- KamolNiveau 9
Bonsoir à tous!
J'attaque la poésie lyrique avec mes 4e, en leur proposant un petit Labé "Tant que mes yeux" et un Lamartine doublé d'un Desbordes-Valmore sur le même thème (l'isolement) (oui, en effet, je suis mon manuel...) et je reçois avec bienveillance cette remarque mutine: "Madame, est-ce que ça peut faire rire aussi la poésie?".
Je leur réponds que des poèmes rigolos, on en voit plutôt en 6e (sans condescendance aucune, bien entendu), et qu'au programme de 4e, le thème est le lyrisme, l'expression des sentiments, qui effectivement peuvent ne pas être toujours mélancoliques, mais le sont souvent.
BREF: je voudrais faire une groupement de deux ou trois poèmes lyriques, certes, mais joyeux. Des idées?
Dans le manuel, il y a le thème de la terre natale. Pourquoi pas? Ça change un peu des poèmes d'amour. D'autres idées?
Merci à vous!
J'attaque la poésie lyrique avec mes 4e, en leur proposant un petit Labé "Tant que mes yeux" et un Lamartine doublé d'un Desbordes-Valmore sur le même thème (l'isolement) (oui, en effet, je suis mon manuel...) et je reçois avec bienveillance cette remarque mutine: "Madame, est-ce que ça peut faire rire aussi la poésie?".
Je leur réponds que des poèmes rigolos, on en voit plutôt en 6e (sans condescendance aucune, bien entendu), et qu'au programme de 4e, le thème est le lyrisme, l'expression des sentiments, qui effectivement peuvent ne pas être toujours mélancoliques, mais le sont souvent.
BREF: je voudrais faire une groupement de deux ou trois poèmes lyriques, certes, mais joyeux. Des idées?
Dans le manuel, il y a le thème de la terre natale. Pourquoi pas? Ça change un peu des poèmes d'amour. D'autres idées?
Merci à vous!
- User5899Demi-dieu
Souvent, les gens joyeux n'écrivent pas, ils vivent
- OsmieSage
Pourquoi pas Un matin, d'Emile Verhaeren ? Il est beau ce poème, il sent la vie !
Dès le matin, par mes grand-routes coutumières
Qui traversent champs et vergers,
Je suis parti clair et léger,
Le corps enveloppé de vent et de lumière.
Je vais, je ne sais où. Je vais, je suis heureux ;
C’est fête et joie en ma poitrine ;
Que m’importent droits et doctrines,
Le caillou sonne et luit, sous mes talons poudreux ;
Je marche avec l’orgueil d’aimer l’air et la terre,
D’être immense et d’être fou
Et de mêler le monde et tout
À cet enivrement de vie élémentaire.
Ô les pas voyageurs et clairs des anciens dieux !
Je m’enfouis dans l’herbe sombre
Où les chênes versent leurs ombres
Et je baise les fleurs sur leurs bouches de feu.
Les bras fluides et doux des rivières m’accueillent ;
Je me repose et je repars,
Avec mon guide : le hasard,
Par des sentiers sous bois dont je mâche les feuilles.
Il me semble jusqu’à ce jour n’avoir vécu
Que pour mourir et non pour vivre :
Oh quels tombeaux creusent les livres
Et que de fronts armés y descendent vaincus !
Dites, est-il vrai qu’hier il existât des choses,
Et que des yeux quotidiens
Aient regardé, avant les miens,
Se pavoiser les fruits et s’exalter les roses.
Pour la première fois, je vois les vents vermeils
Briller dans la mer des branchages,
Mon âme humaine n’a point d’âge ;
Tout est jeune, tout est nouveau, sous le soleil.
J’aime mes yeux, mes bras, mes mains, ma chair, mon torse
Et mes cheveux amples et blonds,
Et je voudrais, par mes poumons,
Boire l’espace entier pour en gonfler ma force.
Oh ces marches à travers bois, plaines, fossés,
Où l’être chante et pleure et crie
Et se dépense avec furie
Et s’enivre de soi ainsi qu’un insensé !
Dès le matin, par mes grand-routes coutumières
Qui traversent champs et vergers,
Je suis parti clair et léger,
Le corps enveloppé de vent et de lumière.
Je vais, je ne sais où. Je vais, je suis heureux ;
C’est fête et joie en ma poitrine ;
Que m’importent droits et doctrines,
Le caillou sonne et luit, sous mes talons poudreux ;
Je marche avec l’orgueil d’aimer l’air et la terre,
D’être immense et d’être fou
Et de mêler le monde et tout
À cet enivrement de vie élémentaire.
Ô les pas voyageurs et clairs des anciens dieux !
Je m’enfouis dans l’herbe sombre
Où les chênes versent leurs ombres
Et je baise les fleurs sur leurs bouches de feu.
Les bras fluides et doux des rivières m’accueillent ;
Je me repose et je repars,
Avec mon guide : le hasard,
Par des sentiers sous bois dont je mâche les feuilles.
Il me semble jusqu’à ce jour n’avoir vécu
Que pour mourir et non pour vivre :
Oh quels tombeaux creusent les livres
Et que de fronts armés y descendent vaincus !
Dites, est-il vrai qu’hier il existât des choses,
Et que des yeux quotidiens
Aient regardé, avant les miens,
Se pavoiser les fruits et s’exalter les roses.
Pour la première fois, je vois les vents vermeils
Briller dans la mer des branchages,
Mon âme humaine n’a point d’âge ;
Tout est jeune, tout est nouveau, sous le soleil.
J’aime mes yeux, mes bras, mes mains, ma chair, mon torse
Et mes cheveux amples et blonds,
Et je voudrais, par mes poumons,
Boire l’espace entier pour en gonfler ma force.
Oh ces marches à travers bois, plaines, fossés,
Où l’être chante et pleure et crie
Et se dépense avec furie
Et s’enivre de soi ainsi qu’un insensé !
- yphrogEsprit éclairé
http://en.wikipedia.org/wiki/Troubadour
-just some ideas from left field
- KamolNiveau 9
Merci, très beau poème, en effet, et je pourrais faire "Ma bohême" (un classique!) en parallèle, par exemple.
Cripure: c'est bien vrai, n'empêche (tiens, je les ferai cogiter un peu là-dessus!)
Cripure: c'est bien vrai, n'empêche (tiens, je les ferai cogiter un peu là-dessus!)
- User5899Demi-dieu
Bé oui, c'était un peu l'idéeKamol a écrit:Merci, très beau poème, en effet, et je pourrais faire "Ma bohême" (un classique!) en parallèle, par exemple.
Cripure: c'est bien vrai, n'empêche (tiens, je les ferai cogiter un peu là-dessus!)
Sinon, il y a le Dormeur du Val inachevé
- KamolNiveau 9
Les Beatles? Ils comprendront aussi bien qu'un sonnet de Louise Labé, remarque!
- KamolNiveau 9
LOLCripure a écrit:
Sinon, il y a le Dormeur du Val inachevé
- CelebornEsprit sacré
Toujours chez Rimbaud, on peut aller chercher Roman.
_________________
"On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça !" (Lewis Carroll)
Mon Blog
- yphrogEsprit éclairé
:lol: ma première idée après avoir lu la page de poésie lyrique chez en.wiki, c'était M. Tagore, deux hymnes nationaux (Inde, Bangladesh) ...Kamol a écrit:Les Beatles? Ils comprendront aussi bien qu'un sonnet de Louise Labé, remarque!
http://en.wikipedia.org/wiki/Rabindranath_Tagore
- User5899Demi-dieu
Je pensais même à "Larme", qui est un très beau texte, mais qui est peut-être un peu trop masturbatoire ?Celeborn a écrit:Toujours chez Rimbaud, on peut aller cherche Roman.
Je ne connaissais que Pie Tagorexphrog a écrit:ma première idée après avoir lu la page de poésie lyrique chez en.wiki, c'était M. Tagore, deux hymnes nationaux (Inde, Bangladesh) ...
- Spoiler:
- Je suis déjà très loin
- Singing in The RainHabitué du forum
Jette un oeil au site Poética : http://www.poetica.fr/
Ensuite, tu trouves un classement de poèmes célèbres par thèmes : beauté, bonheur, carpe diem...
Ensuite, tu trouves un classement de poèmes célèbres par thèmes : beauté, bonheur, carpe diem...
- KikiHabitué du forum
Rêvé pour l'hiver de Rimbaud : c'est une belle invitation à l'amour.
- KamolNiveau 9
Merci pour toutes ces belles suggestions, déjà!
- illiziaEsprit éclairé
Les Contemplations XXI
Elle était déchaussée, elle était décoiffée,
Assise, les pieds nus, parmi les joncs penchants ;
Moi qui passais par là, je crus voir une fée,
Et je lui dis : Veux-tu t’en venir dans les champs ?
Elle me regarda de ce regard suprême
Qui reste à la beauté quand nous en triomphons,
Et je lui dis : Veux-tu, c’est le mois où l’on aime,
Veux-tu nous en aller sous les arbres profonds ?
Elle essuya ses pieds à l’herbe de la rive ;
Elle me regarda pour la seconde fois,
Et la belle folâtre alors devint pensive.
Oh ! comme les oiseaux chantaient au fond des bois !
Comme l’eau caressait doucement le rivage !
Je vis venir à moi, dans les grands roseaux verts,
La belle fille heureuse, effarée et sauvage,
Ses cheveux dans ses yeux, et riant au travers.
Elle était déchaussée, elle était décoiffée,
Assise, les pieds nus, parmi les joncs penchants ;
Moi qui passais par là, je crus voir une fée,
Et je lui dis : Veux-tu t’en venir dans les champs ?
Elle me regarda de ce regard suprême
Qui reste à la beauté quand nous en triomphons,
Et je lui dis : Veux-tu, c’est le mois où l’on aime,
Veux-tu nous en aller sous les arbres profonds ?
Elle essuya ses pieds à l’herbe de la rive ;
Elle me regarda pour la seconde fois,
Et la belle folâtre alors devint pensive.
Oh ! comme les oiseaux chantaient au fond des bois !
Comme l’eau caressait doucement le rivage !
Je vis venir à moi, dans les grands roseaux verts,
La belle fille heureuse, effarée et sauvage,
Ses cheveux dans ses yeux, et riant au travers.
- retraitéeDoyen
Les Contemplations (1856) est le recueil poétique le plus important de Victor HUGO. Il se compose de deux tomes : Autrefois (1830-1843) et Aujourd’hui (1843-1855). Le premier tome comprend trois livres (Aurore - L’âme en fleur - Les luttes et les rêves), le deuxième trois aussi (Pauca meae - En marche - Au bord de l’infini).
Entre ces deux parties, une date : 4 septembre 1843, date de la mort de Léopoldine.
Le poème qui suit est antidaté. En réalité, Hugo l’a écrit en 1855.
VIEILLE CHANSON DU JEUNE TEMPS
Je ne songeais pas à Rose ;
Rose au bois vint avec moi ;
Nous parlions de quelque chose,
Mais je ne sais plus de quoi.
J’étais froid comme les marbres ;
Je marchais à pas distraits ;
Je parlais des fleurs, des arbres ;
Son œil semblait dire : « Après ? »
La rosée offrait ses perles,
Le taillis ses parasols ;
J’allais ; j’écoutais les merles,
Et Rose les rossignols.
Moi, seize ans, et l’air morose.
Elle vingt ; ses yeux brillaient.
Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient.
Rose, droite sur ses hanches,
Leva son beau bras tremblant
Pour prendre une mûre aux branches ;
Je ne vis pas son bras blanc.
Une eau courait, fraîche et creuse,
Sur les mousses de velours ;
Et la nature amoureuse
Dormait dans les grands bois sourds.
Rose défit sa chaussure,
Et mit, d’un air ingénu,
Son petit pied dans l’eau pure ;
Je ne vis pas son pied nu.
Je ne savais que lui dire ;
Je la suivais dans le bois,
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois.
Je ne vis qu’elle était belle
Qu’en sortant des grands bois sourds.
« Soit ; n’y pensons plus ! » dit-elle.
Depuis, j’y pense toujours.
Paris, juin 1831.
Victor HUGO, Les Contemplations 1856
Autrefois, Aurore, XIX
Entre ces deux parties, une date : 4 septembre 1843, date de la mort de Léopoldine.
Le poème qui suit est antidaté. En réalité, Hugo l’a écrit en 1855.
VIEILLE CHANSON DU JEUNE TEMPS
Je ne songeais pas à Rose ;
Rose au bois vint avec moi ;
Nous parlions de quelque chose,
Mais je ne sais plus de quoi.
J’étais froid comme les marbres ;
Je marchais à pas distraits ;
Je parlais des fleurs, des arbres ;
Son œil semblait dire : « Après ? »
La rosée offrait ses perles,
Le taillis ses parasols ;
J’allais ; j’écoutais les merles,
Et Rose les rossignols.
Moi, seize ans, et l’air morose.
Elle vingt ; ses yeux brillaient.
Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient.
Rose, droite sur ses hanches,
Leva son beau bras tremblant
Pour prendre une mûre aux branches ;
Je ne vis pas son bras blanc.
Une eau courait, fraîche et creuse,
Sur les mousses de velours ;
Et la nature amoureuse
Dormait dans les grands bois sourds.
Rose défit sa chaussure,
Et mit, d’un air ingénu,
Son petit pied dans l’eau pure ;
Je ne vis pas son pied nu.
Je ne savais que lui dire ;
Je la suivais dans le bois,
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois.
Je ne vis qu’elle était belle
Qu’en sortant des grands bois sourds.
« Soit ; n’y pensons plus ! » dit-elle.
Depuis, j’y pense toujours.
Paris, juin 1831.
Victor HUGO, Les Contemplations 1856
Autrefois, Aurore, XIX
- retraitéeDoyen
Verlaine
Le soleil du matin doucement chauffe et dore
Les seigles et les blés tout humides encore,
Et l’azur a gardé sa fraîcheur de la nuit,
L’on sort sans autre but que de sortir ; on suit,
Le long de la rivière aux vagues herbes jaunes,
Un chemin de gazon que bordent de vieux aunes.
L’air est vif. Par moment un oiseau vole avec
Quelque fruit de la haie ou quelque paille au bec,
Et son reflet dans l’eau survit à son passage.
C’est tout
Mais le songeur aime ce paysage
Dont la claire douceur a soudain caressé
Son rêve de bonheur adorable, et bercé
Le souvenir charmant de cette jeune fille,
Blanche apparition qui chante et qui scintille,
Dont rêve le poète et que l’homme chérit,
Évoquant en ses vœux dont peut-être on sourit
La Compagne qu’enfin il a trouvée, et l’âme
Que son âme depuis toujours pleure et réclame.
LA BONNE CHANSON, I.
- retraitéeDoyen
Louis ARAGON
LES YEUX ET LA MÉMOIRE (1953)
À l’auteur du Cheval roux
QUE LA VIE EN VAUT LA PEINE
C’est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit
Ces moments de bonheur ces midis d’incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes
Rien n’est si précieux peut-être qu’on le croit
D’autres viennent Ils ont le cœur que j’ai moi-même
Ils savent toucher l’herbe et dire je vous aime
Et rêver dans le soir où s’éteignent des voix
D’autres qui referont comme moi le voyage
D’autres qui souriront d’un enfant rencontré
Qui se retourneront pour leur nom murmuré
D’autres qui lèveront les yeux vers les nuages
Il y aura toujours un couple frémissant
Pour qui ce matin-là sera l’aube première
Il y aura toujours l’eau le vent la lumière
Rien ne passe après tout si ce n’est le passant
C’est une chose au fond que je ne puis comprendre
Cette peur de mourir que les gens ont en eux
Comme si ce n’était pas assez merveilleux
Que le ciel un instant nous ait paru si tendre
Oui je sais cela peut sembler court un moment
Nous sommes ainsi faits que la joie et la peine
Fuient comme un vin menteur de la coupe trop pleine
Et la mer à nos soifs n’est qu’un commencement
Mais pourtant malgré tout malgré les temps farouches
Le sac lourd à l’échine et le cœur dévasté
Cet impossible choix d’être et d’avoir été
Et la douleur qui laisse une ride à la bouche
Malgré la guerre et l’injustice et l’insomnie
Où l’on porte rongeant votre cœur ce renard
L’amertume et Dieu sait si je l’ai pour ma part
Porté comme un enfant volé toute ma vie
Malgré la méchanceté des gens et les rires
Quand on trébuche et les monstrueuses raisons
Qu’on vous oppose pour vous faire une prison
De ce qu’on aime et de ce qu’on croit un martyre
Malgré les jours maudits qui sont des puits sans fond
Malgré ces nuits sans fin à regarder la haine
Malgré les ennemis les compagnons de chaînes
Mon Dieu mon Dieu qui ne savent pas ce qu’ils font
Malgré l’âge et lorsque soudain le cœur vous flanche
L’entourage prêt à tout croire à donner tort
Indifférent à cette chose qui vous mord
Simple histoire de prendre sur vous sa revanche
La cruauté générale et les saloperies
Qu’on vous jette on ne sait trop qui faisant école
Malgré ce qu’on a pensé souffert les idées folles
Sans pouvoir soulager d’une injure ou d’un cri
Cet enfer Malgré tout cauchemars et blessures
Les séparations les deuils les camouflets
Et tout ce qu’on voulait pourtant ce qu’on voulait
De toute sa croyance imbécile à l’azur
Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle
Qu’à qui voudra m’entendre à qui je parle ici
N’ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle
LES YEUX ET LA MÉMOIRE (1953)
À l’auteur du Cheval roux
QUE LA VIE EN VAUT LA PEINE
C’est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit
Ces moments de bonheur ces midis d’incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes
Rien n’est si précieux peut-être qu’on le croit
D’autres viennent Ils ont le cœur que j’ai moi-même
Ils savent toucher l’herbe et dire je vous aime
Et rêver dans le soir où s’éteignent des voix
D’autres qui referont comme moi le voyage
D’autres qui souriront d’un enfant rencontré
Qui se retourneront pour leur nom murmuré
D’autres qui lèveront les yeux vers les nuages
Il y aura toujours un couple frémissant
Pour qui ce matin-là sera l’aube première
Il y aura toujours l’eau le vent la lumière
Rien ne passe après tout si ce n’est le passant
C’est une chose au fond que je ne puis comprendre
Cette peur de mourir que les gens ont en eux
Comme si ce n’était pas assez merveilleux
Que le ciel un instant nous ait paru si tendre
Oui je sais cela peut sembler court un moment
Nous sommes ainsi faits que la joie et la peine
Fuient comme un vin menteur de la coupe trop pleine
Et la mer à nos soifs n’est qu’un commencement
Mais pourtant malgré tout malgré les temps farouches
Le sac lourd à l’échine et le cœur dévasté
Cet impossible choix d’être et d’avoir été
Et la douleur qui laisse une ride à la bouche
Malgré la guerre et l’injustice et l’insomnie
Où l’on porte rongeant votre cœur ce renard
L’amertume et Dieu sait si je l’ai pour ma part
Porté comme un enfant volé toute ma vie
Malgré la méchanceté des gens et les rires
Quand on trébuche et les monstrueuses raisons
Qu’on vous oppose pour vous faire une prison
De ce qu’on aime et de ce qu’on croit un martyre
Malgré les jours maudits qui sont des puits sans fond
Malgré ces nuits sans fin à regarder la haine
Malgré les ennemis les compagnons de chaînes
Mon Dieu mon Dieu qui ne savent pas ce qu’ils font
Malgré l’âge et lorsque soudain le cœur vous flanche
L’entourage prêt à tout croire à donner tort
Indifférent à cette chose qui vous mord
Simple histoire de prendre sur vous sa revanche
La cruauté générale et les saloperies
Qu’on vous jette on ne sait trop qui faisant école
Malgré ce qu’on a pensé souffert les idées folles
Sans pouvoir soulager d’une injure ou d’un cri
Cet enfer Malgré tout cauchemars et blessures
Les séparations les deuils les camouflets
Et tout ce qu’on voulait pourtant ce qu’on voulait
De toute sa croyance imbécile à l’azur
Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle
Qu’à qui voudra m’entendre à qui je parle ici
N’ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle
- KamolNiveau 9
Et pourquoi pas celui-là (même s'ils sont trop jeunes pour avoir d'anciens amis! )? J'aime le dernier vers...
Confirmez-vous que les initiales du titre signifient "à mon ami Victor Hugo"?
A M. V. H.
Il faut, dans ce bas monde, aimer beaucoup de choses,
Pour savoir, après tout, ce qu’on aime le mieux,
Les bonbons, l’Océan, le jeu, l’azur des cieux,
Les femmes, les chevaux, les lauriers et les roses.
Il faut fouler aux pieds des fleurs à peine écloses ;
Il faut beaucoup pleurer, dire beaucoup d’adieux.
Puis le coeur s’aperçoit qu’il est devenu vieux,
Et l’effet qui s’en va nous découvre les causes.
De ces biens passagers que l’on goûte à demi,
Le meilleur qui nous reste est un ancien ami.
On se brouille, on se fuit. Qu’un hasard nous rassemble,
On s’approche, on sourit, la main touche la main,
Et nous nous souvenons que nous marchions ensemble,
Que l’âme est immortelle, et qu’hier c’est demain.
Alfred de Musset
Confirmez-vous que les initiales du titre signifient "à mon ami Victor Hugo"?
A M. V. H.
Il faut, dans ce bas monde, aimer beaucoup de choses,
Pour savoir, après tout, ce qu’on aime le mieux,
Les bonbons, l’Océan, le jeu, l’azur des cieux,
Les femmes, les chevaux, les lauriers et les roses.
Il faut fouler aux pieds des fleurs à peine écloses ;
Il faut beaucoup pleurer, dire beaucoup d’adieux.
Puis le coeur s’aperçoit qu’il est devenu vieux,
Et l’effet qui s’en va nous découvre les causes.
De ces biens passagers que l’on goûte à demi,
Le meilleur qui nous reste est un ancien ami.
On se brouille, on se fuit. Qu’un hasard nous rassemble,
On s’approche, on sourit, la main touche la main,
Et nous nous souvenons que nous marchions ensemble,
Que l’âme est immortelle, et qu’hier c’est demain.
Alfred de Musset
- KamolNiveau 9
Et celui-ci?
Far-niente
Quand je n’ai rien à faire, et qu’à peine un nuage
Dans les champs bleus du ciel, flocon de laine, nage,
J’aime à m’écouter vivre, et, libre de soucis,
Loin des chemins poudreux, à demeurer assis
Sur un moelleux tapis de fougère et de mousse,
Au bord des bois touffus où la chaleur s’émousse.
Là, pour tuer le temps, j’observe la fourmi
Qui, pensant au retour de l’hiver ennemi,
Pour son grenier dérobe un grain d’orge à la gerbe,
Le puceron qui grimpe et se pende au brin d’herbe,
La chenille traînant ses anneaux veloutés,
La limace baveuse aux sillons argentés,
Et le frais papillon qui de fleurs en fleurs vole.
Ensuite je regarde, amusement frivole,
La lumière brisant dans chacun de mes cils,
Palissade opposée à ses rayons subtils,
Les sept couleurs du prisme, ou le duvet qui flotte
En l’air, comme sur l’onde un vaisseau sans pilote ;
Et lorsque je suis las je me laisse endormir,
Au murmure de l’eau qu’un caillou fait gémir,
Ou j’écoute chanter près de moi la fauvette,
Et là-haut dans l’azur gazouiller l’alouette.
Théophile Gautier, Premières Poésies
Far-niente
Quand je n’ai rien à faire, et qu’à peine un nuage
Dans les champs bleus du ciel, flocon de laine, nage,
J’aime à m’écouter vivre, et, libre de soucis,
Loin des chemins poudreux, à demeurer assis
Sur un moelleux tapis de fougère et de mousse,
Au bord des bois touffus où la chaleur s’émousse.
Là, pour tuer le temps, j’observe la fourmi
Qui, pensant au retour de l’hiver ennemi,
Pour son grenier dérobe un grain d’orge à la gerbe,
Le puceron qui grimpe et se pende au brin d’herbe,
La chenille traînant ses anneaux veloutés,
La limace baveuse aux sillons argentés,
Et le frais papillon qui de fleurs en fleurs vole.
Ensuite je regarde, amusement frivole,
La lumière brisant dans chacun de mes cils,
Palissade opposée à ses rayons subtils,
Les sept couleurs du prisme, ou le duvet qui flotte
En l’air, comme sur l’onde un vaisseau sans pilote ;
Et lorsque je suis las je me laisse endormir,
Au murmure de l’eau qu’un caillou fait gémir,
Ou j’écoute chanter près de moi la fauvette,
Et là-haut dans l’azur gazouiller l’alouette.
Théophile Gautier, Premières Poésies
- KamolNiveau 9
Diriez-vous que celui est-un poème lyrique?
L’étable
Et pleine d’un bétail magnifique, l’étable,
A main gauche, près des fumiers étagés haut,
Volets fermés, dormait d’un pesant sommeil chaud,
Sous les rayons serrés d’un soleil irritable.
Dans la moite chaleur de la ferme au repos,
Dans la vapeur montant des fumantes litières,
Les boeufs dressaient le roc de leurs croupes altières
Et les vaches beuglaient très doux, les yeux mi-clos.
Midi sonnant, les gars nombreux curaient les auges
Et les comblaient de foins, de lavandes, de sauges,
Que les bêtes broyaient d’un lourd mâchonnement ;
Tandis que les doigts gourds et durcis des servantes
Étiraient longuement les mamelles pendantes
Et grappillaient les pis tendus, canaillement.
Emile Verhaeren, Les flamandes
L’étable
Et pleine d’un bétail magnifique, l’étable,
A main gauche, près des fumiers étagés haut,
Volets fermés, dormait d’un pesant sommeil chaud,
Sous les rayons serrés d’un soleil irritable.
Dans la moite chaleur de la ferme au repos,
Dans la vapeur montant des fumantes litières,
Les boeufs dressaient le roc de leurs croupes altières
Et les vaches beuglaient très doux, les yeux mi-clos.
Midi sonnant, les gars nombreux curaient les auges
Et les comblaient de foins, de lavandes, de sauges,
Que les bêtes broyaient d’un lourd mâchonnement ;
Tandis que les doigts gourds et durcis des servantes
Étiraient longuement les mamelles pendantes
Et grappillaient les pis tendus, canaillement.
Emile Verhaeren, Les flamandes
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