regarder ce qui se passe actuellement dans les TER et sur les grandes lignes comme Brive/Limoges-Clermont ou Clermont-Lyon. C'est HONTEUX. Et c'est l'état qui le fait.
Je pensais à ça (lien) et une pétition est disponible en ligne.
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Le carnet du Grincheux, Chroniques de misanthropie ordinaire
http://grincheux.de-charybde-en-scylla.fr/
Ma vie, mon œuvre
http://www.systella.fr/
- the educatorFidèle du forum
La fin du monopole de l'instruction, ce n'est pas seulement le marché, même si on vendra sans doute du bas de gamme à ceux qui ne se poseront pas la question, mais c'est aussi la possibilité de l'artisanat, du local, de la confiance. Ce n'est pas parce que le marché est ultra dominant dans les transactions entre les hommes que dans les replis de la carte n'existe pas des modèles alternatifs, humains, et sains. Et des fois pas plus cher....
- LilypimsGrand sage
the educator a écrit:La fin du monopole de l'instruction, ce n'est pas seulement le marché, même si on vendra sans doute du bas de gamme à ceux qui ne se poseront pas la question, mais c'est aussi la possibilité de l'artisanat, du local, de la confiance. Ce n'est pas parce que le marché est ultra dominant dans les transactions entre les hommes que dans les replis de la carte n'existe pas des modèles alternatifs, humains, et sains. Et des fois pas plus cher....
Une bonne éducation pour les happy few, quoi.
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...il faut continuer, je ne peux pas continuer, il faut continuer, je vais donc continuer...
- the educatorFidèle du forum
Oui, voilà. ça sera au moins ça de gagné. mais je crois aussi beaucoup à la contagion, la plupart des gens, quand tu leur montres qu'on peut être heureux malgré tout ce qu'on leur raconte, ben ils ne sont pas fous, ils essaient aussi. Au début ils te voient faire, 'tobservent, te prennent pour un marginal, puis voient bien à ton visage que ça a l'air de te réussir. Je ne sais pas si c'est généralisable, ni à quelle échelle on peut s'en sortir, mais je constate, dans d'autres domaines que l'éducation, que d'autres modèles existent. Et je préfère des petites poches de gens heureux qu'une grosse armée d'individus résignés et livides.
- LilypimsGrand sage
Personne ne t'empêche de le faire dès maintenant ; le système te le permet. Pourquoi n'éduques-tu pas ton enfant chez toi ? Si tu ne te sens pas capable de le faire, tu peux embaucher un précepteur. Sinon, il reste le privé hors contrat.
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...il faut continuer, je ne peux pas continuer, il faut continuer, je vais donc continuer...
- lumeekaExpert spécialisé
C'est intéressant car des recherches indiquent le contraire, mettant l'accent sur la qualité et non la quantité des devoirs:
http://www.nytimes.com/2011/09/11/opinion/sunday/quality-homework-a-smart-idea.html?_r=3&"1. L’effet positif de la répétition espacée: on retient plus quand on revient sur le même argument plusieurs fois, mais à distance de temps (jours, semaines, mois), pas tout de suite;
2. L’effet positif du test (répétition): on apprend mieux quand on révise avec un test (questions multiples ou encore mieux questions ouvertes auxquelles répondre brièvement); les tests ne servent pas seulement à l’évaluation, mais à l’apprentissage lui-même!
3. L’effet positif de la difficulté cognitive: on retient plus quand l’apprentissage nous demande un effort, par exemple quand différents types de choses à apprendre sont mélangées dans une même session d’apprentissage, plutôt que groupées de manière à savoir à l’avance ce qu’il nous attend …"
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Animals are my friends... and I don't eat my friends. George Bernard Shaw
https://www.facebook.com/sansvoixpaca/
http://www.nonhumanrightsproject.org/about-us-2/
- ZupdeCo veut supprimer les devoirs à la maison
- Les devoirs maison au collège en maths
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