nouveaux programmes, jouons aux devinettes

V.Marchais a écrit:Alors je joue, j'aimerais bien gagner une retraite immédiate, moi, parce que "Emploi d'Avenir Professeur", je trouve de plus en plus que ça fait oxymore.

Ah ! Je le savais !  
Merci pour cette synthèse V.Marchais. Ca fait froid dans le dos.

V.Marchais a écrit: On nous met en situation d'échec programmé, comme les salariés de France Telecom. Et ça, je crois que les collègues des autres matières ont du mal à le concevoir.

Une collègue d'histoire me disait récemment: "en français, maintenant, vous bossez essentiellement sur des images, non?". Non. Nous bossons sur des textes, nous faisons étudier la grammaire, la conjugaison, nous faisons lire des livres que nous tentons d'expliquer, nous travaillons la rédaction, le vocabulaire... Et il nous faudrait deux fois plus de temps pour tout mener à bien.

Nita a écrit:Je crois que je vais arrêter de lire ce fil, il me déprime trop.

moi aussi...

Provence a écrit: "en français, maintenant, vous bossez essentiellement sur des images, non?"

   

A croiser avec ce qui se fait et se prépare dans les espés, et avec les maquettes des nouveaux CAPES.
Les premières promotions de professeurs formés en espé vont arriver au moment de la mise en oeuvre des nouveaux programmes. On peut voir le processus dans l'autre sens : les nouveaux programmes seront faits pour être enseignés par ces nouvelles promotions de professeurs, dans la couleur idéologique et politique qui est celle des espés et des CAPES 2014 et suivants.
Un seul élément parmi d'autres : la mention de la matière du concours n'apparaît plus au premier chef dans les master enseignement. Les étudiants sont inscrits en master MEEF mention PE, PLC, PLP, CPE. En sous-sous-sous- titre du diplôme qu'ils préparent apparaît (pour l'instant) la matière, lettres, maths, etc.
La monovalence vit ses dernières heures. Les programmes, dans cette hypothèse, seront adaptés à ce principe d'économie. Inter-disciplinarité à tout crin, blocs horaires de deux ou trois matières mixées ("humanités", "sciences-maths"), horaires disciplinaires diminués, ça ne paraîtrait pas absurde ni si irréaliste.

J'avais un mauvais pressentiment, il se confirme maintenant.

Pour moi, stricto sensu, je vais bientôt être hors-jeu, la catastrophe se fera sans moi.
Mais j'ai une flopée de petits-enfants dont la moitié n'est pas encore au collège, ce sont ceux-là qui vont subir... Ceux-là et tous les autres  

Véronique, si j'étais optimiste, je prônerais un mouvement de grève de tous les profs pour soutenir les lettres...

(Avec ma super collègue de lettres que j'aime, on fait de "l'interdisciplinaire": elle leur fait étudier Perceval et moi un livre en anglais (adapté) sur le Roi Arthur. Et ils lisent, lisent, lisent, résument en français et en anglais.) (Mais à ma collègue qui voulait faire 1h de lecture par semaine avec ses élèves, l'IPR a répondu que c'était bien trop !)

C'est dans ces moments-là qu'on se prend à rêver d'une situation où il existerait des syndicats.

Ouhla, Yorick…
Tu cherches à souffrir, ce soir?

Que l'action des syndicats ne comble pas tes attentes, c'est une chose que je peux concevoir, mais les syndicats existent. Et ils nous évitent parfois bien pire que ce qui nous tombe dessus au final.

Réaction en cascade :
1) j'ai les larmes aux yeux mais je me retiens ;
2) il faut que je sauve ma peau, je ne veux pas finir comme notre collègue qui n'a pas voulu faire une rentrée de plus ;
3) je suis égoïste mais là, tout de suite, je pense à mes enfants, qu'est-ce qu'on va pouvoir faire, est-ce qu'il faut tout de suite créer une école privée hors contrat qui permette à l'enseignant d'enseigner ?
4) non, reprends-toi, il y a aussi les enfants des autres.

Je me sentais bien, justement, depuis le milieu d'année dernière, on arrêtait d'insister si fort sur le LPC, je me disais qu'ils allaient bien finir par abandonner...

Quoi qu'il en soit et quelle que soit ma volonté de continuer au mieux et au plus long, je sais que je ne pourrai pas assumer ni supporter d'enseigner les lettres avec des horaires plus bas que les planchers d'aujourd'hui, ni de retomber dans les bricolages type IDD et groupes de projets ou je ne sais quoi. Mon unique heure d'AP me suffit pour déprimer.

Quant à la réaction possible, je suis désolée Véro, mais je n'y crois plus du tout. J'aimerais, mais je n'y crois pas. Toi comme moi et comme d'autres ici savons trop bien comment enseignent (et ce qu'enseignent, surtout) de nombreux collègues de lettres. Ma fille arrive en 4e et n'a jamais approché de près ou de loin ce qui peut ressembler à une explication de texte. Elle découvre cette année... Par contre, je crois qu'elle maîtrise à fond la valeur des temps, pas de problème.

Est-ce que les sociétés savantes ou autres peuvent peser pendant le processus d'élaboration des programmes (je sais, je rêve...) ? Les syndicats ne sont pas censés défendre une matière indépendamment des autres, c'est peut-être ce qui bloque ?

Je n'ai pas de contact particulier avec la DGESCO, les IA..., je ne suis pas dans une ESPé... alors je tombe des nues.
(il est où le smiley qui vomit?)
 

En gros, le balancier qui avait fait un léger mouvement inverse depuis 2008 repart très vite et très loin dans l'autre sens (la bouillie qu'on nous servait dans les années 2000, multipliée par une constante à déterminer, en accord avec des principes d'économie budgétaire - donc difficilement attaquable...)

J'ai eu les mêmes réactions que toi, Dalva.

Tout de suite une pensée émue pour Pierre Jacque, qui n'a pas supporté l'idée de devoir revivre la mascarade qu'était devenue sa discipline une rentrée de plus.

Et l'idée : si c'est comme ça, il faut fonder un collège hors contrat dans lequel on pourra vraiment bosser et faire progresser les élèves.
Mais ça ne concernera qu'une petite minorité de privilégiés du coup, ce n'est pas ça l'école de la République.

Je suis absolument écœurée.
L'horaire plancher devenu insidieusement horaire plafond jamais atteint, je l'ai vu achevé cette année en LC dans mon établissement, avec aucun espoir de soutien de l'IPR-LC qui, pour situer, ne voit pas le problème que des profs LM enseignent le latin au collège.

Je pense, en tout cas, que je suis malheureusement trop perfectionniste pour pouvoir supporter de continuer ce métier si ces modifications se vérifient - je n'ai pas passé le concours de prof de merdasse - désolée du terme - pseudo-pluridisciplinaire. Et comme je voudrais absolument éviter d'en arriver à la solution de Pierre Jacque, il faudra quitter le navire avant.

V.Marchais a écrit:
Chez les profs de Lettres, qui peuvent difficilement occulter complètement sous des Zactivités les difficultés en lecture et en écriture des élèves, la vision des choses est, pas toujours, mais souvent différente.

En langues, on voit les dégâts occasionnés par la perte de repères en français.
Je suis censée être dans un (très) bon lycée cette année, et les élèves confondent allègrement impératif, infinitif et participe passé, voix passive et conditionnel/subjonctif, et, plus grave encore, ne sont pas sûrs de savoir ce qu'est un COD. Malheureusement, je crois que tu as raison et que nous nous acheminons doucement (ou pas d'ailleurs) vers encore bien pire (alors qu'on avait déjà cru toucher le fond).

MelanieSLB a écrit:plus grave encore, ne sont pas sûrs de savoir ce qu'est un COD.

Si les élèves savaient ce qu'est un C.O.D. à la fin de la classe de 1re les moyennes du bac en philosophie seraient très différentes de ce qu'elles sont.

Et voilà comment, en croyant les aider à faire des phrases correctes en leur demandant de souligner les sujets et les verbes (parce que si vous n'avez qu'un mot de souligné dans la phrase, c'est qu'il manque quelque chose), on ne les aide pas du tout parce qu'ils n'identifient pas le sujet et le verbe d'une phrase...

Je ne peux envisager d'enseigner les lettres avec 3 heures par semaine, c'est indécent. Et je ne veux pas faire du trans-pluri-disciplinaire à outrance, je ne suis pas professeur de transdisciplinaire, je suis certifiée de lettres modernes.

Ça me donne envie d'aller élever des chèvres...
Et je suis désespérée de voir que ce sont les élèves qui vont en pâtir. On se dirige tout droit vers un abêtissement de la masse, déjà bien entamé.
Je n'ai pas d'enfants, mais je crois que si j'en avais, je serais très très angoissée pour leur avenir.

On va se transformer en PE, non ? Mais avec moins de matières et plus de classes.

Provence a écrit:Une collègue d'histoire me disait récemment: "en français, maintenant, vous bossez essentiellement sur des images, non?".

Et après, on critique Abraxas

Véro, ce ne sont pas des cochonneries, mais c'est en effet autre chose que je ne mélange pas à mon amour des belles lettres

V.Marchais a écrit:

Vous croyez que ce serait possible, un mouvement de grève des seuls profs de Lettres, pour faire entendre les difficultés spécifiques liés à leur matière ?

D'après ce que j'ai entendu il y a aussi des problèmes en math, physique et n'oublions pas les collègues de STI qui doivent désormais enseigner des matières pour lesquelles ils n'ont pas été formés. Alors un mouvement de grève pourrait être suivi par beaucoup de mécontents.

Oui, mais pour quoi faire ?
Je sais que ça suffit, maintenant, je radoter là-dessus, peut-être... Mais 2003 me reste vraiment en travers de la gorge. Et cette année-là, ce n'est pas pour les retraites que je grévais et manifestais !

PauvreYorick a écrit:

MelanieSLB a écrit:plus grave encore, ne sont pas sûrs de savoir ce qu'est un COD.

Si les élèves savaient ce qu'est un C.O.D. à la fin de la classe de 1re les moyennes du bac en philosophie seraient très différentes de ce qu'elles sont.

J'avais entamé un petit récapitulatif sur la valeur des temps en début d'année avec les secondes. C'était juste avant que je ne m'aperçusse qu'ils n'en maîtrisaient pas la formation. Du coup, après un cours sur la morphologie du passé simple en demi-groupe la semaine dernière, je compte faire bouffer à mes secondes de longues heures d'analyse logique jusqu'à décembre. On va tout réviser. Aux grands maux les grands remèdes  
Sinon, rapide sondage en classe entière cette semaine : "que faisiez-vous en grammaire au collège? -On n'en faisait pas m'dame, on faisait que des textes!" Voilà voilà. Je suis sûre qu'ils ont commenté moult images aussi  

Oui, enfin, quand je demande à mes élèves s'ils ont traité tel point de grammaire l'an passé, ils osent me répondre que non... alors qu'ils étaient en cours avec moi !

J'ai vu, en assistant aux cours de ma stagiaire, que les élèves de 4è que j'avais l'an dernier en 5è semblaient découvrir la voix passive et la conjugaison du passé simple… je vous assure que ce n'était en théorie pas une nouveauté pour eux.

Dalilah a écrit:

PauvreYorick a écrit:

MelanieSLB a écrit:plus grave encore, ne sont pas sûrs de savoir ce qu'est un COD.

Si les élèves savaient ce qu'est un C.O.D. à la fin de la classe de 1re les moyennes du bac en philosophie seraient très différentes de ce qu'elles sont.

J'avais entamé un petit récapitulatif sur la valeur des temps en début d'année avec les secondes. C'était juste avant que je ne m'aperçusse qu'ils n'en maîtrisaient pas la formation. Du coup, après un cours sur la morphologie du passé simple en demi-groupe la semaine dernière, je compte faire bouffer à mes secondes de longues heures d'analyse logique jusqu'à décembre. On va tout réviser. Aux grands maux les grands remèdes  
Sinon, rapide sondage en classe entière cette semaine : "que faisiez-vous en grammaire au collège? -On n'en faisait pas m'dame, on faisait que des textes!" Voilà voilà. Je suis sûre qu'ils ont commenté moult images aussi  

J'ai redonné en seconde la définition de nature, de fonction, j'ai refait un cours sur la phrase simple, la phrase complexe, ai revu rapidement les différents types de subordonnées et survolé les liaisons entre propositions... Bon, dans un sens, j'aime ça enseigner la grammaire, donc quelque part, ça me fait plaisir, mais ce n'est pas le programme de seconde...  
Tiens, du coup, j'ai trouvé ce que je fais demain en groupe : je vais ressortir mes polys d'AI d'il y a 4 ans, on va bosser un peu la langue.