- Reine MargotDemi-dieu
oui, mais Baudelaire aussi joue la provoc et le dégoût (voir la charogne) cela n'empêche pas de rechercher avant tout la beauté...
- MermozFidèle du forum
et Lautréamont avec les chants de Maldoror, mais ça reste des oeuvres poétiques (or la poésie recherche le beau par essence)... mais en dehors des oeuvres poétiques??? Pour provoquer un peu Abraxas, peut-on dire que dans certaines oeuvres de Sade, il y a de la beauté???marquisedemerteuil a écrit:oui, mais Baudelaire aussi joue la provoc et le dégoût (voir la charogne) cela n'empêche pas de rechercher avant tout la beauté...
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De même que Louis Pasteur inventa la pasteurisation, c'est à Jean-Pierre Démoral que nous devons la démoralisation, et je dis bravo. Jean-Pierre Démoral commença humblement ses expériences sur sa logeuse, Mme Brouchard, qu'il démoralisa le 12 Septembre 1847.
Concierge : Y fait beau.
Démoral : Ca va pas durer.
Concierge : Je suis démoralisée.
- MermozFidèle du forum
Et je précise tout de suite que je ne suis ni pleutre, ni hypocrite, quoiqu'un peu crétinechoupinette a écrit: Pour provoquer un peu Abraxas, peut-on dire que dans certaines oeuvres de Sade, il y a de la beauté???
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De même que Louis Pasteur inventa la pasteurisation, c'est à Jean-Pierre Démoral que nous devons la démoralisation, et je dis bravo. Jean-Pierre Démoral commença humblement ses expériences sur sa logeuse, Mme Brouchard, qu'il démoralisa le 12 Septembre 1847.
Concierge : Y fait beau.
Démoral : Ca va pas durer.
Concierge : Je suis démoralisée.
- AbraxasDoyen
Mais il y a de la beauté partout, chez Sade !
Parce que la beauté est dans la trace (et non dans le marbre ou la pierre, comme le pensait inutilement Baudelaire). Et des treaces, chez Sade, il y en a pas mal… Cousp de fouet et coups de plumes — c'est pareil.
Tiens, j'ai même fait un jour une longue intervention sur le sujet dans un congrès de psys… Gros succès !
Parce que la beauté est dans la trace (et non dans le marbre ou la pierre, comme le pensait inutilement Baudelaire). Et des treaces, chez Sade, il y en a pas mal… Cousp de fouet et coups de plumes — c'est pareil.
Tiens, j'ai même fait un jour une longue intervention sur le sujet dans un congrès de psys… Gros succès !
- Reine MargotDemi-dieu
ah l'écritue c'est sadique? remarque, ma prof Anne Garréta a écrit un livre, la décomposition, où un serial killer tuait des gens en fonction de la recherche du temps perdu de proust. A une conférence, on lui a même demandé comment elle voudrait tuer si elle tuait qqn. Elle a dit préférer le sabre japonais. :lol!:
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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
La famille Bélier
- DwarfVénérable
J'ai déjà apporté de (longs) développements à ce sujet mais il est vrai que c'était plutôt sur la proportion fond/forme.
Pour ce qui est de la beauté formelle, je ne prétends en l'occurrence ni égaler Abraxas en la matière (priorité à l'expérience oblige, pour le coup) ni le contredire puisque j'ai tendance à penser comme lui sur ce point. Personnellement, j'ai trouvé du sublime chez Céline. Toute oeuvre digne de ce nom recherche effectivement une forme d'harmonie, parfois heurtée dans le détail mais grandiose dans son plan général ou dans ses développements, à la manière d'un tableau qui se révèle vraiment avec du recul ou d'une partition qui développe ses thèmes sur la longueur. Le problème du Nouveau Roman, c'est que cette beauté ne se peut établir que de manière composite : ce n'est pas tant le choix des mots qui fera (ou plutôt tentera de faire) beauté que l'agencement de ces derniers dans une économie textuelle qui tâche de se réinventer en permanence, loin de toute règle (si ce n'est celle de dérégler) et de toute convention classique.
De ce point de vue, la recherche du Nouveau Roman ne se peut comparer à la quête de beauté de la poésie puisque cette dernière repose sur le mot comme principe premier et non sur la phrase dans son ensemble. C'est l'assemblage des mots pour former rythme et sonorité qui fera naître la beauté, de même que les images. Dans le Nouveau Roman, c'est le choix de composition syntaxique ou le présupposé narratif qui l'emporte sur toute autre considération formelle.
J'ai travaillé sur ce qui inspire la beauté en art (et notamment, au premier chef, les rapports dorés avec Phi, le nombre d'or) mais j'avoue qu'il me reste à explorer cet aspect-là dans le domaine des mots, qui ne se laisse pas saisir aussi facilement que dans l'art pictural, la statuaire ou l'architecture. Je pense que la clef se trouve du côté de la musique et des rapports dorés que l'on y trouve pour les transposer dans les sonorités et rythmes des mots.
Pour ce qui est de la beauté formelle, je ne prétends en l'occurrence ni égaler Abraxas en la matière (priorité à l'expérience oblige, pour le coup) ni le contredire puisque j'ai tendance à penser comme lui sur ce point. Personnellement, j'ai trouvé du sublime chez Céline. Toute oeuvre digne de ce nom recherche effectivement une forme d'harmonie, parfois heurtée dans le détail mais grandiose dans son plan général ou dans ses développements, à la manière d'un tableau qui se révèle vraiment avec du recul ou d'une partition qui développe ses thèmes sur la longueur. Le problème du Nouveau Roman, c'est que cette beauté ne se peut établir que de manière composite : ce n'est pas tant le choix des mots qui fera (ou plutôt tentera de faire) beauté que l'agencement de ces derniers dans une économie textuelle qui tâche de se réinventer en permanence, loin de toute règle (si ce n'est celle de dérégler) et de toute convention classique.
De ce point de vue, la recherche du Nouveau Roman ne se peut comparer à la quête de beauté de la poésie puisque cette dernière repose sur le mot comme principe premier et non sur la phrase dans son ensemble. C'est l'assemblage des mots pour former rythme et sonorité qui fera naître la beauté, de même que les images. Dans le Nouveau Roman, c'est le choix de composition syntaxique ou le présupposé narratif qui l'emporte sur toute autre considération formelle.
J'ai travaillé sur ce qui inspire la beauté en art (et notamment, au premier chef, les rapports dorés avec Phi, le nombre d'or) mais j'avoue qu'il me reste à explorer cet aspect-là dans le domaine des mots, qui ne se laisse pas saisir aussi facilement que dans l'art pictural, la statuaire ou l'architecture. Je pense que la clef se trouve du côté de la musique et des rapports dorés que l'on y trouve pour les transposer dans les sonorités et rythmes des mots.
- lilith888Grand sage
personnellement, c'est la première fois que j'entends parler de ce concept de beauté en poésie....
N'est ce pas un peu subjectif et un peu vague comme truc ?
Qu'est ce que c'est que la "beauté" en poésie ???
N'est ce pas un peu subjectif et un peu vague comme truc ?
Qu'est ce que c'est que la "beauté" en poésie ???
- DwarfVénérable
lilith888 a écrit:personnellement, c'est la première fois que j'entends parler de ce concept de beauté en poésie....
N'est ce pas un peu subjectif et un peu vague comme truc ?
Qu'est ce que c'est que la "beauté" en poésie ???
Précisément. Exemple de sujet de khâgne en mon temps: "Qu'est-ce qu'un beau vers?". A vos copies!
Bon, je vous donne déjà le plan, si vous voulez.
I : Un
II : Beau
III : Vers
- lilith888Grand sage
mais c'est naze comme sujet !
je n'aime pas du tout cette notion. On peut parler à la limite de perfection dans la forme. Mais dans "beau" on peut mettre tout et n'importe quoi.
D'ailleurs, c'est de qui déjà le plus beau vers de la langue française ? Mince j'ai un trou. C'est pas le sonnet d'Arvers ? (pas terrible à mon sens)
je n'aime pas du tout cette notion. On peut parler à la limite de perfection dans la forme. Mais dans "beau" on peut mettre tout et n'importe quoi.
D'ailleurs, c'est de qui déjà le plus beau vers de la langue française ? Mince j'ai un trou. C'est pas le sonnet d'Arvers ? (pas terrible à mon sens)
- DwarfVénérable
lilith888 a écrit:mais c'est naze comme sujet !
je n'aime pas du tout cette notion. On peut parler à la limite de perfection dans la forme. Mais dans "beau" on peut mettre tout et n'importe quoi.
C'est sans doute parce que tu es (sans doute inconsciemment et comme beaucoup, à commencer par moi pendant vingt ans) pétrie de relativisme.
Plus sérieusement, la question du Beau est un enjeu très important de l'Art, bien au-delà de ce que l'on pourrait soupçonner, et ses règles, comme l'avaient compris les Grecs mais pas seulement eux, sont bien plus mathématiques et intelligibles que l'on n'oserait le croire. La perception instinctive du Beau est plus naturelle, mécanique et orientée par l'artiste (même inconsciemment, c'est ce qui est précisément génial dans cette problématique) qu'on ne voudrait l'admettre (surtout dans notre ère de subjectivité débridée). La difficulté réside dans le fait que si tout le monde, pour peu qu'il y ait été habitué et éduqué, a la faculté de percevoir et reconnaître le Beau, il n'en va en revanche absolument pas de même pour ce qui est de créer le Beau, de le donner à voir. Je sais que cet angle d'approche semble étrange et particulièrement dérangeant à une époque où le relativisme prétend justement interdire pareille approche mais :
1) Cela ne date pas d'hier et l'utilisation, à des degrés divers de conscience, de Phi depuis la Préhistoire (et oui!) en est une preuve, de même que plus tard Kant l'a bien senti et tenté de l'expliquer.
2) La sémiotique/sémiologie, même si elle porte en elle le risque d'un assèchement du processus d'émerveillement, est une approche intéressante qui tente de comprendre les règles qui régissent la création. On pourra cependant critiquer l'utilisation parfois trop technique et aride qui en est faite (utilisation induite par son objet même).
3) Les neurosciences s'attachent depuis vingt ans (mais surtout depuis la dernière décennie) à analyser le fonctionnement du cerveau dans le processus de réception du Beau dans tous les domaines de l'Art et les conclusions sur les activations de zones (complémentaires ou pas) sont assez intrigantes...
Je n'entends pas ici dire que tout n'est que codification et mécanisation du Beau dans l'Art (nous ne sommes pas des machines) mais que les réflexes naturels et mathématiques qui nous font créer, sentir et percevoir le Beau nous dépassent bien plus que nous ne l'imaginons et que, par conséquent le relativisme s'est, là aussi, fourré le doigt dans l'oeil en prétendant que seule la subjectivité compte : elle a certes sa part (qui pourrait le nier?) mais elle n'est pas tout (loin de là). Mais après, il y a des beautés parfaites mais froides et des disharmonies captivantes : et c'est précisément là que tout se complique car ces mêmes disharmonies ne sont peut-être qu'apparentes...
- AbraxasDoyen
Pour Lilith…
Le plus beau vers de la langue française
« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »
Voici, mes zinfints
Sans en avoir l’air
Le plus beau vers
De la langue française.
Ai, eu, ai, in
Le geai gélatineux geignait dans le jasmin…
Le poite aurait pu dire
Tout à son aise :
« Le geai volumineux picorait des pois fins »
Eh bien ! non, mes zinfints.
Le poite qui a du génie
Jusque dans son délire
D’une main moite
A écrit :
« C’était l’heure divine où, sous le ciel gamin,
LE GEAI GÉLATINEUX GEIGNAIT DANS LE JASMIN. »
Gé, gé, gé, les gé expirent dans le ji.
Là, le geai est agi
Par le génie du poite
Du poite qui s’identifie
À l’oiseau sorti de son nid
Sorti de sa ouate.
Quel galop !
Quel train dans le soupir !
Quel élan souterrain !
Quand vous serez grinds
Mes zinfints
Et que vous aurez une petite amie anglaise
Vous pourrez murmurer
À son oreille dénaturée
Ce vers, le plus beau de la langue française
Et qui vient tout droit du gallo-romain :
« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »
admirez comme
voyelles et consonnes sont étroitement liées
les zunes zappuyant les zuns de leurs zailes.
Admirez aussi, mes zinfints,
Ces gé à vif
Ces gé sans fin
Tous ces gé zingénus qui sonnent comme un glas :
Le geai géla… « Blaise ! Trois heures de retenue.
Motif :
Tape le rythme avec son soulier froid
Sur la tête nue de son voisin.
Me copierez cent fois :
Le geai gélatineux geignait dans le jasmin. »
René de Obaldia
extrait du recueil « Innocentines »
Le plus beau vers de la langue française
« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »
Voici, mes zinfints
Sans en avoir l’air
Le plus beau vers
De la langue française.
Ai, eu, ai, in
Le geai gélatineux geignait dans le jasmin…
Le poite aurait pu dire
Tout à son aise :
« Le geai volumineux picorait des pois fins »
Eh bien ! non, mes zinfints.
Le poite qui a du génie
Jusque dans son délire
D’une main moite
A écrit :
« C’était l’heure divine où, sous le ciel gamin,
LE GEAI GÉLATINEUX GEIGNAIT DANS LE JASMIN. »
Gé, gé, gé, les gé expirent dans le ji.
Là, le geai est agi
Par le génie du poite
Du poite qui s’identifie
À l’oiseau sorti de son nid
Sorti de sa ouate.
Quel galop !
Quel train dans le soupir !
Quel élan souterrain !
Quand vous serez grinds
Mes zinfints
Et que vous aurez une petite amie anglaise
Vous pourrez murmurer
À son oreille dénaturée
Ce vers, le plus beau de la langue française
Et qui vient tout droit du gallo-romain :
« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »
admirez comme
voyelles et consonnes sont étroitement liées
les zunes zappuyant les zuns de leurs zailes.
Admirez aussi, mes zinfints,
Ces gé à vif
Ces gé sans fin
Tous ces gé zingénus qui sonnent comme un glas :
Le geai géla… « Blaise ! Trois heures de retenue.
Motif :
Tape le rythme avec son soulier froid
Sur la tête nue de son voisin.
Me copierez cent fois :
Le geai gélatineux geignait dans le jasmin. »
René de Obaldia
extrait du recueil « Innocentines »
- AbraxasDoyen
Et pour parler sérieusement : la beauté, en poésie (et plus largement en littérature), c'est, comme dans la vie, la réalisation / contemplation d'un bel objet — auquel la lecture, comme l'amour, fait subir un certain nombre de dégradations, d'appropriations, mais qui reste imperturbable au milieu des coups de griffe. Nous en avons tous rencontré — et notre liste, pour personnelle qu'elle soit, se recoupe toujours plus ou moins (ça, c'est l'aspect platonicien) tout en étant personnelle (ça, c'est l'aspect "relativisme"). J'ai connu de belles personnes, de beaux animaux, et de beaux textes (de tous formats : un roman peut être beau — les Liaisons, par exemple — en ce qu'il sera un objet fini en tout point ; un poème — presque tout Mallarmé — peut être beau pour la même raison, mais à une autre échelle).
Et comme l'explique Calvino, la lecture va et vient sur l'objet littéraire, le fait sien, le dérobe, le déchire — mais toujours l'objet sort indemne.
Ci-dessous le début d'un article (en fait, une conférence) fait jadis pour un séminaire de lacaniens — sur le sujet de la "trace", en littérature et en amour :
« Les vestiges de verges, grâce à la pureté de son sang, disparurent bientôt… »
La Justine de Sade, soumise, tout au long des six volumes de l’édition originale, aux supplices les plus inventifs, aux intromissions les plus outrancières, en ressort, à chaque fois, plus vierge et plus intacte. « Inaltérable », dit Lacan, qui s’amuse de « la peu croyable survie dont Sade dote les victimes des sévices et tribulations qu’il leur inflige en sa fable ». Quant à Juliette :
« Pendant six semaines, cette adroite coquine vendit mon pucelage à plus de cinquante personnes, et chaque soir se servait d’une pommade [avec laquelle] elle raccommodait avec soin ce que déchirait impitoyablement le matin l’intempérance de ceux auxquels son avarice me livrait… »
Cette pommade merveilleuse est l’un des plus constants artefacts sadiens. Déjà, dans la première version publiée de Justine, on usait sur l’héroïne, au sortir d’une orgie débridée, d’un baume de même farine : « Muni d’un flacon d’essence, il m’en frotte à plusieurs reprises. Les traces des atrocités de mes bourreaux s’évanouissent… »
Et comme l'explique Calvino, la lecture va et vient sur l'objet littéraire, le fait sien, le dérobe, le déchire — mais toujours l'objet sort indemne.
Ci-dessous le début d'un article (en fait, une conférence) fait jadis pour un séminaire de lacaniens — sur le sujet de la "trace", en littérature et en amour :
« Les vestiges de verges, grâce à la pureté de son sang, disparurent bientôt… »
La Justine de Sade, soumise, tout au long des six volumes de l’édition originale, aux supplices les plus inventifs, aux intromissions les plus outrancières, en ressort, à chaque fois, plus vierge et plus intacte. « Inaltérable », dit Lacan, qui s’amuse de « la peu croyable survie dont Sade dote les victimes des sévices et tribulations qu’il leur inflige en sa fable ». Quant à Juliette :
« Pendant six semaines, cette adroite coquine vendit mon pucelage à plus de cinquante personnes, et chaque soir se servait d’une pommade [avec laquelle] elle raccommodait avec soin ce que déchirait impitoyablement le matin l’intempérance de ceux auxquels son avarice me livrait… »
Cette pommade merveilleuse est l’un des plus constants artefacts sadiens. Déjà, dans la première version publiée de Justine, on usait sur l’héroïne, au sortir d’une orgie débridée, d’un baume de même farine : « Muni d’un flacon d’essence, il m’en frotte à plusieurs reprises. Les traces des atrocités de mes bourreaux s’évanouissent… »
- Reine MargotDemi-dieu
et d'ailleurs il me souvient d'un texte de michel onfray sur la peinture contemporaine où il disait que Duchamp par exemple ne recherchait plus le beau, et que la difficulté avec l'art contemporain c'est que justement le beau n'est plus sa priorité, il cherche plutôt le sens.
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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
La famille Bélier
- DwarfVénérable
Très belle définition (on sent la lecture et l'analyse de Sade).Abraxas a écrit:Et pour parler sérieusement : la beauté, en poésie (et plus largement en littérature), c'est, comme dans la vie, la réalisation / contemplation d'un bel objet — auquel la lecture, comme l'amour, fait subir un certain nombre de dégradations, d'appropriations, mais qui reste imperturbable au milieu des coups de griffe.
C'est précisément la complémentarité de ces deux aspects (absolu/relatif) qui rend le sujet délicat, selon qu'on bascule d'un côté ou de l'autre alors que précisément c'est l'alliance des deux qui renforce la beauté : la règle (consciemment ou non appliquée) qui la régit et l'oeil puis le sentiment qui la reçoivent en retour.Abraxas a écrit:
Nous en avons tous rencontré — et notre liste, pour personnelle qu'elle soit, se recoupe toujours plus ou moins (ça, c'est l'aspect platonicien) tout en étant personnelle (ça, c'est l'aspect "relativisme").
En quoi cette définition serait-elle alors incompatible avec la beauté selon Baudelaire? Parce qu'un idéal de marbre sous-entend la non plasticité, la fixité parfaite mais fragilisée dés lors qu'elle n'est plus intègre car sans espoir de retour? La trace y serait pour ainsi dire accidentelle et définitive, et non pas cicatricielle et sans prise définitive, comme, métaphoriquement, les exemples de Justine et Juliette dans votre citation?Abraxas a écrit:
J'ai connu de belles personnes, de beaux animaux, et de beaux textes (de tous formats : un roman peut être beau — les Liaisons, par exemple — en ce qu'il sera un objet fini en tout point ; un poème — presque tout Mallarmé — peut être beau pour la même raison, mais à une autre échelle).
Et comme l'explique Calvino, la lecture va et vient sur l'objet littéraire, le fait sien, le dérobe, le déchire — mais toujours l'objet sort indemne.
- InvitéeHrÉrudit
Je n'ai pas lu tous les post, mais je vois qu'il y est question de Lautréamont, c'est bizarre mais Les chants de Maldoror m'ont toujours paru creux, adolescente ça m'impressionnait mais plus aujourd'hui, et vous ?
- carole17Niveau 6
Ulysse de Joyce... j'y arrive pas et ça me rend triste...
et Le Pendule de Foucault, de Eco, mais là, ça ne me rend pas triste...
J'ai aussi de pénibles souvenirs de (tentatives de) lectures de Julia Kristeva, pendant mes années fac. Mais cette expérience m'a permis de mesurer à quel point je suis culturellement limitée : c'est un bon travail pour l'égo !
et Le Pendule de Foucault, de Eco, mais là, ça ne me rend pas triste...
J'ai aussi de pénibles souvenirs de (tentatives de) lectures de Julia Kristeva, pendant mes années fac. Mais cette expérience m'a permis de mesurer à quel point je suis culturellement limitée : c'est un bon travail pour l'égo !
- FofitaNiveau 3
Au risque de me faire lyncher: je n'ai jamais pu lire un Zola... J'en ai pourtant essayé plusieurs, à des âges différents... Rien à faire je n'y arrive pas!
Je garde aussi un horrible souvenir de Lorenzaccio... Allez savoir pourquoi, tout le monde aimait sauf moi... J'étais en secone.
Et finalement l'an dernier nous avions Manatthan Transfer au programme... Je ne l'ai même pas fini, et j'ai tellement détesté que je ne me rappelle même plus l'auteur...
Je garde aussi un horrible souvenir de Lorenzaccio... Allez savoir pourquoi, tout le monde aimait sauf moi... J'étais en secone.
Et finalement l'an dernier nous avions Manatthan Transfer au programme... Je ne l'ai même pas fini, et j'ai tellement détesté que je ne me rappelle même plus l'auteur...
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- User5899Demi-dieu
Très intéressant, ce post. Finalement, il y a ceux qui aiment se perdre dans le labyrinthe et ceux qui veulent lire à l'air libre La Route des Flandres sur laquelle l'auteur du post s'enrage est un de mes livres de chevet, comme la Recherche, comme la Modification et, surtout de Butor, les Degrés et l'Emploi du temps. Mais alors, cette année, je reste coi devant Tous les matins du monde que je dois faire étudier en T L. Je l'ai lu onze fois depuis décembre, chaque lecture me prend moins de 20 minutes, et je m'y ennuie, mais à un point ! Rarement autant de vide a pesé aussi lourd.
- RikkiMonarque
Cripure a écrit:Très intéressant, ce post. Finalement, il y a ceux qui aiment se perdre dans le labyrinthe et ceux qui veulent lire à l'air libre La Route des Flandres sur laquelle l'auteur du post s'enrage est un de mes livres de chevet, comme la Recherche, comme la Modification et, surtout de Butor, les Degrés et l'Emploi du temps. Mais alors, cette année, je reste coi devant Tous les matins du monde que je dois faire étudier en T L. Je l'ai lu onze fois depuis décembre, chaque lecture me prend moins de 20 minutes, et je m'y ennuie, mais à un point ! Rarement autant de vide a pesé aussi lourd.
Tiens, c'est exactement ce que dit ma fille qui est en T L ! Elle me dit qu'elle espère ne pas tomber dessus au bac, car c'est d'après elle un bouquin d'un néant abyssal.
Entre ça et De Gaulle... elle attend patiemment que ça se tire des pattes, mais vivement !
- User5899Demi-dieu
Dwarf a écrit:Nestya a écrit:Décidément, à voir le nombre de critiques négatives, le Nouveau Roman n'a vraiment pas beaucoup de succès.
Au contraire, c'est bon signe : cela montre que le bon sens est toujours la qualité la mieux partagée! :lol:
Dwarf a écrit:marquisedemerteuil a écrit:oui, je ne mettais pas Gracq dans le NR, j'évoquais la question de l'histoire. C'est le côté expérimental du NR qui me gêne en fait.
oui, d'autres avis!
Le problème du nouveau roman, c'est que l'écriture ne saurait se suffire à elle-même comme fin. Sauf sur un plan purement formel, mais cela reste expérimental et ne saurait donc, par conséquent, s'adresser à un public durable et devenir un classique. La preuve : la proportion ici-même de lecteurs avertis et éclairés qui n'y trouvent aucun intérêt.
Hé bé... Les posts ont plus de deux ans, je ne sais pas si leurs auteurs sont encore là, mais on touche au sublime Se prétendre lecteur averti et se renvendiquer du bon sens... Waouh ! J'avais jamais rencontré jusque là, j'en reste tout chose. Moi qui pensais que le bon sens, c'était ce qu'on dit quand on ne veut pas réfléchir, juste pour bien se fondre dans le moule... Et tous ces profs de lettres qui détestent l'écriture... Oui, ça fait drôle.lilith888 a écrit:Dwarf a écrit:
Le problème du nouveau roman, c'est que l'écriture ne saurait se suffire à elle-même comme fin. Sauf sur un plan purement formel, mais cela reste expérimental et ne saurait donc, par conséquent, s'adresser à un public durable et devenir un classique. La preuve : la proportion ici-même de lecteurs avertis et éclairés qui n'y trouvent aucun intérêt.
Ouah... quelle tolérance... J'en déduis donc que je ne fais pas partie de la sphère élitiste des "lecteurs avertis et éclairés"... Flute !
Tu te contredis toi même dans ton message. Oui, le NR est une expérience formelle. Et alors ? Où est le problème ? Je ne vois pas trop ce que tu veux dire. Quant au public durable et à la notion de classique... hum... comment dire, c'est le début de la fin, quoi.
Et le jour où la masse est un gage de qualité, tu me fais signe. Finalement, pas si mécontente que ça d'être hors de la sphère.
Quand je demandais des avis, je demandais des avis éclairés, des arguments, une discussion.... tout ça
- User5899Demi-dieu
Ouf ! Un peu d'air frais ! [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Abraxas a écrit:Dwarf a écrit:marquisedemerteuil a écrit:oui, je ne mettais pas Gracq dans le NR, j'évoquais la question de l'histoire. C'est le côté expérimental du NR qui me gêne en fait.
oui, d'autres avis!
Le problème du nouveau roman, c'est que l'écriture ne saurait se suffire à elle-même comme fin. Sauf sur un plan purement formel, mais cela reste expérimental et ne saurait donc, par conséquent, s'adresser à un public durable et devenir un classique. La preuve : la proportion ici-même de lecteurs avertis et éclairés qui n'y trouvent aucun intérêt.
1. Qu'appelez-vous "lecteurs avertis et éclairés" ? Des profs ? Mais nous ne valons rien en soi — nous ne valons quelque chose qu'en fonction de nos talents, de nos goûts, de nos lectures antérieures, de notre expérience, etc.
2. Franchement, j'ai un peu tendance à penser que l'intérêt de l'écriture, c'est l'écriture. Un texte ne raconte pas une histoire (mais je conçois très bien qu'on le prenne comme ça — après l'agrèg, pendant un an, je me suis désintoxiqué en ne lisant que des polars au premier degré — j'avais fini par devenir une machine à produire de l'explication de textes), mais met en scène sa fabrication. Quoi que ce soit — et c'est très aisé à démontrer. Les littératures qui prétendent dire quelque chose sont d'ailleurs soit d'une naïveté déroutante, soit d'une roublardise confondante.
3. L'intérêt du Nouveau roman (mais en fait de Flaubert, régulièrement invoqué par RG — dans Pour un nouveau roman, par exemple) tient justement à la levée de l'ambiguïté : on n'écrit pas pour être compris, ou incompris, on écrit pour soumettre de nouvelles formes — ou une nouvelle version d'une forme antérieure. Du moins tant qu'on parle de littérature. Le reste, c'est du divertissement, du commerce, de l'idéologie, tout ce que vous voulez, sauf de la littérature.
4. J'ai dit souven que je recrutais volontiers des auteurs nouveaux, pour telle ou telle maison d'édition. Mais il faut bien comprendre que cela ouvre deux pistes — et seulement deux : soit vous avez un témoignage à apporter — l'aspect "document" plus ou moins sur le vif —, soit vous avez une ambition esthétique. Ça ne se recoupe pas, d'ailleurs. On n'écrit pas pour se soulager — il y a d'excellens diarrhéiques pour ça —, on écrit parce qu'on tente de créer une œuvre d'art — et c'est justement en tentant cela qu'on transmet quelque chose, parce que dans toute forme pure le lecteur insérera d'innombrables "messages". Le Nouveau roman avait le culot de refuser l'idéologie, après deux décennies de "littérature engagée" — mais franchement prenez le meilleur de Sartre (les Mots, sans doute, ou la Nausée) et demandez-vous si son souci, en l'écrivant, fut le "message"… Idem pour Robbe-Grillet ou Sarraute — pour prendre deux auteurs aussi opposés que possible, mais qui l'un et l'autre avaient des choix esthétiques cohérents.
Qu'on aime ou non est une toute autre histoire. Ce que nous devons faire passer aux élèves, c'est l'intérêt de la forme. Parce que c'est la seule chose qui honnêtement fasse sens.
Je vais me coucher apaisé
- User5899Demi-dieu
"Je n'ai pas voulu dire, mais voulu faire, et c'est ma volonté de faire qui a voulu ce que j'ai dit"... Comment l'idée existerait-elle sans forme ? Quelle idée sans mots au préalable ?Abraxas a écrit:Je crois même que l'idée vient après — c'est la forme qui l'enfante.
- User5899Demi-dieu
Seulement en prépa ? Quand j'ai commencé à bosser en 88, les instructions pour le commentaire composé au Bac étaient celles que j'avais connues en tant qu'élève : un commentaire qui sépare fond et forme mérite un zéro pointé. C'est la négation même du texte, de l'écriture, du sens.Reine Margot a écrit:Quand j'étais en prépa, mon prof de lettres insitait tout le temps sur le fait de ne jamais dissocier fond et forme (ce qui vient avant, ou après), pour lui les deux étaient indissolublement liées, et 'jai tendance à le suivre là-dessus.
- Reine MargotDemi-dieu
en lycée aussi, bien sûr, mais mes 1ers commentaires un peu aboutis je les ai faits en prépa.
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La famille Bélier
- Nielsen Rika BellNiveau 7
Cripure a écrit:"Je n'ai pas voulu dire, mais voulu faire, et c'est ma volonté de faire qui a voulu ce que j'ai dit"... Comment l'idée existerait-elle sans forme ? Quelle idée sans mots au préalable ?Abraxas a écrit:Je crois même que l'idée vient après — c'est la forme qui l'enfante.
Dans l'écriture d'une chanson, c'est plus évident.
A propos de musique, pour répondre au sujet, pour ma part ce sont les polars qui me font l'effet du rap.
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Parlons éducation... il me vient encore quelques élèves normaux... certes!... jamais vous pouvez vous vanter d'être absolument sans normaux!... non! un de temps à autre... bon!... je les instruis... pas plus mal que les autres professeurs... pas mieux... pédagogue, je suis! oh! très pédagogue! et très scrupuleux!... jamais une séance de chic!... jamais un cours fantaisiste!... depuis trente et cinq années, jamais une pédagogie drôlette!... pas que je me tienne pas au courant!... que si! que si!... je lis à fond tous les cahiers pédagogiques, les sciences de l'éducation... deux, trois kilos par semaine!... au feu! au feu le tout! c'est pas moi qui serai inquiété pour "instruction à la légère"!...
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